Texte intégral
Merci d'être venus jusqu'à nous.
Vous auriez peut être souhaité que nous parlions de l'actualité - je ne m'y déroberai pas si vous avez quelques questions sur l'actualité des pays avec lesquels nous coopérons -, mais ce matin c'était sur une raison plus précise que je souhaitais vous rencontrer. La France vient en effet d'être examinée par le CAD (Comité d'aide au développement) de l'OCDE. Un tel examen de notre politique d'aide au développement n'intervient que tous les trois ans. Comme celui-ci est le premier à intervenir depuis la mise en uvre de la réforme de la coopération, annoncée je vous le rappelle le 4 février 1998, et entrée en vigueur le 1er janvier 1999, les travaux du CAD revêtaient cette fois pour nous un intérêt particulier.
Un mot sur la méthode du travail du CAD. Elle repose essentiellement sur deux éléments :
D'abord la production de données harmonisées qui permet d'effectuer des comparaisons, et donc de suivre ainsi de manière équitable l'effort d'aide au développement de chacun.
Ensuite, on arrive à cet aspect particulier du travail du CAD que constitue l'examen des politiques nationales d'aide au développement, un examen - j'insiste - sans complaisance : chaque pays voit sa politique analysée par ses pairs et, dans le cas de la France, ce sont l'Italie et la Norvège qui ont été, en quelque sorte, nos examinateurs. Leur travail d'examen critique s'est appuyé sur les données très fournies, produites par la France à l'occasion ; il s'est aussi appuyé, bien sûr, sur la méthodologie des services du CAD de l'OCDE, et les services en question ont eux-mêmes effectué des visites de terrain afin d'observer de visu notre action de coopération. Il sont allés en particulier au Mali, au Maroc et au Vietnam. Tout cela pour dire qu'il planait en effet un certain suspense sur ce que serait le résultat de ces investigations.
Avant de lever ce suspense, je dois rappeler quelques données qui me paraissent fondamentales. L'importance de l'effort français en faveur du développement - il est toujours important de le rappeler - est resté supérieur à la moyenne des pays industriels. C'est d'ailleurs un point qui nous vaut des félicitations du CAD, ce que les premiers commentaires faits sur cet examen ont oublié de rappeler : l'effort français est le plus élevé de tous les pays du G7 et c'est une donnée globale qui pourrait être complétée par quelques rappels chiffrés. Par exemple, il faut rappeler que notre aide représente le quart de l'aide bilatérale à l'Afrique. Autre ordre de grandeur intéressant : tout compris, l'Union européenne et ses Etats membres apportent près des deux tiers de toute l'aide reçue par le continent africain. On peut appeler cela " réalité quantitative de base ". Je ne veux pas utiliser ces chiffres comme arguments massifs ou comme boucliers pour éviter le débat, mais je crois qu'il fallait rappeler quand même ces ordres de grandeur.
Je reviens au cur du suspense qu'allait être l'appréciation qualitative portée sur notre aide. C'est là bien sûr qu'intervient la réforme de notre dispositif qui, je le rappelle, visait à simplifier les dispositifs institutionnels d'aide au développement pour renforcer la cohérence et lui donner aussi plus d'efficacité et de transparence. Que dit à ce propos le rapport du CAD ? J'avais demandé qu'on vous distribue au terme de cette rencontre la synthèse des conclusions de ce rapport. Cette synthèse renferme les appréciations et les recommandations du CAD. Je veux, avant que vous en preniez connaissance, relever deux ou trois choses :
D'abord, le CAD salue la simplification de notre dispositif, son regroupement autour de deux grands pôles : le pôle diplomatique avec le ministère des Affaires étrangères et le pôle économique avec le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie d'une part, et d'autre part le rôle d'opérateur pivot reconnu à l'Agence française pour le développement, la création d'une instance de coordination et de pilotage de politique d'aide qu'est le CICID. Tout cela a été salué par le CAD.
Deuxième élément : le Comité d'aide au développement a bien voulu convenir que les orientations nouvelles de notre aide répondent aux recommandations que le CAD lui-même a émis par le passé. Je pense par exemple à l'articulation concrète des différentes aides sur le terrain - c'est une chose à laquelle le CAD tient et il a raison -, les objectifs sur lesquels nous mettons l'accent, les secteurs sociaux de base, la recherche d'une stratégie plus efficace de lutte contre la pauvreté par exemple, ou encore le renforcement du partenariat avec les bénéficiaires de l'aide. Au travers de ces orientations, nous nous sommes rapprochés d'une référence correspondant à ce que les instances internationales compétentes, en l'occurrence le CAD de l'OCDE, jugent souhaitable.
Troisième élément - c'était le moins attendu - le volet " société civile et la coopération décentralisée " est particulièrement salué. Le CAD félicite la France pour la création du Haut Conseil de la coopération internationale et, d'une manière très précise, pour les encouragements que nous prodiguons à la coopération décentralisée. Pour moi, c'était une bonne surprise : notre pays a été souvent brocardé pour son jacobinisme et le fait qu'il reçoive des félicitations sur ce chapitre est plutôt savoureux pour le ministre que je suis.
Il se trouve que ce sont deux secteurs que j'ai voulu privilégier mais, ce qui m'intéressait surtout, je le répète, c'est l'importance que le CAD leur attache à propos du Haut Conseil qui intègre la société civile dans notre réflexion. Le CAD salue sa composition. Je rappelle qu'il compte soixante personnes, en excluant les fonctionnaires en activité, afin de privilégier l'indépendance de l'institution. Son président est salué par le CAD comme un homme politique de tout premier plan - c'est un compliment que mérite parfaitement Jean-Louis Bianco - ainsi que la libre organisation de ses travaux, et nous en aurons la preuve dans quelques semaines. Le CAD attend du Haut Conseil un élargissement du débat sur le contenu et les orientations de la politique de coopération et d'aide au développement.
Second élément auquel j'étais sensible : le CAD salue le dynamisme de la coopération décentralisée apportée par les collectivités locales françaises et il relève au passage que les montants en cause sont estimés à 170 millions de dollars, c'est à dire près d'un milliard de francs. Pour l'instant, et j'y insiste, ces sommes ne sont pas comprises dans les montants que nous déclarons au titre de notre aide publique au développement. D'autres pays le font, c'est le cas de l'Italie et de l'Espagne. La France a été parfois soupçonnée de tirer les statistiques, là c'est l'inverse. On peut changer et y remédier à l'avenir, mais ceci demande au préalable un travail un peu serré de méthodologie et de collecte statistique : on ne peut communiquer au CAD que des chiffres solidement établis.
Voilà la note d'ambiance générale, et c'était le commentaire politique que je voulais faire, après d'autres qui résultaient à mon avis d'une lecture à priori critique. Cela étant, le métier du CAD n'est pas de distribuer des fleurs et l'examen auquel il procède demeure une évaluation destinée à obtenir de nous des améliorations de notre aide et, de ce point de vue, il représente pour nous un peu la "révision des 15 000 km de la réforme" : un bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire dans sa mise en uvre. Je rappelle que cette réforme était réclamée depuis 20 ans ; c'est seulement depuis un an qu'elle commence à entrer dans la réalité. A cet égard, le CAD nous adresse dix recommandations, que vous aurez aussi entre les mains dans un instant, et sur lesquelles nous allons travailler dans les semaines qui viennent. Mais je veux dire d'entrée qu'elles rejoignent très largement les préoccupations et même les intentions du gouvernement français.
Je pense par exemple au souhait de nous voir affirmer des stratégies plus nettes, d'accroître encore l'aide aux secteurs sociaux de base, d'améliorer les systèmes d'évaluation, ou de mieux sensibiliser l'opinion publique aux enjeux du développement. Vous aurez observé, à l'énoncé simplement de ces recommandations, qu'il s'agit là déjà de ce que nous mêmes avons exprimé comme étant nos intentions au moment où nous avons mis en uvre la réforme. Le souhait par exemple de voir réduire la part de l'aide accordée sous forme de protocole financier du ministère des Finances est déjà entré en vigueur. Je pense au souhait du CAD tendant à éviter que les annulations de dettes ne se traduisent par une diminution équivalente de l'aide aux projets, puisque nous allons y pallier au travers de la création des fonds communs de développement, alimentés par les marges de manuvre dégagées par les annulations de dettes.
