Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur le bilan, de la loi d'orientation en faveur des handicapés, et l'action de la Délégation interministérielle aux personnes handicapées, Paris le 21 septembre 1995.

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Circonstance : Installation de la Délégation interministérielle aux personnes handicapées, Paris le 21 septembre 1995

Texte intégral

(discours de M. Alain Juppé)
Madame le Ministre,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Délégué,
Mesdames, Messieurs,
L'année 1995 est celle du 20ème anniversaire de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des handicapés.
Vingt ans, cela fournit un recul suffisant pour dresser un premier bilan d'une loi qui a su, de manière éclatante, rompre avec d'anciennes conceptions juridiques, médicales et sociales qui enfermaient les personnes handicapées dans la fatalité de leur sort.
Mais malgré des résultats remarquables sur lesquels je reviendrai, beaucoup reste à faire et la politique en faveur des handicapés doit trouver un nouveau souffle, ainsi que l'a souhaité M. le Président de la République, le 1er juillet dernier, dans son discours de Bort-Les-Orgues.
Pour cela, il faudra certes faire évoluer les textes, mais surtout mobiliser et coordonner toutes les actions en faveur des personnes handicapées. C'est pour y parvenir que le gouvernement a décidé de nommer dans ses fonctions un Délégué Interministériel aux Handicapés que j'ai le plaisir d'installer aujourd'hui.
Mais avant de présenter la nature et l'étendue de votre mission, Monsieur le Délégué, je voudrais rendre hommage aux lois de 1975 et de 1987 votées, faut-il le rappeler, toutes les deux à l'initiative des gouvernements de Monsieur Jacques Chirac.
La loi de 1975 est d'abord une grande loi de solidarité dont le mérite unanimement reconnu est d'avoir fait de la solidarité envers les personnes handicapées une obligation nationale fondée sur l'affirmation des droits fondamentaux :
- droit à l'éducation ;
- droit au travail ;
- droit à l'accès aux diverses composantes de notre vie communautaire ;
- droit à un niveau de ressources suffisant pour assurer la dignité de la personne handicapée.
Mais le grand mérite de cette loi complétée par la loi de 1987 est d'avoir permis aussi aux associations agissant dans le domaine des personnes handicapées d'agir et de se développer.
C'est de cette rencontre entre un grand texte et la volonté et le dévouement du monde associatif qu'est née la dynamique qui a bouleversé en moins de vingt ans la situation et le statut des personnes handicapées.
C'est cette dynamique qu'il faut aujourd'hui relancer.
En matière de situation matérielle, le handicap n'est plus synonyme de misère, et cela grâce à l'allocation aux adultes handicapés que 600 000 personnes perçoivent aujourd'hui. Mais les handicapés ne doivent pas être les oubliés du retour de la croissance économique. C'est pourquoi, dès l'installation du gouvernement, j'ai pris la décision de revaloriser cette allocation de 2,8 % afin que les handicapés bénéficient comme les autres du retour de la croissance.
En second lieu, la prise en compte des besoins de formation et des contraintes professionnelles des handicapés sont devenues une réalité même si des progrès très importants restent à faire.
C'est le cas en matière d'éducation des enfants handicapés où des progrès rapides ont été faits grâce à la promotion de l'intégration scolaire et à la rénovation du dispositif de l'éducation spéciale mais où l'effort doit être poursuivi.
C'est le cas en matière de travail des adultes handicapés, pour lequel la loi du 10 juillet 1987 a permis des progrès importants. Plus de 250 000 adultes handicapés sont employés aujourd'hui dans 85 000 établissements entrant dans le champ de la loi de 1987. Le taux d'emploi de personnes handicapées dans les entreprises de plus de 20 salariés s'est ainsi élevé à 4 %. De plus, 1,7 MdsF de contribution ont été versés en 1994 au fonds pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés afin de faciliter l'emploi de 40 000 handicapés. Mais ces résultats ne doivent pas nous conduire à relâcher notre effort qui doit conduire à atteindre le taux d'emploi de 6 % prévu par la loi tant dans le secteur privé que dans le secteur public où cette obligation légale doit se traduire au plus vite dans les faits.
Dernier exemple, en matière d'hébergement, la loi de 1975 a, plus profondément encore que dans d'autre domaines, bouleversé l'existant. Pour ne prendre que quelques chiffres : en 1975, 20 000 adultes étaient hébergés en établissement, ils sont aujourd'hui plus de 170 000. Mais beaucoup reste à faire dans ce domaine tant sur le plan matériel que juridique, j y reviendrai.
Ces exemples le montrent, si des avancées considérables ont été faites, dans beaucoup de domaines encore les principes et les obligations posés par la loi de 1975 ne sont pas totalement entrés dans les faits.
Dans son discours du 1er juillet, Monsieur le Président de la République l'a clairement rappelé :
Je voudrais le citer : " une intégration scolaire à poursuivre ; une intégration professionnelle qui progresse trop lentement. Une intégration sociale décevante du fait de l'absence d'engagement réel des collectivités responsables et de l'absence de vigilance de certaines autorités publiques. Enfin, des inégalités géographiques ou sectorielles qui subsistent ".
Ce sont les axes de la tâche qui, Monsieur le Délégué, sera la vôtre, sous l'autorité de Mme Codaccioni et de M. Barrot.
Un nouvel élan est donc nécessaire. Il vous appartiendra, cher Patrick Segal, de le provoquer.
Votre compétence unanimement reconnue, l'expérience que vous avez acquise dans un secteur que vous connaissez bien, vous désignent tout naturellement à cette fonction.
Chacun connaît votre parcours personnel. Grâce à vos talents d'écrivain, chacun sait que l'accident dont vous avez été victime a décidé de votre destin sans décider de votre vie.
Depuis, en sportif courageux et tenace, vous avez résolument placé votre vie sous le signe du combat contre l'adversité, et ce combat, je peux en témoigner, vous l'avez toujours gagné.
Vos armes sont sans conteste, votre détermination et l'opiniâtreté dont vous avez toujours fait preuve pour défendre la cause des personnes handicapées.
En votre qualité d'adjoint au Maire vos succès sont inscrits dans les aménagements apportés à la ville de Paris rendue plus accueillante aux personnes handicapées, que ce soit dans le domaine de la voirie, de l'accessibilité des équipements publics, des transports. Au printemps dernier, j'inaugurais à vos côtés les premiers autobus adaptés. Vous avez montré l'exemple de ce qu'une ville peut et doit faire pour que les personnes handicapées n'y soient pas, à l'aube du XXIe siècle, des laissés-pour-compte.
Je peux témoigner, pour vous avoir vu à l'oeuvre en qualité d'adjoint au Maire de Paris, de votre détermination jusqu'à l'acharnement à faire aboutir vos dossiers. Celle-ci a plus une fois eue raison des objections aussi fondées soient-elles, qui auraient pu décourager les moins volontaires.
