Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur l'Europe de la culture, notamment la préservation des identités culturelles, l'exemple de la compagnie Transe Express, Paris le 5 décembre 2000.

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Circonstance : Présentation du spectacle les "2000 coups de minuit" à Paris le 5 décembre 2000

Texte intégral

Bienvenue à tous, je suis très heureuse d'accueillir cette cohorte au ministère de la culture en tout avant première des premiers des premiers des 2000 coups de minuit qui retentiront dans la nuit du 31 décembre prochain, au cur de Paris, tout autour du centre Pompidou.
Ces roulements de tambours marqueront à la fois la fin des célébrations de l'an 2000 et le passage du siècle et du millénaire. Ils le feront à Beaubourg, sur le parvis et sur les structures du centre Pompidou pour clore l'année de réouverture de ce centre une réouverture, monsieur le Président, dont on peut dire qu'elle a été plébiscitée par le public.
Alors, avant de laisser Gilles Rhode, le concepteur de ce projet, vous en révéler les contours et les mystères, je voudrais, rapidement, vous préciser les raisons qui m'ont conduite à le choisir lui et sa belle troupe pour célébrer de façon festive ce moment symbolique.
La première raison, c'est bien sûr, c'est la très grande qualité artistique du spectacle qui nous était proposé.
Je pense que la plupart d'entre vous connaissent déjà le travail de Gilles Rhode et de Brigitte Burdin qui animent ensemble la compagnie Transe Express.
C'est en 1982 que leur aventure a commencé et c'est en 1992, avec Mobile Homme, que la cérémonie d'ouverture des jeux olympiques d'Albertville leur a apporté une notoriété internationale bien méritée.
Il y a bientôt un an sur les Champs Elysées ce sont eux qui ont conçu et animé l'une des roues les plus captivantes de cette performance qui a marqué le passage à l'an 2000 sur la plus belle avenue du monde et entre temps, bien sûr, et bien ils ont su faire vivre d'autres grands moments de fête puisqu'ils ont accompagné l'inauguration du tunnel sous la Manche en 1997, les fêtes commandées par Weimar ou Stockholm pour marquer leur rang de capitales européennes de la culture.
Gilles Rhode, vous le savez, est à la fois plasticien, comédien, percussionniste. Brigitte est danseuse et chorégraphe et en fait toutes leurs créations sont marquées de ces disciplines diverses et qu'ils métissent avec beaucoup de bonheur. Ils apportent le rythme, tambours et carillons, c'est leur musique mais aussi la couleur, l'invention des formes sur le plan visuel. et la progression dramatique c'est leur façon de raconter des histoires sans parole.
Les spectacles de Gilles Rhode et Brigitte Burdin marquent beaucoup les esprits. Je suis donc persuadée que les 2000 coups de minuit seront frappés au plus haut niveau et en parfaite harmonie avec l'exceptionnelle architecture qui leur servira de cadre, que je trouve assez amusant, d'ailleurs que cette architecture jugée très avant-gardiste et même provocatrice lors de la construction du centre Pompidou, viennent à la rencontre d'une des plus vieilles expressions artistiques du monde, le théâtre de rue avec sa flamboyance, ses musiques, ses instruments. Ce qui m'a aussi amenée à choisir leur proposition, leur spectacle pour cette circonstance c'est que ces 2000 coups de minuit, nous avons voulu qu'ils soient frappés en plein air et en plein air le 31 décembre, bien sûr, c'est un peu audacieux mais je crois aussi et le 31 décembre passé l'a prouvé qu'il y a comme ça une envie d'être ensemble, et d'être ensemble dans la rue à l'occasion de ces grandes fêtes du passage de siècle et le spectacle en plein air ce n'est pas donné à tout le monde de le réaliser et de le faire bien vivre.
Ce sera aussi l'aboutissement et c'est de cela dont je veux parler, parce que ça n'est pas toujours présent dans tous les spectacles de rue, d'un ambitieux projet culturel et qui me paraît vraiment bien répondre au moment que nous allons vivre et partager avec je l'espère une très nombreuse population.
Cela fait maintenant un an que Transe Express a parcouru l'Europe et à chacune de leurs étapes la compagnie a recruté et formé des tambours amateurs, je ne sais pas si c'est ainsi que procédaient, autrefois dans les campagnes, les recruteurs pour les grandes campagnes militaires, c'était sûrement moins coloré, moins riant et moins stimulant que le parcours que vous avez accompli. Donc à chaque étape vous avez tiré autour de vous ces tambours, ils se sont produits une première fois dans leur ville d'origine pour accompagner, bien sûr, les artistes de Transe Express et en fait le but ultime c'était de participer tous ensemble à un très grand rassemblement final le 31 décembre 2000.
Les artistes professionnels de Transe Express font le spectacle tout en faisant avancer dans leur discipline ceux qui veulent bien les suivre et moi je trouve que c'est une part très fascinante, très généreuse de votre projet artistique d'y associer ainsi, peut-être des artistes en herbe ou tout simplement des gens qui ont envie de vivre à un moment de leur vie cette démarche.
En effet, vous n'êtes pas seuls dans cette voie, celle de la rencontre entre artistes professionnels et amateurs pour la réussite d'un spectacle de grande qualité. Je crois cependant qu'il faut ici saluer l'ampleur tout à fait exceptionnelle de votre initiative sur ce partage d'enthousiasme, de technique, d'expression artistique qui est le signe de la vitalité de votre projet et je veux aussi voir le signe de la vitalité de nos cultures partagées en Europe.
