Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique agricole, dans le cadre de la loi d'orientation agricole et de l'Agenda 2000, notamment pour le secteur des céréales et du blé pour le marché européen et les marchés mondiaux, Angers le 11 juin 1998.

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Circonstance : Congrès de l'AGPB (Association générale des producteurs de blé et autres céréales) à Angers le 11 juin 1998

Texte intégral

C'est devant vous, voici un an, à Dijon, que j'ai eu l'occasion d'intervenir pour la première fois comme Ministre de l'Agriculture et de la Pêche. J'avais souhaité à l'époque, vous faire part de mes ambitions et de mes priorités pour l'agriculture française, et vous indiquer la démarche nationale et européenne que j'entendais conduire. Aujourd'hui, les chantiers ouverts, soit à notre initiative comme la LOA, soit à celle des autorités communautaires comme l'Agenda 2000, ont largement avancé. Je souhaite donc faire le point, aujourd'hui, un an après, devant les Céréaliers de France et répondre aux interrogations, voire aux inquiétudes que suscitent les projets et les négociations que nous avons engagés. Je souhaite le faire à la fois avec clarté, c'est-à-dire en affichant nos objectifs, notre politique, et avec pragmatisme, c'est-à-dire en expliquant la façon dont nous prenons en compte les différentes situations. Je note avec satisfaction que nous pourrons déjà nous entendre sur la méthode, puisque vous vous proposez, cette année, comme thème de votre congrès, de " regarder la réalité en face ".
Vous conviendrez donc, comme moi, que la politique agricole fait l'objet désormais de remises en cause. Par les agriculteurs eux-mêmes d'abord, car les progrès techniques incontestables, largement portés par votre filière d'ailleurs, ont parallèlement provoqué des évolutions structurelles qui sont de moins en moins acceptées. Remise en cause aussi, au sein même de l'Union Européenne, tant de la part des pays du nord, soucieux de voir la PAC se libéraliser, que des pays du sud, qui exigent, eux, un rééquilibrage des aides. Enfin, et vous le savez, la trêve de Marrakech est fragile. Chacun affûte ses armes, et nous savons bien que les hostilités reprendront prochainement dans le cadre de l'OMC. Aujourd'hui, nous devons donc choisir, car nous sommes à la croisée des chemins, et les décisions que nous allons prendre engageront l'avenir. J'ai proposé au Gouvernement, à travers le projet de Loi d'Orientation Agricole, des perspectives visant à renouveler sur des bases durables le contrat qui doit exister entre la Nation et les agriculteurs, et qui doit, pour être compris, répondre aux nouvelles exigences de nos concitoyens. A cette condition, cette loi permettra de justifier durablement une politique d'aides publiques en faveur des agriculteurs. Trois idées principales fondent, pour le Gouvernement, la légitimité d'une politique agricole moderne :
la multifonctionnalité de l'agriculture,
la nécessité d'agir en faveur de l'équilibre territorial et social,
la contractualisation de la politique agricole.
