Texte intégral
Q - Aucun responsable politique ne peut, aujourd'hui, échapper à l'impératif moral. Vous qui n'êtes pas considéré comme un moraliste, vous sentez-vous parfois entravé dans votre mission, qui est de défendre les intérêts de la France ?
R - Dans sa définition classique, la politique étrangère consiste à défendre dans les relations internationales notre liberté, notre autonomie de décision, nos intérêts et à promouvoir les valeurs auxquelles nous croyons. Mais l'attente, plus ou moins exprimée, de l'opinion publique et de la majorité des médias est que nous imposions notre système au reste du monde. Or, si les peuples non occidentaux adhèrent de plus en plus aux valeurs universelles d'origine occidentale, ils contestent la façon dont nous prétendons les leur imposer en un bloc compact, avec nos intérêts politiques et économiques. Ainsi je suis convaincu que le "droit d'ingérence", dans le sens où ce mot est employé en France, pose autant de problèmes qu'il en résout : qui s'ingère ? Chez qui ? Avec quel dessein ? Pour autant, je dois tenir compte du fait qu'une majorité y voit une réponse adaptée, et même standard, aux crises du monde actuel. Si quelque chose se passe mal, c'est que nous avons été défaillants. Si nous n'intervenons pas rapidement pour le corriger, c'est parce que nous sommes indifférents, etc. C'est cela l'"ubris" occidentale : les gens sont choqués que nous ne puissions pas tout régler ! J'essaie de faire évoluer les relations internationales dans le bon sens, mais je ne peux pas m'aligner mécaniquement sur cette croyance. Il y a quelques années, dans un discours étonnant, Michel Rocard avait affirmé que la seule légitimité de l'homme politique moderne, c'est de mettre en uvre ce que veut l'opinion à un moment donné. Mais ça, c'est la mort du caméléon sur la couverture écossaise !
Q - En somme, la diplomatie actuelle consisterait à porter dans le monde entier la bonne parole démocratique...
R - Nos sociétés croient que l'Occident a remporté la guerre de l'histoire, que nous sommes les maîtres du monde. Du coup, elles ont un rapport aux autres fondamentalement paternaliste. Bien sûr, les théories relativistes selon lesquelles les Chinois, les Arabes ou les Africains ne seraient pas faits pour la démocratie sont des sottises. Cela dit, il se mêle à notre fierté moderne - aussi légitime soit-elle - une part d'arrogance qui s'exprime soit par une résurgence du "devoir de colonisation", façon IIIème République soit par la notion moderne du devoir d'ingérence. Le risque est que notre rapport aux autres, au lieu d'être coopératif, fondé sur le partenariat et le respect mutuel, se trouve dominé par l'esprit de croisade, et qu'on cherche à imposer aux autres l'ensemble de notre système clé en main. Doivent-ils, par exemple, si on pense à la démocratie américaine, adopter la peine de mort, la liberté de vente des armes à feu, le non-plafonnement des dépenses électorales ? Il vaudrait mieux distinguer ce que sont les invariants, le cur de la démocratie, et ce qui relève du droit de chaque peuple à s'organiser par lui-même. Prenez la question du rythme : nous n'avons pas la moindre idée sur la façon dont, du jour au lendemain, on pourrait transformer la Chine ou la Russie en autant de paisibles Danemarks. L'idée qu'on puisse, sous notre pression, obtenir de dirigeants ou de peuples une conversion instantanée à la démocratie, telle celle de saint Paul tombant de cheval... Cela n'a rien à voir avec la réalité.
Q - Parlez-vous de l'opinion ou de la vérité médiatique, autrement dit de l'opinion produite et interprétée par les médias ?
R - C'est l'uf et la poule! Les médias ne sont pas nécessairement le reflet exact de l'opinion. Ils ont leur ligne. Ils devancent l'opinion, et s'en flattent souvent. Et les éditorialistes, en particulier, énoncent ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire, stigmatisent ce qui leur semble choquant. Il y a là une fonction missionnaire, prosélyte, évangéliste, bref, une fonction de prescripteur de normes. Mais la seule mesure incontestable de l'opinion, c'est l'élection.
