Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les objectifs des Grands Projets de Ville notamment, l'amélioration du cadre de vie, la revitalisation économique des quartiers et l'intégration sociale de leurs habitants, Paris le 14 décembre 2000.

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Circonstance : Rencontre nationale "Grands Projets de Ville" à Paris le 14 décembre 2000

Texte intégral

Je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation. Je salue les partenaires des autres ministères, de l'Union HLM, de la Caisse des dépôts et des consignations et de l'EPARECA.
Il y a un an exactement, le 14 décembre 1999, à l'occasion du comité interministériel des villes, le gouvernement lançait le programme national de renouvellement urbain, centré autour de 50 Grands Projets de Ville.
Je tiens à saluer le travail réalisé depuis par les collectivités locales, les services de l'Etat et leurs différents partenaires.
Nous parvenons à une étape décisive puisque vous vous apprêtez à signer les conventions qui vont préciser les objectifs des Grands Projets de Ville, les moyens et les engagements des différents participants.
Le programme de renouvellement urbain marque une ambition nouvelle pour la ville, mobilisant des financements exceptionnels de l'Etat. Je rappelle en effet que l'Etat a dégagé 6,2 milliards de francs de crédits spécifiques pour la période 2001-2006, en sus des crédits prévus pour les contrats de ville, dont plus de 5,5 milliards pour les Grands Projets de Ville et 650 millions pour les Opérations de Renouvellement Urbain. Par ailleurs, l'Etat mobilisera des crédits de droit commun, notamment sur le budget du logement.
L'objectif est clair : il s'agit de rompre avec la simple logique de réparation pour engager le redéveloppement urbain et social de nos quartiers les plus dévalorisés au sein de leurs agglomérations respectives.
Le nouveau contexte économique et social constitue une chance. Il s'agit d'en tirer parti pour réussir à transformer en profondeur ces quartiers, pour donner aux habitants un cadre de vie plus agréable.
Mais travailler sur la forme urbaine ne suffit pas. Il faut dans le même temps répondre aux problèmes des hommes et des femmes qui vivent dans ces quartiers : le chômage, l'exclusion, l'échec scolaire, la violence sous toutes ses formes.
C'est bien l'ambition des Grands Projets de Ville que de conjuguer projet urbain et projet de développement social.
Je vous ai fait connaître les observations qu'appelaient vos dossiers de candidature et les compléments, et parfois les infléchissements, que je souhaitais voir prendre en compte dans la mise au point définitive des projets. Ces observations sont apparues à certains comme un peu sévères et parfois comme issues de malentendus.
C'est pourquoi je redis ici que les Grands Projets de Ville relèvent au premier chef de la responsabilité des élus locaux et tout d'abord des maires. Mais l'importance de l'engagement de l'Etat au travers des financements et de la mobilisation de ses moyens propres en font une grande politique nationale qui doit répondre à des exigences communes à l'ensemble des projets, tout en se situant au plus près des réalités locales.
Permettez de reprendre rapidement certains points qui me paraissant fondamentaux.
1) Au-delà des opérations d'investissement dont ils permettront la réalisation, les Grands Projets de Ville ont vocation à amplifier le travail quotidien au plus proche des habitants, pour améliorer leurs conditions de vie. J'ai toujours insisté sur l'importance de la gestion urbaine de proximité comme condition indispensable à la crédibilité d'un projet de grande ampleur : il faut, dans nos quartiers, des immeubles et des espaces communs propres, des services publics présents, des espaces publics soignés. Je compte tout particulièrement sur les organismes HLM pour faire un effort supplémentaire en ce domaine.
2) Les Grands Projets de Ville doivent aussi permettre une revitalisation économique des quartiers, il faut attirer des entreprises qui choisiront de s'implanter sur ces territoires parce qu'elles sentiront qu'une dynamique forte de reconquête est engagée. Vaulx-en-Velin et Roubaix montrent que c'est possible. A cet égard, de nouveaux moyens seront disponibles en 2001, avec notamment le fonds de revitalisation économique doté dès l'année prochaine de 500 MF et qui, sans être exclusivement destiné aux sites en GPV, leur est largement destiné, ainsi que les moyens de la Caisse des dépôts et consignations, Daniel LEBEGUE aura l'occasion de nous en parler au cours du débat.
3) L'enjeu final des Grands Projets de Ville me paraît être de donner à leurs habitants une véritable place dans la société et de permettre un exercice effectif de la citoyenneté. Il faut leur offrir des perspectives d'avenir.