Concernant le premier point, je voudrais dire avec force ma conviction que l'agriculture remplit bien 3 fonctions complémentaires : économique, sociale, et environnementale. Entendons-nous bien sur cette notion de multifonctionnalité. Il ne s'agit en aucune façon d'une quelconque " ruse " de présentation pour justifier une nouvelle forme d'aides publiques. Mais bien au contraire, d'une volonté de voir pris en compte ce qui correspond bien aux missions des exploitations agricoles. Chacun s'accorde à reconnaître que souvent, et depuis longtemps, les agriculteurs ont rempli des missions différentes et complémentaires à leur seule activité de production, notamment dans les domaines de l'entretien de l'espace rural, du maintien de l'emploi dans les régions difficiles. Cela justifie une rémunération, et ce sera, entre autres, l'objet du CTE. L'enjeu de ces débats est d'importance, car il conditionne aussi la possibilité de maintenir ou non un dispositif de soutiens publics spécifiques à l'agriculture. Certes, pour le secteur agricole, c'est bien la nature des produits qui justifie ces dispositifs ; car l'alimentation, à laquelle directement ou indirectement ces produits sont destinés, est une fonction particulière, très marqué par le soucis de sécurité. Si la pénurie ne menace plus nos pays européens, le marché reste spéculatif et cela rend nécessaire une régulation. La politique agricole doit donc répondre à cet objectif. Mais elle ne saurait se limiter à cela. Le développement de pratiques agronomiques respectueuses de l'environnement, le maintien d'emplois en zone rurale, la rémunération des services collectifs rendus par les agriculteurs, tout cela doit aussi faire partie d'une PAC rénovée. Et cela passe, c'est la deuxième idée, par la recherche d'un meilleur équilibre dans la répartition de l'activité agricole sur le territoire, et d'une plus grande équité dans la distribution des aides publiques. On ne peut plus défendre un système qui concentre l'essentiel des aides sur les régions les plus productives, et contribue ainsi à accroître les déséquilibres naturels au lieu de les corriger. Je le dis clairement : s'obstiner dans cette voie serait suicidaire pour l'avenir de la politique agricole. C'est donc pour cela - 3ème idée - que la contractualisation de la politique agricole que nous proposons, permettra d'en faire une politique moderne et efficace. Le CTE, notamment, a pour ambition de proportionner l'attribution des aides aux projets de chaque agriculteur, dans la mesure où les objectifs agricoles fixés en concertation seront respectés. Cette double volonté, celle de l'agriculteur dans son projet d'entreprise, celle des Pouvoirs publics, dans son ambition collective, fera du CTE l'outil de gestion d'une partie des aides aux agriculteurs. Je souhaitais, au lendemain de l'approbation officielle de ce projet par le Conseil des Ministres, rappeler ici, devant les producteurs de blé, qui constituent LA production-phare de l'agriculture française, le symbole de notre compétitivité agricole depuis un siècle au moins, qu'ils ont toute leur place dans ce défi que représentent ces nouvelles perspectives pour l'agriculture.
Je propose également dans cette loi d'orientation de revoir nos ambitions en matière de contrôle des structures, pour limiter le démantèlement des structures et les agrandissements abusifs de certaines exploitations. Nous savons tous comment se sont multipliés les détournements de la règle, par le biais de montages sociétaires et l'impossibilité de sanctionner dans laquelle nous sommes actuellement. J'ai largement consulté les organisations syndicales sur ce sujet, et pris acte de leur volonté unanime de revoir radicalement notre pratique dans ce domaine. La loi d'orientation propose donc de renforcer la transparence et la publicité en cas de libération ou de reprise de terres, ainsi que la gestion des informations et la motivation des décisions départementales. Le régime des sanctions sera également modifié, les amendes administratives se substitueront aux sanctions pénales. J'ajoute que, seul, le régime d'autorisation demeurera, et qu'une procédure d'appel des décisions prises sera instaurée. Enfin, les exploitations individuelles et à forme sociétaire seront traitées de la même façon. Convenons-en d'ailleurs : l'ensemble de ces évolutions permettra de mieux mettre en cohérence notre volonté de privilégier les exploitations familiales à taille humaine, compatibles avec une politique active d'installation des jeunes dans des conditions économiques satisfaisantes. Elle permet aussi d'éviter l'apparition d'exploitation à forme sociétaire ou foncière compliquée, qui pose immanquablement des problèmes de transmission. Je me réjouis donc que, tout particulièrement sur ce point, le Conseil Economique et Social ait approuvé ma proposition.