Pour en venir maintenant à vos fonctions, en qualité de Délégué Interministériel votre mission essentielle consistera à assurer et renforcer la cohérence de l'action publique en faveur des personnes handicapées, sous l'autorité des Ministres du Travail, de la Participation et du Dialogue Social, et de la Solidarité entre les Générations, mais en liaison étroite avec toutes les administrations intervenant dans le champ du handicap.
1- Je souhaite en premier lieu que vous assuriez l'animation des politiques d'insertion sociale et professionnelle en faveur des personnes handicapées. En adaptant à leur profit, les dispositifs existants dans les domaines de l'emploi, du travail protégé et de la formation professionnelle. En effet, des efforts très importants restent à faire dans ce secteur qu'il s'agisse de l'amélioration de la formation dispensée aux personnes handicapées ou du développement des possibilités d'accès aux dispositifs spécialisés de formation initiale et de rééducation professionnelle.
A ce propos, je souhaite tout particulièrement que soit menée une réflexion sur la meilleure utilisation du dispositif spécifique de formation des personnes handicapées que constituent les Centres de Rééducation professionnelle.
2- Je vous demande également de veiller au meilleur fonctionnement des commissions chargées de l'évaluation et de l'orientation des personnes handicapées, et notamment des Commissions Techniques d'Orientation et de Reclassement Processionnel (COTOREP). Instruments d'évaluation mais aussi de connaissance des populations handicapées, elles jouent un rôle déterminant dans la vie des personnes handicapées et sont la pièce maîtresse du dispositif mis en place en 1975.
Jusqu'à ce jour, ces commissions ne disposaient pas de moyens suffisants pour assurer convenablement leurs missions.
La création de la prestation d'autonomie qui ne prévoit pas l'examen des demandes par les COTOREP aura pour effet de réduire la charge de travail de celles-ci et ouvrira des perspectives de réorganisation de leur travail et d'amélioration de leur efficacité. Je souhaite que vous veilliez tout particulièrement à cette réorganisation.
3- Votre mission consistera en troisième lieu, en liaison avec les Ministères concernés, à coordonner les mesures destinées à renforcer l'intégration des enfants et adultes handicapés dans leur environnement.
C'est le cas bien sûr de l'intégration scolaire. Cette politique doit être poursuivie par une mobilisation plus active et concertée des moyens des principaux ministères intéressés et des collectivités publiques compétentes en la matière. Il s'agit de faire évoluer le système éducatif dans le sens d'une meilleure prise en compte des particularités des enfants handicapés, d'inciter à couverture des établissements spécialisés vers le milieu ordinaire.
C'est aussi le cas dans un domaine essentiel pour les handicapés : celui du maintien ou du retour à domicile. Le développement de cette politique exige - une action coordonnée, car il faut conjuguer l'accessibilité de l'environnement quotidien, les ressources garantissant l'autonomie de la personne handicapée et le développement des services d'auxiliaires de vie.
Aujourd'hui des éléments d'une véritable politique de soutien à domicile existent, mais ils restent fragmentaires, souvent avec des financements cloisonnés et précaires.
Je vous demande d'accorder à ce dossier toute l'attention qu'il mérite. L'enjeu est important en termes d'emplois et de réponse adaptée aux besoins des personnes handicapées.
En matière d'équipement, des programmes importants ont été lancés ces dernières années pour promouvoir l'accessibilité des lieux publics, privés et des transports. Des avancées ont également été faites pour adapter les logements aux handicapés et promouvoir la domotique. Ces progrès se révèlent avec évidence dans les transformations de notre urbanisme et de nos modes de déplacement ; mais ils exigent un effort de longue haleine et une vigilance soutenue de tous les acteurs. Il conviendra de coordonner dans ce domaine, les interventions des administrations pour poursuivre et intensifier les actions entreprises.
4 Il vous faudra également contribuer à répondre à l'apparition des besoins nouveaux des personnes handicapées. Je pense aux problèmes liés au vieillissement des personnes handicapées mais aussi à ceux que rencontrent les autistes, les polyhandicapés et les traumatisés-crâniens qui réclament par ailleurs une prise en charge spécifique. Il conviendra de faire en sorte que les politiques menées intègrent prioritairement ces nouvelles problématiques.
5- Je souhaite enfin que vous animiez la réflexion qui sera lancée sur le statut juridique des établissements d'hébergement pour adultes handicapés dont l'imprécision se retourne souvent contre eux et leurs familles.
Par ailleurs, l'insuffisance quantitative de places dans les établissements pour adultes rend difficile le règlement des problèmes liés à l'application de l'amendement Creton. Dans le contexte actuel de très graves difficultés budgétaires, j'ai tenu cependant à l'inscription de 2750 places nouvelles de CAT dans la loi de finances pour 1996 pour faire un pas important vers le règlement de ces problèmes. Je souhaite que vous portiez une attention particulière à ce dossier.
6- Pour conduire ces actions, vous pourrez bien sûr vous appuyer, outre sur l'ensemble des services concernés, sur le Comité Interministériel de Coordination en matière d'adaptation et de réadaptation qui est assisté du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, créé par la loi de 1975.
Pour réussir, Monsieur le Délégué, il vous faudra donc convaincre et mobiliser, mais également inventer.
Le soutien du milieu associatif à qui je tiens à rendre hommage et la collaboration des administrations vous sont acquis. Je sais que vous saurez les entraîner pour que tous ensemble nous donnions un second souffle aux politiques publiques en faveur des personnes handicapées. Car ainsi que vous avez su nous l'enseigner, agir pour une société qui sait accueillir dignement et avec coeur les personnes handicapées c'est agir pour le bien-être et l'équilibre de tous.
Je vous remercie.
(Conférence de presse)
M. JUPPÉ - Mesdames et Messieurs, je voudrais d'abord vous présenter mes excuses, je vous ai fait attendre mais mes journées sont fort chargées, vous vous en doutez.
Je suis heureux de vous accueillir, ici, en compagnie de Madame Codaccioni et de Monsieur Barrot et, bien sûr, aux côtés de Patrick Segal.
Cette année 1995, comme vous le savez, est celle d'un 20ème anniversaire de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des handicapés. 20 ans, cela fournit un recul suffisant pour dresser un premier bilan d'une loi qui a su, de manière éclatante, je crois, rompre avec des conceptions juridiques, médicales, sociales, qui enfermaient les personnes handicapées dans la fatalité de leur sort. Mais, malgré des résultats remarquables sur lesquels je reviendrai, beaucoup reste à faire et la politique en faveur des handicapés doit trouver un nouveau souffle, ainsi que l'a souhaité Monsieur le Président de la République, le1er juillet dernier, dans son discours de Bort-les-Orgues.
Pour cela, il faut faire, certes, évoluer les textes, mais surtout mobiliser et coordonner toutes les actions en faveur des personnes handicapées. Et c'est pour y parvenir que j'ai décidé de créer une Délégation interministérielle aux handicapés que j'ai le plaisir d'installer aujourd'hui devant vous.
Avant de présenter la nature et l'étendue de la mission du nouveau délégué Interministériel, je voudrais d'abord revenir sur les lois de 1975 et de 1987 qui ont été votées, dois-je vous le rappeler, toutes les deux, à l'initiative du gouvernement qui était conduit par Monsieur Jacques Chirac.
