Discours de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la situation économique et sociale de l'Afrique, sa part dans le commerce mondial et l'aide de la France , Paris, le 6 décembre 2000.

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Circonstance : Ouverture du séminaire du Centre français pour le commerce extérieur (CFCE) sur l'Afrique subsaharienne "Dépasser la crise", à Paris, le 6 décembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs
Vous voilà réunis pour le Séminaire annuel que le CFCE organise à votre intention. C'est avec plaisir que j'ai accepté de participer à cette session, car je connais le travail que vous accomplissez sur le terrain et le rôle que vous jouez dans les relations économiques entre notre pays et le continent africain.
Permettez-moi, tout d'abord, de féliciter les organisateurs, en particulier Jean-Daniel Gardère et Agnès Gaborit, et de les remercier de m'avoir associé à cette rencontre consacrée à l'Afrique sub-saharienne, une région qui ne saurait laisser indifférent malgré ses difficultés récurrentes.
Si nous comparons la situation du continent africain par rapport aux autres régions du monde, le constat s'impose du "retard de l'Afrique". Certes, il existe des progrès que tous les observateurs, - y compris vous-mêmes qui bénéficiez d'une perception directe de ces évolutions -, peuvent constater ici et là au plan politique (émergence de processus de démocratisation), au niveau économique (ouverture commerciale, abolition de certains monopoles de l'Etat) ou encore en thèmes sociaux.
Mais, le diagnostic général reste préoccupant :
- fragilisation des économies et endettement structurel de nombreux Etats,
- insuffisance de l'épargne et de l'investissement,
- paupérisation généralisée des populations (de 546 dollars en 1970, le PIB moyen par habitant est passé à 525 dollars en 1997) sur un fond de croissance démographique non maîtrisée,
- faible capacité des pouvoirs publics à concevoir et à mettre en oeuvre des politiques adaptées,
- stagnation voire régression des expériences de démocratisation dans de nombreux pays et toujours, hélas, développement des conflits armés et de l'instabilité, etc...
Comme vous le savez, les caractéristiques de l'Afrique expliquent en partie les moindres performances du continent. Certaines d'entre elles échappent au contrôle des pouvoirs publics (nature des sols, enclavement, fragmentation ethnique etc.). D'autres peuvent être corrigées sur le long terme par la mise en oeuvre de politiques volontaristes destinées à améliorer le développement humain (santé, éducation), à renforcer les infrastructures collectives et à rendre les économies moins vulnérables aux fluctuations des termes de l'échange.
Quoi qu'il en soit, la France a de bonnes raisons de soutenir ce continent. Il y a tout d'abord un impératif moral de solidarité en direction des pays les plus pauvres auxquels appartiennent nombre de pays africains, dont certains sont liés à la France par une communauté de langue et de culture fondée sur l'histoire. Il y va aussi de notre intérêt.
La proximité géographique du continent africain avec l'Europe (et tout particulièrement avec la France) nous rend sensible aux grands problèmes transfrontaliers : la dégradation de l'environnement, la criminalité et les trafics en tous genres, sans oublier les grandes pandémies comme le SIDA.
L'analyse prospective montre que ce continent demeure un enjeu géopolitique de premier ordre représentant dans moins de vingt ans, un milliard d'habitants, urbains dans leur majorité. Il pourrait devenir la source de fortes pressions migratoires externes qui intéresseront en premier lieu la France et, sans doute dans une moindre mesure, le reste de l'Europe.
Par ailleurs, selon cette même analyse, et malgré sa marginalisation actuelle, l'Afrique se situera incontestablement, sur le plan économique, dans la sphère d'influence naturelle de l'Europe, si l'on retient l'hypothèse d'une fragmentation de l'économie mondiale en trois ou quatre blocs. Le développement économique du continent représentera dans ce cas un enjeu majeur en raison de ses richesses minières et pétrolières et de son potentiel commercial.
Certes, la part du continent africain dans le commerce mondial des marchandises a décliné depuis deux décennies. Le phénomène, conjugué à la faible part de l'Afrique dans les flux d'investissements directs étrangers, alimente chez certains le discours de la marginalisation progressive du continent.
Cela ne signifie pas que, vu d'Afrique, les échanges extérieurs soient marginaux. Les exportations africaines représentent un montant annuel de 720 Milliards de francs et les investissements privés en direction de ce continent s'élèvent, malgré tout, à 35 Milliards de francs.
Les pays africains sont plus impliqués qu'on ne le croit dans le commerce international : leur degré d'ouverture, mesuré par la part des échanges dans le PIB, s'établissait en 1996 à 25 % en moyenne. Dans 15 pays, sur les 41 membres africains de l'OMC, ce ratio était supérieur à
35 %.
L'implication de l'Afrique dans l'économie mondiale est donc une réalité. Quant à nous, nous ne saurions nous désintéresser de ces marchés.