La France est donc félicitée par le CAD en ce qui concerne son effort d'APD, mais le CAD exprime dans le même temps le vu que nous profitions des recettes budgétaires assurées par une croissance plus vigoureuse pour augmenter le volume de l'aide. Il est dans son rôle et je ne lui en fais pas reproche car nous sommes aussi sur cette position et nous espérons la faire partager et, si le CAD nous aide à en convaincre certains des décideurs budgétaires, nous ne pouvons que nous en féliciter. Il est vrai qu'il pose aussi la question de la sélectivité et de l'éventuel resserrement de notre aide. A travers cette question, le problème qui se trouve posé, c'est l'utilisation des outils que nous avons créés pour la réforme. Quel usage faire par exemple de la notion de Zone de solidarité prioritaire ? Vous savez que le débat est appelé - là encore - à se développer, parce que c'est l'une des questions qui a été ciblée par certains. La ventilation géographique ou sectorielle de notre aide n'a rien de secret et d'ailleurs dans le dossier qui vous sera remis vous retrouverez - cela rafraîchira la mémoire de certains, ou apprendra à d'autres - la liste des pays inscrits dans cette Zone de solidarité prioritaire. Vous aurez d'ailleurs, dans le même dossier qui va vous être distribué, le texte complet du mémorandum que la France a produit en quelque sorte en réponse aux observations qui étaient présentées, et plus généralement du mémorandum que la France a produit pour le CAD. Les fiches synthétiques jointes à ce document vont vous permettre d'avoir une idée plus précise des principales grandeurs caractéristiques de notre aide. Vous pourrez cadrer mieux notre réflexion et vous prémunir contre les approximations qui peuvent être trompeuses. Dès lors, s'agissant de la question de la sélectivité de notre aide, on entend parfois dire qu'elle serait dispersée aux quatre vents.
Je voudrais que nous restions dans le cadre d'une discussion sérieuse et rappeler par exemple qu'il y a - rappel utile - 61 pays dans notre Zone de solidarité prioritaire. Certains trouvent que c'est trop - on peut en débattre -, dans le même temps un certain nombre de pays se portent d'ores et déjà candidats pour entrer dans cette Zone de solidarité prioritaire. Par exemple, je vais à la fin de cette semaine au Liban qui en fait partie. J'irai en Jordanie qui fait partie des pays qui demandent avec insistance à entrer dans cette Zone de solidarité prioritaire. Mais d'autres pays dans les Caraïbes sont dans la même attente. Mais s'il y a 61 pays dans cette zone, la moitié de notre aide est concentrée sur 10 pays.
J'observe évidemment que la plupart de nos concours sont dirigés vers les pays au sein desquels l'aide française représente une part significative de l'aide au développement - c'était un engagement pris par la France, en quelque sorte, lorsque nous avons entrepris la réforme : le principe de fidélité, vous vous souvenez, rappelé à l'époque, notamment par M. Védrine, se retrouve dans ce qui peut être considéré comme une concentration de notre aide sur ces pays.
Autre élément intéressant : la part santé dans l'aide française est en ligne avec la moyenne du CAD ; celle de l'éducation lui est nettement supérieure, puisque nous en sommes à 29 %, contre une moyenne du CAD qui n'est que de 11 %. Ceci pour éviter de laisser courir une fable qui voudrait que la France délaisserait ces deux secteurs sociaux essentiels. Les chiffres pourraient nous amener à un débat trop long, mais nous y reviendrons peut-être en réponse à vos questions. Je ne m'y étends pas, mais je voudrais, pour conclure, insister sur deux points.
D'abord le fait que l'expertise française est de mieux en mieux reconnue : le CAD nous crédite d'un certain nombre de points forts, comme par exemple l'appui à la construction de l'Etat de droit, la promotion du secteur privé ou le développement rural, pour prendre trois domaines très différents. Le CAD souhaite même d'ailleurs que, dans certains secteurs, nous nous affirmions davantage ; je pense par exemple à la bonne gestion des affaires publiques, un champ d'action qui pourrait être renforcé en liaison avec la coopération décentralisée. C'est une suggestion du CAD qui me paraît être à priori une bonne idée. On nous suggère aussi de revendiquer un rôle de chef de file parmi les bailleurs de fonds, par exemple pour le développement rural dans certains pays - le Mali est expressément cité. C'est bien là une claire reconnaissance de la qualité de l'aide et de l'expertise française.
Enfin, et c'est le second point sur lequel je voulais porter ma conclusion, notre discussion d'aujourd'hui s'inscrit dans un calendrier qui va être riche en occasion d'informations et de débats et, de ce point de vue, la participation du CAD à ce débat est en quelque sorte intéressante. Il va y avoir dans quelques jours la publication du premier rapport du Haut Conseil de la coopération internationale, qui va être remis au Premier ministre. Le débat parlementaire qui va se tenir à l'Assemblée nationale le 25 avril sur la politique de coopération ; et puis la présidence française de l'Union européenne, qui débute le 1er juillet, qui va être l'occasion de mieux affirmer les ambitions de la politique européenne de coopération et qui va d'ailleurs être précédée d'un temps intéressant pour la réflexion sur ces sujets, puisqu'il y aura pratiquement en continu le colloque "ABCDE" organisé par le Conseil d'analyses économiques du Premier ministre avec le concours de la Banque mondiale, et puis, fin juin ou début juillet, il y aura une réflexion sur l'Europe et le développement, qui va faire suite à un premier colloque organisé par nos amis portugais, à Lisbonne, il y a quelques mois.
Vous aurez compris en tout cas pourquoi nous avons attaché de l'importance - à cause de la période aussi - à cet examen du CAD, et pourquoi je souhaitais pouvoir vous livrer nos impressions au terme d'un examen qui a été critique, mais qui a, aussi,et nous en sommes satisfaits, aussi reconnu les points forts de la politique française d'aide au développement. Maintenant, je peux répondre à vos questions sur ce dossier et puis, si vous le souhaitez, nous prendrons dix minutes pour répondre aux questions d'actualité que vous voudriez également me poser.
Q - Je voudrais vous voir préciser deux points : sur les allégements de dettes - le CAD a priori n'insiste pas sur ce point - on a l'impression à entendre les Africains qu'ils sont très contents d'avoir des allégements de dettes, ou des annulations, qui sont de plus en plus importantes, et comme ces annulations ou ces allégements sont intégrés dans l'aide, ils ont l'impression qu'il y a de moins en moins d'argent qui est effectivement déboursé ; deuxième point, vous n'avez pas du tout parlé du problème de l'aide liée ou de l'aide déliée : il s'agit du vieux débat pour savoir si l'aide doit toujours accompagner les contrats commerciaux ou pas.
R - Sur la première question, les pays bénéficiaires de l'allégement de dettes, et les Africains en particulier, ont raison de craindre que les pays industrialisés puissent se satisfaire de cet abandon de créances et considérer qu'il tient lieu désormais d'aide publique au développement. Ils ont raison de le craindre, mais ce n'est pas la position de la France, car nous considérons au contraire que, si nous voulons inciter les pays concernés à utiliser les marges de manuvre que procure l'allégement de dettes, il faut que l'aide publique au développement continue de pouvoir s'y ajouter. C'est de cette manière que nous pouvons les inciter à réinvestir en quelque sorte cette marge de manuvre. J'ai déjà eu l'occasion de mettre en garde mes collègues contre cette facilité que pourrait représenter l'allégement de la dette nous dispensant en quelque sorte d'une aide positive au développement, alors que nous considérons qu'elle doit nécessairement s'y ajouter. Cela étant, statistiquement l'allégement de la dette s'étale nécessairement dans le temps, puisque l'allégement, même s'il est fait en capital, ne se comptabilise que par rapport à l'annuité. Cela n'est donc quand même pas de nature à modifier trop profondément les statistiques, mais il est vrai qu'il faut en tenir compte.
