Texte intégral
P. Lapousterle - Quelques mots d'abord sur la surprise du Congrès socialiste de Grenoble : la préférence affirmée par le chef du Gouvernement pour que le Président soit élu en 2002 avant les députés. Est-ce que vous pensez, vous aussi, qu'il faut inverser le calendrier, que ce serait une bonne idée ?
- "Le Premier ministre s'est placé dans le débat. Je ne dis pas qu'il a ouvert le débat sur ce point."
On a cru comprendre qu'il y était favorable.
- "Oui, comme vous dites, on a cru comprendre. A demi-mots, il a dans ce débat laisser poindre un avis, sans pour autant que cet avis soit aujourd'hui catégorique. Mais quand vous avez les plus grands constitutionnalistes français, quand vous avez un ancien Président de la République, quand vous avez des anciens Premiers ministres d'un bord et de l'autre qui posent la question et qui disent : "on ne peut pas continuer comme cela" ; à un moment donné, les autorités publiques doivent prendre position ou ouvrir le débat pour que chacun puisse prendre position. C'est ce qu'a fait le Premier ministre. On ne peut pas attendre les deux mois qui précéderont ces échéances pour clore ce débat et évoquer ce sujet."
Mais sur ce point, il y a à peine quinze jours à la télévision, le Premier ministre avait une chose contraire. Il avait dit : "sur ce point-là, je ne prendrai pas d'initiative." Il a changé d'avis ?
- "Il n'a pas changé d'avis. Ce débat est sur la table. Celui qui veut le nier, nie une réalité qui, en plus, est une réalité puissante, forte, qui un débat institutionnel avec des conséquences politiques. Donc le débat est sur la table et il s'est placé dans le débat. La difficulté - et on l'a vu avec des réactions immédiates, un peu automatiques et ras-de-terre du RPR -, c'est de dire que c'est politicien. On ne petit donc plus poser un grand débat institutionnel sans qu'éventuellement on soit accusé de politicien. C'est cela qu'il faut essayer d'éviter."
Il est légitime de penser que si le Premier ministre a pensé à cela, c'est qu'il pensait que cela l'arrangerait quelque part ?
- "Je ne sais pas qui aujourd'hui est en capacité de dire qui arrange l'inversion du calendrier. Il y a une chose qui est certaine, à mon sens, c'est que c'est quand même nettement plus logique."
Avant de passer à la fonction publique, une dernière question sur ce point : le Président de la République a fait savoir - tout le monde a le droit de changer d'avis - ...
- "cela lui ait arrivé."
... Qu'il y était opposé. Est-ce qu'une réforme de ce genre peut se faire sans le chef de l'Etat ou ,a fortiori, s'il y était opposé ? Est-ce que cela peut aboutir ?
- "Cela paraît difficile. Donc chacun prendra ses responsabilités."
Vous êtes ministre de la Fonction publique et vous menez en ce moment des négociations assez difficiles avec les syndicats de la fonction publique, lesquels ont refusé vos propositions lors d'une dernière réunion tenue le 21 novembre. A Grenoble, le Premier ministre a abordé ce sujet. Il a parlé, concernant ces négociations de la fonction publique, de "sa volonté d'arriver à un compromis raisonnable." Je vais vous demandé de faire de l'exégèse. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vous avez plus de grain à moudre que vous n'en avez eu par le passé ? Ou bien, au contraire, c'est une demande aux syndicats de se montrer moins gourmands ?
- "C'est d'abord l'affirmation d'une réalité : nous avons ouvert les négociations, nous ne les avons pas terminées. J'ai eu une première rencontre la semaine dernière avec l'ensemble des syndicats. Je vais avoir des rencontres avec chacun des syndicats puis j'aurai une deuxième rencontre avec l'ensemble des syndicats et peut-être même une troisième rencontre avec l'ensemble des syndicats pour conclure et aboutir à un accord. Donc nous sommes au début d'un processus difficile, compliqué parce que tout cela a des coûts budgétaires considérables. Mais c'est un début de processus. Le Premier ministre s'est placé dans ce processus et donne de la dynamique à ce processus."
C'est-à-dire ?
- "Il dit clairement, semble-t-il : "mon objectif est qu'il y ait un accord. L'objectif du Gouvernement est d'aboutir à un accord." Après un premier accord 1998-1999 positif pour les fonctionnaires, il faut continuer pour couvrir l'ensemble de cette législature par une série d'accords qui seraient acceptables par les uns et les autres."
Quel est le délai pour arriver au bout du processus ?
- "Je me suis toujours fixé ou j'ai toujours eu dans l'idée, qu'il faut du temps pour négocier mais qu'à un moment donné, on ne peut plus laisser traîner. Début janvier est un date qu'il ne faut pas dépasser."
C'est très rapide ?
- "Oui, c'est assez rapide. Mais certains auraient préféré que cela se fasse en une nuit."
Est-ce que cela veut dire que depuis la réunion du 21 novembre, vous avez un peu de grain à moudre, que vous pouvez aller plus loin qu'il y a une semaine ?
- "Je sais bien que l'objectif est toujours de me faire dire ce que je vais proposer aux syndicats. Il y a toujours une difficulté, c'est que je préfère proposer cela directement aux syndicats, plutôt que de le faire indirectement par la presse. Mais sur le fond, à la dernière réunion, nous n'avons parlé que de l'année 2000 et pas de l'année 2001 - que de toute façon nous devrons aborder et je le souhaite pour ma part - et de l'année 2002. J'ai de tas des choses à dire que je n'ai pas encore dites sur 2001 et 2002 . S'agissant de l'année 2000, j'ai dit que l'urgence dans laquelle nous nous placions - nous étions au mois de novembre -, nécessitait que l'Etat annonce dès maintenant quelque chose : plus 0.5 % pour l'année 2000, mais que cela n'était pas pour autant la clôture de la discussion sur l'année 2000. Donc la discussion continue sur l'année 2000."
