Texte intégral
Monsieur le Vice-Président du Conseil d'Etat,
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs,
Messieurs les Bâtonniers,
Mesdames et Messieurs,
En premier lieu, je vais sacrifier à la tradition en vous souhaitant, sincèrement et chaleureusement, une excellente année 2006 pour vous et pour ceux qui vous sont proches. Je forme le v?u pour tous les élèves-avocats que cette année soit riche, intense et passionnée, qu'elle vous enseigne le beau métier d'avocat et qu'elle vous donne envie d'y consacrer votre vie professionnelle.
Je voudrais ensuite vous dire combien c'est un grand honneur de me l'avoir proposé et un grand plaisir pour moi d'avoir accepté d'être la marraine de la promotion 2006/2007 de l'Ecole de formation du barreau et je voudrais remercier Gérard Nicolaÿ, directeur de l'Ecole de formation du barreau et le bâtonnier Yves Repiquet d'avoir eu la gentillesse de me le proposer.
Je suis d'autant plus fière que je succède ainsi à Simone Veil pour laquelle j'ai beaucoup d'estime et de respect : j'observe que pour la seconde année consécutive, vous faites appel à une femme et j'en suis contente.
Pourquoi avoir accepté cette proposition ?
J'invoquerai trois raisons :
1 - D'abord parce que la solidarité est une valeur fondamentale du métier d'avocat : même si mes fonctions actuelles m'ont éloignée des salles d'audience, je n'oublie pas ce que je suis.
"Avocat un jour, avocat toujours"
2 - Ensuite parce que je suis très sensible à la transmission des savoirs et des savoir-faire des anciens vers les jeunes : vous êtes l'avenir de notre monde et celles et ceux qui ont acquis de l'expérience ont le devoir de vous l'offrir.
3 - J'ai également accepté d'être la marraine de votre promotion car mes fonctions actuelles de ministre délégué au commerce extérieur me montrent que les avocats ont un rôle essentiel à jouer.
Nous vivons dans un monde qui doute : la culture du risque zéro, le principe de prévention mais encore de précautions, une attente très forte de protection de la part des collectivités locales et de l'Etat caractérisent nos sociétés modernes.
Beaucoup ont l'impression que les règles s'élaborent contre eux alors que nous vivons en démocratie et qu'elles leur échappent. Souvent ces appréhensions sont justifiées, nous ne voulons plus revivre des crises ou des catastrophes passées.
En matière de crise sanitaire par exemple, là où l'homme du Moyen-âge voyait la punition divine, là où l'homme du XIXème siècle voyait la fatalité, nous recherchons aujourd'hui des responsables, parfois des coupables, et nous réclamons des solutions.
Je voudrais illustrer ceci par mon expérience récente : je dirigeais il y a quelques semaines à Hong-Kong la délégation française à la conférence de l'Organisation mondiale du commerce. J'étais frappée de voir combien cette conférence a suscité d'inquiétudes et de critiques alors qu'il s'est agi pour 150 pays, riches et pauvres, de se mettre autour d'une table et de bâtir une mondialisation régulée du commerce des biens et des services, un mondialisation soucieuse des intérêts de chacun et du développement de tous.
Là où d'aucuns voient à tort la mondialisation comme une perte de sens et d'illusion productrice de déstructuration, de délocalisation, nous avons collectivement abouti à une meilleure organisation de la mondialisation, à plus de discipline et moins d'anarchie.
Face à un monde de doutes où l'homme, malgré le progrès, malgré la technologie, malgré l'enseignement de l'histoire, ne maîtrise pas totalement son destin, la réponse que nous apportons est celle de la régulation, par une meilleure gouvernance mondiale.
Le père dominicain Henri Lacordaire écrivait : "entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit".
Cicéron ne disait pas autre chose : "nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libres".
Dans notre monde qui se régule, quel est le rôle des avocats ?
La mondialisation conduit à plus de règles, à plus de droit qui sont autant de repères, de guides que l'avocat aide à décrypter et à identifier. Que vous interveniez comme conseil ou comme défenseur, vous serez avant tout des marchands de confiance. Vous ferez commerce de la confiance : vous la recevrez et vous la donnerez. Vous aiderez un client à faire face à la complexité de notre monde et ce, au service de la justice c'est-à-dire du bien collectif des hommes. Vous aurez donc une véritable mission de service public en tant qu'auxiliaire de justice. Votre mission de marchand de confiance réclame une ligne de conduite partagée qui s'incarne dans le serment que vous prononcerez à l'issue de votre formation et qui fera de vous des avocats : dignité, conscience, indépendance, probité, humanité.
Je voudrais commenter ces 5 valeurs qui sont fondamentales pour la profession d'avocat car au fond elles sont les valeurs qui devraient régir toute activité de commerce que ce soit le commerce de biens ou de services dont je m'occupe plus particulièrement aujourd'hui ou le commerce des hommes, dans son sens ancien.
Dignité : vous devrez par votre action être l'honneur de votre profession. Dans chacun de vos actes, chacune de vos déclarations, chacune de vos plaidoiries, c'est le principe même de l'existence de l'avocat qui sera en jeu que vous défendrez. Ce principe selon lequel chacun peut être défendu quoi qu'il ait commis, quelle que soit son ambition dans la négociation.
