Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, à France 2 le 20 décembre 2005, sur les pôles de compétitivité, la mixité sociale et la sécurité dans les établissements scolaires.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- On parlera dans un instant de l'Aménagement du territoire. Mais tout de suite l'actualité, avec cette enseignante agressée à coups de couteau à Etampes. Elle veut porter plainte "pour non assistance à personne en danger", elle avait prévenu sa hiérarchie, rien ne s'est passé. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je pense simplement que pour qu'autant d'enseignants fassent jouer depuis si longtemps leur droit de retrait, on sent bien une peur qui ne cesse de monter dans l'éducation nationale et que tout ça est légitime. Et d'ailleurs, je félicite les instances judiciaires d'avoir réagi aussi vite au cours des dernières heures. Il faut aujourd'hui apporter de vraies solutions. Bien sûr, une politique de prévention, mais qui ne portera ses fruits qu'à long terme. Mais aussi, une politique qui nous permette d'agir par des moyens de sécurisation de l'ensemble des établissements scolaires, et puis un vrai partenariat entre Police, Justice et éducation nationale.
Q- Mettre des postes de police, de justice dans les établissements scolaires ; les portails de sécurité, c'est cela la solution ?
R- C'est une solution immédiate. Est-ce qu'on peut, alors que depuis des années on voit que l'autorité des enseignants est remise en cause, qu'il n'y a plus de respect, qu'on les insulte sans réaction, qu'on leur réclame et qu'on demande aux enseignants de tout faire, à la fois enseigner et faire régner l'autorité, sanctionner. Cela n'est pas le rôle des enseignants. Il faut les aider...
Q- Alors comment peut-on les aider justement ?
R- Il faut les accompagner. N. Sarkozy, a proposé, G. de Robien le reprend aujourd'hui et je m'en réjouis, qu'il y ait notamment des policiers référents dans chaque établissement scolaire, ou en tout cas déjà dans une première série d'établissements scolaires pilotes. Eh bien, je pense que, quelque part, les entendre discuter avec eux, dialoguer, apporter leur contribution pour faire régner la discipline et l'ordre serait une bonne solution. De même que les collectivités locales, conseils généraux, conseils régionaux, communes, équipent les collèges et les lycées de portails de sécurité, comme on le fait d'ailleurs dans les zones aéro-portuaires, ou dans un certain nombre d'ailleurs d'établissements bancaires ou privés, serait une bonne réforme.
Q- Vous vous occupez de l'aménagement du territoire, les banlieues font partie du territoire. N. Sarkozy, vous a demandé d'y réfléchir. Qu'est-ce qu'on peut faire contre ces constitutions de ghettos dans les quartiers difficiles ?
R- Depuis très longtemps, institutionnellement, à gauche comme à droite dans notre pays, on considère que l'aménagement du territoire ce sont les centres urbains anciens, c'est la campagne, et ce ne sont ni les cités, ni les banlieues qui, de manière transversale relèvent du ministère de la Politique de la ville pour ce qui est de l'aide aux associations et à la prévention, et du logement pour ce qui est de l'urbanisme. Moi je crois qu'une grande politique d'aménagement du territoire ambitieuse devrait faire en sorte que dans les dix ans qui viennent, il y ait une politique confiée à l'Aménagement du territoire pour supprimer tout simplement de la carte de notre pays les cités et les banlieues. Il faut savoir...
Q- Comment on fait, comment on supprime ?
R- Il y a aujourd'hui dans notre pays 2 millions de logements vacants. Si on y organise une politique d'aménagement, de réhabilitation, de rénovation, qui redynamisera les centres urbains anciens qui se paupérisent aujourd'hui, qui permettra de remettre sur le marché un certain nombre d'habitats insalubres, que ce soit dans la ruralité ou dans l'habitant ancien, d'y organiser une véritable mixité sociale, comme elle existait il y 50 ans, un siècle, deux siècles dans notre pays...
Q- C'est pas ce que fait J.-L. Borloo tout ça ?
R- Comment se fait-il qu'il y a un siècle dans notre pays, les bourgeois, les riches, les pauvres, les ouvriers, tout le monde vivait dans le même immeuble, dans le tissu urbain de notre pays. Et puis d'un coup, dans les années 60...
Q- Et c'est ça qu'il faut faire aujourd'hui ?
R- Dans les années 60, on a constitué un énorme gâchis en bâtissant ces cités artificielles qui sont devenues malheureusement ce qu'elles sont, des endroits où on vit mal. Donc J.-L. Borloo apporte de vraies réponses et de vraies solutions immédiates, et le ministre de l'aménagement du territoire propose pour les dix ans qui viennent, que tout doucement, et de manière progressive, on intègre enfin ces cités, à la fois comme solution intermédiaire entre la ruralité et les centres anciens, historiques et culturels, où chacun se retrouve dans une école, dans un collège, dans un lycée, confronté à toutes les couches sociales ; qu'il n'y ait pas, comme nous le voyons aujourd'hui, des collèges en ZEP d'un côté, et des collèges et des lycées où nous retrouverions les enfants des personnes les plus défavorisées.
Q- Ce qui veut dire qu'on fait des logements sociaux partout ? Ce qui veut dire qu'on fait des logements sociaux y compris dans les banlieues un peu plus riches dirons-nous ?
R- Tout simplement, qu'il n'y ait pas de lieux identifiés comme des lieux qui seraient destinés aux gens favorisés et des lieux destinés aux gens défavorisés. Que nous apprenions à ce que la France qui est multiple aujourd'hui, puisse vivre sur tout le territoire national en parfaite solidarité, et que chacun puisse se côtoyer et se compléter. Et c'est ainsi que nous réussirons une véritable politique d'intégration.