Sur la seconde question, le débat est ouvert, au CAD en particulier. La question du déliement de l'aide se pose de manière peut-être plus sensible dans un pays comme le nôtre, qui a une présence économique très identifiée, au travers d'un nombre important d'entreprises, notamment dans les pays de l'ancien champ. Je veux dire que d'autres pays peuvent plus facilement parler sans risques d'une modification du système actuel, mais la réflexion a beaucoup progressé au cours des deux dernières années. Nous avons en particulier discuté sur ce dossier avec le Japon - qui est d'ailleurs assez proche sur certains points : sa relation à l'Asie qui l'environne peut, dans une certaine mesure, se comparer à notre relation avec cette Afrique du champ dont je parlais tout à l'heure - et ils ont un peu les mêmes réserves par rapport à un déliement sans aucune précaution. La question qui reste encore pendante, c'est celle de l'aide alimentaire que certains voudraient voir non déliée - et je pense aux Etats-Unis en particulier -, alors que nous voudrions que, si l'on parle de déliement, cela prenne en compte aussi l'aide alimentaire. Par contre, nous avons des réserves, c'est vrai, en ce qui concerne l'assistance technique - l'expertise, pour employer une autre expression. Il nous paraîtrait normal que les pays puissent librement choisir l'assistance technique ou l'expertise. Que l'aide soit déliée en ce qui concerne la réalisation des opérations mais à la condition, je le répète, que l'aide alimentaire puisse entrer également dans ce qui serait délié. C'est l'un des points de discussion encore ouverts mais, par rapport à la position qui était la nôtre il y a quelques années, il faut observer une évolution qui se rapproche des objectifs poursuivis par le CAD.
Q - Lorsque vous dites que la moitié de l'aide française est concentrée sur dix pays, vous répondez à la critique de dispersion mais pas à celle de choix judicieux. Or, le CAD reproche à la France de donner à certains pays une aide par habitant très supérieure à celle d'autres pays qui ont, pourtant, des revenus très inférieurs, notamment, les PMA, autrement dit, nous donnons plus à ceux qui en ont le moins besoin.
R - Le Maroc, pour rester dans l'actualité, fait partie, en effet, des pays avec lesquels la relation est très soutenue, importante, mais vous aurez une fiche ici qui va rappeler :
- PMA, 20,82 % de l'aide publique française.
- Pays à faible revenu : 21,81 %.
C'est-à-dire que 43 % de notre APD va aux pays les plus pauvres et 43 % ne veut pas dire que 57 % irait aux plus riches car il y a une part non ventilée de presque 20 % qui, pour partie revient à ces pays les plus pauvres. J'ajoute que si je continue mon énoncé statistique, les pays à revenus intermédiaires, tranches inférieures, sont 20 %. Autrement dit, c'est en réalité une très large majorité de notre aide qui va aux pays les plus pauvres ou à revenus inférieurs. Plus de 60 % et si je prends la part ventilée, en fait, on découvrira que c'est presque les trois-quarts de notre aide qui vont à ces pays. Que, dans l'examen de certains pays, on découvre qu'il y a une part par habitant plus importante, oui, je ne le nie pas et nous sommes en train, là aussi, de commencer à apporter un certain nombre de corrections dont je ne ferai pas la liste car il y a une réflexion par pays qui est engagée et qui va nous permettre, je pense, de gagner en cohérence et éviter les disparités trop craintes que le CAD a pu mettre en évidence.
L'Afrique subsaharienne fait, à elle seule, 45 % de l'aide publique au développement, ce qui est tout à fait considérable.
Q - Peut-on avoir le montant global de l'aide publique au développement ?
R - Le montant global, tel que l'OCDE le comptabilise ce sont 33,9 milliards de francs, c'est-à-dire, 5,7 milliards de dollars, car le CAD a souvent l'habitude de compter en dollars. Et toujours en dollars, l'Afrique subsaharienne, ce sont 2 503 000 000 de dollars. Pour l'Asie du sud et centrale, 101 000 000 de dollars seulement, 1,82 % et certains, autour de moi, considèrent, que c'est peu et qu'il serait intéressant que la France s'intéresse un peu plus, mais il faut voir comment et avec quels moyens, à toute cette frange asiatique de l'ancien empire soviétique où nous sommes à peu près absents.
Autres pays d'Asie et d'Océanie : 1 056 000 000 de dollars, c'est-à-dire presque 20 %. Comprenez que là, il y a aussi la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, c'est un éclairage qu'il faut donner.
Moyen-Orient et Afrique du nord : 884 000 000 de dollars, c'est-à-dire presque 16 %, il est vrai que là, le Maroc, l'Algérie, Tunisie et l'Egypte font là l'essentiel. Ce sont des crédits importants.
Amérique latine et Caraïbes : 301 000 000 de dollars, seulement 5,43 % du total et là aussi, nous pourrions considérer que, si ceci peut s'expliquer par l'histoire et la géographie, cela pourrait peut-être justifier aussi que l'on augmente un peu.
Europe et non spécifiés, c'est-à-dire ce qui n'est pas ventilable, 702 000 000 de dollars, là encore, l'ouverture vers les pays de l'Est pourrait justifier et notamment l'appui institutionnel à certains pays une remontée de cette ligne. Ce qui renvoie au problème plus général des moyens que nous aurons ou que nous n'aurons pas pour le budget 2001. Nous avons commencé à en discuter, y compris avec les parlementaires.
Q - Avez-vous des premières indications ? La cagnotte va-t-elle profiter à l'aide au développement ?
R - Honnêtement non. Ce qui m'intéresse surtout, je le répète, c'est que ceci s'inscrive dans la durée et que nous puissions avoir, en 2001, des moyens qui permettent de poursuivre l'effort engagé notamment avec le continent africain et d'essayer d'avoir une présence plus significative dans d'autres régions du monde, comme nous commençons à l'avoir.
Q - Est-il vrai que l'aide de la France a chuté de 32 % entre 1994 et 1998 ?
R - C'est exact et il y a à cela quelques bonnes raisons : 1994 a été le pic statistique à rapprocher de la dévaluation du franc CFA qu'il avait fallu préparer et qui a été ensuite accompagnée et qui expliquait que ce que l'on appelle en particulier l'ajustement structurel avait fait l'objet de mesures particulières traduisant l'amélioration structurelle des finances publiques et en particulier de la balance des paiements. Ce qui expliquait que nous étions arrivés à 0,64, presque à l'objectif de 0,70 qui avait été affiché et aujourd'hui, 0,40.
Il y a plusieurs raisons à la baisse : l'effort fait en particulier pour préparer et accompagner la dévaluation du franc CFA qui expliquait l'augmentation d'alors, une contraction, depuis, de l'aide multilatérale, l'amélioration de certaines situations en matière de finances publiques des pays aidés - tant mieux, ce sont les éléments positifs. Une sous-consommation observée - il faut le dire - dans les pays en crise explique que dans certains pays nous n'avons pas réalisé les programmes que nous avions envisagés. Nous pouvons malheureusement faire le même constat en ce qui concerne l'aide européenne dont nous n'avons pas parlé et sur laquelle il est intéressant de vous donner quelques indications. La participation française dans l'aide européenne représente 14 % de notre APD, c'était 11 % en 1994, autrement dit, il y a une montée de l'aide multilatérale européenne. Faut-il rappeler que nous sommes le premier contribuer au FED ? Mais nous avons aussi vu la difficulté que nous avions à consommer les FED précédents pour des raisons qui tiennent à la fois à des procédures parfois trop lourdes de part et d'autre, je dirais difficulté des pays bénéficiaires à formuler des projets, à les exprimer, et lourdeur de nos procédures européennes. L'effort est apporté des deux côtés et au cours de la discussion de la renégociation de Lomé, nous avons beaucoup parlé de ces questions. L'autre raison à cette sous-consommation, ce sont les situations de crises dont je parlais tout à l'heure qui ont évidemment affectées aussi les programmes européens.
Q - Allez-vous rendre public le rapport du CICID comme le demande le CAD ? Que devient le FAC car on ne sait plus très exactement quelles sont les subventions accordées. Il n'y a pas beaucoup de documents de la Coopération qui sont rendus publics sur ce que vous faites des subventions. On en avait régulièrement concernant le FAC, ce que vous accordiez comme subventions, il n'y a plus du tout de note ?