Q - A l'ère de l'image, c'est l'émotion qui commande. Imaginez que l'on ait une vidéo montrant le martyre de la princesse de Lamballe, la meilleure amie de Marie-Antoinette, dont le corps fut traîné dans tout Paris, le sexe déchiqueté, avant que sa tête sur une pique soit montrée à la reine, qui attendait la mort à la Conciergerie. L'émotion créée par de telles images modifierait sans doute notre point de vue sur la Révolution française...
R - Aujourd'hui, un drame ne devient un événement majeur que s'il est image. L'opinion fait alors pression pour qu'on intervienne. Je dirais, de façon un peu provocante, que le téléspectateur demande aux politiques : "intervenez pour faire cesser nos souffrances... de téléspectateurs".
Il y a eu un cas d'école voici quelques années. Il fallait impérativement faire quelque chose pour la Somalie, parce que les images étaient intolérables. Ce "quelque chose" a été fait, et a échoué. Avec le risque d'arbitraire: au même moment, le Soudan était ravagé par une guerre civile plus meurtrière, qui durait depuis plus longtemps. Mais, pour diverses raisons techniques, elle n'était pas vue, donc non scandaleuse, donc n'appelant pas d'intervention.
Q - Certains pensent que la justice internationale permet de réconcilier morale et politique. Ne traduit-elle pas plutôt le rêve enfantin d'un monde sur lequel régnerait la justice de Dieu ?
R - Il s'est répandu, dans f opinion française, l'idée que la justice internationale résolvait les crises et permettait, à elle seule, de sortir des tragédies. A mon avis, on mélange deux choses. Il y a, d'une part, la volonté légitime de lutter contre l'impunité. Quand les justices nationales sont défaillantes, il faut un dispositif de substitution pour sanctionner : ce sera le rôle de la Cour pénale internationale. En revanche, attendre de la justice qu'elle règle toute seule les conflits me semble une erreur. Voyez les sorties des dictatures communistes ou fascistes. La justice a pu travailler, plus ou moins bien selon les cas, mais toujours après que les changements politiques, guerre perdue, révolutions, élections, avaient eu lieu. Punir et résoudre, ce n'est pas la même chose.
Q - L'inculpation par le Tribunal pénal international (TPI) de Slobodan Milosevic, en pleine guerre, ne pouvait que l'inciter à se durcir. Ensuite, Vojislav Kostunica a affirmé clairement, durant la campagne, qu'il ne livrerait pas Milosevic, cela a sans doute favorisé son élection. Enfin, si l'Europe avait conditionné son aide à la Serbie à la coopération avec le TPI, Kostunica n'aurait pas tenu une semaine au pouvoir. Avez-vous, au nom du réalisme, convaincu les Américains de "bémoliser" leurs exigences à ce sujet ?
R - J'ai souvent entendu exprimer l'opinion selon laquelle l'inculpation en groupe des anciens dirigeants yougoslaves les avait solidarisés et avait verrouillé le régime. S'agissant de l'attitude à tenir aujourd'hui à l'égard du président Kostunica, nous avons eu à trancher la question suivante : la priorité était-elle de lui imposer des conditions ou de le consolider, c'est-à-dire d'ancrer le changement démocratique ? Nous avons pensé qu'il fallait impérativement le consolider. D'où la levée des sanctions, à l'initiative de la France. Même le président du tribunal, Claude Jorda, a déclaré : "Il y a un temps pour tout". Mes contacts, tant avec Kostunica qu'avec les autres dirigeants de l'ex-opposition, m'ont prouvé qu'ils veulent faire rendre des comptes à Slobodan Milosevic. Mais en Serbie. Et peut-être, avant, créer une commission "Vérité et réconciliation". Je suis sûr que la Yougoslavie nouvelle respectera ses engagements. Mais il faut respecter son rythme et ses priorités. Un peuple qui a aussi courageusement repris le contrôle de son destin ne doit pas en être dépossédé.