Est-ce que vous considérez que les fonctionnaires, de manière générale, doivent participer, à parité, comme les autres des bénéfices de la croissance ? Ou qu'ils doivent avoir un statut particulier du fait de leur statut particulier dans la Nation ?
- " Non. Par rapport à la question de la croissance..."
Puisque c'est le grand débat...
- "Ce débat vaut pour tout le monde. Ce n'est pas un débat pour les fonctionnaires ou un débat pour le privé."
C'est la question que je vous pose : est-ce que leur participation à la croissance doit être à parité du secteur privé ou bien doit être considérée à part ?
- "La difficulté est de savoir ce que veut dire "à parité." Parce que les comparaisons publiques-privées sont très compliquées. On n'y arrive difficilement parce que dans le public il y a un salaire pour tout le monde, ensuite il y a des évolutions de carrière pour chacun ; alors que dans le privé, on prend un salaire moyen et c'est ce qu'on prend comme élément de comparaison. Les comparaisons sont donc très difficiles. J'ai dit une fois : il faut qu'il y ait une harmonie dans la manière dont évoluent les rémunérations des fonctionnaires par rapport à une période de croissance, une période où la France, globalement, créée de la richesse supplémentaire. Mais il faut aussi qu'il y ait de l'harmonie dans le secteur privé."
Vous savez qu'il y a une ambiance dans une certaine partie de la population française qui considère que les fonctionnaires sont un peu privilégiés dans le sens où, quand il y a de la croissance, ils en profitent comme les autres et quand il y a une crise, ils sont protégés par la sécurité de l'emploi. Ils considèrent donc qu'ils sont un peu surprotégés.
- "Sur la question de l'emploi, oui, parce que c'est la caractéristique - même d'un fonctionnaire. C'est d'ailleurs pour assurer sa neutralité, pour éviter que ce fonctionnaire soit choisi en fonction de considérations politiques, remercié en fonction de considérations politiques. En sens inverse, le fonctionnaire sert n'importe quel régime, dès lors que ce régime est bien entendu élu et légitime. Donc la sécurité de l'emploi, c'est vrai que c'est une différence. Est-ce que c'est aujourd'hui une vraie différence, alors que nous rentrons dans une période qui s'approche du plein emploi et qui, pour les cadres, - c'est-à-dire une très grand majorité des fonctionnaires -, est une période de plein emploi dans la société française ? Cet avantage comparatif qui existe est en train de diminuer. C'est la raison pour laquelle il faut traiter correctement nos fonctionnaires. Dans les années qui viennent, il va falloir recruter deux fois plus de fonctionnaires qu'au cours des dix dernières années. Non pas parce qu'on va augmenter le nombre de postes mais parce que le nombre des départs à la retraite est absolument considérable. Si nous voulons des jeunes gens et des jeunes filles de qualité, il faut leur offrir à la fois une rémunération honorable mais aussi des conditions de travail et de responsabilités qui soient même supérieures à celles dont ils peuvent disposer aujourd'hui."
Puisque le débat a eut lieu, est-ce que vous considérez que la France a trop de fonctionnaires ou qu'elle a le nombre qui faut ? On a longtemps dit qu'on voulait limiter le nombre de fonctionnaires à ce qu'il était...
- "Je crois ce débat complètement dépassé. Ceux qui disent que par principe, il faut plus de fonctionnaires, se trompent ; ceux qui disent que par principe, il faut moins de fonctionnaires, se trompent. Le seul vrai sujet dans les années qui viennent est : "allons-nous trouver les bons fonctionnaires ou les bons candidats dans la fonction publique pour occuper les bons postes dans les territoires et sur des sujets qui sont importants pour les Français ?" C'est l'enjeu de demain. C'est la raison pour laquelle payer correctement, donner de la responsabilité, donner de la mobilité, pouvoir faire plusieurs métiers dans une vie de fonctionnaire, c'est quelque chose de très important pour la qualité du service public qui sera rendu dans les années qui viennent."
Hier vous avez prononcé un discours à Paris où vous avez été procureur assez dur de la manière dont marche la fonction publique. Vous avez dit que c'était trop cloisonné..
- "Le dialogue social..."
Le dialogue social trop compassé, trop cloisonné. Mais la faute à qui ?
- "C'est une critique que j'ai adressée..."
C'est une autocritique ?
- "C'est une autocritique par rapport aux partenaires. C'est une critique que j'ai adressée à ceux qui sont en face de moi, aux organisation syndicales, et que j'ai adressée à moi-même. Parce que ce qui me semble mal fonctionner, c'est la relation entre les deux. Nous avons beaucoup de dialogue social, très institutionnel. J'ai dit hier "très compassé" ; chacun jour un rôle. Et sur des sujets fondamentaux - la réforme de l'Etat, la modernisation, le déroulement des carrières, y compris des salaires -, il n'y a rien d'institutionnel. Alors que dans le privé, il y a des obligations de négociations, chez nous il n'y a rien de cette nature-là. Je pense donc qu'il faut profondément rénover ce dialogue social dans la fonction publique. Pour le dire autrement, réformer le dialogue social, c'est aussi une bonne manière de réformer l'Etat."