La loi de 1975, d'abord, est une grande loi de solidarité dont le mérite, unaniment reconnu, est d'avoir fait de la solidarité envers les personnes handicapées une obligation nationale, fondée sur l'affirmation de quelques droits fondamentaux ; le droit à l'éducation, le droit au travail, le droit à l'accès aux différents aspects à la vie communautaire et le droit à un niveau de ressources suffisant pour assurer la dignité de la personne handicapée.
Le grand mérite de cette loi qui a été complétée par la loi de 1987 est d'avoir permis aussi aux associations agissant dans le domaine des personnes handicapées de se développer. C'est de cette rencontre entre de grands textes législatifs et la volonté, et le dévouement du monde associatif, qu'est née la dynamique qui a bouleversé, en moins de 20 ans, la situation et le statut des personnes handicapées. Et c'est cette dynamique qu'il nous faut aujourd'hui relancer.
Dans le domaine matériel, si je puis dire, le handicap n'est plus synonyme de misère et, cela, grâce à l'allocation adulte handicapé que 600 000 personnes reçoivent aujourd'hui. Mais les handicapés ne doivent pas être les oubliés du retour de la croissance économique et c'est pourquoi, dès l'installation du Gouvernement, j'ai pris la décision de revaloriser cette allocation de 2,8 % afin que les handicapés bénéficient, comme les autres, du retour de la croissance.
En second lieu, la prise en compte des besoins de formation et des contraintes professionnelles des handicapés sont devenus une réalité, même si, là encore, des progrès très importants restent à faire. C'est le cas en matière d'éducation des enfants handicapés où des progrès rapides ont été faits, grâce à la promotion de l'intégration scolaire et à la rénovation du dispositif de l'éducation spéciale. C'est le cas en matière de travail des adultes handicapés, pour lequel la loi du 10 juillet 1987 a permis des progrès. Plus de 250 000 adultes handicapés sont employés aujourd'hui dans 85 000 établissements qui entrent dans le champ de la loi de 1987. Le taux d'emploi des personnes handicapées dans les entreprises de plus de 20 salariés s'élève à 4 %. De plus, 1 700 000 de francs de contribution ont été versés en 1994 au Fonds pour l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés afin de faciliter l'emploi de 40 000 handicapés.
Mais ces résultats ne doivent pas nous conduire à relâcher notre effort qui doit conduire à atteindre l'objectif fixé par la loi, c'est-à-dire le taux d'emploi de 6 %, tant dans le secteur privé que dans le secteur public ou cette obligation légale doit se traduire, au plus vite, dans les faits.
Dernier exemple, en matière d'hébergement, la loi de 1975 a, plus profondément encore que dans d'autres domaines, bouleversé l'existant. Je ne voudrais pas abuser des chiffres (c'est parfois un peu ma manie) : en 1975, 20 000 adultes étaient hébergés à l'établissement, ils sont aujourd'hui plus de 170 000. Beaucoup reste à faire dans ce domaine, tant sur le plan matériel que juridique, j'y reviendrai.
Ces exemples le montrent. Si des avancées considérables ont été faites dans beaucoup de domaines, les principes et les obligations posés par la loi de 1975 ne sont pas encore totalement entrés dans les faits. Et, dans son discours du 1er juillet, le président de la République l'a clairement rappelé, je le cite : "Une intégration scolaire à poursuivre. Une intégration professionnelle qui progresse trop lentement. Une intégration sociale décevante du fait de l'absence d'engagement réel des collectivités responsables et de l'absence de vigilance de certaines autorités publiques. Enfin, des inégalités géographiques ou sectorielles qui subsistent".
Voilà, Monsieur le Délégué Interministériel, les axes de votre tâche. Ce sera la votre, donc, sous l'autorité de Madame Codaccioni et de Monsieur Barrot.
Ce nouvel élan, c'est à Patrick Segal qu'il appartient de le provoquer. Votre compétence, mon cher Patrick, est unaniment reconnue. L'expérience que vous avez acquise dans un secteur que vous connaissez bien vous désigne tout naturellement à cette fonction. Chacun connaît votre parcours personnel. Grâce à vos talents d'écrivain, chacun sait que l'accident dont vous avez été victime a décidé de votre destin, sans décider de votre vie. Depuis, en sportif courageux, tenace, vous avez résolument placé votre vie sous le signe du combat contre l'adversité. Et ce combat, je peux en témoigner parce que nous avons été collègues pendant de longues années, vous l'avez toujours gagné. Vos armes sont la détermination, l'opiniâtreté. Vous en avez toujours fait preuve pour défendre la cause des personnes handicapées.
En votre qualité d'adjoint au maire de Paris, vos succès se lisent dans les aménagements qui ont été apportés dans la capitale, pour la rendre plus accueillante aux personnes handicapées. Que ce soit dans le domaine de la voirie, et Dieu sait s'il a fallu batailler contre le conservatisme des experts et des techniciens, de l'accessibilité des équipements publics, des transports ! Au printemps dernier, je m'en souviens, j'inaugurais à vos côtés les premiers autobus adaptés.
Vous avez montré l'exemple de ce qu'une ville peut et doit faire pour que les personnes handicapées ne soient pas, à l'aube du XXIe siècle, des laissés pour compte.
Pour en venir maintenant à vos fonctions, en qualité de délégué interministériel, votre mission essentielle consistera à assurer et à renforcer la cohérence de l'action publique en faveur des personnes handicapées, sous l'autorité du ministre du Travail, de la Participation et du Dialogue social, Jacques Barrot, et du ministre de la Solidarité entre les générations, Colette Codaccioni, mais en étroite liaison avec toutes les administrations qui interviennent dans le champ du handicap.
Je souhaite, en premier lieu, que vous assuriez l'animation des politiques d'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, en adaptant à leur profit les dispositifs existant dans le domaine de l'emploi, travail protégé, et de la formation professionnelle. Des efforts très importants restent à faire dans ce secteur, qu'il s'agisse de l'amélioration de la formation dispensée aux personnes handicapées ou du développement des possibilités d'accès au dispositif spécialisé de formation initiale et de rééducation professionnelle.
A ce propos, je souhaite tout particulièrement que soit menée une réflexion sur la meilleure utilisation du dispositif spécifique de formation des personnes handicapées que constituent les centres de rééducation professionnelle.
Je vous demande, en second lieu, de veiller au meilleur fonctionnement des commissions chargées de l'évaluation et de l'orientation des personnes handicapées, et notamment des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP. Ce sont des instruments d'évaluation, mais aussi de connaissance des populations handicapées. Elles jouent un rôle déterminant dans la vie de ces personnes et sont la pièce maîtresse du dispositif mis en place en 1975. Jusqu'à ce jour, elles ne disposaient pas de moyens suffisants pour assurer convenablement leur mission.