Cela suppose en particulier qu'en parallèle des actions de revitalisation économique, des politiques de l'emploi résolument volontaristes soient mises en place, au bénéfice des habitants des quartiers. Ces femmes et ces hommes ne comprendraient pas que des entreprises s'installent dans leurs quartiers, mais que le chômage ne baisse pas, surtout dans un contexte de croissance au niveau national. Je me réjouis ainsi que 150 équipes emploi insertion soient progressivement mises en places.
Cela suppose aussi d'aborder énergiquement les questions d'échec scolaire qui pèsent sur les jeunes, leurs familles, mais également et très lourdement sur l'image des écoles des quartiers. Il s'agit de développer de véritables projets éducatifs permettant d'améliorer la qualité de l'éducation et de l'accompagnement pour la réussite des jeunes. Vous en conviendrez avec moi, l'offre en matière de lieux d'éducation pour les jeunes des quartiers est bien souvent insuffisante. Les Grands Projets de Ville devraient permettre de requalifier des sites à l'usage des jeunes, d'imaginer des espaces qui puissent leur être dédiés.
Par ailleurs, là où cela m'a paru nécessaire, j'ai eu l'occasion de rappeler deux enjeux essentiels :
- l'enjeu que représente une certaine concentration des efforts sur un nombre réduit de sites, afin d'obtenir un effet levier qui ne fonctionne qu'à la condition que les changements soient perceptibles et crédibles rapidement.
- celui que recouvre un pilotage politique et technique solide et qualifié.
J'ajouterai une recommandation : la recherche de qualité urbaine doit être présente dans les choix techniques. Non pas par de grands gestes architecturaux ou urbains dont on connaît le côté vain, mais par le recours à des concepteurs, urbanistes, architectes, paysagiste, à la fois talentueux et modestes, capables d'écouter et de traduire avec suffisamment d'ambition, la demande des élus et celle des habitants.
Les habitants de ces quartiers sont aussi sensibles au " beau " que l'ensemble de la population des villes, et l'exemple donné par le traitement urbain des tramway, lorsqu'il est fait avec le même souci de qualité dans le centre ville qu'en périphérie, illustre à quel point cette ambition est fondamentale pour la réinscription des quartiers dans l'ensemble de la communauté.
Les Grands Projets de Ville doivent aussi tenir compte de la diversité de nos quartiers et de nos villes. Une partie non négligeable des habitants des quartiers considérés sont de confession musulmane. Il faut en finir avec ces lieux dépréciés, parfois même insalubres, dans lesquels se pratique trop souvent cette religion en France. Je propose que les Grands Projets de Ville soient l'occasion d'examiner, avec les Musulmans de nos villes, les conditions de création de véritables lieux de culte, leur permettant de faire vivre leur foi dans des conditions dignes de la République, et qui soient des lieux qui participent à l'embellissement urbain auquel nous aspirons.
La politique de la ville que j'anime au sein du gouvernement a pour ambition de faire que la ville du XXIème siècle soit celle du vivre ensemble, une ville qui dépasse les fractures sociales et ethniques.
La loi solidarité et renouvellement urbains qui sera promulguée dans les prochains jours fonde le principe de mixité sociale au sein de nos agglomérations.
Il nous revient désormais de mettre en uvre ce principe.
Les logements sociaux démolis ne doivent pas être systématiquement reconstruits dans les mêmes quartiers, mais aussi dans des communes qui n'ont pas ou peu de logements sociaux à ce jour, afin d'éviter de reconstituer des ghettos, telle est concrètement la condition d'une mixité urbaine et sociale.
Les Grands Projets de ville doivent y contribuer.
Sur certains sites, la réflexion autour des Grands Projets de Ville a mis en évidence des problèmes majeurs d'enclavement, de coupures urbaines générées par des infrastructures routières ou ferroviaires, de desserte insuffisante par les transports collectifs. Je pense par exemple à Trappes avec la RN 10, à Saint-Dizier avec la RN 4, mais aussi à Stains avec deux voies routières importantes et une voie ferrée qui déchirent la ville.
L'accessibilité des quartiers apparaît comme une condition sine qua non d'un retour à une cohérence dans le fonctionnement de la ville, à son unité et donc au sentiment d'appartenance de tous ses habitants à une même communauté.