Vous aurez le temps de le faire ?
- "J'espère qu'on me le laissera."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 novembre 2000)
P. Lapousterle - Quelques mots d'abord sur la surprise du Congrès socialiste de Grenoble : la préférence affirmée par le chef du Gouvernement pour que le Président soit élu en 2002 avant les députés. Est-ce que vous pensez, vous aussi, qu'il faut inverser le calendrier, que ce serait une bonne idée ?
- "Le Premier ministre s'est placé dans le débat. Je ne dis pas qu'il a ouvert le débat sur ce point."
On a cru comprendre qu'il y était favorable.
- "Oui, comme vous dites, on a cru comprendre. A demi-mots, il a dans ce débat laisser poindre un avis, sans pour autant que cet avis soit aujourd'hui catégorique. Mais quand vous avez les plus grands constitutionnalistes français, quand vous avez un ancien Président de la République, quand vous avez des anciens Premiers ministres d'un bord et de l'autre qui posent la question et qui disent : "on ne peut pas continuer comme cela" ; à un moment donné, les autorités publiques doivent prendre position ou ouvrir le débat pour que chacun puisse prendre position. C'est ce qu'a fait le Premier ministre. On ne peut pas attendre les deux mois qui précéderont ces échéances pour clore ce débat et évoquer ce sujet."
Mais sur ce point, il y a à peine quinze jours à la télévision, le Premier ministre avait une chose contraire. Il avait dit : "sur ce point-là, je ne prendrai pas d'initiative." Il a changé d'avis ?
- "Il n'a pas changé d'avis. Ce débat est sur la table. Celui qui veut le nier, nie une réalité qui, en plus, est une réalité puissante, forte, qui un débat institutionnel avec des conséquences politiques. Donc le débat est sur la table et il s'est placé dans le débat. La difficulté - et on l'a vu avec des réactions immédiates, un peu automatiques et ras-de-terre du RPR -, c'est de dire que c'est politicien. On ne petit donc plus poser un grand débat institutionnel sans qu'éventuellement on soit accusé de politicien. C'est cela qu'il faut essayer d'éviter."
Il est légitime de penser que si le Premier ministre a pensé à cela, c'est qu'il pensait que cela l'arrangerait quelque part ?
- "Je ne sais pas qui aujourd'hui est en capacité de dire qui arrange l'inversion du calendrier. Il y a une chose qui est certaine, à mon sens, c'est que c'est quand même nettement plus logique."
Avant de passer à la fonction publique, une dernière question sur ce point : le Président de la République a fait savoir - tout le monde a le droit de changer d'avis - ...
- "cela lui ait arrivé."
... Qu'il y était opposé. Est-ce qu'une réforme de ce genre peut se faire sans le chef de l'Etat ou ,a fortiori, s'il y était opposé ? Est-ce que cela peut aboutir ?
- "Cela paraît difficile. Donc chacun prendra ses responsabilités."
Vous êtes ministre de la Fonction publique et vous menez en ce moment des négociations assez difficiles avec les syndicats de la fonction publique, lesquels ont refusé vos propositions lors d'une dernière réunion tenue le 21 novembre. A Grenoble, le Premier ministre a abordé ce sujet. Il a parlé, concernant ces négociations de la fonction publique, de "sa volonté d'arriver à un compromis raisonnable." Je vais vous demandé de faire de l'exégèse. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vous avez plus de grain à moudre que vous n'en avez eu par le passé ? Ou bien, au contraire, c'est une demande aux syndicats de se montrer moins gourmands ?
- "C'est d'abord l'affirmation d'une réalité : nous avons ouvert les négociations, nous ne les avons pas terminées. J'ai eu une première rencontre la semaine dernière avec l'ensemble des syndicats. Je vais avoir des rencontres avec chacun des syndicats puis j'aurai une deuxième rencontre avec l'ensemble des syndicats et peut-être même une troisième rencontre avec l'ensemble des syndicats pour conclure et aboutir à un accord. Donc nous sommes au début d'un processus difficile, compliqué parce que tout cela a des coûts budgétaires considérables. Mais c'est un début de processus. Le Premier ministre s'est placé dans ce processus et donne de la dynamique à ce processus."
C'est-à-dire ?
- "Il dit clairement, semble-t-il : "mon objectif est qu'il y ait un accord. L'objectif du Gouvernement est d'aboutir à un accord." Après un premier accord 1998-1999 positif pour les fonctionnaires, il faut continuer pour couvrir l'ensemble de cette législature par une série d'accords qui seraient acceptables par les uns et les autres."
Quel est le délai pour arriver au bout du processus ?
- "Je me suis toujours fixé ou j'ai toujours eu dans l'idée, qu'il faut du temps pour négocier mais qu'à un moment donné, on ne peut plus laisser traîner. Début janvier est un date qu'il ne faut pas dépasser."
C'est très rapide ?
- "Oui, c'est assez rapide. Mais certains auraient préféré que cela se fasse en une nuit."
Est-ce que cela veut dire que depuis la réunion du 21 novembre, vous avez un peu de grain à moudre, que vous pouvez aller plus loin qu'il y a une semaine ?