La création de la prestation autonomie, que nous avons annoncée il y a peu de temps sur les terres de Jacques Barrot, qui ne prévoit pas l'examen de ces demandes par les COTOREP, aura pour effet de réduire la charge de travail de celles-ci et ouvrira des perspectives de réorganisation de leur travail et d'amélioration de leur efficacité. Je souhaite que vous veilliez particulièrement à cette réorganisation.
Votre mission consistera, en troisième lieu, en liaison avec les ministères concernés à coordonner les mesures destinées à renforcer l'intégration des enfants et adultes handicapés dans leur environnement. C'est le cas de l'intégration scolaire. Cette politique doit être poursuivie par une mobilisation plus active, mieux concertée des moyens des principaux ministères intéressés et des collectivités publiques compétentes en la matière. Il s'agit de faire évoluer le système éducatif dans le sens d'une meilleure prise en compte des particularités des enfants handicapés, d'inciter à l'ouverture des établissements spécialisés vers le milieu ordinaire.
C'est aussi le cas dans un domaine essentiel pour les handicapés, celui du maintien ou du retour à domicile. Le développement de cette politique exige une action coordonnée car il faut conjuguer l'accessibilité de l'environnement quotidien, du logement, bien sûr, et tout ce qu'il y a autour, les ressources qui garantissent l'autonomie de la personne handicapée et le développement des services d'auxiliaires de vie.
Aujourd'hui, des éléments d'une véritable politique de soutien au domicile existent, mais ils sont souvent fragmentaires, souvent avec des financements cloisonnés et précaires. Je vous demande d'accorder à ce dossier toute l'attention qu'il mérite. L'enjeu est important en termes d'emploi et de réponses adaptées aux besoins des personnes handicapées.
En matière d'équipements, des programmes importants ont été lancés ces dernières années pour promouvoir l'accessibilité des lieux publics, privés et des transports. Des avancées ont également été faites pour adapter des logements et promouvoir la domotique. Ces progrès se révèlent, avec évidence, dans les transformations de notre urbanisme et de nos modes de déplacements, mais ils exigent un effort de longue haleine et une vigilance soutenue. Il conviendra de coordonner dans ce domaine les interventions des administrations pour poursuivre et intensifier les actions entreprises.
Il nous faudra également contribuer à répondre à l'apparition des besoins nouveaux des personnes handicapées. Je pense aux problèmes liés au vieillissement mais aussi à ceux que rencontrent des autistes, les pdy-handicapés, les traumatisés crâniens, qui réclament, par ailleurs, une prise en charge spécifique. Il conviendra de faire en sorte que les politiques menées intègrent prioritairement ces nouvelles problématiques.
Je souhaite enfin que vous animiez la réflexion qui sera lancée sur le statut juridique des établissements d'hébergement pour adultes handicapés dont l'imprécision se retourne souvent contre eux et contre leurs familles. Par ailleurs, l'insuffisance quantitative de places dans les établissements pour adultes, sur lesquels Madame Codaccioni a appelé mon attention à plusieurs reprises, rend difficile le règlement des problèmes liés à l'application de l'amendement Creton. Dans ce contexte de très grandes difficultés budgétaires, j'ai tenu cependant à l'inscription de 2 750 places nouvelles de CAT, dans la loi de Finances pour 1996, pour faire un pas important dans la direction du règlement de ces problèmes. Et je souhaite que vous portiez, là aussi, une attention particulière à ce dossier.
Pour conduire ces actions, vous pourrez, bien sûr, vous appuyer sur l'ensemble des Services concernés, sur le comité interministériel de coordination en matière d'adaptation et de réadaptation qui est, lui-même, assisté du Conseil national consultatif des personnes handicapées, créé par la loi de 1975.
Bref, voilà un programme de travail copieux, Monsieur le délégué. Il vous faudra convaincre et mobiliser, notamment lutter contre les conservatismes et les habitudes des administrations. Et puis il vous faudra aussi inventer. Le soutien du milieu associatif que je remercie d'avoir bien voulu s'associer à cette rencontre ce matin, et à qui je rends hommage, vous est nécessaire. Je pense qu'il vous est acquis. Je sais que vous saurez entraîner les associations, les administrations pour que, tous ensemble, nous donnions ce second souffle, que j'évoquais en commençant, aux politiques publiques en faveur des personnes handicapées. Ainsi que vous avez su nous l'enseigner, agir pour une Société qui sait accueillir avec coeur les personnes handicapées, c'est finalement agir pour l'équilibre de la Société toute entière, pour son épanouissement, pour sa cohésion sociale, pour ce Pacte républicain, cher au Président de la République. C'est dans cet esprit que je vous souhaite maintenant bon travail et bonne chance. Et sachez que vous trouverez, en tant que délégué interministériel, même si vous êtes placé auprès de Madame Codaccioni et de Monsieur Barrot - chez le Premier Ministre - tout le soutien qui vous sera nécessaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire pour vous présenter la mission de Monsieur Patrick Segal.
Je ne sais pas comment il a été prévu, ensuite, de procéder. Je crois que Patrick Segal voudra sans doute relever le défi que je lui ai lancé en intervenant maintenant.
M. SEGAL - Monsieur le Premier ministre, Madame le Ministre, Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, chers amis, vous venez de cadrer les missions qui me sont confiées dans un domaine très vaste où l'action menée depuis 20 ans, tant par le secteur associatif que le secteur public, présente un bilan nuancé selon les secteurs d'intervention.
Mes responsabilités à la Ville de Paris, mon vécu, mon engagement dans l'action humanitaire internationale, m'ont conforté dans l'idée que trop de personnes handicapées sont restées sur le bord du chemin. Qui n'a pas, dans cette assemblée, eu à souffrir d'une discrimination, d'une réglementation mal adaptée, qui font de notre quotidien un parcours du combattant. Certes, des femmes, des hommes, Monsieur Tranoix, Madame Val, Monsieur Lenoir, Madame Dienesch, ont agi de façon remarquable pour lever les obstacles, trouver des solutions. Vous aussi, Monsieur le Premier ministre, vous avez su, pendant les six années passées près de Monsieur Jacques Chirac, à la mairie de Paris...
M. JUPPÉ - ...12.
M. SEGAL - 12 pour vous, six pour moi... c'est comme un match de tennis... Vous avez su, Monsieur le Premier ministre, pendant les six années passées près de Monsieur Jacques Chirac, à la mairie de Paris, entendre mes revendications comme porte-parole de tous mes amis qui, comme moi, vivent le handicap chaque jour.
Vous avez, Monsieur le Premier ministre, défendu avec pugnacité les réalisations des grandes opérations, comme le foyer Mozart, le foyer Kellerman, la M.A.S. de l'Ordre de Malte, celle d'Epinay-sur-Orge. Vous avez largement contribué à la création des centres d'activités de jour qui, après quelques années de fonctionnement, font l'unanimité au sein des associations de parents d'enfants et d'adultes handicapés.
Il faut souligner le souci qui a été le vôtre d'aider les familles à travers l'allocation de soutien que vous avez Instituée à Paris. Hélas ! tout ceci ne saurait masquer les difficultés auxquelles, malgré 20 ans de militantisme associatif et individuel, restent confrontés les familles et les intéressés.