Q - Il faut aussi s'interroger sur ce que nous appelons démocratie. Ce que nous proposons aux peuples d'Europe de l'Est, c'est de nous rejoindre dans l'avenir, inéluctable et donc désirable, de la mondialisation marchande. Au risque créer de lourdes déceptions. Ainsi, la Slovénie, qui allait être, disait-on, la Suisse des Balkans et où le niveau de vie est toujours terriblement bas...
R - Ne jugez pas trop vite ! Mais il existe vrai problème : si on identifie trop démocratie et économie de marché et c celle-ci consiste seulement à obtenir l'ouverture des marchés aux firmes géantes occidentales, des pays vont se rebiffer. Déjà, certains peuples sont déçus. Il sont bercés d'illusions, tandis que nous avons été trop démagogues. Les pays sortant du communisme ont cru que, dès l'effondrement du système, ils allaient pénétrer dans la caverne d'Ali-Baba. Ils étaient déjà européens : qu'y avait-il donc à négocier ? Ils n'avaient aucune idée du processus de préparation, de la mécanique économique très contraignante et de haute précision qu'est devenue l'Union européenne. Or, au lieu de leur expliquer cela, la plupart des dirigeants occidentaux se sont complus dans une démagogie charitable. D'où, dans certains cas, un retour de bâton. Car après les illusions viennent les déceptions. Sur la question de l'élargissement, la position du gouvernement français est claire : tout faire pour préparer au mieux l'élargissement dans l'intérêt des pays candidats eux-mêmes, et parler vrai. Il est hors de question de fixer artificiellement une date d'entrée. Celle-ci se fera quand les problèmes posés par leur adhésion auront été résolus. L'annonce prématurée de dates n'a pas de sens.
Q - Puissance moyenne encore "moyennisée" par l'"hyperpuissance" américaine - terme que vous avez inventé -, la France exploite-t-elle ses atouts ? Alors que des peuples et des Etats souhaitent échapper au tête-à-tête avec les Etats-Unis, n'y a-t-il pas la place pour un "non-alignement amical" dont elle pourrait prendre la tête ?
R - J'ai effectivement inventé "hyperpuissance". Je récuse, en revanche, le terme "puissance moyenne" pour qualifier la France. Nous ne sommes pas au 90ème rang, mais l'une des cinq ou six puissances d'influence mondiale. Ce n'est pas rien. Il y a peut-être, de par le monde, un désir de relations étroites avec la France, et un appui large à des thèses comme la diversité culturelle. Aujourd'hui, cependant, si vous cherchez à enrôler d'autres pays dans une politique perçue comme étant antiaméricaine, vous vous retrouvez rigoureusement seul. Comment ai-je réussi à faire bouger nos partenaires européens sur le Proche-Orient ? En leur montrant que mes relations avec la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright étaient plus intenses que les leurs. La Russie ou la Chine et bien d'autres, considèrent que leurs relations avec l'Amérique constituent la priorité numéro un. Mais, si on procède de façon non agressive, il est possible de créer des solidarités, des alliances au cas par cas. Ce que nous faisons.
Q - D'accord pour la culture, mais parlons de la guerre et de la paix. Dans l'affaire du Kosovo, n'avons-nous pas été amenés à participer à un conflit qui n'était pas conforme à nos intérêts et qui, au bout du compte, aboutit à renforcer l'influence américaine en Europe ?
R - Je ne suis pas d'accord. Cette guerre ne nous a pas été imposée par les Américains. Il y avait un vrai consensus européen sur le sujet. L'Otan a été un outil, pas un centre de décision. Le summum de l'influence américaine dans la région, ce n'est pas le Kosovo, ce sont les accords de Dayton, qui ont mis fin à la guerre de Bosnie en 1995. Dans la sortie de crise récente, ce sont la France et l'Europe qui ont donné le 'la'. Il est regrettable que nous ayons dû en passer par la guerre. Mais pouvait-on ne rien faire ?
Q - Vous voilà pris en flagrant délit de messianisme occidental ! En attendant, il reste deux bases américaines, à Tuzla, en Bosnie, et à Urosevac, au Kosovo. Et nous poussons des cris d'orfraie dès qu'ils parlent de se retirer !