- "Je sais bien que l'objectif est toujours de me faire dire ce que je vais proposer aux syndicats. Il y a toujours une difficulté, c'est que je préfère proposer cela directement aux syndicats, plutôt que de le faire indirectement par la presse. Mais sur le fond, à la dernière réunion, nous n'avons parlé que de l'année 2000 et pas de l'année 2001 - que de toute façon nous devrons aborder et je le souhaite pour ma part - et de l'année 2002. J'ai de tas des choses à dire que je n'ai pas encore dites sur 2001 et 2002 . S'agissant de l'année 2000, j'ai dit que l'urgence dans laquelle nous nous placions - nous étions au mois de novembre -, nécessitait que l'Etat annonce dès maintenant quelque chose : plus 0.5 % pour l'année 2000, mais que cela n'était pas pour autant la clôture de la discussion sur l'année 2000. Donc la discussion continue sur l'année 2000."
Est-ce que vous considérez que les fonctionnaires, de manière générale, doivent participer, à parité, comme les autres des bénéfices de la croissance ? Ou qu'ils doivent avoir un statut particulier du fait de leur statut particulier dans la Nation ?
- " Non. Par rapport à la question de la croissance..."
Puisque c'est le grand débat...
- "Ce débat vaut pour tout le monde. Ce n'est pas un débat pour les fonctionnaires ou un débat pour le privé."
C'est la question que je vous pose : est-ce que leur participation à la croissance doit être à parité du secteur privé ou bien doit être considérée à part ?
- "La difficulté est de savoir ce que veut dire "à parité." Parce que les comparaisons publiques-privées sont très compliquées. On n'y arrive difficilement parce que dans le public il y a un salaire pour tout le monde, ensuite il y a des évolutions de carrière pour chacun ; alors que dans le privé, on prend un salaire moyen et c'est ce qu'on prend comme élément de comparaison. Les comparaisons sont donc très difficiles. J'ai dit une fois : il faut qu'il y ait une harmonie dans la manière dont évoluent les rémunérations des fonctionnaires par rapport à une période de croissance, une période où la France, globalement, créée de la richesse supplémentaire. Mais il faut aussi qu'il y ait de l'harmonie dans le secteur privé."
Vous savez qu'il y a une ambiance dans une certaine partie de la population française qui considère que les fonctionnaires sont un peu privilégiés dans le sens où, quand il y a de la croissance, ils en profitent comme les autres et quand il y a une crise, ils sont protégés par la sécurité de l'emploi. Ils considèrent donc qu'ils sont un peu surprotégés.
- "Sur la question de l'emploi, oui, parce que c'est la caractéristique - même d'un fonctionnaire. C'est d'ailleurs pour assurer sa neutralité, pour éviter que ce fonctionnaire soit choisi en fonction de considérations politiques, remercié en fonction de considérations politiques. En sens inverse, le fonctionnaire sert n'importe quel régime, dès lors que ce régime est bien entendu élu et légitime. Donc la sécurité de l'emploi, c'est vrai que c'est une différence. Est-ce que c'est aujourd'hui une vraie différence, alors que nous rentrons dans une période qui s'approche du plein emploi et qui, pour les cadres, - c'est-à-dire une très grand majorité des fonctionnaires -, est une période de plein emploi dans la société française ? Cet avantage comparatif qui existe est en train de diminuer. C'est la raison pour laquelle il faut traiter correctement nos fonctionnaires. Dans les années qui viennent, il va falloir recruter deux fois plus de fonctionnaires qu'au cours des dix dernières années. Non pas parce qu'on va augmenter le nombre de postes mais parce que le nombre des départs à la retraite est absolument considérable. Si nous voulons des jeunes gens et des jeunes filles de qualité, il faut leur offrir à la fois une rémunération honorable mais aussi des conditions de travail et de responsabilités qui soient même supérieures à celles dont ils peuvent disposer aujourd'hui."
Puisque le débat a eut lieu, est-ce que vous considérez que la France a trop de fonctionnaires ou qu'elle a le nombre qui faut ? On a longtemps dit qu'on voulait limiter le nombre de fonctionnaires à ce qu'il était...
- "Je crois ce débat complètement dépassé. Ceux qui disent que par principe, il faut plus de fonctionnaires, se trompent ; ceux qui disent que par principe, il faut moins de fonctionnaires, se trompent. Le seul vrai sujet dans les années qui viennent est : "allons-nous trouver les bons fonctionnaires ou les bons candidats dans la fonction publique pour occuper les bons postes dans les territoires et sur des sujets qui sont importants pour les Français ?" C'est l'enjeu de demain. C'est la raison pour laquelle payer correctement, donner de la responsabilité, donner de la mobilité, pouvoir faire plusieurs métiers dans une vie de fonctionnaire, c'est quelque chose de très important pour la qualité du service public qui sera rendu dans les années qui viennent."
Hier vous avez prononcé un discours à Paris où vous avez été procureur assez dur de la manière dont marche la fonction publique. Vous avez dit que c'était trop cloisonné..
- "Le dialogue social..."
Le dialogue social trop compassé, trop cloisonné. Mais la faute à qui ?
- "C'est une critique que j'ai adressée..."
C'est une autocritique ?
- "C'est une autocritique par rapport aux partenaires. C'est une critique que j'ai adressée à ceux qui sont en face de moi, aux organisation syndicales, et que j'ai adressée à moi-même. Parce que ce qui me semble mal fonctionner, c'est la relation entre les deux. Nous avons beaucoup de dialogue social, très institutionnel. J'ai dit hier "très compassé" ; chacun jour un rôle. Et sur des sujets fondamentaux - la réforme de l'Etat, la modernisation, le déroulement des carrières, y compris des salaires -, il n'y a rien d'institutionnel. Alors que dans le privé, il y a des obligations de négociations, chez nous il n'y a rien de cette nature-là. Je pense donc qu'il faut profondément rénover ce dialogue social dans la fonction publique. Pour le dire autrement, réformer le dialogue social, c'est aussi une bonne manière de réformer l'Etat."
