Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec RFI, sur les relations euro-marocaines et sur la lutte contre l'immigration clandestine, à Rabat le 6 décembre 2005.

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Circonstance : Déplacement au Maroc, le 5 et 6 décembre 2005

Texte intégral

Q - Catherine Colonna, bonjour.
R - Bonjour.

Q ? Premier bilan de ces deux jours très courts passés au Maroc. Quel est le principal horizon de cette conférence ministérielle ?
R ? Deux jours très denses. En tous cas, au moment où l'Europe connaît des difficultés, où elle est un peu tournée sur elle-même et occupée à régler ses propres problèmes, il ne faut pas oublier que notre avenir, notre stabilité, notre prospérité dépendent, en grande partie, de l'avenir de la stabilité, de la prospérité du Maghreb en général et du Maroc en particulier.
Nous sommes venus avec mon collègue et ami Alberto Navarro, ministre espagnol des Affaires européennes pour travailler ensemble, avec nos amis marocains, et regarder la façon dont nous pouvons développer la relation entre l'Union et le Maroc, une relation déjà d'une qualité particulière et dépassant de loin celle des autres pays de la Méditerranée. Regarder également dans le domaine des migrations ce que nous pouvons faire ensemble. Vous savez que le Maroc se trouve confronté, de par sa situation géographique, à une situation dont il n'est pas responsable et qu'il ne peut pas régler seul. Nous soutenons donc le projet d'une conférence ministérielle sur les migrations qui doit réunir les pays "d'origine" de ces mouvements migratoires, les pays de transit, comme le Maroc et d'autres pays du Maghreb, et les pays de destination, que sont nos pays.
Nous devons combiner une approche centrée sur un meilleur contrôle des flux migratoires, un meilleur contrôle des frontières et aussi une plus grande aide au développement, une plus grande efficacité dans l'utilisation de cette aide, et je ne veux pas oublier pour cela tous les efforts qui doivent être faits en matière d'éducation et de bonne gouvernance.

Q ? Vous avez beaucoup parlé de co-responsabilité, c'est-à-dire à la fois associer les pays d'origine, les pays de transit et les pays de destination, dans une réflexion commune et un plan d'action commun.
R ? Oui, c'est en effet le mot qui caractérise le mieux la situation dans laquelle nous sommes. Une situation où nous sommes tous co-responsables et qui caractérise également la façon dont nous pouvons trouver ensemble des solutions. Un pays seul n'arrivera pas à faire face. Nous ne devons pas demander au Maroc de faire le travail de tout le monde ou de tous les autres. Donc, nous sommes là pour l'aider et élargir l'approche. Du côté européen, la semaine prochaine, le Conseil européen devrait reprendre à son compte cette idée d'une conférence ministérielle. En tous cas, j'ai constaté ici que nos amis marocains comptent beaucoup sur l'Europe et, en particulier, sur ce rendez-vous de la semaine prochaine, pour permettre d'aller de l'avant dans ce domaine.

Q ? Quand on parle de lutte contre l'immigration, on a tendance à évoquer ou à se cantonner au tout répressif. Est-ce qu'il y a d'autres volets qui sont évoqués ?
R ? Les différentes actions doivent être combinées. Seule l'addition, la combinaison des différentes actions nous permettra d'être plus efficaces. Il y a évidemment, un volet qui est répressif, pour reprendre votre expression, qui a trait au contrôle des frontières, au contrôle des flux, aux luttes contre les mafias et les trafics d'êtres humains. Il y en a beaucoup qui sont à l'oeuvre. Ici, 90 % des mouvements se font par des mafias organisées qui vivent et prospèrent du trafic d'êtres humains. Cela est un premier volet de l'action que nous devons renforcer et mener tous ensemble. Y compris en impliquant davantage les pays d'origine.
L'autre volet, évidemment, est celui auquel nous sommes attelés depuis maintenant bien longtemps, des dizaines d'années. Je veux rappeler que l'Union européenne est le principal donneur d'aides aux pays en développement et à l'Afrique en particulier. Elle est aussi l'ensemble économique qui est le plus ouvert aux productions des pays les moins avancés, des pays africains en particulier, et pourtant nous savons qu'il faut faire davantage. Donc, l'Union a décidé d'accroître le pourcentage du PIB qu'elle consacre à l'aide au développement. Nous devrons aussi rechercher une série de financements innovants, parce que l'aide au développement seule ne suffira pas. Une série d'actions que nous devons combiner si nous voulons être plus efficaces.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 décembre 2005)