Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur les premiers effets de la mise en oeuvre du Plan santé au travail, les conditions de réussite et les objectifs concrets de ce plan, Lyon le 30 novembre 2005.

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Circonstance : Séminaire Santé au travail à Lyon le 30 novembre 2005

Texte intégral

Avant toute chose, je tiens à remercier Jean-Denis Combrexelle - et toute son équipe - d'avoir organisé ce séminaire sur la santé au travail avec Jean Bessière qui nous fait le plaisir de nous accueillir chez lui. C'est aussi l'occasion pour moi de saluer les 25 ans de l'INTEFP, dont le statut évoluera le 1er janvier en établissement public administratif.
Il était particulièrement important après de nombreuses rencontres régionales, de vous réunir tous ensemble pour que vous échangiez sur vos expériences et pour insuffler une dynamique commune.
Réussir la politique de la santé au travail, un enjeu extrêmement important pour notre pays.
Vous savez toute l'importance que j'attache à ce dossier. Je tenais à venir conclure ce séminaire pour vous dire que l'Etat est mobilisé, que je suis mobilisé, avec vous, sur les enjeux de la santé au travail. Je suis plus que jamais décidé à faire avancer les choses. Si le nombre et la fréquence des accidents diminuent continuellement, avec encore 700 000 accidents du travail et 700 décès par an, j'estime que la situation demeure préoccupante. Ce sont 2 personnes chaque jour qui ne rentrent pas de leur travail. Les arrêts du Conseil d'Etat de 2004 ont rappelé la responsabilité de l'Etat. Plus récemment, la mission d'information du Sénat sur l'amiante a rendu son rapport. La mission d'information de l'Assemblée nationale a élargi son champ à l'ensemble des risques professionnels et rendra son rapport en février 2006.
Porteuse d'enjeux sanitaires, sociaux et politiques lourds, la lutte contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, n'est bien évidemment pas un effet de mode. C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère en avril 2004, j'ai lancé les travaux d'élaboration du Plan santé au travail. Les développements récents et les chiffres que j'ai rappelés me confirment plus que jamais dans notre engagement collectif.
Cette priorité gouvernementale se traduit par une stratégie qui commence à engranger des résultats.
10 mois après son adoption, je constate avec satisfaction que l'approche du Plan Santé au Travail imprègne désormais un peu plus la décision publique. Je le vois dans les négociations interministérielles sur le projet de règlement européen REACH (« Enregistrement, Evaluation et Autorisation des produits CHimiques ») où le Plan Santé au Travail se révèle être un support précieux pour faire prendre conscience des enjeux de la santé des travailleurs ou encore de l'importance du principe de substitution. Je le vois aussi dans le dossier de l'amiante, où le Plan Santé au Travail participe au plan d'action gouvernemental que le Premier ministre va mettre en place. Grâce au Plan Santé au Travail, des dynamiques nouvelles ont été enclenchées.
Les 4 axes d'actions du Plan sont déjà bien engagés : le développement de l'expertise et de la recherche, le renforcement de l'effectivité des contrôles, la refonte de la gouvernance et la sensibilisation des entreprises à la culture de prévention.
Je citerai quelques mesures phares : Le 1er septembre 2005, l'Etat s'est doté d'une nouvelle agence d'expertise des risques professionnels. L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) fournira à l'Etat les études et expertises qui lui permettront d'asseoir scientifiquement la gestion des risques, dont il a la responsabilité. Un département spécialisé en santé au travail est d'ores et déjà en cours de constitution au sein de cette agence, qui va organiser un réseau d'évaluation des risques sanitaires en milieu professionnel avec les établissements publics et organismes privés intervenant dans ce domaine. Des conventions ont été passées dès l'été 2005 à ma demande, avec l'AFSSET, l'InVS et l'INRS pour conduire des expertises importantes notamment sur les éthers de glycol, les fibres céramiques réfractaires, la substitution des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) ou encore les nanomatériaux.
Avec l'AFSSET et le pôle commun formé par l'INERIS et l'INRS, nous aurons aussi les moyens de préparer la mise en ?uvre du programme européen REACH, dont vient de débattre le Parlement européen et sur lequel les ministres européens devraient parvenir à un accord politique fin décembre. J'y attache la plus grande importance car il est porteur de progrès considérables en termes de santé notamment pour les travailleurs. Il faut combler le retard de connaissances accumulé sur les 100 000 substances chimiques qui circulent et dont les dangers sont souvent méconnus, parfois ignorés. Notre ministère est attentif à l'intégration du principe de substitution dans le système d'évaluation et d'autorisation prévu par REACH.