Vous aurez le temps de le faire ?
- "J'espère qu'on me le laissera."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 novembre 2000)
- "Le Premier ministre s'est placé dans le débat. Je ne dis pas qu'il a ouvert le débat sur ce point."
On a cru comprendre qu'il y était favorable.
- "Oui, comme vous dites, on a cru comprendre. A demi-mots, il a dans ce débat laisser poindre un avis, sans pour autant que cet avis soit aujourd'hui catégorique. Mais quand vous avez les plus grands constitutionnalistes français, quand vous avez un ancien Président de la République, quand vous avez des anciens Premiers ministres d'un bord et de l'autre qui posent la question et qui disent : "on ne peut pas continuer comme cela" ; à un moment donné, les autorités publiques doivent prendre position ou ouvrir le débat pour que chacun puisse prendre position. C'est ce qu'a fait le Premier ministre. On ne peut pas attendre les deux mois qui précéderont ces échéances pour clore ce débat et évoquer ce sujet."
Mais sur ce point, il y a à peine quinze jours à la télévision, le Premier ministre avait une chose contraire. Il avait dit : "sur ce point-là, je ne prendrai pas d'initiative." Il a changé d'avis ?
- "Il n'a pas changé d'avis. Ce débat est sur la table. Celui qui veut le nier, nie une réalité qui, en plus, est une réalité puissante, forte, qui un débat institutionnel avec des conséquences politiques. Donc le débat est sur la table et il s'est placé dans le débat. La difficulté - et on l'a vu avec des réactions immédiates, un peu automatiques et ras-de-terre du RPR -, c'est de dire que c'est politicien. On ne petit donc plus poser un grand débat institutionnel sans qu'éventuellement on soit accusé de politicien. C'est cela qu'il faut essayer d'éviter."
Il est légitime de penser que si le Premier ministre a pensé à cela, c'est qu'il pensait que cela l'arrangerait quelque part ?
- "Je ne sais pas qui aujourd'hui est en capacité de dire qui arrange l'inversion du calendrier. Il y a une chose qui est certaine, à mon sens, c'est que c'est quand même nettement plus logique."
Avant de passer à la fonction publique, une dernière question sur ce point : le Président de la République a fait savoir - tout le monde a le droit de changer d'avis - ...
- "cela lui ait arrivé."
... Qu'il y était opposé. Est-ce qu'une réforme de ce genre peut se faire sans le chef de l'Etat ou ,a fortiori, s'il y était opposé ? Est-ce que cela peut aboutir ?
- "Cela paraît difficile. Donc chacun prendra ses responsabilités."
Vous êtes ministre de la Fonction publique et vous menez en ce moment des négociations assez difficiles avec les syndicats de la fonction publique, lesquels ont refusé vos propositions lors d'une dernière réunion tenue le 21 novembre. A Grenoble, le Premier ministre a abordé ce sujet. Il a parlé, concernant ces négociations de la fonction publique, de "sa volonté d'arriver à un compromis raisonnable." Je vais vous demandé de faire de l'exégèse. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vous avez plus de grain à moudre que vous n'en avez eu par le passé ? Ou bien, au contraire, c'est une demande aux syndicats de se montrer moins gourmands ?
- "C'est d'abord l'affirmation d'une réalité : nous avons ouvert les négociations, nous ne les avons pas terminées. J'ai eu une première rencontre la semaine dernière avec l'ensemble des syndicats. Je vais avoir des rencontres avec chacun des syndicats puis j'aurai une deuxième rencontre avec l'ensemble des syndicats et peut-être même une troisième rencontre avec l'ensemble des syndicats pour conclure et aboutir à un accord. Donc nous sommes au début d'un processus difficile, compliqué parce que tout cela a des coûts budgétaires considérables. Mais c'est un début de processus. Le Premier ministre s'est placé dans ce processus et donne de la dynamique à ce processus."
C'est-à-dire ?
- "Il dit clairement, semble-t-il : "mon objectif est qu'il y ait un accord. L'objectif du Gouvernement est d'aboutir à un accord." Après un premier accord 1998-1999 positif pour les fonctionnaires, il faut continuer pour couvrir l'ensemble de cette législature par une série d'accords qui seraient acceptables par les uns et les autres."
Quel est le délai pour arriver au bout du processus ?
- "Je me suis toujours fixé ou j'ai toujours eu dans l'idée, qu'il faut du temps pour négocier mais qu'à un moment donné, on ne peut plus laisser traîner. Début janvier est un date qu'il ne faut pas dépasser."
C'est très rapide ?
- "Oui, c'est assez rapide. Mais certains auraient préféré que cela se fasse en une nuit."
Est-ce que cela veut dire que depuis la réunion du 21 novembre, vous avez un peu de grain à moudre, que vous pouvez aller plus loin qu'il y a une semaine ?
- "Je sais bien que l'objectif est toujours de me faire dire ce que je vais proposer aux syndicats. Il y a toujours une difficulté, c'est que je préfère proposer cela directement aux syndicats, plutôt que de le faire indirectement par la presse. Mais sur le fond, à la dernière réunion, nous n'avons parlé que de l'année 2000 et pas de l'année 2001 - que de toute façon nous devrons aborder et je le souhaite pour ma part - et de l'année 2002. J'ai de tas des choses à dire que je n'ai pas encore dites sur 2001 et 2002 . S'agissant de l'année 2000, j'ai dit que l'urgence dans laquelle nous nous placions - nous étions au mois de novembre -, nécessitait que l'Etat annonce dès maintenant quelque chose : plus 0.5 % pour l'année 2000, mais que cela n'était pas pour autant la clôture de la discussion sur l'année 2000. Donc la discussion continue sur l'année 2000."