Certains Grands Projets de Ville sont par ailleurs confrontés à des problèmes d'habitat privé insalubre ou à de grands ensembles de copropriétés dégradés. Je pense notamment à Grigny 2 ou à Clichy-Montfermeil.
Je demande aux Préfets de me faire un point précis pour la fin du mois de février 2001 sur ces problèmes d'enclavement, de coupures urbaines, de nuisances environnementales, mais aussi de copropriétés ou d'habitat privé dégradés, et de me faire état des solutions qui pourraient être envisagées.
Cet exercice permettra d'examiner comment renforcer l'articulation entre les Grands Projets de Ville et les politiques de droit commun de l'Etat, et à quel niveau il serait nécessaire de mobiliser des moyens complémentaires, au-delà de la première enveloppe de crédits spécifiques de la politique de la ville qui a déjà été dégagée pour les Grands Projets de Ville.
Mais plus important encore, les Grands Projets de Ville doivent permettre d'innover dans la participation des habitants. Il s'agit de dépasser les discours nombreux en la matière, pour construire l'exercice d'une véritable démocratie locale.
C'est pour cela que j'ai demandé que pour chaque Grand Projet de Ville, soit constitué un comité consultatif associant les habitants, qui permettra d'adapter, d'infléchir, d'enrichir le projet tout au long de son élaboration et de sa mise en uvre.
Au-delà de ce comité, il s'agit de construire, à l'occasion de chaque action, de chaque opération, un dialogue entre les bâtisseurs de la ville, les concepteurs des projets, et les habitants, les femmes et les hommes directement concernés.
Je crois que c'est de la force conjuguée de tous les talents qu'on peut faire une ville humaine, une ville qui prend sa forme de la diversité de sa population, de langages mélangés, de désirs croisés.
Je propose à cet égard que des lieux de concertation soient crées par les Grands Projets de Ville en lien avec les archives des villes. Cela permettrait de réunir dans un même lieu ouvert, mémoire, présent et futur des villes, pour qu'ils soient portés à la connaissance des habitants.
Mesdames et Messieurs, les premières conventions de Grand Projet de Ville arrivent à maturité. Je souhaite en avoir connaissance avant leur signature définitive. La DIV les examine avec attention et est à votre disposition pour vous aider à les compléter.
Je souhaite que dès les prochaines semaines, la majorité de ces conventions puissent être signées, marquant ainsi la volonté conjointe de l'Etat, des collectivités locales, des différents acteurs de la ville, d'agir ensemble pour le renouvellement urbain, pour l'amélioration des conditions de vie dans nos quartiers les plus dévalorisés, d'agir contre l'exclusion, contre la ségrégation.
La signature d'une convention n'étant qu'une première étape dans un processus conjuguant action, réflexion, débat, évaluation, qui s'inscrira nécessairement dans la durée.
J'attire votre attention sur les démarches d'évaluation à engager en continu, en mobilisant les différents acteurs concernés, ainsi que les habitants, pour apprécier, au fur et à mesure de la mise en uvre des actions, les résultats obtenus et leur impact sur le territoire. Compte tenu de l'importance des enjeux, j'ai décidé de mettre en place un groupe spécifique d'évaluation sur les Grands Projets de Ville.
J'ai souhaité organiser cette première réunion parce qu'il me semblait nécessaire d'avoir un échange direct avec vous sur les problèmes rencontrés, sur les obstacles à surmonter. Je souhaite que ce temps d'échange puisse se renouveler annuellement.
Je ne verrai par ailleurs que des avantages à ce que le monde des Grands Projets de Ville puisse s'organiser au niveau national, en constituant par exemple un réseau.
Je laisse Claude BREVAN faire un point sur l'état d'avancement de la démarche, et vous présenter le programme de suivi et d'animation des Grands Projets de Ville qui sera organisé par la Délégation interministérielle à la Ville.
J'ai demandé en outre à Monsieur Michel LUSSAULT, professeur à l'université de Tours, qui n'avait pas pu intervenir comme prévu lors du colloque de Vaulx-en-Velin, de nous faire part de sa vision de la ville et de son avenir.
Monsieur Georges MERCADAL, vice-président du conseil général des ponts et chaussées, nous présentera les réflexions menées au sein du Conseil national des villes sur les Grands Projets de Ville.
Je souhaite enfin qu'à l'occasion du débat, vous puissiez faire part de vos réflexions et que vous n'hésitiez pas à poser toutes les questions qui vous préoccupent.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 18 décembre 2000)