Vous pouvez aussi compter sur notre détermination pour faire progresser la recherche, autre mesure phare du Plan. La communauté scientifique a été mobilisée sur le champ de la recherche en santé au travail avec un programme de recherche et un appel à projets spécifiques. J'ai aussi pris l'engagement de réserver une somme de 800 000 ?, pour aider à la définition et à la création de pôles scientifiques régionaux.
En application du Plan santé au travail, les capacités d'action de l'Etat sur le terrain se renforcent. C'est la troisième mesure phare. L'objectif est de renforcer les compétences des agents de terrain dans leurs missions sur le champ de la santé et de la sécurité au travail, avec la mise en place des cellules d'appui. Les capacités d'action se renforcent aussi par la formation. L'INTEFP va accompagner la mise en place des cellules d'appui en contribuant à la formation initiale et continue des agents de contrôle dans le domaine de la santé au travail. Le présent séminaire est une première pierre, importante, à l'édifice.
D'autres chantiers du Plan santé au travail sont bien engagés, comme la réforme du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Le Conseil supérieur doit entrer dans l'approche globale des risques professionnels qui a été retenue dans le Plan santé au travail. Cette démarche se fera en concertation avec les partenaires sociaux et les autres ministères concernés au cours des prochaines semaines.
Les services régionaux et départementaux du travail ainsi que les corps de contrôle sont au c?ur de la stratégie de la santé au travail.
Avec vous, nous devons :
- nous mobiliser au niveau régional et renforcer l'inspection du travail ;
- nous fixer des objectifs ;
- nous donner des moyens.
Nous mobiliser au niveau régional et renforcer l'inspection du travail Je sais que vous faites déjà connaître le Plan santé au travail : c'est en effet sur le terrain que peuvent se vérifier, de façon concrète, les actions que nous avons ciblées, qu'il s'agisse de la coordination des actions au niveau des services de l'Etat, ou de la mise en ?uvre du contrôle effectif de la réglementation, que vous vivez au quotidien. Cette action de sensibilisation doit être poursuivie.
La nécessité d'une présence accrue des inspecteurs et contrôleurs du travail dans ce domaine est une des conditions de la réussite de ce plan.
Il faudra bien combler notre retard quantitatif des moyens d'inspection mis en relief par le rapport de Jean Bessière. Dans un contexte budgétaire tendu, il est prévu en 2006 d'ouvrir 206 places au concours (75 postes d'inspecteurs du travail, 131 postes de contrôleurs).
Il s'agit aussi d'améliorer la formation permanente et continue des agents de contrôle : je sais que l'INT et la DRT y travaillent afin de mieux armer les inspecteurs et contrôleurs du travail.
Plus largement, vous savez, qu'à la suite du rapport que m'a remis Jean BESSIERE et après une série de consultations avec l'ensemble des organisations concernées, j'ai confié une mission à Jacques Rapoport, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, pour engager un plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail dans un dialogue approfondi, attentif aux contributions de chacun. Il m'en rendra compte dans quelques semaines, après nouvelles consultations des confédérations syndicales et organisations professionnelles.
Nous privilégions un certain nombre d'orientations et c'est le sens de la lettre de mission que j'ai adressée à Jacques Rapoport :
- La mise en place, auprès des agents de contrôle de l'inspection du travail, dont la vocation généraliste est confortée, d'équipes pluridisciplinaires d'appui ;
- La création de sections territoriales plus étoffées dans le cadre d'expérimentations à engager ;
- Le renforcement de l'animation de l'inspection du travail au niveau régional ;
- La recherche d'une meilleure synergie sur le terrain entre les 3 inspections du travail, à travers un rapprochement des services ;
- Le principe d'un pilotage renforcé de l'inspection du travail avec une autorité centrale fortement impliquée.
Ce plan devrait entrer progressivement en application à partir du mois de janvier 2006.
Quels sont les objectifs concrets que nous devons nous fixer ? Quatre axes de travail :
- se mobiliser sur le contrôle des produits les plus nocifs ;
- se mobiliser sur la réduction des troubles musculo-squelettiques ;
- impulser une dynamique régionale ;
- développer une culture de prévention.
Le contrôle des produits les plus nocifs D'abord sur l'amiante. Une extrême vigilance s'impose pour assurer la stricte application de la réglementation sur l'amiante. C'est avec cette conviction, que dès mon arrivée au ministère du travail en 2004, j'ai inscrit dans les actions prioritaires nationales de la politique du travail l'organisation de campagnes de contrôles des chantiers de désamiantage. J'ai présenté le 16 novembre dernier les résultats de la campagne 2005. Je souhaite souligner devant vous la forte mobilisation des agents de l'inspection du travail et je veux, à travers vous, les en remercier. Au total, 780 chantiers ont été contrôlés en 2 mois, soit 10 fois plus qu'en 2004. Toutes les régions métropolitaines ont été couvertes, certaines à 90 %.