Est-ce que vous considérez que les fonctionnaires, de manière générale, doivent participer, à parité, comme les autres des bénéfices de la croissance ? Ou qu'ils doivent avoir un statut particulier du fait de leur statut particulier dans la Nation ?
- " Non. Par rapport à la question de la croissance..."
Puisque c'est le grand débat...
- "Ce débat vaut pour tout le monde. Ce n'est pas un débat pour les fonctionnaires ou un débat pour le privé."
C'est la question que je vous pose : est-ce que leur participation à la croissance doit être à parité du secteur privé ou bien doit être considérée à part ?
- "La difficulté est de savoir ce que veut dire "à parité." Parce que les comparaisons publiques-privées sont très compliquées. On n'y arrive difficilement parce que dans le public il y a un salaire pour tout le monde, ensuite il y a des évolutions de carrière pour chacun ; alors que dans le privé, on prend un salaire moyen et c'est ce qu'on prend comme élément de comparaison. Les comparaisons sont donc très difficiles. J'ai dit une fois : il faut qu'il y ait une harmonie dans la manière dont évoluent les rémunérations des fonctionnaires par rapport à une période de croissance, une période où la France, globalement, créée de la richesse supplémentaire. Mais il faut aussi qu'il y ait de l'harmonie dans le secteur privé."
Vous savez qu'il y a une ambiance dans une certaine partie de la population française qui considère que les fonctionnaires sont un peu privilégiés dans le sens où, quand il y a de la croissance, ils en profitent comme les autres et quand il y a une crise, ils sont protégés par la sécurité de l'emploi. Ils considèrent donc qu'ils sont un peu surprotégés.
- "Sur la question de l'emploi, oui, parce que c'est la caractéristique - même d'un fonctionnaire. C'est d'ailleurs pour assurer sa neutralité, pour éviter que ce fonctionnaire soit choisi en fonction de considérations politiques, remercié en fonction de considérations politiques. En sens inverse, le fonctionnaire sert n'importe quel régime, dès lors que ce régime est bien entendu élu et légitime. Donc la sécurité de l'emploi, c'est vrai que c'est une différence. Est-ce que c'est aujourd'hui une vraie différence, alors que nous rentrons dans une période qui s'approche du plein emploi et qui, pour les cadres, - c'est-à-dire une très grand majorité des fonctionnaires -, est une période de plein emploi dans la société française ? Cet avantage comparatif qui existe est en train de diminuer. C'est la raison pour laquelle il faut traiter correctement nos fonctionnaires. Dans les années qui viennent, il va falloir recruter deux fois plus de fonctionnaires qu'au cours des dix dernières années. Non pas parce qu'on va augmenter le nombre de postes mais parce que le nombre des départs à la retraite est absolument considérable. Si nous voulons des jeunes gens et des jeunes filles de qualité, il faut leur offrir à la fois une rémunération honorable mais aussi des conditions de travail et de responsabilités qui soient même supérieures à celles dont ils peuvent disposer aujourd'hui."
Puisque le débat a eut lieu, est-ce que vous considérez que la France a trop de fonctionnaires ou qu'elle a le nombre qui faut ? On a longtemps dit qu'on voulait limiter le nombre de fonctionnaires à ce qu'il était...
- "Je crois ce débat complètement dépassé. Ceux qui disent que par principe, il faut plus de fonctionnaires, se trompent ; ceux qui disent que par principe, il faut moins de fonctionnaires, se trompent. Le seul vrai sujet dans les années qui viennent est : "allons-nous trouver les bons fonctionnaires ou les bons candidats dans la fonction publique pour occuper les bons postes dans les territoires et sur des sujets qui sont importants pour les Français ?" C'est l'enjeu de demain. C'est la raison pour laquelle payer correctement, donner de la responsabilité, donner de la mobilité, pouvoir faire plusieurs métiers dans une vie de fonctionnaire, c'est quelque chose de très important pour la qualité du service public qui sera rendu dans les années qui viennent."
Hier vous avez prononcé un discours à Paris où vous avez été procureur assez dur de la manière dont marche la fonction publique. Vous avez dit que c'était trop cloisonné..
- "Le dialogue social..."
Le dialogue social trop compassé, trop cloisonné. Mais la faute à qui ?
- "C'est une critique que j'ai adressée..."
C'est une autocritique ?
- "C'est une autocritique par rapport aux partenaires. C'est une critique que j'ai adressée à ceux qui sont en face de moi, aux organisation syndicales, et que j'ai adressée à moi-même. Parce que ce qui me semble mal fonctionner, c'est la relation entre les deux. Nous avons beaucoup de dialogue social, très institutionnel. J'ai dit hier "très compassé" ; chacun jour un rôle. Et sur des sujets fondamentaux - la réforme de l'Etat, la modernisation, le déroulement des carrières, y compris des salaires -, il n'y a rien d'institutionnel. Alors que dans le privé, il y a des obligations de négociations, chez nous il n'y a rien de cette nature-là. Je pense donc qu'il faut profondément rénover ce dialogue social dans la fonction publique. Pour le dire autrement, réformer le dialogue social, c'est aussi une bonne manière de réformer l'Etat."
Vous aurez le temps de le faire ?
