Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur l'Europe sociale, la coordination des politiques économiques et sociales, notamment la lutte contre le chômage et l'exclusion sociale, et l'expérimentation de la TVA à taux réduit, Vienne (Autriche) le 11 décembre 1998.

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Circonstance : Conseil européen à Vienne (Autriche) les 11 et 12 décembre 1998

Texte intégral

Nous avions décidé à Luxembourg, il y a un an, un rendez-vous annuel du Conseil européen consacré à l'emploi. Cela a constitué, et a été perçu comme tel, une inflexion sensible de la construction européenne permettant de développer une nouvelle approche coordonnée de lutte contre le chômage et les exclusions dans nos sociétés.

Cette nouvelle démarche a été prise au sérieux par l'ensemble des pays européens : je m'en réjouis. Pour ce qui concerne la France, le plan national d'action que le gouvernement a élaboré pour mettre en oeuvre les lignes directrices de 1998 a été reconnu par la Commission comme sérieux et rigoureux. La même détermination a prévalu pour sa mise en oeuvre. L'exemple des mesures prises pour assurer le "nouveau départ" pour les jeunes et les chômeurs adultes en témoignent : l'ANPE, l'organisme en France qui oriente et aide les chômeurs à trouver un emploi, a commencé à prendre en charge ces dernières semaines 55.000 personnes à ce titre ; ce chiffre s'élèvera à 850.000 en 1999. A cette fin, ses moyens ont été fortement renforcés : elle sera dotée de 2.500 emplois supplémentaires et son budget de prestations sera plus que doublé.

- S'il était logique de ne pas bouleverser l'architecture des lignes directrices pour 1999, par rapport à celles de 1998, afin d'assurer leur efficacité, je souhaite réaffirmer la nécessité de se doter de nouveaux objectifs quantifiés et mesurables pour l'avenir. Je souhaite que la Commission fasse des propositions au Conseil pour que des progrès soient réalisés en 1999 en la matière.

- Pour les lignes directrices que nous examinons aujourd'hui, j'insiste, comme le suggère la présidence à la suite des travaux préparatoires, pour que la ligne directrice relative à l'expérimentation de taux réduits de TVA soit reconduite. De même, pour que ces expérimentations puissent effectivement engagées par les Etats qui le souhaitent, il faut que le Conseil européen demande, dans ses conclusions, à la Commission de prendre les initiatives nécessaires dans ce sens.

- La priorité est désormais d'assurer une application effective des lignes directrices et des plans nationaux. Pour avoir des résultats, il faut mettre en place une véritable évaluation des politique menées, et une surveillance multilatérale dont nous avions d'ailleurs retenu le principe à Luxembourg, mais que nous n'avons pas vraiment osé mettre en pratique cette année.

Pour 1999, il devra en aller autrement et une rigueur accrue du Conseil est nécessaire pour apprécier et évaluer la façon dont les Etats membres ont mis en oeuvre les lignes directrices et pour, le cas échéant, en tirer les conséquences. Sinon, nous prenons le risque de faire de la révision des lignes directrices chaque année un simple exercice de "toilettage" sans lien avec la mesure réelle des progrès enregistrés. L'objectif de convergence des politiques nationales qui préside à la démarche de Luxembourg s'en trouverait remis en cause. C'est notre crédibilité dans ce domaine qui est en jeu.

- Pour assurer un suivi et une évaluation efficaces, il est impératif que l'Union se dote rapidement d'indicateurs communs et précis permettant de comparer les données de chaque pays sur le chômage. Nous constatons, en effet, que les statistiques dites "harmonisées" à partir des critères du BIT recouvrent des réalités très différentes. La Commission doit activer et approfondir les travaux entrepris pour que l'Europe dispose d'outils performants et indiscutables.

- Lors de notre rencontre de Pörtschach, un consensus s'était dégagé sur la nécessité de faire progresser "l'Europe sociale". L'année 1999, qui verra la naissance de l'euro, doit également voir se développer de nouvelles initiatives en ce domaine. Un effort supplémentaire doit être fait en matière d'harmonisation sociale. A cet égard, les partenaires sociaux, au niveau européen comme dans les Etats membres, doivent jouer un rôle plus important. Par la négociation et la signature d'accords, ils doivent devenir des "co-législateurs".

Mais, en cas d'échec des négociations entre partenaires sociaux, il conviendra, en fonction des domaines concernés, de demander à la Commission de proposer au Conseil des directives.

Plusieurs domaines pourraient faire l'objet de réflexions et d'initiatives : la formation tout au long de la vie, l'organisation et la durée du travail, le principe d'un salaire minimum dans chaque Etat membre et la progression salariale, des normes sociales dans certains secteurs transfrontaliers, comme les transports, ou fortement intégrés, comme les services financiers. Ces sujets correspondent à des besoins réels d'harmonisation, et une approche européenne montrerait que l'Europe n'est pas seulement la réalisation d'un grand marché, mais aussi l'enrichissement d'un modèle de société auquel nos citoyens sont attachés.

Mais, pour faire reculer le chômage de façon significative, il faut combiner une politique de croissance à l'échelle européenne et les politiques de l'emploi.

Pour cela, il faut notamment articuler plus étroitement la procédure des lignes directrices de l'emploi avec les grandes orientations de politiques économiques qui constituent l'un des instruments de la coordination des politiques économiques.

Par ailleurs, comme le rappelle le rapport d'étape que nous adresse le Conseil Ecofin, cette coordination doit se développer fortement avec la mise en place de l'union monétaire :

Tout d'abord au sein de l'euro 11 qui constitue un lieu de débat indispensable à la conduite du policy-mix européen. Nous faisons confiance à la présidence allemande pour poursuivre et développer le travail engagé par la présidence autrichienne. Je souhaite notamment que la Commission et l'euro 11 poursuivent leur travail pour élaborer des statistiques économiques homogènes et assurent un suivi régulier du taux de change.

Ensuite par un dialogue accru entre les autorités politiques et la BCE qui devra conduire notamment la présidence de l'Ecofin à assister régulièrement au Conseil de la BCE, comme le prévoit la résolution de Luxembourg. Des avancées substantielles ont été obtenues en matière de coordination des politiques économiques comme en témoigne la baisse concertée des taux d'intérêts au sein de la zone euro en réaction au ralentissement de la conjoncture internationale. Je suis convaincu qu'en poursuivant dans cette voie d'une coopération accrue, nous pourrons maintenir la croissance économique en Europe et faire reculer durablement le chômage.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mai 2001)