Hélas, un grand nombre de non conformités à la réglementation continue à être relevé. Dans 67 % des cas, des anomalies plus ou moins graves ont été constatées, donnant lieu 41 procès verbaux, 84 arrêts de chantiers, 6 injonctions et 390 courriers d'observation. Avec 33 % de chantiers conformes, cela montre tout le chemin qui reste encore à parcourir en matière de prévention.
Des instructions ont récemment été renouvelées en ce sens. La mobilisation doit être aussi celle du quotidien, en complément de ces « opérations coup de poing », qui doivent être suivies d'un travail en profondeur.
Je veux aussi resituer votre action dans un contexte plus général. Le renforcement des contrôles sur les chantiers de désamiantage participe au plan d'actions interministériel que le Gouvernement élabore en ce moment, qui vise notamment à mieux repérer l'amiante dans les bâtiments, à mieux faire respecter la réglementation du désamiantage et à améliorer les procédures judiciaires et l'indemnisation des victimes de l'amiante. En mars 2006, en étroite collaboration avec le ministre de la santé, je présenterai une réforme particulièrement attendue du fonds de cessation anticipée des travailleurs exposés à l'amiante.
Ensuite sur les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. L'étude publiée par la DARES cet été a révélé que 2 370 000 salariés sont exposés, à des degrés divers, à des produits cancérogènes et que 370 000 sont exposés à des produits mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Un tiers des salariés ne bénéficient d'aucune protection ni collective ni individuelle. J'entends donc mettre l'accent sur le respect de la réglementation renforcée sur les CMR : je vous annonce aujourd'hui qu'une campagne nationale de contrôle sera organisée au second semestre 2006 sur ce sujet.
La mobilisation est également nécessaire sur les troubles musculo-squelettiques (TMS). Le Plan santé au travail fixe un objectif de réduction de 20 % des TMS à l'horizon 2009. Pour atteindre cet objectif, l'organisation du travail devra bien souvent être repensée. Dans le cadre du contrat de progrès signé avec l'Etat, l'ANACT doit apporter un appui concret, sur la gestion des âges et sur la promotion de l'amélioration des conditions de travail auprès des entreprises. Le réseau des ARACT devra être mobilisé.
Il s'agit aussi d'impulser une dynamique régionale.
A cet égard, la préparation du plan régional santé au travail donnera une nouvelle impulsion à la coopération inter-services, notamment avec les DRIRE ou les DRASS. Cette nouvelle impulsion se fera dans le cadre des nouveaux comités régionaux de la prévention des risques professionnels, qui réuniront autour d'une même table tous les acteurs de la santé au travail, les administrations, les partenaires sociaux, les organismes de prévention. J'attache à la mise en place de ces comités une attention toute particulière, avec le souci du dialogue social. Ces instances devront travailler en articulation avec les « groupements régionaux de santé publique » et engager une contractualisation avec les services de santé au travail.
Des expérimentations sont en cours en région. Un décret en cours de finalisation avec la DRT déterminera les modalités de fonctionnement des comités, après consultation des partenaires sociaux.
Les comités régionaux seront la cheville ouvrière de l'élaboration des futurs PRST - plans régionaux de la santé au travail. Je souhaite donc que ces plans soient finalisés à l'automne 2006. Je vous demande d'engager les travaux en région sans attendre et en y associant les partenaires sociaux. Je souhaite que le directeur de la DRT constitue avec vous un groupe de réflexion pour préparer à partir de janvier 2006 la déclinaison du plan au niveau régional, sans attendre le décret sur les comités régionaux.
L'importance, enfin, de développer la culture de prévention. Vous savez, mieux que d'autres acteurs, combien il importe, d'encourager les entreprises, y compris celles du secteur public, à être les partenaires actifs de la santé au travail. Je compte sur vous pour faire remonter les problématiques et pour diffuser les expériences et les bonnes pratiques de terrain.
Le plan santé au travail induit notamment le renforcement de vos missions de conseil et d'accompagnement auprès des employeurs. Vous pourrez pour cela vous appuyer sur les compétences des organismes qui participent largement à l'action de prévention : l'ANACT et le réseau des ARACT, les CRAM et leurs agents de prévention, l'INRS et l'OPPBTP.