- "J'espère qu'on me le laissera."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 novembre 2000)
P. Lapousterle - Quelques mots d'abord sur la surprise du Congrès socialiste de Grenoble : la préférence affirmée par le chef du Gouvernement pour que le Président soit élu en 2002 avant les députés. Est-ce que vous pensez, vous aussi, qu'il faut inverser le calendrier, que ce serait une bonne idée ?
- "Le Premier ministre s'est placé dans le débat. Je ne dis pas qu'il a ouvert le débat sur ce point."
On a cru comprendre qu'il y était favorable.
- "Oui, comme vous dites, on a cru comprendre. A demi-mots, il a dans ce débat laisser poindre un avis, sans pour autant que cet avis soit aujourd'hui catégorique. Mais quand vous avez les plus grands constitutionnalistes français, quand vous avez un ancien Président de la République, quand vous avez des anciens Premiers ministres d'un bord et de l'autre qui posent la question et qui disent : "on ne peut pas continuer comme cela" ; à un moment donné, les autorités publiques doivent prendre position ou ouvrir le débat pour que chacun puisse prendre position. C'est ce qu'a fait le Premier ministre. On ne peut pas attendre les deux mois qui précéderont ces échéances pour clore ce débat et évoquer ce sujet."
Mais sur ce point, il y a à peine quinze jours à la télévision, le Premier ministre avait une chose contraire. Il avait dit : "sur ce point-là, je ne prendrai pas d'initiative." Il a changé d'avis ?
- "Il n'a pas changé d'avis. Ce débat est sur la table. Celui qui veut le nier, nie une réalité qui, en plus, est une réalité puissante, forte, qui un débat institutionnel avec des conséquences politiques. Donc le débat est sur la table et il s'est placé dans le débat. La difficulté - et on l'a vu avec des réactions immédiates, un peu automatiques et ras-de-terre du RPR -, c'est de dire que c'est politicien. On ne petit donc plus poser un grand débat institutionnel sans qu'éventuellement on soit accusé de politicien. C'est cela qu'il faut essayer d'éviter."
Il est légitime de penser que si le Premier ministre a pensé à cela, c'est qu'il pensait que cela l'arrangerait quelque part ?
- "Je ne sais pas qui aujourd'hui est en capacité de dire qui arrange l'inversion du calendrier. Il y a une chose qui est certaine, à mon sens, c'est que c'est quand même nettement plus logique."
Avant de passer à la fonction publique, une dernière question sur ce point : le Président de la République a fait savoir - tout le monde a le droit de changer d'avis - ...
- "cela lui ait arrivé."
... Qu'il y était opposé. Est-ce qu'une réforme de ce genre peut se faire sans le chef de l'Etat ou ,a fortiori, s'il y était opposé ? Est-ce que cela peut aboutir ?
- "Cela paraît difficile. Donc chacun prendra ses responsabilités."
Vous êtes ministre de la Fonction publique et vous menez en ce moment des négociations assez difficiles avec les syndicats de la fonction publique, lesquels ont refusé vos propositions lors d'une dernière réunion tenue le 21 novembre. A Grenoble, le Premier ministre a abordé ce sujet. Il a parlé, concernant ces négociations de la fonction publique, de "sa volonté d'arriver à un compromis raisonnable." Je vais vous demandé de faire de l'exégèse. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vous avez plus de grain à moudre que vous n'en avez eu par le passé ? Ou bien, au contraire, c'est une demande aux syndicats de se montrer moins gourmands ?
- "C'est d'abord l'affirmation d'une réalité : nous avons ouvert les négociations, nous ne les avons pas terminées. J'ai eu une première rencontre la semaine dernière avec l'ensemble des syndicats. Je vais avoir des rencontres avec chacun des syndicats puis j'aurai une deuxième rencontre avec l'ensemble des syndicats et peut-être même une troisième rencontre avec l'ensemble des syndicats pour conclure et aboutir à un accord. Donc nous sommes au début d'un processus difficile, compliqué parce que tout cela a des coûts budgétaires considérables. Mais c'est un début de processus. Le Premier ministre s'est placé dans ce processus et donne de la dynamique à ce processus."
C'est-à-dire ?
- "Il dit clairement, semble-t-il : "mon objectif est qu'il y ait un accord. L'objectif du Gouvernement est d'aboutir à un accord." Après un premier accord 1998-1999 positif pour les fonctionnaires, il faut continuer pour couvrir l'ensemble de cette législature par une série d'accords qui seraient acceptables par les uns et les autres."
Quel est le délai pour arriver au bout du processus ?
- "Je me suis toujours fixé ou j'ai toujours eu dans l'idée, qu'il faut du temps pour négocier mais qu'à un moment donné, on ne peut plus laisser traîner. Début janvier est un date qu'il ne faut pas dépasser."
C'est très rapide ?
- "Oui, c'est assez rapide. Mais certains auraient préféré que cela se fasse en une nuit."
Est-ce que cela veut dire que depuis la réunion du 21 novembre, vous avez un peu de grain à moudre, que vous pouvez aller plus loin qu'il y a une semaine ?
- "Je sais bien que l'objectif est toujours de me faire dire ce que je vais proposer aux syndicats. Il y a toujours une difficulté, c'est que je préfère proposer cela directement aux syndicats, plutôt que de le faire indirectement par la presse. Mais sur le fond, à la dernière réunion, nous n'avons parlé que de l'année 2000 et pas de l'année 2001 - que de toute façon nous devrons aborder et je le souhaite pour ma part - et de l'année 2002. J'ai de tas des choses à dire que je n'ai pas encore dites sur 2001 et 2002 . S'agissant de l'année 2000, j'ai dit que l'urgence dans laquelle nous nous placions - nous étions au mois de novembre -, nécessitait que l'Etat annonce dès maintenant quelque chose : plus 0.5 % pour l'année 2000, mais que cela n'était pas pour autant la clôture de la discussion sur l'année 2000. Donc la discussion continue sur l'année 2000."