C'est la même ambition que je défends aussi dans les négociations désormais engagées dans le cadre de l'Agenda 2000. J'ai dit, à différentes reprises, qu'une baisse systématique des prix de tous les produits agricoles ne pouvait tenir lieu de politique agricole. On ne peut réduire la compétitivité de l'agriculture européenne à sa seule capacité à vendre des matières premières à bas prix sur les marchés mondiaux. Et nous ne nous laisserons pas enfermer dans une logique de négociations qui ne prendraient pas en compte la diversité et la richesse de nos modes de production. Ce n'est pas ma façon de voir cette négociation. Par contre, faire prendre en compte par nos partenaires de l'Union Européenne et par la Commission, une réelle ambition de " réforme " de la PAC, en fixant des horizons qui correspondent aux atouts réels de notre agriculture, voilà ce que j'entends défendre. Et c'est une idée qui fait son chemin peu à peu. Cela signifie pour moi orienter notre avenir agricole vers le développement de nos capacités à fournir les marchés communautaires et mondiaux en produits adaptés à la demande, et intégrant de la valeur ajoutée. Déjà aujourd'hui, mais encore davantage demain, ce sont ces produits qui sont et seront vendus à un prix rémunérateur pour les producteurs, qui généreront les emplois induits nécessaires pour la mise en oeuvre d'un savoir-faire, de technologies, d'une image, qui constituent l'essentiel de nos atouts. C'est là que je vois l'avenir de notre agriculture, et non dans la course sans fin à la baisse des prix des matières premières. Bien entendu, cette orientation générale se décline de façon nuancée d'un secteur à un autre. Et pour les céréales, il est probable qu'une diminution des prix garantis serait moins insupportable que dans certains secteurs de l'élevage. Pour autant, les céréaliers de certaines régions souffriraient d'une diminution excessive. Et puis, Monsieur le Président, n'oublions pas que vos exploitations ne sont que très exceptionnellement monoproduit : les céréaliers sont souvent aussi des producteurs d'oléagineux, de protéagineux , de maïs ; ils sont parfois éleveurs. Pour ces secteurs, les propositions de la Commission, notamment en matière de baisse des prix, posent de très graves problèmes, qui m'imposent une approche plus globale et une hiérarchie des difficultés que, j'espère, vous comprenez. Si une baisse modérée des prix peut être jugée acceptable, et même utile pour le blé, il n'en est pas de même pour la viande bovine ou le maïs, et le Ministre de l'Agriculture a un devoir de cohérence. Nous devons donc, dans ce domaine, affiner notre réflexion et nous interroger avec réalisme sur les perspectives d'avenir. Il est indiscutable que la Commission porte une lourde part de responsabilité dans la gestion des exportations, notamment en début de campagne, à l'automne dernier. Je ne manquerai pas de rappeler à nouveau cette responsabilité lors du prochain Conseil des Ministres, en soulignant que nous restons très en deçà des engagements internationaux de l'Union Européenne. Mais cela ne dispense pas d'une expertise plus large, précisément sur le ciblage en qualité et en quantité, de notre part de marché potentiel. La part de nos exportations de céréales, sous forme de matières premières, étant ce qu'elle est, nous pouvons tenter de jouer la carte d'une baisse modérée des prix, à condition que, par ailleurs, nous accélérions nos efforts sur le développement des produits de l'aval de la filière. Il est légitime de réfléchir aux conditions dans lesquelles nous voulons que l'Europe participe au marché mondial des produits agricoles et agro-alimentaires. Pour autant, ainsi que je l'ai déjà dit, n'oublions pas que l'exportation sur pays tiers ne représente que, selon les secteurs d'activités, 10 à 20 % de notre production. Le marché européen reste donc notre principal débouché, et il serait suicidaire de le tirer vers le bas pour conquérir d'éventuelles parts de marché des pays tiers, dans des conditions de prix beaucoup plus défavorables. J'entends également l'argument selon lequel, par exemple, le blé transformé en aliment du bétail est directement générateur de viande blanche, de volaille notamment, et que tout cela serait bon pour l'emploi et notre balance commerciale. Cependant, le développement de ce secteur est soumis, lui aussi, à de fortes contraintes, en particulier sur les marchés mondiaux. Il n'est pas certain qu'une baisse des prix des céréales, même