R - Il y a des bases américaines partout. Et, quand il n'y a pas de bases, il y a Microsoft, Hollywood ou CNN ! Mais vous avez raison : si les Américains veulent faire moins, nous devons être prêts à faire plus. C'est notre objectif. Pourquoi nous inquiéter, alors, d'avoir à mettre en uvre ce que nous ambitionnons de faire ? Avançons.
Q - Les conditions rocambolesques dans lesquelles aura été élu le prochain président des Etats-Unis sont-elles de nature à l'affaiblir ? Est-ce le cur de la démocratie américaine qui est touché ?
R - Je ne crois pas. Déjà, aux Etats-Unis, l'affaire a provoqué un choc qui va déclencher une réflexion sur le système électoral, que demande, par exemple, Hillary Clinton. Avec leur capacité de rebondir et leur esprit positif, les Américains mettront en avant le fait qu'ils ont été confrontés à un problème sérieux et qu'ils l'ont traité sérieusement. Après tout, compter et recompter peut être une réponse raisonnable à un résultat si serré. Qu'elle y parvienne par la justice ou par un règlement politique, la démocratie américaine aura réglé la question avec ses propres armes. Sauf si la compétition se transformait en une guérilla politico-judiciaire sans fin, mais ce n'est pas l'hypothèse la plus probable, l'Amérique est tellement puissante qu'on oubliera tout cela.
Q - Etait-il possible de maintenir les Serbes au Kosovo ? N'est-ce pas un fiasco pour la "communauté internationale"?
R - Pratiquement, après ce qui s'était passé, c'était infaisable à chaud. Non seulement il aurait fallu trois fois plus d'hommes, mais il aurait fallu accepter de créer des zones serbes très protégées. Ce qui est contraire à l'idéologie dominante du mélange, d'ailleurs toujours véhiculée par des gens qui ne se mélangent jamais! Regardons plutôt l'avenir. Nous sommes engagés, dans les Balkans, dans un processus de longue durée. Le changement à Belgrade et la victoire des amis d'Ibrahim Rugova au Kosovo redonnent toutes ses chances à notre objectif.
Q - Le monde est aujourd'hui traversé par deux forces contradictoires et complémentaires: la mondialisation marchande, technologique, culturelle d'une part ; et le repli identitaire, ethnique, communautaire, de l'autre, qui se manifeste notamment par la fragmentation étatique. Est-il souhaitable de s'opposer à cette tendance à l'éclatement ?
R - Le fait que des Etats existent sur des bases ethniques ne pose pas de problème. Vous n'êtes pas choquée par le fait que le Japon existe, je suppose ? En revanche, la fragmentation étatique entraîne ce que j'appelle la "prolifération de la souveraineté". Aujourd'hui, sur les 189 Etats membres de l'ONU, au moins 50 sont faibles au point d'être incapables de subvenir à leurs besoins et vivent de la mendicité internationale. Ils sont la proie des mafias. A l'inverse, les grandes entreprises connaissent un processus de concentration. Savez-vous que le chiffre d'affaires des cinq premières sociétés du monde est supérieur au produit national brut cumulé de 132 des Etats membres des Nations unies ? Ces méga-entreprises globales qui n'ont plus de nationalité précise sont plus puissantes que la plupart des Etats.
Q - Reste-t-il, dans ces conditions, une place pour l'action politique ?