R - Nous voulions attendre ce travail du CAD qui nous paraissait important, ensuite, il y avait le Haut conseil qui a été installé tardivement, je suis prêt à en convenir, il devait avoir le temps de faire son rapport, qui devait précéder le débat parlementaire puisque le rapport du Haut conseil est là aussi pour nourrir, en quelque sorte, le débat parlementaire. Et c'est après seulement que le CICID se réunit. Le CICID doit, nécessairement, intégrer dans sa réflexion, ce qui se sera dit, à la fois au Haut conseil et au Parlement. Tout cela a entraîné des retards dont je suis le premier à déplorer mais l'important pour moi, c'était quand même que le CICID se tienne, que toute cette procédure soit terminée avant que les choix budgétaires 2001 soient faits. Là, au mois de mai, il sera temps mais nous sommes encore dans les temps.
Sur le FSP :
Première chose, le FAC s'appelle désormais le Fonds de solidarité prioritaire, il est compétent pour les 61 pays de la Zone de solidarité prioritaire, il est compétent pour intervenir dans l'ensemble des secteurs de la coopération au développement. En 1999, plus d'une centaine de projets ont fait l'objet d'un agrément du comité d'examen pour 1 250 000 de francs d'engagement. Les services sont à votre disposition à l'issue de chacun des comités directeurs pour vous donner la liste des projets qui est publiée. Je suppose que l'on doit pouvoir également y adjoindre un léger commentaire. Vous avez la liste des projets, les secteurs correspondants et les pays bénéficiaires qui peuvent être des pays ou des régions, selon la nature des opérations.
Q - Y a-t-il eu, depuis le début de l'année, un comité d'agrément ?
R - Il y en a eu un en décembre. Nous avons en décembre anticipé sur l'année 2000 puisque nous avons épuisé la dotation 1999 et pris des décisions engageant le budget 2000. Le prochain comité directeur se tiendra au mois de mai comme il se tient chaque année, mais nous n'avons pas jugé bon d'en tenir un en janvier ou février parce que nous avions déjà engagé des opérations sur le mois de décembre.
Q - Cette impression de trou noir entre décembre et maintenant, c'est cela.
R - Ce sont trois ou quatre réunions par an et j'ajoute que décembre a été, pour la première fois, l'illustration de l'extension de la Zone de solidarité prioritaire puisque le Vietnam et Cuba en particulier qui ont été présentés et adoptés reflétaient l'extension de notre Zone de solidarité prioritaire, cela a de nouveau payé.
Q - Pouvez-vous nous dire aujourd'hui quel est l'objectif principal de la coopération française : de continuer à aider les pays avec lesquels nous avons, traditionnellement des liens ? aider les pays les plus pauvres ? Ou aider les pays les plus rentables ? On entend un certain nombre de regrets pour rééquilibrer l'aide. Quelle elle est la philosophie générale ?
R - C'est le croisement des deux premiers objectifs, c'est-à-dire fidélité et il est vrai que la France a une relation privilégiée avec un certain nombre de pays pour des raisons qui tiennent aussi bien à l'histoire qu'à la géographie. Il se trouve que plusieurs de ces pays sont des pays classés parmi les moins avancés, les pays les plus pauvres, et très largement, vous observerez que les pays vers lesquels se dirige notre aide sont des pays avec lesquels nous avons, à la fois une tradition ancienne mais qui sont aussi, encore malheureusement classés parmi les pays pauvres.
Parmi les raisons qui ont aussi pu justifier que l'on continue à aider les pays qui pouvaient statistiquement le justifier moins, il y a la cohérence régionale qui explique que nous n'avons pas voulu par exemple écarter de la ZSP des pays de l'Océan indien.
Dans d'autres régions, comme les îles Caraïbes, nous ne sommes pas dans la même situation qu'au Mali ou au Burkina même s'il est vrai que les contraintes insulaires sont spécifiques et elles ont été rappelées d'ailleurs lors de la réunion du Cariforum organisée à la Guadeloupe il y a quelques jours en présence du président de la République. Autrement dit, c'est bien le croisement des deux, c'est-à-dire à la fois la zone d'aide traditionnelle, historique et la lutte contre la pauvreté. Voilà les deux critères qui continuent de structurer nos choix en matière d'aide au développement.
Q - Ma question a un caractère institutionnel, lorsque vous-même serez appelé à d'autres fonctions, pensez-vous que la fonction de ministre délégué à la Coopération sera maintenue et qu'elle a encore des raisons d'être ?
R - Ce n'est pas parce que j'ai été le dernier secrétaire d'Etat à la Mer qu'il faut forcément croire que l'on ne m'appellerait que pour faire disparaître la fonction que l'on me donne. Je suis le 22ème et l'élu des Côtes d'Armor que je suis resté est très sensible à cette numérotation qui est aussi celle de mon département. Mais, en tout état de cause, il y aura un ministre, son statut, probablement ministre délégué car je le lui souhaite, mais il y aura un ministre identifié comme étant celui de la coopération au développement. J'en ai la conviction intime. Et quel que soit l'intérêt que le ministre des Affaires étrangères porte à ces questions, je crois que son propre plan de charges ne lui permet pas d'être suffisamment présent dans le lieux où l'on débat de ces questions mais je crois aussi que ceci correspond à une réalité malheureusement encore trop actuelle, je veux parler du sous-développement, et l'inégalité dans le développement mais je crois aussi que ceci correspond à un vrai intérêt de la part de l'opinion. Il y a une sensibilité à ces questions qui va en se développant, non seulement dans le monde associatif parmi les élus qui confèrent l'explosion de la coopération décentralisée particulièrement chez les jeunes, ajoutons-y la sensibilité des migrants sur ces questions. Si vous prenez tout cela, vous voyez qu'il y a largement de quoi justifier l'existence d'un ministre délégué à la coopération mais à l'occuper aussi.
Q - Peut-on élargir les question. Après l'expulsion de l'ambassadeur de France du Tchad, l'ambassadeur du Tchad à Paris a-t-il été expulsé ?
R - Non.
Q - Où en sont les relations ?
R - Nous n'entendons pas faire la guerre au Tchad. Nous avons entrepris de nous expliquer, j'espère bien que nous allons pouvoir, dans quelques temps, reprendre une relation diplomatique normale par la présence d'un ambassadeur au Tchad.
Q - Il serait également vrai de dire : "nous n'entendons plus".
R - Nous avons déploré cette situation, nous l'avons fait savoir aux autorités tchadiennes c'est tout.
Q - Avons-nous toujours une présence militaire là-bas ?
R - Nous avons toujours une présence militaire qui s'est déplacée légèrement pour ses exercices aériens à Abéché à quelques distances de N'Djamena, c'est ce que souhaitaient les autorités tchadiennes, c'est ce dont nous étions convenus déjà depuis plusieurs mois, que nous avons tardé à mettre en oeuvre pour des raisons qui tenaient aux problèmes d'approvisionnement en carburants peu réalisable durant la saison des pluies. Mais il n'y a pas de contentieux à cet égard.
Q - Savez-vous quand il y aura un nouvel ambassadeur de France à N'Djamena ?
R - Prochainement.
Q - Dans quel cadre se situe l'opération Epervier ? Il n'y a pas d'accord de défense, ni d'accord de coopération d'un côté, et l'opération Epervier, dans quel cadre est-elle maintenue ?
R - C'est l'une des présences militaires françaises en Afrique.
Q - C'était le sens de ma question, je me suis mal exprimé; Vous avez dit " nous n'entendons pas faire la guerre au Tchad ", mais ma question était, est-ce que légalement, nous n'entendons plus faire la guerre au Tchad ?