de 20 %, suffise à redonner des marges de progression à nos exportations de volailles. La compétitivité de cette filière ne dépend pas que du prix du blé, surtout lorsque notre principal concurrent sur le marché mondial est le Brésil. Nous allons donc, au cours des prochains mois, expertiser de manière plus détaillée, et bien entendu en concertation avec votre organisation, les propositions de la Commission, afin de rechercher le niveau de baisse de prix acceptable, et évaluer ainsi de manière plus précise son impact, en particulier en termes d'équilibre entre les différentes cultures. Sur ce dernier point, vous le savez, se pose la question du positionnement des cultures de maïs et de sorgho, et bien entendu des productions oléagineuses. Nous aurons également à évoquer à nouveau la gestion de la ressource en eau : j'avais souhaité en septembre dernier, aborder cette question. Elle sera à nouveau d'actualité lorsque nous allons devoir définir avec précision ce qui nous apparaît légitime de prendre en compte comme techniques d'irrigation, et ce qui doit être désormais rejeté. C'est également pendant les prochains mois de discussions que vont devoir être approfondies les propositions " horizontales " de l'Agenda 2000. Je pense en particulier au règlement sur l'éco-conditionnalité et la modulation des aides. Là encore, Monsieur le Président, " regardons la réalité en face ". Les aides à l'agriculture ne seront plus comprises si elles ne prennent pas en compte les préoccupations de protection de l'environnement, de maintien de l'emploi dans les zones rurales, d'équilibre des territoires. Il est donc INDISPENSABLE de prévoir un dispositif de modulation permettant de prendre en compte ces critères. Et compte tenu de leurs spécificités locales, c'est bien dans le cadre de la subsidiarité qu'ils seront le mieux appréciés. Il ne s'agit nullement là de renationalisation de la PAC, mais bien d'une réorientation nécessaire à la cohérence de notre politique agricole commune avec nos choix nationaux. La modulation des aides européennes est, de ce point de vue, en cohérence avec la loi d'orientation agricole et le contrat territorial. Elle l'est aussi, et vous le savez bien, avec la contrainte de découplage des aides, qui est incontournable dans la perspective de l'OMC. Bientôt, le nouveau dispositif issue de l'agenda 2000, va se préciser. Je souhaite que la réflexion collective se développe, aux niveaux local, national et européen. Le débat doit s'enrichir des propositions de chacun.
Bien entendu, des étapes intermédiaires dans la discussion européenne vont devoir être franchies, et je pense en particulier au prochain paquet-prix. Vous connaissez, dans ce domaine, le taux de gel que la Commission va proposer d'appliquer pour la récolte 99. Elle justifie cette proposition par des stocks communautaires élevés, dans un contexte de marché mondial déprimé. Je l'ai dit, et je le répéterai, la Commission est responsable du niveau des stocks communautaires que nous connaissons aujourd'hui : les volumes exportés par l'Union Européenne sont une nouvelle fois très en deçà des contingents autorisés par les accords de Marrakech, et les producteurs européens ne doivent pas être pénalisés par cette gestion trop prudente de la Commission, prudence qui nous avait d'ailleurs conduit à nous inquiéter dès le début de la campagne. Les discussions du prochain Conseil des Ministres seront toutefois difficiles, car nous sommes relativement isolés. Mais je m'emploierai à faire prendre en compte vos préoccupations. Je compte d'ailleurs demander très fermement, comme en 1997, la suppression du gel extraordinaire : l'inefficacité et les difficultés pratiques de telle mesure me paraissent en justifier la suppression.
Mais vous avez également souligné, et j'y suis sensible, les efforts faits par votre profession pour promouvoir une démarche orientée vers la qualité. Cela concerne aussi bien celle des produits demandés par l'aval de votre filière, et tout particulièrement par les consommateurs, que celle exigée par les préoccupations environnementales. Je vous ai dit ma détermination à prendre en compte, y compris dans le processus d'attribution des aides publiques, ces objectifs : vos propositions, Monsieur le Président, m'intéressent vivement. Je regrette de n'avoir pu aujourd'hui, en visitant comme vous me l'aviez proposé, votre station ITCF, et confirmer ainsi cet intérêt, en m'informant concrètement des travaux que vous conduisez.