Je vais citer quelques exemples frappants de l'inégalité de traitement subie par la personne handicapée qui l'empêche souvent d'être un citoyen à part entière. Il m'apparaît, au regard des quelques expériences menées dans ce pays en matière d'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire banalisé, que ces actions restent à développer plus systématiquement à tous les stades de la scolarité. Les résultats significatifs enregistrés par les établissements, comme le lycée Toulouse-Lautrec à Vaucresson, que vous connaissez bien, Monsieur le Premier ministre, dont la spécificité et la mixité des enfants valides et handicapés prouvent que l'intégration profite à tous et constitue une soupe d'épanouissement.
Parmi les besoins mal appréhendés, je me fais l'écho de l'inquiétude que nourrissent de nombreuses personnes présentes dans cette salle, au sujet de la prise en charge des adultes vieillissants, le développement du maintien à domicile, les réponses à apporter aux malades mentaux dont il est difficile d'accepter qu'une solution d'hébergement soit trouvée au-delà des frontières.
Je souligne, dans le contexte économique actuel, la création d'établissements et de services ne peut que générer des emplois. Je ne peux qu'être satisfait de l'extension des 2 750 places de capacité d'accueil dans les C.A.T. qui, aujourd'hui, doivent se pénétrer de l'idée qu'ils sont de véritables PME et qu'ils peuvent offrir à la collectivité des prestations utiles et de qualité, tout en respectant la spécificité des travailleurs handicapés qui ne sauraient être traités comme des machines à produire.
Dans cette même philosophie de décloisonnement du travail adapté, l'évolution des ateliers protégés doit permettre la mobilité des travailleurs handicapés vers le milieu ordinaire. Puisque j'évoque le milieu ordinaire de travail, je crois utile d'évoquer deux thèmes qui me sont chers :
L'aide à l'embauche des handicapés, dans le cadre de l'entreprise, par la mise à disposition des techniques et d'outils télématiques. Je souhaite ardemment, et des contacts sont déjà pris avec les entreprises, que les personnes les moins mobiles puissent choisir de travailler à domicile en utilisant les progrès technologiques.
Le second thème comme l'embauche dans la Fonction publique. J'ai activement participé à la rédaction du décret du 4 février 1995, renforçant les modalités d'application des dispositions de la loi de 1987, en ce qui concerne l'État, les collectivités locales et les établissements publics.
Une grande politique d'insertion des personnes handicapées, dans le monde du travail, passe par la nécessité de respecter à la lettre la réglementation relative à l'accessibilité. Je n'ai pas hésité, par le passé, à me porter partie civile devant les tribunaux, lors d'une affaire concernant le refus de transporter les personnes handicapées. Fort d'une jurisprudence liée à cette affaire, j'ai aussitôt sensibilisé certains organismes de transports, parmi les plus importants, pour qu'ils entament sans délai la mise en conformité de leur mode de fonctionnement avec la réglementation en vigueur.
C'est la qualité des outils mis à disposition des personnes handicapés, c'est l'adaptation de l'environnement à leur confort, qui contribueront certainement le plus efficacement au changement des mentalités et à l'amélioration de la qualité de la vie de tous les citoyens.
Pour avoir été, pendant 20 ans, en charge des problèmes liés aux handicaps, au sein de l'aide humanitaire dans de nombreux pays en voie de développement, je sais à quel point des hommes et des femmes frappés par la misère et la guerre, attendent de notre pays des aides et des conseils afin d'abolir les formes d'exclusion dont ils sont l'objet. Il est de mon devoir d'homme autant que de délégué, de travailler ardemment sur tous les modes de prévention, tant pour nos concitoyens que pour ceux dont le quotidien est empreint de larmes et de sang.
Le savoir-faire de tous les artisans de notre lutte, en faveur des personnes handicapées, doit être relayé par les médias qui, je l'espère, traiteront le handicap non comme un épiphénomène mais comme une réalité, somme toute, difficile mais ô combien riche d'espérance.
J'ai du mal à conclure tant la tâche est vaste. Et pourtant, si, aujourd'hui, nous, personnes handicapées, sommes là avec vous, Monsieur le Premier ministre, Madame le Ministre, Monsieur le Ministre, c'est par la volonté du Président de la République qui, depuis 20 ans, nous a donné par sa sensibilité à notre égard les moyens d'accéder à la dignité qui nous revient.
Ce n'est pas facile de conclure, Monsieur le Premier ministre, parce qu'il y a, pour moi, aujourd'hui, une charge émotionnelle importante, d'abord parce que je suis face à nombreux de mes amis, à ma famille. J'ai une pensée profonde pour mes parents parce que si, aujourd'hui, je suis l'homme que vous connaissez, c'est parce que, pendant de nombreuses années, ils ont su faire de moi cet homme qui marche dans sa tête et qui se bat pour que les choses changent. Et elles changeront parce que, ensemble, on fera le travail. Et je vais reprendre le mot de Max Jacob : " Je crois que, aujourd'hui, après plus de vingt ans de militantisme, je me sens vraiment en bonne compagnie ".
Merci.
(Applaudissements)
M. JUPPÉ - Merci, cher Patrick, d'avoir su donner le ton d'émotion qui convient aussi à cette rencontre et je crois que la réaction de tous vos amis, ici présents dans cette salle, suffit à vous dire combien nous sommes heureux de vous voir à ce poste et combien nous sommes conscients dans votre capacité à l'assumer avec beaucoup de coeur et beaucoup d'efficacité, en même temps. Deux qualités qui ne sont pas toujours rassemblées dans la même personne.
Peut-être les responsables d'associations qui sont ici présents veulent-ils intervenir. Nous n'avons pas prévu, à proprement parler de débat, mais comme il y a, là, les ministres compétents, Patrick Segal lui-même, peut-être voudrez-vous leur dire un certain nombre de choses qui vous tiennent à coeur.
QUESTION - Je voudrais dire ma satisfaction d'avoir entendu parler de l'intégration scolaire mais aussi mon insatisfaction. Parce que je pense qu'on n'a peut-être pas insisté autant qu'il fallait sur l'importance de l'amont éducatif pour la vie professionnelle, la vie sociale, la vie de citoyen des personnes handicapées. Je regrette, d'une certaine façon, qu'à cette table ministérielle, il n'y ait pas un représentant de l'Éducation nationale, d'une part.
D'autre part, j'ai entendu dire que, pour que l'intégration scolaire se développe, il fallait que le système éducatif évolue. Je n'en disconviens pas. Mais il faudrait ajouter que cela ne concerne pas que l'Éducation nationale et que le partenariat, Santé - Affaires sociales -Éducation nationale, et j'ajoute le rôle des collectivités territoriales, est capital. Et, par conséquent, il ne faut pas simplement renvoyer à l'Éducation nationale le problème. Il faut, avec l'Éducation nationale, lui apporter les partenariats nécessaires et tous les accompagnements éducatifs, médicaux et paramédicaux, sans quoi l'intégration scolaire ne se développera pas.