R - Nous n'avons pas d'accord de défense en cas d'agression, nous l'avons faite plusieurs fois la guerre... D'une manière générale, les accords de défense, c'est une intervention en cas d'agressions extérieures. Je n'ai pas le sentiment que ceci soit vérifié concernant le Tchad. Donc même en l'absence d'un corps de défense, l'application de la règle demeurerait celle-là.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2000)
Vous auriez peut être souhaité que nous parlions de l'actualité - je ne m'y déroberai pas si vous avez quelques questions sur l'actualité des pays avec lesquels nous coopérons -, mais ce matin c'était sur une raison plus précise que je souhaitais vous rencontrer. La France vient en effet d'être examinée par le CAD (Comité d'aide au développement) de l'OCDE. Un tel examen de notre politique d'aide au développement n'intervient que tous les trois ans. Comme celui-ci est le premier à intervenir depuis la mise en uvre de la réforme de la coopération, annoncée je vous le rappelle le 4 février 1998, et entrée en vigueur le 1er janvier 1999, les travaux du CAD revêtaient cette fois pour nous un intérêt particulier.
Un mot sur la méthode du travail du CAD. Elle repose essentiellement sur deux éléments :
D'abord la production de données harmonisées qui permet d'effectuer des comparaisons, et donc de suivre ainsi de manière équitable l'effort d'aide au développement de chacun.
Ensuite, on arrive à cet aspect particulier du travail du CAD que constitue l'examen des politiques nationales d'aide au développement, un examen - j'insiste - sans complaisance : chaque pays voit sa politique analysée par ses pairs et, dans le cas de la France, ce sont l'Italie et la Norvège qui ont été, en quelque sorte, nos examinateurs. Leur travail d'examen critique s'est appuyé sur les données très fournies, produites par la France à l'occasion ; il s'est aussi appuyé, bien sûr, sur la méthodologie des services du CAD de l'OCDE, et les services en question ont eux-mêmes effectué des visites de terrain afin d'observer de visu notre action de coopération. Il sont allés en particulier au Mali, au Maroc et au Vietnam. Tout cela pour dire qu'il planait en effet un certain suspense sur ce que serait le résultat de ces investigations.
Avant de lever ce suspense, je dois rappeler quelques données qui me paraissent fondamentales. L'importance de l'effort français en faveur du développement - il est toujours important de le rappeler - est resté supérieur à la moyenne des pays industriels. C'est d'ailleurs un point qui nous vaut des félicitations du CAD, ce que les premiers commentaires faits sur cet examen ont oublié de rappeler : l'effort français est le plus élevé de tous les pays du G7 et c'est une donnée globale qui pourrait être complétée par quelques rappels chiffrés. Par exemple, il faut rappeler que notre aide représente le quart de l'aide bilatérale à l'Afrique. Autre ordre de grandeur intéressant : tout compris, l'Union européenne et ses Etats membres apportent près des deux tiers de toute l'aide reçue par le continent africain. On peut appeler cela " réalité quantitative de base ". Je ne veux pas utiliser ces chiffres comme arguments massifs ou comme boucliers pour éviter le débat, mais je crois qu'il fallait rappeler quand même ces ordres de grandeur.
Je reviens au cur du suspense qu'allait être l'appréciation qualitative portée sur notre aide. C'est là bien sûr qu'intervient la réforme de notre dispositif qui, je le rappelle, visait à simplifier les dispositifs institutionnels d'aide au développement pour renforcer la cohérence et lui donner aussi plus d'efficacité et de transparence. Que dit à ce propos le rapport du CAD ? J'avais demandé qu'on vous distribue au terme de cette rencontre la synthèse des conclusions de ce rapport. Cette synthèse renferme les appréciations et les recommandations du CAD. Je veux, avant que vous en preniez connaissance, relever deux ou trois choses :
D'abord, le CAD salue la simplification de notre dispositif, son regroupement autour de deux grands pôles : le pôle diplomatique avec le ministère des Affaires étrangères et le pôle économique avec le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie d'une part, et d'autre part le rôle d'opérateur pivot reconnu à l'Agence française pour le développement, la création d'une instance de coordination et de pilotage de politique d'aide qu'est le CICID. Tout cela a été salué par le CAD.
Deuxième élément : le Comité d'aide au développement a bien voulu convenir que les orientations nouvelles de notre aide répondent aux recommandations que le CAD lui-même a émis par le passé. Je pense par exemple à l'articulation concrète des différentes aides sur le terrain - c'est une chose à laquelle le CAD tient et il a raison -, les objectifs sur lesquels nous mettons l'accent, les secteurs sociaux de base, la recherche d'une stratégie plus efficace de lutte contre la pauvreté par exemple, ou encore le renforcement du partenariat avec les bénéficiaires de l'aide. Au travers de ces orientations, nous nous sommes rapprochés d'une référence correspondant à ce que les instances internationales compétentes, en l'occurrence le CAD de l'OCDE, jugent souhaitable.
Troisième élément - c'était le moins attendu - le volet " société civile et la coopération décentralisée " est particulièrement salué. Le CAD félicite la France pour la création du Haut Conseil de la coopération internationale et, d'une manière très précise, pour les encouragements que nous prodiguons à la coopération décentralisée. Pour moi, c'était une bonne surprise : notre pays a été souvent brocardé pour son jacobinisme et le fait qu'il reçoive des félicitations sur ce chapitre est plutôt savoureux pour le ministre que je suis.
Il se trouve que ce sont deux secteurs que j'ai voulu privilégier mais, ce qui m'intéressait surtout, je le répète, c'est l'importance que le CAD leur attache à propos du Haut Conseil qui intègre la société civile dans notre réflexion. Le CAD salue sa composition. Je rappelle qu'il compte soixante personnes, en excluant les fonctionnaires en activité, afin de privilégier l'indépendance de l'institution. Son président est salué par le CAD comme un homme politique de tout premier plan - c'est un compliment que mérite parfaitement Jean-Louis Bianco - ainsi que la libre organisation de ses travaux, et nous en aurons la preuve dans quelques semaines. Le CAD attend du Haut Conseil un élargissement du débat sur le contenu et les orientations de la politique de coopération et d'aide au développement.
Second élément auquel j'étais sensible : le CAD salue le dynamisme de la coopération décentralisée apportée par les collectivités locales françaises et il relève au passage que les montants en cause sont estimés à 170 millions de dollars, c'est à dire près d'un milliard de francs. Pour l'instant, et j'y insiste, ces sommes ne sont pas comprises dans les montants que nous déclarons au titre de notre aide publique au développement. D'autres pays le font, c'est le cas de l'Italie et de l'Espagne. La France a été parfois soupçonnée de tirer les statistiques, là c'est l'inverse. On peut changer et y remédier à l'avenir, mais ceci demande au préalable un travail un peu serré de méthodologie et de collecte statistique : on ne peut communiquer au CAD que des chiffres solidement établis.
Voilà la note d'ambiance générale, et c'était le commentaire politique que je voulais faire, après d'autres qui résultaient à mon avis d'une lecture à priori critique. Cela étant, le métier du CAD n'est pas de distribuer des fleurs et l'examen auquel il procède demeure une évaluation destinée à obtenir de nous des améliorations de notre aide et, de ce point de vue, il représente pour nous un peu la "révision des 15 000 km de la réforme" : un bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire dans sa mise en uvre. Je rappelle que cette réforme était réclamée depuis 20 ans ; c'est seulement depuis un an qu'elle commence à entrer dans la réalité. A cet égard, le CAD nous adresse dix recommandations, que vous aurez aussi entre les mains dans un instant, et sur lesquelles nous allons travailler dans les semaines qui viennent. Mais je veux dire d'entrée qu'elles rejoignent très largement les préoccupations et même les intentions du gouvernement français.
Je pense par exemple au souhait de nous voir affirmer des stratégies plus nettes, d'accroître encore l'aide aux secteurs sociaux de base, d'améliorer les systèmes d'évaluation, ou de mieux sensibiliser l'opinion publique aux enjeux du développement. Vous aurez observé, à l'énoncé simplement de ces recommandations, qu'il s'agit là déjà de ce que nous mêmes avons exprimé comme étant nos intentions au moment où nous avons mis en uvre la réforme. Le souhait par exemple de voir réduire la part de l'aide accordée sous forme de protocole financier du ministère des Finances est déjà entré en vigueur. Je pense au souhait du CAD tendant à éviter que les annulations de dettes ne se traduisent par une diminution équivalente de l'aide aux projets, puisque nous allons y pallier au travers de la création des fonds communs de développement, alimentés par les marges de manuvre dégagées par les annulations de dettes.