Favoriser l'engagement des entreprises dans des démarches de prévention est pour moi un axe fort. Les entreprises ont tout intérêt à s'engager dans une démarche globale de prévention. D'abord, parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir : le coût de la réparation et des manques à gagner potentiels pour l'entreprise est très nettement supérieur à l'investissement dans la prévention. Ensuite, parce que l'entrepreneur doit être convaincu qu'il y a pour lui un retour sur investissement : l'intégration de la prévention dans l'organisation du travail constitue une opportunité, en termes d'innovation, de compétitivité, de climat social, bref, de performance globale. Je compte particulièrement sur vous pour accompagner les PME dans l'évaluation des risques et la mise au point de leur document unique. En 2004, d'après les statistiques de la CNAMTS, 80 % des accidents du travail avec arrêt ont eu lieu dans les entreprises de moins de 200 salariés.
Pour accomplir ces différentes missions, des moyens sont nécessaires. C'est la raison d'être des cellules d'appui qui apporteront leur expertise scientifique et technique à la préparation des plans régionaux, à l'élaboration des plans de contrôle sur l'amiante et les CMR, ou encore l'accompagnement des entreprises dans leur démarche de prévention. Vous avez d'ores et déjà procédé à des recrutements pour constituer des cellules d'appui pluridisciplinaires dans les 7 premières régions. Ces cellules occupent 30 ingénieurs et médecins.
Pour 2006, je vous confirme que 30 nouveaux postes ont été inscrits au projet de loi de finances pour doter 7 nouvelles régions. Il s'agit de 14 ingénieurs de prévention, 6 médecins et 10 inspecteurs du travail. Les 6 médecins sont destinés aux régions retenues en 2005 (à l'exception de Rhône-Alpes). Les 14 ingénieurs et 10 inspecteurs du travail sont répartis entre les régions Alsace, Lorraine, Pays de Loire, Bretagne, Centre, Picardie et Poitou Charente. 2/3 des régions vont donc déjà bénéficier d'un renforcement des capacités techniques et scientifiques et je souhaite la couverture totale du territoire national en 2007.
Je ne méconnais pas pour autant les difficultés que vous avez soulevées pendant ces 2 jours, s'agissant des cellules pluridisciplinaires. Il y a d'une part, les difficultés de recrutement des spécialistes, médecins ou ingénieurs ; il y a, d'autre part, un important travail d'organisation, en amont, au regard des réalités, des contraintes régionales.
Mais ces difficultés, inhérentes à la mise en place de tout nouveau dispositif, ne doivent pas nous faire perdre de vue l'objectif : il s'agit d'apporter un appui concret aux inspecteurs et contrôleurs du travail, qui soit effectif et efficace.
En conclusion, je voudrais insister sur un point : la mise en ?uvre du Plan Santé au Travail dépend en grande partie de la capacité d'animation, de mobilisation et d'entraînement au niveau régional et local. Je suis persuadé que sur ces sujets, je peux compter sur l'engagement de l'ensemble des agents de ce ministère, sur leur encadrement, parce ce qu'ils sont au c?ur des relations sociales et que la légitimité de leur action, que je défends, ne saurait être mise en doute. Je sais que je peux compter sur vous pour poursuivre la mobilisation car nous avons en partage les mêmes valeurs : garantir l'ordre public social.
Vous connaissez donc désormais "notre feuille de route" et vos deux jours de travail ont permis de faire émerger les problématiques, les enjeux, les difficultés, mais aussi de dégager des pistes de travail. Je souhaite que ces échanges se poursuivent et que, sur tous ces sujets, vous puissiez être tenus informés des avancées, par le directeur des relations du travail au cours des réunions régulières des DRTEFP, par exemple, par la mise à l'ordre du jour d'un point d'étape du plan santé au travail.
Le plan santé au travail permettra j'en suis sûr, comme je l'ai dit aux autorités communautaires, d'intégrer la future stratégie européenne en matière de santé et de sécurité au travail et de disposer d'un véritable plan d'organisation, plaçant pour la première fois la santé au travail, au rang d'enjeu global de santé publique.
Il s'agit d'une préoccupation partagée par l'ensemble des ministres du pôle de cohésion sociale. Je m'en suis également entretenu il y a quelques jours avec Xavier Bertrand.
Voila Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire ce soir, avant le temps d'échanges que nous allons avoir ensemble.
Vous savez plus que jamais que vous pouvez compter sur ma détermination, et celle de Jean-Louis Borloo, à faire progresser la prévention et je sais que je peux compter sur votre entière disponibilité sur ces sujets.
Je vous remercie de votre attention.(Source http://www.travail.gouv.fr, le 8 décembre 2005)