Leur seconde ambition est en effet de faire participer à cet objectif artistique des citoyens venus de tous les pays d'Europe.
Au sein de ce ministère nous l'avons souvent dit : l'Europe ne réussira pleinement que si on ne la réduit pas seulement à construction économique, à la construction politique. Les citoyens des pays d'Europe ne se sentiront réellement européens que s'ils partagent des projets communs et que ces projets puissent être et je dirai doivent être aussi artistiques et culturels c'est ce que nous souhaitons ardemment et c'est ce que nous croyons possible et c'est ce que ce projet rend possible.
La construction européenne a longtemps été vécue comme l'affaire des techniciens pour ne pas dire des technocrates, parfois comme une menace, comme un danger pour beaucoup de nos concitoyens qui d'ailleurs ne la connaissent pas toujours très bien cette construction européenne et aujourd'hui encore des méfiances subsistent, ne sont pas complètement apaisées. Le renforcement de l'Europe peut faire craindre à certains que disparaissent notamment nos identités culturelles, nos capacités créatrices.
Et pourtant c'est grâce à l'Europe, ça j'en suis vraiment convaincue et une Europe forte que ces identités culturelles ont le plus de chance de subsister et même de s'épanouir. J'assistai, il y a trois jours à un colloque organisé par la fondation Jean Jaurès sur ces thèmes et qui je crois a bien mis en évidence à la fois les interrogations du monde de la culture face à la construction européenne mais aussi les espoirs que nous pouvons fonder dans cette construction et qu'il s'agisse d'agriculture, de santé ou de culture le développement de nos vieux pays passe par le renforcement de leur union et la recherche de solutions communes aux problèmes que nous posent, à tous, les immenses mutations économiques et technologiques en cours.
J'en donne un seul exemple d'abord parce que nous en sommes fiers, c'est le plan Média Plus, que nous avons fait, que la présidence française a réussi à faire adopter le 23 novembre dernier par le conseil des ministres de la culture de l'Union européenne et qui améliorera la viabilité économique des films européens, facilitant leur circulation dans toute l'Europe et en facilitant aussi leur découverte par les publics si divers de nos pays. Ainsi, je crois, nous parvenons à défendre tout à la fois la capacité de création de nos pays, la diversité culturelle et aussi l'échange, car bien sûr si nous sommes fiers de nos productions artistiques, ce n'est pas seulement pour nous les garder, pour nous, chez nous, c'est pour les donner à voir, à entendre, à découvrir à l'ensemble des citoyens de l'Europe. C'est dans cet échange qu'ils pourront sentir les liens qui les unissent sans pour autant avoir rien à retrancher de leur originalité.
Alors, au moment très proche maintenant où la France va transmettre la Présidence de l'Union européenne à la Suède, la démarche de Gilles et de Brigitte nous a semblé véritablement exemplaire.
Mille tambours venant de neuf pays d'Europe, symbolisant donc l'ensemble de nos nations, non ils ne sont pas là les mille aujourd'hui mais ils seront là, la belle nuit du 31 décembre, deux nuits d'ailleurs, le 30 et le 31.
Mille tambours cela nous paraît véritablement bien incarner à la fois notre amour commun de la musique, du spectacle en général et cette volonté de rencontre de tous les peuples d'Europe. Mille tambours réunis au cur du Paris historique et autour d'un monument lui très contemporain et conçu par deux architectes l'un anglais et l'autre italien, je crois qu'on peut tout de même y voir une Europe de la culture en marche.
C'est Mille tambours pour marquer un passage, pour marquer notre confiance en l'avenir et notre certitude aussi que c'est ensemble qu'il convient de le construire.
Il aurait été dommage que ce beau projet de Transe Express n'aboutisse pas.
Il s'agissait d'un vrai pari et, au départ, le projet du final parisien était loin d'être acquis, ne serait-ce que parce que cela demandait de mobiliser des moyens qui n'étaient pas tous dans notre commune cassette.
Alors je tiens à remercier vraiment du fond du cur le Service d'information du gouvernement, représenté par son directeur, Bernard Candiard, qui a compris, je dirai le sens de cette manifestation, le sens pour Paris d'être la capitale qui pouvait la présenter, la faire partager et qui a accepté, c'est un geste tout à fait important, de transférer au ministère de la Culture les crédits qui ont finalement permis d'accueillir au Centre Pompidou nos mille tambours d'Europe.
Ainsi seront donc frappés et je vous donne à tous rendez-vous, les 2000 coups de minuit, le 31 décembre 2000.
Je vais maintenant passer la parole à Gilles Rhode et à Brigitte pour qu'ils vous expliquent comment ces 2000 coups seront frappés et mis en scène, sans peut-être, tout vous révéler. Vous comprendrez que je termine en remerciant la Mission 2000 et le Président Aillagon d'avoir fait germer tout au long de cette année des initiatives inusitées, inattendues qui auront ponctuer cette commémoration de moments très vifs, de moments aigus, inventifs et à remercier vraiment de tout cur nos tambours, les artistes qui vont participer à ce spectacle et dont la présence est pour la maison dont j'ai la charge, à la fois un honneur et un moment de très grand plaisir.
Merci à vous deux et à tous ceux qui vous accompagnent.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 6 décembre 2000)