La France est donc félicitée par le CAD en ce qui concerne son effort d'APD, mais le CAD exprime dans le même temps le vu que nous profitions des recettes budgétaires assurées par une croissance plus vigoureuse pour augmenter le volume de l'aide. Il est dans son rôle et je ne lui en fais pas reproche car nous sommes aussi sur cette position et nous espérons la faire partager et, si le CAD nous aide à en convaincre certains des décideurs budgétaires, nous ne pouvons que nous en féliciter. Il est vrai qu'il pose aussi la question de la sélectivité et de l'éventuel resserrement de notre aide. A travers cette question, le problème qui se trouve posé, c'est l'utilisation des outils que nous avons créés pour la réforme. Quel usage faire par exemple de la notion de Zone de solidarité prioritaire ? Vous savez que le débat est appelé - là encore - à se développer, parce que c'est l'une des questions qui a été ciblée par certains. La ventilation géographique ou sectorielle de notre aide n'a rien de secret et d'ailleurs dans le dossier qui vous sera remis vous retrouverez - cela rafraîchira la mémoire de certains, ou apprendra à d'autres - la liste des pays inscrits dans cette Zone de solidarité prioritaire. Vous aurez d'ailleurs, dans le même dossier qui va vous être distribué, le texte complet du mémorandum que la France a produit en quelque sorte en réponse aux observations qui étaient présentées, et plus généralement du mémorandum que la France a produit pour le CAD. Les fiches synthétiques jointes à ce document vont vous permettre d'avoir une idée plus précise des principales grandeurs caractéristiques de notre aide. Vous pourrez cadrer mieux notre réflexion et vous prémunir contre les approximations qui peuvent être trompeuses. Dès lors, s'agissant de la question de la sélectivité de notre aide, on entend parfois dire qu'elle serait dispersée aux quatre vents.
Je voudrais que nous restions dans le cadre d'une discussion sérieuse et rappeler par exemple qu'il y a - rappel utile - 61 pays dans notre Zone de solidarité prioritaire. Certains trouvent que c'est trop - on peut en débattre -, dans le même temps un certain nombre de pays se portent d'ores et déjà candidats pour entrer dans cette Zone de solidarité prioritaire. Par exemple, je vais à la fin de cette semaine au Liban qui en fait partie. J'irai en Jordanie qui fait partie des pays qui demandent avec insistance à entrer dans cette Zone de solidarité prioritaire. Mais d'autres pays dans les Caraïbes sont dans la même attente. Mais s'il y a 61 pays dans cette zone, la moitié de notre aide est concentrée sur 10 pays.
J'observe évidemment que la plupart de nos concours sont dirigés vers les pays au sein desquels l'aide française représente une part significative de l'aide au développement - c'était un engagement pris par la France, en quelque sorte, lorsque nous avons entrepris la réforme : le principe de fidélité, vous vous souvenez, rappelé à l'époque, notamment par M. Védrine, se retrouve dans ce qui peut être considéré comme une concentration de notre aide sur ces pays.
Autre élément intéressant : la part santé dans l'aide française est en ligne avec la moyenne du CAD ; celle de l'éducation lui est nettement supérieure, puisque nous en sommes à 29 %, contre une moyenne du CAD qui n'est que de 11 %. Ceci pour éviter de laisser courir une fable qui voudrait que la France délaisserait ces deux secteurs sociaux essentiels. Les chiffres pourraient nous amener à un débat trop long, mais nous y reviendrons peut-être en réponse à vos questions. Je ne m'y étends pas, mais je voudrais, pour conclure, insister sur deux points.
D'abord le fait que l'expertise française est de mieux en mieux reconnue : le CAD nous crédite d'un certain nombre de points forts, comme par exemple l'appui à la construction de l'Etat de droit, la promotion du secteur privé ou le développement rural, pour prendre trois domaines très différents. Le CAD souhaite même d'ailleurs que, dans certains secteurs, nous nous affirmions davantage ; je pense par exemple à la bonne gestion des affaires publiques, un champ d'action qui pourrait être renforcé en liaison avec la coopération décentralisée. C'est une suggestion du CAD qui me paraît être à priori une bonne idée. On nous suggère aussi de revendiquer un rôle de chef de file parmi les bailleurs de fonds, par exemple pour le développement rural dans certains pays - le Mali est expressément cité. C'est bien là une claire reconnaissance de la qualité de l'aide et de l'expertise française.
Enfin, et c'est le second point sur lequel je voulais porter ma conclusion, notre discussion d'aujourd'hui s'inscrit dans un calendrier qui va être riche en occasion d'informations et de débats et, de ce point de vue, la participation du CAD à ce débat est en quelque sorte intéressante. Il va y avoir dans quelques jours la publication du premier rapport du Haut Conseil de la coopération internationale, qui va être remis au Premier ministre. Le débat parlementaire qui va se tenir à l'Assemblée nationale le 25 avril sur la politique de coopération ; et puis la présidence française de l'Union européenne, qui débute le 1er juillet, qui va être l'occasion de mieux affirmer les ambitions de la politique européenne de coopération et qui va d'ailleurs être précédée d'un temps intéressant pour la réflexion sur ces sujets, puisqu'il y aura pratiquement en continu le colloque "ABCDE" organisé par le Conseil d'analyses économiques du Premier ministre avec le concours de la Banque mondiale, et puis, fin juin ou début juillet, il y aura une réflexion sur l'Europe et le développement, qui va faire suite à un premier colloque organisé par nos amis portugais, à Lisbonne, il y a quelques mois.
Vous aurez compris en tout cas pourquoi nous avons attaché de l'importance - à cause de la période aussi - à cet examen du CAD, et pourquoi je souhaitais pouvoir vous livrer nos impressions au terme d'un examen qui a été critique, mais qui a, aussi,et nous en sommes satisfaits, aussi reconnu les points forts de la politique française d'aide au développement. Maintenant, je peux répondre à vos questions sur ce dossier et puis, si vous le souhaitez, nous prendrons dix minutes pour répondre aux questions d'actualité que vous voudriez également me poser.
Q - Je voudrais vous voir préciser deux points : sur les allégements de dettes - le CAD a priori n'insiste pas sur ce point - on a l'impression à entendre les Africains qu'ils sont très contents d'avoir des allégements de dettes, ou des annulations, qui sont de plus en plus importantes, et comme ces annulations ou ces allégements sont intégrés dans l'aide, ils ont l'impression qu'il y a de moins en moins d'argent qui est effectivement déboursé ; deuxième point, vous n'avez pas du tout parlé du problème de l'aide liée ou de l'aide déliée : il s'agit du vieux débat pour savoir si l'aide doit toujours accompagner les contrats commerciaux ou pas.
R - Sur la première question, les pays bénéficiaires de l'allégement de dettes, et les Africains en particulier, ont raison de craindre que les pays industrialisés puissent se satisfaire de cet abandon de créances et considérer qu'il tient lieu désormais d'aide publique au développement. Ils ont raison de le craindre, mais ce n'est pas la position de la France, car nous considérons au contraire que, si nous voulons inciter les pays concernés à utiliser les marges de manuvre que procure l'allégement de dettes, il faut que l'aide publique au développement continue de pouvoir s'y ajouter. C'est de cette manière que nous pouvons les inciter à réinvestir en quelque sorte cette marge de manuvre. J'ai déjà eu l'occasion de mettre en garde mes collègues contre cette facilité que pourrait représenter l'allégement de la dette nous dispensant en quelque sorte d'une aide positive au développement, alors que nous considérons qu'elle doit nécessairement s'y ajouter. Cela étant, statistiquement l'allégement de la dette s'étale nécessairement dans le temps, puisque l'allégement, même s'il est fait en capital, ne se comptabilise que par rapport à l'annuité. Cela n'est donc quand même pas de nature à modifier trop profondément les statistiques, mais il est vrai qu'il faut en tenir compte.