M. JUPPÉ - Merci, Monsieur. Le délégué est interministériel. Ce qui prouve que le ministère de l'Éducation nationale n'est pas complètement absent, mime s'il n'est pas autour de la table. Et la tâche qui l'attend va mobiliser bien plus que les deux ministères représentés, ici, par Madame Codaccioni et Monsieur Barrot. Mais je n'ai pas voulu, peut-être ai-je eu tort mobiliser l'ensemble du Gouvernement ce matin pour vous répondre. Je crois que ce que vous avez dit sur les collectivités territoriales est également très important et, en tant que maire de l'une d'entre-elles et non des moindres, je suis parfaitement conscient de la mobilisation qu'il convient de faire aussi à ce niveau-là.
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, j'avais compris, d'après vos propos, que cette coordination ministérielle, interministérielle, allait au-delà de Monsieur Barrot et de Madame Codaccioni. Vous venez encore de le confirmer et je m'en félicite car cela fait presque 30 ans que nos associations demandaient la création de ce poste pour une meilleure concertation avec les associations qui sont toutes prêtes à vous soutenir, Patrick, et pour une meilleure coordination des actions pour les handicapés qui concernent tous les départements ministériels. Depuis l'Équipement au Travail, en passant par l'Éducation nationale, les Affaires sociales, la Sécurité sociale, il n'y a pas de département ministériel à Fonction publique qui ne soit pas concerné par le handicap. Donc, je ne peux que, au nom de mes amis des associations, me féliciter de cette initiative.
M. JUPPÉ - Je vous en remercie.
QUESTION - Bien entendu, j'ai beaucoup apprécié tout ce que vous avez dit. Il y a un mot, tout de même, que je n'ai pas entendu, c'est celui de la Recherche. Et j'aurais aimé savoir si on pouvait compter sur vous pour mettre en route, pour aider la Recherche dans tous les domaines. Bien sûr, il faut s'occuper des handicapés toute leur vie durant, c'est absolument évident. Cela reste un drame, et pour les personnes atteintes et pour leurs familles. Pourra-t-on faire appel à vous pour poursuivre, continuer, améliorer la Recherche dans tous les domaines ?
M. SEGAL - Permettez, Monsieur le Premier ministre, de répondre.
Merci, chère Madame, de me poser la question. J'ai convié aujourd'hui un certain nombre, aussi, de mes amis intimes. Il y a, là, le Président Barateau de l'A.F.M., et quand on sait le travail fait par l'A.F.M. dans le domaine de la Recherche sur la génétique, je crois qu'on ne peut pas douter que les années à venir sont des années optimistes.
Il y a, présents dans cette salle, de grands médecins de rééducation. Je pense au docteur Bunel, au docteur Le Nouvel, au docteur Thévenin. Ce sont des gens qui travaillent activement au devenir, à la rééducation.
Vous savez aussi quel est mon souci sur la prévention. Et c'est vrai que, aujourd'hui, pour être aux côtés des handicapés, j'ai une formation de kinésithérapeute, j'ai autant envie de travailler à la prévention que de m'occuper, après coup, de ces grands accidentés. Nous avons eu avec le docteur Bunel, il n'y a pas très longtemps, une longue discussion. Le docteur Bunel cite des chiffres hallucinants sur le nombre de personnes accidentées que nous pourrions sauver si, notamment, et je félicite le Gouvernement d'avoir changé les taux sur l'alcoolémie, nous pouvions faire oeuvre de prévention. J'ai un certain nombre d'idées très précises là-dessus. Donc, soyez rassuré. Ma mission, et le Premier ministre l'a rappelé, est vraiment interministérielle. Et vous ne me voyez pas en train de traiter seulement un bout de la chaîne et pas l'ensemble de la chaîne. Mais ceci est aussi la résultante d`une longue pratique dans l'aide humanitaire. Je remercie mes collaborateurs, le docteur Chabasse et le docteur Simonneaud qui sont les créateurs de Handicap international, de m'avoir aidé, pendant de nombreuses années, à travailler sur le terrain, dans les 27 pays du Monde où nous sommes présents.
M. JUPPÉ - Cela dit, c'est vrai, on aurait dû prononcer le mot de Recherche. Vous avez raison, Madame.
Mme CONSTANTIN - Présidente de l'Association française des polyarthritiques. Puisqu'on vient de parler de Recherche, j'aimerais aussi appuyer ce thème et vous dire deux chiffres : 1 % de la population française est atteinte de polyarthrite, soit 600 000 personnes. Nous sommes victimes de l'image de cette maladie et du nom de cette maladie qui la classe irrémédiablement dans les rhumatismes alors que 5 000 enfants sont touchés. Eh bien, actuellement il y 600 000 personnes atteintes. Les gènes de la polyarthrite ne sont pas encore identifiés. Donc, je voudrais aussi souligner cela et demander qu'un effort soit fait dans la Recherche. Actuellement, des familles ont été recensées, elles sont là. L'ADN va être disponible pour être utilisée, mais, si le généton donne le matériel, les chercheurs ne sont pas payés et ne peuvent pas faire leur travail. Donc, voilà un petit peu ma demande.
Et également vous avez souligné tout à l'heure, Monsieur le Premier ministre, les COTOREP. La formation de médecins de COTOREP concernant la polyarthrite est vraiment quelque chose de lamentable. Pour tout vous dire, je suis atteinte de cette maladie depuis 40 ans, depuis 30 ans, j'ai vraiment eu un parcours du combattant pour avoir une reconnaissance de ce handicap parce que nous avons l'air de personnes tout à fait en bonne santé. Voilà l'attention que je voulais attirer. Merci.
QUESTION - Je voudrais le dire à Monsieur le Délégué général, nous souhaitons que, comme par le passé, la réflexion sur le handicap soit orientée autour de la classification de l'OMS qui répond aux questions posées par ces dames sur les origines et la recherche sur les origines du handicap. C'est vrai que prendre en charge, c'est bien ! savoir pourquoi et comment, cela permet aussi de rentrer dans une politique à moyen terme. Et ce qui est difficile, au travers des années précédentes, cela a été de mettre en place des politiques à moyen et à long terme sur la génération des handicaps. Cela répond au problème de la polyarthrite entre autre. Mais la classification de l'OMS nous permet le champ de réflexion et je sais qu'avec Patrick Segal c'est quelque chose qui sera mis en pauvre.
M. BARATEAU - Patrick, vous avez évoqué une perspective qui est tout à fait interministérielle et qui est même davantage puisqu'elle a des ramifications auprès des collectivités territoriales, ô combien nombreuses, il s'agit de la perspective de la vie ou du retour à domicile des personnes handicapées. Vous savez que c'est une revendication importante de l'association des paralysés de France que je préside. Et nous avons, malgré des efforts importants et nombreux depuis de très nombreuses années, depuis une vingtaine d'années, échoué sur un certain nombre de terrains, compte tenu, précisément, du très grand nombre de dimensions que comporte ce souhait de vivre à domicile.