Comme vous le savez, sur bon nombre de matières premières et de produits de base, l'Afrique arrive en bonne place sur le marché mondial. C'est bien connu, par exemple, pour le cacao, l'arachide et le cobalt. Je rappellerai, en outre, que dans l'exploitation des ressources du sous-sol, elle occupe une grande place dans l'échiquier productif au niveau de la planète. C'est ainsi qu'une douzaine de pays africains ont contribué pour près de 11 % à la production mondiale de pétrole et que ce continent réalise 13,5 % des échanges mondiaux de minerais et de minéraux.
L'Afrique abrite aussi des industries manufacturières naissantes, comme le textile et la confection, pour lesquels un plus grand accès aux marchés occidentaux doit être recherché.
Les avantages de l'ouverture commerciale et d'une libéralisation maîtrisée des échanges extérieurs ne sont plus à démontrer. La France se réjouit de constater que dans la plupart des pays africains des progrès notables sont accomplis, souvent avec notre concours, pour abaisser les droits de douane, démanteler les barrières non tarifaires et libérer le secteur privé d'une réglementation excessive. Ces efforts devraient contribuer à la relance des investissements privés.
Pour sa part, le gouvernement déploie des efforts considérables en matière d'aide au développement de ce continent.
La stratégie française d'aide au développement repose sur des axes d'intervention prioritaires et vise à lutter contre la pauvreté par un développement équilibré de l'économie, de la société et des institutions publiques. Ces axes forment une politique cohérente, modulable et adaptable en fonction de la diversité des pays bénéficiaires et des intérêts français qui s'y attachent :
- la satisfaction des besoins de base des populations. Il s'agit ici de concourir à la réduction de la pauvreté des populations et à la gestion rationnelle des ressources naturelles.
La gestion durable des ressources naturelles constitue un enjeu vital pour l'avenir du continent africain et, pour cette raison, une attention particulière est portée à une série de domaines. J'en citerai quelques exemples :
- la surveillance des pêches,
- l'exploitation des forêts tropicales humides,
- la gestion des ressources en eau, du Sahel,
- la préservation de la faune et de la flore,
- la maîtrise de l'urbanisation, la décentralisation et le développement local. C'est d'ailleurs un domaine qui mobilise les capacités financières des collectivités locales françaises et s'appuie sur le recours au Fonds social de Développement.
Notre effort d'aide au développement est concentré surs un nombre limité de pays. Notre "Zone de Solidarité Prioritaire" (la ZSP) rassemble pour l'essentiel des Etats peu développés en termes de revenus et qui n'ont pas accès aux marchés de capitaux. La majorité d'entre eux appartiennent à l'Afrique subsaharienne (41 sur 61).
L'aide de la France dans la ZSP est mise en oeuvre selon cinq principes : adaptation et partenariat, logique de projet, spécialisation des instruments (Agence française de Développement, Fonds de Solidarité prioritaire et coopération technique), cohérence régionale, complémentarité avec les instruments multilatéraux.
Une attention particulière est portée à la participation des représentants de la société civile, à la promotion de l'expertise nationale, à l'élargissement et au renforcement de la coordination avec les autres bailleurs de fonds (Union européenne mais également la Banque mondiale et le Fonds monétaire international qui conduisent des programmes spécifiques de lutte contre la pauvreté et d'appui à la croissance).
Voilà, dans ses grandes lignes, la doctrine de mise en oeuvre de notre aide au développement en faveur de l'Afrique subsaharienne.
Quant aux chiffres, ils parlent d'eux-mêmes : Sur les quatre dernières années, 43 % de l'aide bilatérale française est allée aux pays d'Afrique subsaharienne.
La France peut ainsi s'enorgueillir de demeurer le pays le plus généreux du G7 en matière d'aide publique au développement. Avec un ratio APD/PNB de 0,39 % en 1999, elle se place devant le Japon (0,35%), le Canada, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie (dont les taux d'effort s'étagent entre 0,15 % et 0,27 %) et les Etats-Unis (0,10 %).
Je ne saurais terminer mon intervention sans évoquer l'initiative d'annulation de la dette dans laquelle notre pays s'est, comme vous le savez, fortement impliqué. Elle permettra de dégager des marges de manuvre importantes avec des effets particulièrement significatifs sur le développement économique des pays concernés.
Pour la France, l'annulation additionnelle de ses créances représentera un effort de près de 42 milliards de francs. Au total, elle aura ainsi annulé au cours des quinze dernières années plus de 120 milliards de francs en faveur des pays lourdement endettés.
En conclusion, je souhaite que vos travaux soient fructueux et qu'ils constituent un encouragement pour les entreprises françaises qui souhaitent uvrer en Afrique. Comptez sur le gouvernement pour joindre ses efforts aux leurs en faveur d'un développement durable, et créateur de richesses, pourvoyeur d'emplois et facteur de stabilité sociale.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 décembre 2000)