Sur la seconde question, le débat est ouvert, au CAD en particulier. La question du déliement de l'aide se pose de manière peut-être plus sensible dans un pays comme le nôtre, qui a une présence économique très identifiée, au travers d'un nombre important d'entreprises, notamment dans les pays de l'ancien champ. Je veux dire que d'autres pays peuvent plus facilement parler sans risques d'une modification du système actuel, mais la réflexion a beaucoup progressé au cours des deux dernières années. Nous avons en particulier discuté sur ce dossier avec le Japon - qui est d'ailleurs assez proche sur certains points : sa relation à l'Asie qui l'environne peut, dans une certaine mesure, se comparer à notre relation avec cette Afrique du champ dont je parlais tout à l'heure - et ils ont un peu les mêmes réserves par rapport à un déliement sans aucune précaution. La question qui reste encore pendante, c'est celle de l'aide alimentaire que certains voudraient voir non déliée - et je pense aux Etats-Unis en particulier -, alors que nous voudrions que, si l'on parle de déliement, cela prenne en compte aussi l'aide alimentaire. Par contre, nous avons des réserves, c'est vrai, en ce qui concerne l'assistance technique - l'expertise, pour employer une autre expression. Il nous paraîtrait normal que les pays puissent librement choisir l'assistance technique ou l'expertise. Que l'aide soit déliée en ce qui concerne la réalisation des opérations mais à la condition, je le répète, que l'aide alimentaire puisse entrer également dans ce qui serait délié. C'est l'un des points de discussion encore ouverts mais, par rapport à la position qui était la nôtre il y a quelques années, il faut observer une évolution qui se rapproche des objectifs poursuivis par le CAD.
Q - Lorsque vous dites que la moitié de l'aide française est concentrée sur dix pays, vous répondez à la critique de dispersion mais pas à celle de choix judicieux. Or, le CAD reproche à la France de donner à certains pays une aide par habitant très supérieure à celle d'autres pays qui ont, pourtant, des revenus très inférieurs, notamment, les PMA, autrement dit, nous donnons plus à ceux qui en ont le moins besoin.
R - Le Maroc, pour rester dans l'actualité, fait partie, en effet, des pays avec lesquels la relation est très soutenue, importante, mais vous aurez une fiche ici qui va rappeler :
- PMA, 20,82 % de l'aide publique française.
- Pays à faible revenu : 21,81 %.
C'est-à-dire que 43 % de notre APD va aux pays les plus pauvres et 43 % ne veut pas dire que 57 % irait aux plus riches car il y a une part non ventilée de presque 20 % qui, pour partie revient à ces pays les plus pauvres. J'ajoute que si je continue mon énoncé statistique, les pays à revenus intermédiaires, tranches inférieures, sont 20 %. Autrement dit, c'est en réalité une très large majorité de notre aide qui va aux pays les plus pauvres ou à revenus inférieurs. Plus de 60 % et si je prends la part ventilée, en fait, on découvrira que c'est presque les trois-quarts de notre aide qui vont à ces pays. Que, dans l'examen de certains pays, on découvre qu'il y a une part par habitant plus importante, oui, je ne le nie pas et nous sommes en train, là aussi, de commencer à apporter un certain nombre de corrections dont je ne ferai pas la liste car il y a une réflexion par pays qui est engagée et qui va nous permettre, je pense, de gagner en cohérence et éviter les disparités trop craintes que le CAD a pu mettre en évidence.
L'Afrique subsaharienne fait, à elle seule, 45 % de l'aide publique au développement, ce qui est tout à fait considérable.
Q - Peut-on avoir le montant global de l'aide publique au développement ?
R - Le montant global, tel que l'OCDE le comptabilise ce sont 33,9 milliards de francs, c'est-à-dire, 5,7 milliards de dollars, car le CAD a souvent l'habitude de compter en dollars. Et toujours en dollars, l'Afrique subsaharienne, ce sont 2 503 000 000 de dollars. Pour l'Asie du sud et centrale, 101 000 000 de dollars seulement, 1,82 % et certains, autour de moi, considèrent, que c'est peu et qu'il serait intéressant que la France s'intéresse un peu plus, mais il faut voir comment et avec quels moyens, à toute cette frange asiatique de l'ancien empire soviétique où nous sommes à peu près absents.
Autres pays d'Asie et d'Océanie : 1 056 000 000 de dollars, c'est-à-dire presque 20 %. Comprenez que là, il y a aussi la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, c'est un éclairage qu'il faut donner.
Moyen-Orient et Afrique du nord : 884 000 000 de dollars, c'est-à-dire presque 16 %, il est vrai que là, le Maroc, l'Algérie, Tunisie et l'Egypte font là l'essentiel. Ce sont des crédits importants.
Amérique latine et Caraïbes : 301 000 000 de dollars, seulement 5,43 % du total et là aussi, nous pourrions considérer que, si ceci peut s'expliquer par l'histoire et la géographie, cela pourrait peut-être justifier aussi que l'on augmente un peu.
Europe et non spécifiés, c'est-à-dire ce qui n'est pas ventilable, 702 000 000 de dollars, là encore, l'ouverture vers les pays de l'Est pourrait justifier et notamment l'appui institutionnel à certains pays une remontée de cette ligne. Ce qui renvoie au problème plus général des moyens que nous aurons ou que nous n'aurons pas pour le budget 2001. Nous avons commencé à en discuter, y compris avec les parlementaires.
Q - Avez-vous des premières indications ? La cagnotte va-t-elle profiter à l'aide au développement ?
R - Honnêtement non. Ce qui m'intéresse surtout, je le répète, c'est que ceci s'inscrive dans la durée et que nous puissions avoir, en 2001, des moyens qui permettent de poursuivre l'effort engagé notamment avec le continent africain et d'essayer d'avoir une présence plus significative dans d'autres régions du monde, comme nous commençons à l'avoir.
Q - Est-il vrai que l'aide de la France a chuté de 32 % entre 1994 et 1998 ?
R - C'est exact et il y a à cela quelques bonnes raisons : 1994 a été le pic statistique à rapprocher de la dévaluation du franc CFA qu'il avait fallu préparer et qui a été ensuite accompagnée et qui expliquait que ce que l'on appelle en particulier l'ajustement structurel avait fait l'objet de mesures particulières traduisant l'amélioration structurelle des finances publiques et en particulier de la balance des paiements. Ce qui expliquait que nous étions arrivés à 0,64, presque à l'objectif de 0,70 qui avait été affiché et aujourd'hui, 0,40.
Il y a plusieurs raisons à la baisse : l'effort fait en particulier pour préparer et accompagner la dévaluation du franc CFA qui expliquait l'augmentation d'alors, une contraction, depuis, de l'aide multilatérale, l'amélioration de certaines situations en matière de finances publiques des pays aidés - tant mieux, ce sont les éléments positifs. Une sous-consommation observée - il faut le dire - dans les pays en crise explique que dans certains pays nous n'avons pas réalisé les programmes que nous avions envisagés. Nous pouvons malheureusement faire le même constat en ce qui concerne l'aide européenne dont nous n'avons pas parlé et sur laquelle il est intéressant de vous donner quelques indications. La participation française dans l'aide européenne représente 14 % de notre APD, c'était 11 % en 1994, autrement dit, il y a une montée de l'aide multilatérale européenne. Faut-il rappeler que nous sommes le premier contribuer au FED ? Mais nous avons aussi vu la difficulté que nous avions à consommer les FED précédents pour des raisons qui tiennent à la fois à des procédures parfois trop lourdes de part et d'autre, je dirais difficulté des pays bénéficiaires à formuler des projets, à les exprimer, et lourdeur de nos procédures européennes. L'effort est apporté des deux côtés et au cours de la discussion de la renégociation de Lomé, nous avons beaucoup parlé de ces questions. L'autre raison à cette sous-consommation, ce sont les situations de crises dont je parlais tout à l'heure qui ont évidemment affectées aussi les programmes européens.
Q - Allez-vous rendre public le rapport du CICID comme le demande le CAD ? Que devient le FAC car on ne sait plus très exactement quelles sont les subventions accordées. Il n'y a pas beaucoup de documents de la Coopération qui sont rendus publics sur ce que vous faites des subventions. On en avait régulièrement concernant le FAC, ce que vous accordiez comme subventions, il n'y a plus du tout de note ?