Par exemple, je citerai les aides humaines. Vous avez parlé des auxiliaires de vie, je crois. Les aides humaines, il faut d'abord les créer, parce que le coût d'un service d'auxiliaire de vie dépasse de très loin le prix d'une simple femme de ménage. Il faut aussi les former, c'est sur la base d'un volontariat et d'une formation. Et comme il faut assortir la création de chaque poste d'une subvention, il faut en trouver le financement. Mais l'auxiliaire de vie est payé par la personne qui l'utilise, par l'allocation compensatrice de tierce personne, laquelle est à la charge du Conseil général. Et le Conseil général, on sait quelles sont ses difficultés - d'une manière tout à fait générale, si je puis dire - en matière de financement de ces actions sociales. Alors, je crains beaucoup, sur ce seul plan, que l'allocation autonomie que vous venez de créer n'ampute d'une part importante, peut-être les deux tiers d'après ce qui a pu être dit, des sommes consacrées aujourd'hui, (je crois que c'est 8 milliards de francs), par l'ensemble des départements à l'allocation compensatrice. Ce qui ne nous permettrait pas d'envisager la mise à disposition de plus de trois heures, comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, 5 ou 6 heures par jour d'auxiliaire de vie. Ce qui éviterait que des milliers de personnes, qui s'adressent à nous aujourd'hui et depuis longtemps pour rester chez elles, soient contraintes de gagner des établissements plus lourds, comme des maisons d'accueil spécialisées ou des foyers, foyers à double tarification, par exemple, qu'on ne connaît pas très bien.
Il y a un autre problème important dans ce domaine de la vie à domicile, c'est celui des aides techniques, que Monsieur le Premier ministre a abordé, mais très rapidement, en matière de domotique. En réalité, les aides techniques comme l'appareillage constituent un complément absolument indispensable pour que la personne handicapée puisse vivre chez elle ou vivre dans un environnement qu'elle a choisi.
L'appareillage et les aides techniques, surtout l'appareillage, sont le fait notamment du ministère des Anciens Combattants. C'est tout de môme extrêmement difficile, Monsieur le Premier ministre, de travailler avec une série d'administrations comme celles-là et d'obtenir quelque chose. Nous en sommes encore à la tarification interministérielle des prestations sanitaires et à la classification des appareillages de 1919, révisée quelque part avant la guerre. Mais enfin c'est tout de môme assez ancien ! Et les moyens financiers à mettre à disposition ne sont pas si importants, que cela constitue un sacrifice grave pour l'administration et pour la Sécurité sociale.
Je ne parierai pas des ressources nécessaires, vous l'avez évoqué également. Elles sont tout à fait indispensables si on veut vivre chez soi. Et je terminerai en disant que je souhaiterais très vivement que puisse être mise à l'étude, dans le cadre de cette perspective nouvelle et de cette relance demandée par le Président de la République, une mise à plat, si possible, des ressources de manière à ce que les moyens d'existence nécessaires puissent être donnés aux personnes qui le souhaitent.
M. JUPPÉ - Merci, Monsieur le Président.
Chaque fois que l'on change quelque chose quelque part, on suscite des inquiétudes. C'est bien normal. Je m'en rends compte jour après jour. Mais je voudrais tout de même essayer de vous rassurer, et Monsieur Barrot avec moi, et Madame Codaccioni, sur la prestation autonomie. Il n'est pas question de ponctionner, au-delà de ce qu'ils donnent déjà au titre de l'allocation compensatrice de tierce personne, les départements. Et nous avons même prévu des mécanismes d'indexation qui permettront de faire la soudure par une dotation budgétaire. C'est l'État qui paiera le supplément, ce ne sont pas les départements.
QUESTION -... Inaudible.
M. JUPPÉ - Oui, mais quand il y en a pour tant, il n'y en a pas pour plus que tant. Au total, la prestation autonomie, en régime de croisière, devrait concerner 600 000 personnes, y compris celles qui seront en établissement d'hébergement. Et nous avons calculé que c'est une somme de 20 milliards de francs, en régime de croisière, qui sera ainsi dégagée. L'allocation compensatrice de tierce personne et les aides que les départements donnent déjà dans ce domaine représentent moins de la moitié de cette somme. C'est donc un effort de 11 milliards qui va être fait par la collectivité nationale au titre de la solidarité. Nous l'avons décidé ainsi. Je crois que c'est nécessaire. Mais c'est vous dire que nous mettrons les moyens nécessaires pour que cette nouvelle prestation et ce nouveau droit ne viennent amputer aucune des prestations qui existent par ailleurs. Et, en tout cas, pas celles qui vont aux handicapés. Nous avons d'ailleurs prévu un système d'évaluation de la mise en oeuvre de la loi. Et si, par hasard, nous nous étions trompés dans nos prévisions, nous corrigerons naturellement le tir.
QUESTION - Je voudrais revenir sur le problème de la Fonction publique. Je représente ici l'ATAREP, Association pour le Travail des Handicapés dans la Recherche Publique, et nous sommes en relation avec d'autres associations internes de ministères. Des associations d'agents se préoccupant de l'emploi dans la Fonction Publique.
Vous avez fait allusion à la loi du 14 février 1995 dont le décret d'application vient de paraître. J'avoue que cela nous a fait extrêmement plaisir, mais nous savons aussi qu'une loi ne sert à rien si elle n'est pas appliquée. Et dans tout ce qui est le domaine du handicap, l'application est délicate. Et c'est pour cela que je me permets de demander une grande vigilance sur l'application. Aider tous ceux qui veulent faire quelque chose et faciliter l'application. Que les ministères, les responsables sentent une volonté politique réelle.
M. JUPPÉ - Merci, Madame.
Je crois que c'est la justification même de la Délégation interministérielle. Il faut qu'il y ait une impulsion interministérielle, gouvernementale, politique au bon sens du terme, donnée à des Services qui, parfois, ont d'autres priorités.
QUESTION - Je voulais souligner que l'UNAPEI est particulièrement heureuse de cette annonce de la création de 2 750 places de centres d'aide par le travail. Nous sommes bien conscients que c'est un effort considérable compte tenu de la rigueur budgétaire. Mais nous sommes aussi conscients que, si 2 750 personnes vont trouver, enfin, un débouché, pour celles qui attendent depuis très longtemps, il y en a des milliers d'autres qui vont se demander quand leur sort va être pris en compte. Et, nous, nous insistons, en sachant très bien que ce n'était pas possible aujourd'hui, sur la nécessité de la programmation pluriannuelle à laquelle nous tenons beaucoup parce que cela donne l'espoir à moyen terme aux personnes qui attendent. Ceci, en ce qui concerne les centres d'aide par le travail mais également pour les personnes plus gravement handicapées dont la situation est parfois tout à fait désespérante. Et, là, nous comptons fermement que les deux programmes pluriannuels de créations de places, en centres d'aide par le travail et en maisons d'accueil spécialisées, pourront nous être proposés prochainement.