Est-ce que vous considérez que les fonctionnaires, de manière générale, doivent participer, à parité, comme les autres des bénéfices de la croissance ? Ou qu'ils doivent avoir un statut particulier du fait de leur statut particulier dans la Nation ?
- " Non. Par rapport à la question de la croissance..."
Puisque c'est le grand débat...
- "Ce débat vaut pour tout le monde. Ce n'est pas un débat pour les fonctionnaires ou un débat pour le privé."
C'est la question que je vous pose : est-ce que leur participation à la croissance doit être à parité du secteur privé ou bien doit être considérée à part ?
- "La difficulté est de savoir ce que veut dire "à parité." Parce que les comparaisons publiques-privées sont très compliquées. On n'y arrive difficilement parce que dans le public il y a un salaire pour tout le monde, ensuite il y a des évolutions de carrière pour chacun ; alors que dans le privé, on prend un salaire moyen et c'est ce qu'on prend comme élément de comparaison. Les comparaisons sont donc très difficiles. J'ai dit une fois : il faut qu'il y ait une harmonie dans la manière dont évoluent les rémunérations des fonctionnaires par rapport à une période de croissance, une période où la France, globalement, créée de la richesse supplémentaire. Mais il faut aussi qu'il y ait de l'harmonie dans le secteur privé."
Vous savez qu'il y a une ambiance dans une certaine partie de la population française qui considère que les fonctionnaires sont un peu privilégiés dans le sens où, quand il y a de la croissance, ils en profitent comme les autres et quand il y a une crise, ils sont protégés par la sécurité de l'emploi. Ils considèrent donc qu'ils sont un peu surprotégés.
- "Sur la question de l'emploi, oui, parce que c'est la caractéristique - même d'un fonctionnaire. C'est d'ailleurs pour assurer sa neutralité, pour éviter que ce fonctionnaire soit choisi en fonction de considérations politiques, remercié en fonction de considérations politiques. En sens inverse, le fonctionnaire sert n'importe quel régime, dès lors que ce régime est bien entendu élu et légitime. Donc la sécurité de l'emploi, c'est vrai que c'est une différence. Est-ce que c'est aujourd'hui une vraie différence, alors que nous rentrons dans une période qui s'approche du plein emploi et qui, pour les cadres, - c'est-à-dire une très grand majorité des fonctionnaires -, est une période de plein emploi dans la société française ? Cet avantage comparatif qui existe est en train de diminuer. C'est la raison pour laquelle il faut traiter correctement nos fonctionnaires. Dans les années qui viennent, il va falloir recruter deux fois plus de fonctionnaires qu'au cours des dix dernières années. Non pas parce qu'on va augmenter le nombre de postes mais parce que le nombre des départs à la retraite est absolument considérable. Si nous voulons des jeunes gens et des jeunes filles de qualité, il faut leur offrir à la fois une rémunération honorable mais aussi des conditions de travail et de responsabilités qui soient même supérieures à celles dont ils peuvent disposer aujourd'hui."
Puisque le débat a eut lieu, est-ce que vous considérez que la France a trop de fonctionnaires ou qu'elle a le nombre qui faut ? On a longtemps dit qu'on voulait limiter le nombre de fonctionnaires à ce qu'il était...
- "Je crois ce débat complètement dépassé. Ceux qui disent que par principe, il faut plus de fonctionnaires, se trompent ; ceux qui disent que par principe, il faut moins de fonctionnaires, se trompent. Le seul vrai sujet dans les années qui viennent est : "allons-nous trouver les bons fonctionnaires ou les bons candidats dans la fonction publique pour occuper les bons postes dans les territoires et sur des sujets qui sont importants pour les Français ?" C'est l'enjeu de demain. C'est la raison pour laquelle payer correctement, donner de la responsabilité, donner de la mobilité, pouvoir faire plusieurs métiers dans une vie de fonctionnaire, c'est quelque chose de très important pour la qualité du service public qui sera rendu dans les années qui viennent."
Hier vous avez prononcé un discours à Paris où vous avez été procureur assez dur de la manière dont marche la fonction publique. Vous avez dit que c'était trop cloisonné..
- "Le dialogue social..."
Le dialogue social trop compassé, trop cloisonné. Mais la faute à qui ?
- "C'est une critique que j'ai adressée..."
C'est une autocritique ?
- "C'est une autocritique par rapport aux partenaires. C'est une critique que j'ai adressée à ceux qui sont en face de moi, aux organisation syndicales, et que j'ai adressée à moi-même. Parce que ce qui me semble mal fonctionner, c'est la relation entre les deux. Nous avons beaucoup de dialogue social, très institutionnel. J'ai dit hier "très compassé" ; chacun jour un rôle. Et sur des sujets fondamentaux - la réforme de l'Etat, la modernisation, le déroulement des carrières, y compris des salaires -, il n'y a rien d'institutionnel. Alors que dans le privé, il y a des obligations de négociations, chez nous il n'y a rien de cette nature-là. Je pense donc qu'il faut profondément rénover ce dialogue social dans la fonction publique. Pour le dire autrement, réformer le dialogue social, c'est aussi une bonne manière de réformer l'Etat."
Vous aurez le temps de le faire ?
- "J'espère qu'on me le laissera."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 novembre 2000)