Monsieur le Président, toute cette démarche, nationale et européenne, trouvera son sens lorsque, très prochainement, vous le savez, sera réouvert le chantier de l'OMC. La perspective de nouvelles négociations agricoles multilatérales dans le cadre de l'OMC est ouverte par l'article 20 de l'accord agricole de Marrakech. Vous y êtes directement intéressés, puisque beaucoup d'entre vous forment ce qu'il est convenu d'appeler les intérêts " offensifs " de l'Union. Je m'en réjouis, et j'entends bien que les intérêts de votre secteur soient pleinement défendus à Genève. L'Union privilégie d'ailleurs clairement le cadre multilatéral pour ces négociations sur l'accès aux marchés, comme cela a été rappelé lors du récent Sommet transatlantique entre la Commission européenne, la Présidence de l'Union et les Etats-Unis. La négociation agricole débutera au 1er janvier 2000, même si les Etats membres de l'OMC ont récemment décidé de réunir un Conseil Général de l'Organisation pour procéder à des échanges d'information permettant de préparer la ministérielle de la fin 1999, celle-là même qui lancera les négociations. Il n'est donc évidemment pas question d'anticiper le calendrier. Cela d'autant plus que les Européens entendent bien situer l'agriculture dans le cadre d'une discussion plus large. Ma responsabilité de Ministre de l'Agriculture est cependant de me placer, dès maintenant, dans la perspective de ces négociations. Car la réforme de la Politique Agricole Commune constituera l'offre de l'Union à l'OMC, sans que l'on puisse aujourd'hui prévoir avec précision ce que sera la séquence des négociations à Bruxelles et à Genève. Il nous faudra donc être en position offensive pour affronter ces difficiles négociations. C'est pourquoi j'estime inapproprié, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, de procéder à des baisses de prix garantis dans tous les secteurs, avec les conséquences connues sur la protection extérieure de l'Union, accompagnées d'aides compensatoires dont chacun sait qu'elles seront dans l'oeil du cyclone. Nous allons subir de fortes pressions pour une plus grande libéralisation des échanges de la part de nombreux pays (groupe de Cairns, pays en voie de développement) : la demande de diminuer les aides à l'export, d'ouvrir le marché européen, s'exprimera largement. Les Etats-Unis prétenderont avoir " verdi " leur dispositif, et seront offensifs. Nous allons donc devoir définir nos priorités, les hiérarchiser, et cibler les fronts sur lesquels nous allons nous battre. Je n'entends pas me laisser, dans ces négociations, impressionner par des affirmations par ailleurs contestables. Mais nous devons également nous donner quelques atouts, parmi lesquels le découplage des aides, pour lequel je plaide, vous le savez. Nous connaissons les contraintes qui existent, et existeront en matière d'exportation : leur prise en compte ne justifie pas, dans les négociations du paquet Santer, et ensuite celles de l'OMC, la systématisation à tous les secteurs de la diminution des prix. Il faut affiner sur cette question les propositions européennes, et je m'y emploierai.
Vous l'aurez compris, il y a là une complète cohérence entre la démarche suivie dans le cadre de la loi d'orientation agricole et dans celui de la réforme de la PAC. La boîte verte est celle qui contient les soutiens susceptibles à la fois de prendre en compte les fonctions multiples qui sont les vôtres et de nous mettre en position de force à Genève.