M. GAUET - Président de la mutuelle Intégrance.- Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé d'engager une réflexion autour du devenir de la protection sociale. Nous dépendons pour beaucoup de l'assurance-maladie. Elle finance l'éducation spéciale, les maisons d'accueil spécialisées. Elle prend en charge à 100 % les affections liées aux handicaps. Nous souhaitons être associés à ce vaste rendez-vous qui est un rendez-vous courageux et auquel nous sommes prêts à répondre.
M. JUPPÉ - Cela me paraît aller de soi. Il faudra y veiller.
QUESTION - La formation professionnelle est un des vecteurs de la citoyenneté. Nous ne pouvons que nous réjouir, en tant que Fédération regroupant les centres de formation, la FAGER, de la priorité qui a été annoncée et vous dire combien nous sommes disposés à apporter notre concours dans une démarche d'ouverture et d'innovation parce que, effectivement, comme beaucoup d'autres, nous attendions la capacité de l'État à regrouper les énergies dispersées au sein de plusieurs ministères. Et donc je voulais vous dire la satisfaction qui était la nôtre.
M FEVRE - Président du G.L.A.P.A. qui rassemble les parents d'enfants multi-handicapés atteints simultanément de plusieurs handicaps. Nous nous réjouissons beaucoup d'avoir entendu cités, dans les priorités, les enfants polyhandicapés, aux côtés des autistes et des traumatisés crâniens. Cette catégorie de multi-handicapés, on pourrait dire que ce sont les " exclus des exclus ". Il y a, actuellement, une dégradation même des conditions d'accueil en établissements pour enfants en raison d'une départementalisation trop stricte et de l'amendement Creton qui fait que beaucoup trop de place sont prises, dans les établissements d'enfants, par les adultes. Et quant aux adultes, pour citer la seule région parisienne, il faudrait immédiatement doubler le nombre de places.
Nous avons parfaitement conscience que tout ne peut pas être fait immédiatement. Mais un certain nombre d'obstacles pouvaient être levés, en particulier ceux qui tiennent à la décentralisation trop stricte. Dans tel foyer, par exemple, nous avons affaire à 24 conseils généraux. Et peut-être la mise à plat de ce qui appartient à l'assurance-maladie et justement aux collectivités territoriales pour l'hébergement. Nous sommes donc très heureux que vous ayez cité, comme une des priorités, ces enfants et ces adultes très gravement handicapés.
QUESTION - L'A.E.N.I. se soucie beaucoup de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles qui sont, pour beaucoup, dans les handicaps. On parle plus souvent de l'accident de la route ou de l'accident de la vie.
Une autre préoccupation, la prévention maternelle et infantile. Le développement des centres de planning familial, des centres de P.M.I., nous ne l'avons pas évoqué, nous souhaitons que ce soit pensé, s'il vous plaît.
QUESTION - En tant que Président du Comité d'études et soins aux polyhandicapés, je tiens à m'associer à ce qui a été dit et à l'importance du problème que pose cette prise en charge de polyhandicapés avec déficience mentale. Nous somme encore très loin d'avoir un résultat satisfaisant. Nous savons que les investissements sont lourds et qu'il y a des priorités. Comme l'a dit Monsieur Segal, il est indispensable que, rapidement, tous ceux qui sont à l'étranger puissent rentrer en France, car ceci nous parait scandaleux. Que, d'autre part, il faut développer la prise en charge des adultes polyhandicapés parce que, lorsque nous créons une place, il faut savoir que cette place est occupée pour 40 à 50 ans. Que, enfin, il faut également développer les externats pour enfants polyhandicapés car cela est la meilleure façon de permettre aux enfants de rester dans leur famille le plus longtemps possible.
QUESTION - Je voudrais remercier Madame Codaccioni, d'avoir bien voulu reprendre à son compte la circulaire sur l'autisme de Madame Vieil. Et je souhaiterais que Monsieur Segal puisse suivre l'application de cette circulaire qui est en voie d'élaboration maintenant et puis s'appuyer, par exemple, sur les Services de la Direction d'Action sociale qui font leur possible pour veiller à ce que tes principes de la circulaire soient bien respectés.
QUESTION - Monsieur le Délégué, beaucoup de tâches vous attendent et j'ai un petit peu mauvaise conscience d'en rajouter une. Il s'agit de la question de l'Europe. Je suis convaincu que l'Europe sera sociale ou ne sera pas, sauf à être un marché où ce serait la loi du plus fort qui triompherait. Vous savez que le Mouvement associatif des personnes handicapées, par différents canaux, se préoccupe et participe à un certain nombre de réunions à l'échelle européenne. Je crois traduire l'avis de l'ensemble du Mouvement associatif qui s'intéresse à ces questions. Il serait souhaitable qu'il y ait un partenariat beaucoup plus étroit entre le Gouvernement et le Mouvement associatif des personnes handicapées sur les questions de l'Europe, car ce n'est pas le cas depuis de nombreuses d'années d'ailleurs.
M JUPPÉ - Voilà une excellente suggestion. C'est vrai qu'on ne pense jamais à tout. Et cette dimension européenne de notre action doit être effectivement intégrée.
Nous aurions évidemment beaucoup de choses à nous dire, j'imagine. Vous comprendrez que nous soyons obligés de nous arrêter maintenant. Je crois que l'on va se retrouver dans la salle à côté pour rester quelques instants avec vous. Monsieur Segal va peut-être aller parler à la presse. J'ai été très heureux de vous entendre et de voir dans quel esprit vos interventions ont été faites. Nous sommes conscients de l'immensité des tâches qui nous attendent. Je me suis rendu compte que vous étiez, vous-mêmes, conscients que l'on ne règle pas tous les problèmes en un jour, et que c'est donc une action pluriannuelle qui est maintenant nécessaire. Comme celle qui a été menée depuis une vingtaine d'années.
Nous avons mis en place un dispositif. Je suis réaliste, je sais que cela va être difficile. Je sais aussi que Patrick Segal en a conscience. Parce que, au-delà de l'enthousiasme qui nous anime tous, nous allons ensuite nous heurter aux pesanteurs administratives, au cloisonnement des Services, à tous les blocages que nous connaissons. Je connais Patrick Segal, je sais qu'il a toutes les qualités nécessaires pour s'attaquer à cette tâche avec beaucoup de résolution. Et je vous demande de l'y aider et de nous y aider, c'est-à-dire de tirer la sonnette lorsque les choses n'avancent pas suffisamment vite. Et, comme vous venez de le faire, de mettre l'accent sur un certain nombre de problème que nous n'aurions peut-être pas vus ou de priorités qui s'imposent plus que d'autres.
C'est ensemble le monde associatif, les Pouvoirs publics, le Gouvernement, les collectivités territoriales aussi qu'il faudra, d'une manière ou d'une autre, mettre dans notre jeu. C'est dans le respect de la décentralisation, que nous parviendrons à aller de l'avant dans une tâche qui est une tâche d'intérêt national, un devoir national, et pour lesquels nous ressentons les uns et les autres, vous plus que moi, bien sûr, pour des raisons évidentes - mais, moi, de toutes mes forces aussi - la volonté d'aller de l'avant.
Merci en tout cas d'être venus ce matin.
(Applaudissements)