R - De fait, même les Etats forts et anciens sont attaqués. Et pas seulement par les processus économiques. Ultralibérales, ultra-individualistes, les sociétés européennes sont engagées dans une lutte permanente contre les Etats et les gouvernements considérés comme excessivement envahissants. Au sein de l'Union européenne, plusieurs Etats se débarrassent de certaines fonctions qu'ils confient à des organismes autonomes, autorités indépendantes, parfois privés de légitimité, mais considérés comme plus acceptables selon les critères de la "gouvernance" moderne. Au total, les Etats ont perdu du pouvoir sur tous les plans. Or, dans le même temps, on leur demande de mieux maîtriser la mondialisation et les problèmes globaux ! On encense la "société civile internationale". Mais on y rencontre tout le meilleur et le reste. Que sait-on de 26 000 ONG existantes ? Ce n'est pas un monde idyllique, c'est aussi un monde de compétition sauvage où les ONG du nord, surtout les anglo-saxonnes, dominent. Bref, il est de plus en plus difficile pour les gouvernements d'apporter des réponses aux questions qui leur sont posées sur un mode de plus en plus pressant. Ma conviction est qu'il existe une morale de l'action, fondée sur le volontarisme et sur la lucidité. Quand vous êtes ministre des Affaires étrangères, on vous demande sans cesse si tel un tel problème vous "préoccupe", si vous n'êtes pas "inquiet" pour ceci ou cela. Moi, je me demande plutôt chaque matin ce qu'il est possible de faire, par exemple, pour mieux maîtriser la mondialisation. Cela dit, il y a des situations levant lesquelles il est désolant de se sentir impuissant.
Q - Quel est l'exemple qui vous affecte le plus ?
R - Le Proche-Orient est un vrai crève-cur. Depuis cet été, nous avions réussi à travailler comme jamais, en liaison étroite avec les Américains, les Israéliens, les Palestiniens, les Egyptiens de façon plus opérationnelle qu'avant. Un accord était réellement possible, même si tout était loin d'être réglé.
Q - Sur ce dossier, à l'exception de François Mitterrand, tous les présidents de la Vème République ont été perçus, par Israël et par les juifs de France, comme pro-arabes. Cette perception est-elle justifiée ?
R - Cette perception israélienne traduit une nostalgie de la IVème République, durant laquelle les dirigeants français ont soutenu de façon systématique Israël, y compris militairement. Les Israéliens n'ont critiqué le général de Gaulle que dix ans après son arrivée au pouvoir, en 1967, quand il a clairement désapprouvé l'occupation des Territoires et qu'il a pressenti l'engrenage de la résistance palestinienne et du terrorisme. Jusque-là, il était très proche de Ben Gourion. Ensuite, dans les années 70, alors que la France développait sa coopération avec des Etats arabes comme l'Iraq, s'est installé un grief permanent contre elle : la France était pro-arabe c'est-à-dire anti-israélienne. François Mitterrand a tenté de corriger cela. Il s'est rendu en Israël et a manifesté une réelle sensibilité au problème fondamental de sécurité du pays. Les Israéliens ont pourtant jugé qu'il n'en faisait pas assez et ont condamné son dialogue avec Yasser Arafat. Un soutien automatique n'est pas possible. Pour personne. Nous avons notre propre ligne, pour la paix.
Q - Quel avenir voyez-vous pour le processus de paix ?
R - Toutes les pressions externes ne peuvent se substituer à la décision palestinienne et israélienne. Compte tenu de ce qu'est le monde palestinien et son environnement arabe, il sera fort difficile à Yasser Arafat de se résigner finalement à un Etat palestinien qui ne représente même pas l'ensemble des Territoires occupés après 1967. Il sera également très difficile à un Premier ministre israélien d'aller au-delà de certaines concessions, même pour régler des problèmes créés par les Israéliens eux-mêmes, comme les trente-quatre années de colonisation ou les décisions unilatérales sur Jérusalem. Des deux côtés, il faudrait des dirigeants prêts à prendre d'immenses risques pour avancer et qui puissent être compris. Je leur souhaite ce courage. Quant à l'avenir, il faut être lucide. Ce qu'on peut faire de mieux pour l'instant, c'est de favoriser une baisse de la tension - bravo à l'action de Shimon Pérès -, de réfléchir au moyen de préserver certains acquis du processus de paix (accords, canaux de communication), d'essayer d'éviter que Camp David soit oublié. Et aussi travailler à recréer les conditions du dialogue. C'est très difficile actuellement tant la haine et la rancur sont à leur comble. Pour autant, il ne faut pas se décourager. A un moment, nécessairement, la tension s'apaisera. Les deux peuples seront toujours là, leurs dirigeants devront bien se reparler. A Washington ou ailleurs..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2000)