Q- Alors vous avez vu qu'après cette crise des banlieues, il y a une polémique qui se développe autour de ce qu'on appelle un peu "la lepénisation des esprits". Il y a des sondages un peu inquiétants qui montrent qu'il y a un tiers des Français qui se disent "racistes", "56% qui trouvent qu'il y a trop d'immigrés en France" ; et puis là, il y a une affiche qui est en train de fleurir sur les murs de Paris, où on voit la photo de N. Sarkozy avec écrit : "Votez Le Pen !", c'est Act-up qui fait ça. Qu'en pensez-vous ?
R- C'est tout à fait inqualifiable. Qui sont les extrémistes ? Act-up, a une attitude qui n'est pas acceptable. Mais peu importe. Ce qui compte, c'est enfin de regarder la réalité en face. Voilà 30 ans qu'on veut se voiler la face dans notre pays et qu'on ne reconnaît pas les réalités qui, aujourd'hui, ont atteint les fondements mêmes de la République et de l'autorité. Eh bien, parce que vous avez à travers N. Sarkozy quelqu'un qui enfin dit des vérités, et à côté, passe à l'action. Des Français de toutes origines, sociale, confessionnelle, de toutes cultures, disent qu'il a raison parce que les Français veulent la fermeté, les Français veulent la justice. D'ailleurs, que nous voyons à travers les élections partielles depuis un certain nombre de mois, parce qu'il agit comme tel, que le
Front national ne cesse de régresser, c'est plutôt une bonne nouvelle pour les valeurs républicaines.
Q- Quand vous voyez quand même ces sondages, cet état d'esprit énéral des Français, où je vous dis, un tiers des Français se disent racistes, 56% disent qu'il y a trop d'étrangers, c'est pas inquiétant quand même ?
R- Moi je relève simplement qu'aujourd'hui il y a un certain nombre de Français qui pendant des années, parce qu'on refusait de parler d'immigration, parce qu'on refusait de parler de sécurité, ont effectivement voté pour le Front national. Etaient-ils tous des fascistes pour autant ? Eh bien, je vous dis non. Et qu'aujourd'hui un certain nombre d'entre eux reviennent vers la famille républicaine, je crois que c'est plutôt une bonne nouvelle pour la démocratie.
Q- Alors, vous présidez ce matin un Conseil interminist??riel d'aménagement du territoire. Vous mettez en place 11 nouveaux pôles de compétitivité, il y en aura 67 au total. Qu'est-ce que c'est ces pôles de compétitivité, pour quel objectif ?
R- Je crois que c'est la révélation d'un génie français qui finissait pars'ignorer. Nous avons enfin décidé de décloisonner l'université, la recherche, l'innovation industrielle. Et c'est ainsi que, avec le Premier ministre et N. Sarkozy, le 12 juillet dernier, nous avons labellisé 66 pôles de compétitivité, dans le domaine de la micro-électronique, des solutions communicantes sécurisées de l'agro-alimentaire, de tous les savoir-faire que nous possédons dans notre pays et que nous avions fini par ignorer. Ce matin, au nom du Premier ministre, je présiderai ce Comité interministériel pour valider les 11 derniers pôles, et je crois que nous nous donnons là une opportunité d'enrayer le processus de délocalisation et de désindustrialisation dans lequel nous étions engagés depuis un certain nombre d'années, et de montrer que dans ces domaines innovants et de pointe, la France est plus compétitive que bien d'autres nations dans le monde.
Q- Vous êtes très proche de N. Sarkozy. Quand vous voyez un Premier ministre, D. de Villepin, hyperactif, présent sur le terrain, qui annonce des résultats en matière d'emploi intéressants, qui monte dans les sondages, vous êtes pas un peu inquiet pour l'élection présidentielle, il n'y a pas un rival, là, qui ... ?
R- Vous savez, c'est Isaac Newton qui disait : "quand deux forces sont jointes, leur efficacité est double". Eh bien, je crois simplement que quand dans une formation politique comme la nôtre nous pouvons additionner les talents, c'est plutôt une bonne nouvelle, c'est une grande chance. Aujourd'hui, N. Sarkozy et D. de Villepin agissent dans l'action, au service de la France et des Français, nous voyons les résultats dans le domaine du chômage, nous le voyons dans cette crise des banlieues qu'ils ont réussi à surmonter, en démontrant - c'est une bonne nouvelle pour les Français - que la police est efficace, que la gendarmerie est efficace, que la justice est efficace, que tout simplement il y a un Gouvernement qui fasse un événement majeur dans l'unité et capable d'apporter en matière de fermeté, de justice, d'inventivité, de véritables réponses, eh bien je crois que c'est plutôt une bonne nouvelle.
Q- D'un mot, à gauche, c'est S. Royal qui crée l'événement. Il y a "un effet Ségolène", 51% des Français sont pour sa candidature. Cela vous inspire quelque chose ?
R- Elle est compétente, elle a du talent, la gauche devrait, là aussi, le recevoir plutôt comme un espoir pour eux, là où ils rencontrent tant de difficultés dans leurs chamailleries entre hommes. En tout cas, ce débat au sein de l'UMP, a déjà été dépassé puisque nous avons organisé notre démocratie interne, et qui peut permettre au meilleur des nôtres, que ce soit une ou un, d'être choisi par chacun de nos militants le moment venu.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 décembre 2005)