Monsieur le Président, l'importance de votre secteur justifierait bien d'autres développements. Les nouvelles utilisations non alimentaires, par exemple, mériteraient que l'on trace des perspectives ambitieuses. Le programme biocarburants a atteint un niveau de démonstration significatif grâce, notamment, à la mobilisation des filières agricoles et industrielles, et des Pouvoirs publics. Le développement de la biomasse à des fins énergétiques reste encore limité, mais l'état des recherches permet d'en envisager l'application concrète dans le cadre de la politique de décentralisation et de régionalisation des sources d'énergie. La chimie des biomolécules a ouvert, quant à elle, des perspectives importantes qu'il convient de concrétiser. La conférence de Kyoto sur le climat, la loi française sur la qualité de l'air et le projet de réforme de la politique agricole commune, Agenda 2000, créent une situation nouvelle qui impose à la France une nouvelle évaluation des perspectives à moyen terme. C'est pour cela que j'ai confié à une personnalité de monde industriel, Monsieur DESMARESCAUX, une mission permettant de réaliser cette évaluation. Les OGM sont au coeur du débat pour l'avenir des productions végétales. Il y a en effet dans l'application du génie génétique aux plantes, un potentiel important d'amélioration en terme de qualité, tant sur le plan nutritionnel, que technologique ou agronomique, notamment par la résistance aux insectes et aux maladies. Il y a aussi dans l'application de ces techniques, un fort potentiel en termes de réduction d'impact de l'agriculture sur l'environnement et de développement durable. Toutefois ces perspectives ne pourront être concrétisées que si le génie génétique est accepté par chacun des maillons de la filière agricole, agro-alimentaire et surtout pour les consommateurs. L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé une réunion de concensus qui rendra ses conclusions le 22 juin prochain. Ces conclusions et le rapport de l'Office permettront de préciser et, je l'espère, de clarifier le débat sur l'utilisation des OGM dans l'agriculture. Ils permettront également d'éclairer les décisions du gouvernement sur le sujet. Le Conseil européen des ministres de l'agriculture vient d'adopter des mesures relatives à l'étiquetage des aliments issus d'OGM. Celles-ci prévoient un étiquetage large des aliments issus d'OGM, sur la base de la présence de protéines nouvelles ou d'ADN issus de la modification génétique, l'utilisation claire et non ambiguë, du caractère génétiquement modifié d'un produit. Il est à souligner que la mention " peut contenir des OGM ", réfutée à la fois par les associations de consommateurs et les opérateurs économiques, n'a pas été retenue. Ces mesures devraient contribuer à rassurer les consommateurs et à ramener un peu de sérénité dans le débat sur les OGM. Les règles de développement d'une économie contractuelle, à partir d'une segmentation efficace du marché, doivent être clarifiées : valoriser ainsi auprès des consommateurs des produits différenciés, à traçabilité garantie, n'est peut être qu'un créneau encore étroit : c'est en tout cas un créneau porteur, sur lequel nous devons être présents.
Je devrais aussi évoquer le dossier des biotechnologies dont l'enjeu, en particulier avec le programme génomique sur le blé, est tout-à-fait prioritaire. Le dossier des petites productions céréalières comme le sorgho mérite, lui aussi, toute notre attention.
Vous l'avez bien compris, Monsieur le Président, j'ai souhaité aller à l'essentiel, et aussi à tenir compte de l'actualité, celle de l'adoption par le Conseil des Ministres, du projet de Loi d'Orientation. L'agriculture que je veux encourager est diversifiée, créatrice de richesses et de valeur ajoutée. La politique publique, au delà du soutien des aides doit inciter à produire de la richesse sur leur exploitation, à valoriser les terroirs dans lesquels s'inscrit leur action, à fournir des produits de qualité appréciés par marchés. C'est mon ambition pour la Loi d'Orientation et le CTE ; c'est cela qui permettra de ne plus identifier l'avenir à une simple spécialisation, complétée par l'agrandissement de l'exploitation. Je souhaite donc encourager un modèle agricole où les agriculteurs trouveront toute leur place dans un dialogue équilibré avec leurs partenaires, ceux de leurs filières et ceux de leur environnement. Le service rendu par l'agriculture à la société doit être pleinement reconnu. Ce service n'est plus, comme dans les années 60, exclusivement centré sur la production de matières premières, fussent-elles alimentaires, mais sur un métier qui prend en compte d'abord des hommes et des territoires.
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2001)