R - Nous voulions attendre ce travail du CAD qui nous paraissait important, ensuite, il y avait le Haut conseil qui a été installé tardivement, je suis prêt à en convenir, il devait avoir le temps de faire son rapport, qui devait précéder le débat parlementaire puisque le rapport du Haut conseil est là aussi pour nourrir, en quelque sorte, le débat parlementaire. Et c'est après seulement que le CICID se réunit. Le CICID doit, nécessairement, intégrer dans sa réflexion, ce qui se sera dit, à la fois au Haut conseil et au Parlement. Tout cela a entraîné des retards dont je suis le premier à déplorer mais l'important pour moi, c'était quand même que le CICID se tienne, que toute cette procédure soit terminée avant que les choix budgétaires 2001 soient faits. Là, au mois de mai, il sera temps mais nous sommes encore dans les temps.
Sur le FSP :
Première chose, le FAC s'appelle désormais le Fonds de solidarité prioritaire, il est compétent pour les 61 pays de la Zone de solidarité prioritaire, il est compétent pour intervenir dans l'ensemble des secteurs de la coopération au développement. En 1999, plus d'une centaine de projets ont fait l'objet d'un agrément du comité d'examen pour 1 250 000 de francs d'engagement. Les services sont à votre disposition à l'issue de chacun des comités directeurs pour vous donner la liste des projets qui est publiée. Je suppose que l'on doit pouvoir également y adjoindre un léger commentaire. Vous avez la liste des projets, les secteurs correspondants et les pays bénéficiaires qui peuvent être des pays ou des régions, selon la nature des opérations.
Q - Y a-t-il eu, depuis le début de l'année, un comité d'agrément ?
R - Il y en a eu un en décembre. Nous avons en décembre anticipé sur l'année 2000 puisque nous avons épuisé la dotation 1999 et pris des décisions engageant le budget 2000. Le prochain comité directeur se tiendra au mois de mai comme il se tient chaque année, mais nous n'avons pas jugé bon d'en tenir un en janvier ou février parce que nous avions déjà engagé des opérations sur le mois de décembre.
Q - Cette impression de trou noir entre décembre et maintenant, c'est cela.
R - Ce sont trois ou quatre réunions par an et j'ajoute que décembre a été, pour la première fois, l'illustration de l'extension de la Zone de solidarité prioritaire puisque le Vietnam et Cuba en particulier qui ont été présentés et adoptés reflétaient l'extension de notre Zone de solidarité prioritaire, cela a de nouveau payé.
Q - Pouvez-vous nous dire aujourd'hui quel est l'objectif principal de la coopération française : de continuer à aider les pays avec lesquels nous avons, traditionnellement des liens ? aider les pays les plus pauvres ? Ou aider les pays les plus rentables ? On entend un certain nombre de regrets pour rééquilibrer l'aide. Quelle elle est la philosophie générale ?
R - C'est le croisement des deux premiers objectifs, c'est-à-dire fidélité et il est vrai que la France a une relation privilégiée avec un certain nombre de pays pour des raisons qui tiennent aussi bien à l'histoire qu'à la géographie. Il se trouve que plusieurs de ces pays sont des pays classés parmi les moins avancés, les pays les plus pauvres, et très largement, vous observerez que les pays vers lesquels se dirige notre aide sont des pays avec lesquels nous avons, à la fois une tradition ancienne mais qui sont aussi, encore malheureusement classés parmi les pays pauvres.
Parmi les raisons qui ont aussi pu justifier que l'on continue à aider les pays qui pouvaient statistiquement le justifier moins, il y a la cohérence régionale qui explique que nous n'avons pas voulu par exemple écarter de la ZSP des pays de l'Océan indien.
Dans d'autres régions, comme les îles Caraïbes, nous ne sommes pas dans la même situation qu'au Mali ou au Burkina même s'il est vrai que les contraintes insulaires sont spécifiques et elles ont été rappelées d'ailleurs lors de la réunion du Cariforum organisée à la Guadeloupe il y a quelques jours en présence du président de la République. Autrement dit, c'est bien le croisement des deux, c'est-à-dire à la fois la zone d'aide traditionnelle, historique et la lutte contre la pauvreté. Voilà les deux critères qui continuent de structurer nos choix en matière d'aide au développement.
Q - Ma question a un caractère institutionnel, lorsque vous-même serez appelé à d'autres fonctions, pensez-vous que la fonction de ministre délégué à la Coopération sera maintenue et qu'elle a encore des raisons d'être ?
R - Ce n'est pas parce que j'ai été le dernier secrétaire d'Etat à la Mer qu'il faut forcément croire que l'on ne m'appellerait que pour faire disparaître la fonction que l'on me donne. Je suis le 22ème et l'élu des Côtes d'Armor que je suis resté est très sensible à cette numérotation qui est aussi celle de mon département. Mais, en tout état de cause, il y aura un ministre, son statut, probablement ministre délégué car je le lui souhaite, mais il y aura un ministre identifié comme étant celui de la coopération au développement. J'en ai la conviction intime. Et quel que soit l'intérêt que le ministre des Affaires étrangères porte à ces questions, je crois que son propre plan de charges ne lui permet pas d'être suffisamment présent dans le lieux où l'on débat de ces questions mais je crois aussi que ceci correspond à une réalité malheureusement encore trop actuelle, je veux parler du sous-développement, et l'inégalité dans le développement mais je crois aussi que ceci correspond à un vrai intérêt de la part de l'opinion. Il y a une sensibilité à ces questions qui va en se développant, non seulement dans le monde associatif parmi les élus qui confèrent l'explosion de la coopération décentralisée particulièrement chez les jeunes, ajoutons-y la sensibilité des migrants sur ces questions. Si vous prenez tout cela, vous voyez qu'il y a largement de quoi justifier l'existence d'un ministre délégué à la coopération mais à l'occuper aussi.
Q - Peut-on élargir les question. Après l'expulsion de l'ambassadeur de France du Tchad, l'ambassadeur du Tchad à Paris a-t-il été expulsé ?
R - Non.
Q - Où en sont les relations ?
R - Nous n'entendons pas faire la guerre au Tchad. Nous avons entrepris de nous expliquer, j'espère bien que nous allons pouvoir, dans quelques temps, reprendre une relation diplomatique normale par la présence d'un ambassadeur au Tchad.
Q - Il serait également vrai de dire : "nous n'entendons plus".
R - Nous avons déploré cette situation, nous l'avons fait savoir aux autorités tchadiennes c'est tout.
Q - Avons-nous toujours une présence militaire là-bas ?
R - Nous avons toujours une présence militaire qui s'est déplacée légèrement pour ses exercices aériens à Abéché à quelques distances de N'Djamena, c'est ce que souhaitaient les autorités tchadiennes, c'est ce dont nous étions convenus déjà depuis plusieurs mois, que nous avons tardé à mettre en oeuvre pour des raisons qui tenaient aux problèmes d'approvisionnement en carburants peu réalisable durant la saison des pluies. Mais il n'y a pas de contentieux à cet égard.
Q - Savez-vous quand il y aura un nouvel ambassadeur de France à N'Djamena ?
R - Prochainement.
Q - Dans quel cadre se situe l'opération Epervier ? Il n'y a pas d'accord de défense, ni d'accord de coopération d'un côté, et l'opération Epervier, dans quel cadre est-elle maintenue ?
R - C'est l'une des présences militaires françaises en Afrique.
Q - C'était le sens de ma question, je me suis mal exprimé; Vous avez dit " nous n'entendons pas faire la guerre au Tchad ", mais ma question était, est-ce que légalement, nous n'entendons plus faire la guerre au Tchad ?
R - Nous n'avons pas d'accord de défense en cas d'agression, nous l'avons faite plusieurs fois la guerre... D'une manière générale, les accords de défense, c'est une intervention en cas d'agressions extérieures. Je n'ai pas le sentiment que ceci soit vérifié concernant le Tchad. Donc même en l'absence d'un corps de défense, l'application de la règle demeurerait celle-là.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2000)