Conscience : avocat n'est pas un métier comme les autres. Il nécessite un appel, une vocation, et d'une certaine manière une conviction proche de la foi en l'autre, en la justice, si vous me permettez cette analogie religieuse.
Indépendance : vous êtes au service de la justice, vous respectez les lois, vous agissez pour le compte de votre client, mais vous devrez vous garder de céder à toute pression ou toute influence.
Probité : vous êtes, je le disais, des marchands de confiance dans un monde qui se dote de règles et de principes juridiques, vous devez par conséquent être irréprochable sur leur application.
Humanité : c'est une valeur très importante. Vous allez être confronté en permanence à la dimension humaine de votre travail. Que vous soyez pénaliste ou civiliste, avocat d'affaires, avocat de Paris, c'est toujours au service des hommes. Vous devrez garder votre part d'humanité et ne pas oublier que les lois sont faites par des êtres humains pour des êtres humains.
A ces valeurs fondamentales pour votre métier, je voudrais ajouter une invitation à être des citoyens du monde. Une invitation à participer à l'évolution de nos sociétés. Je vous l'ai expliqué : la mondialisation est une bonne chose pour peu qu'elle soit maîtrisée c'est-à-dire régulée.
Il est essentiel que les professions juridiques, parmi lesquelles les avocats bien entendu, jouent un rôle dans ce processus en proposant les solutions de demain, en promouvant les pratiques les meilleures en particulier à l'international et en cultivant la confiance dont vous ferez le commerce, et qui est indispensable tant pour l'exercice de la justice que pour la mise en place d'une gouvernance mondiale.
Je vous remercie de votre attention.
source http://www.dree.org, le 10 janvier 2006
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs,
Messieurs les Bâtonniers,
Mesdames et Messieurs,
En premier lieu, je vais sacrifier à la tradition en vous souhaitant, sincèrement et chaleureusement, une excellente année 2006 pour vous et pour ceux qui vous sont proches. Je forme le v?u pour tous les élèves-avocats que cette année soit riche, intense et passionnée, qu'elle vous enseigne le beau métier d'avocat et qu'elle vous donne envie d'y consacrer votre vie professionnelle.
Je voudrais ensuite vous dire combien c'est un grand honneur de me l'avoir proposé et un grand plaisir pour moi d'avoir accepté d'être la marraine de la promotion 2006/2007 de l'Ecole de formation du barreau et je voudrais remercier Gérard Nicolaÿ, directeur de l'Ecole de formation du barreau et le bâtonnier Yves Repiquet d'avoir eu la gentillesse de me le proposer.
Je suis d'autant plus fière que je succède ainsi à Simone Veil pour laquelle j'ai beaucoup d'estime et de respect : j'observe que pour la seconde année consécutive, vous faites appel à une femme et j'en suis contente.
Pourquoi avoir accepté cette proposition ?
J'invoquerai trois raisons :
1 - D'abord parce que la solidarité est une valeur fondamentale du métier d'avocat : même si mes fonctions actuelles m'ont éloignée des salles d'audience, je n'oublie pas ce que je suis.
"Avocat un jour, avocat toujours"
2 - Ensuite parce que je suis très sensible à la transmission des savoirs et des savoir-faire des anciens vers les jeunes : vous êtes l'avenir de notre monde et celles et ceux qui ont acquis de l'expérience ont le devoir de vous l'offrir.
3 - J'ai également accepté d'être la marraine de votre promotion car mes fonctions actuelles de ministre délégué au commerce extérieur me montrent que les avocats ont un rôle essentiel à jouer.
Nous vivons dans un monde qui doute : la culture du risque zéro, le principe de prévention mais encore de précautions, une attente très forte de protection de la part des collectivités locales et de l'Etat caractérisent nos sociétés modernes.
Beaucoup ont l'impression que les règles s'élaborent contre eux alors que nous vivons en démocratie et qu'elles leur échappent. Souvent ces appréhensions sont justifiées, nous ne voulons plus revivre des crises ou des catastrophes passées.
En matière de crise sanitaire par exemple, là où l'homme du Moyen-âge voyait la punition divine, là où l'homme du XIXème siècle voyait la fatalité, nous recherchons aujourd'hui des responsables, parfois des coupables, et nous réclamons des solutions.
Je voudrais illustrer ceci par mon expérience récente : je dirigeais il y a quelques semaines à Hong-Kong la délégation française à la conférence de l'Organisation mondiale du commerce. J'étais frappée de voir combien cette conférence a suscité d'inquiétudes et de critiques alors qu'il s'est agi pour 150 pays, riches et pauvres, de se mettre autour d'une table et de bâtir une mondialisation régulée du commerce des biens et des services, un mondialisation soucieuse des intérêts de chacun et du développement de tous.
Là où d'aucuns voient à tort la mondialisation comme une perte de sens et d'illusion productrice de déstructuration, de délocalisation, nous avons collectivement abouti à une meilleure organisation de la mondialisation, à plus de discipline et moins d'anarchie.
Face à un monde de doutes où l'homme, malgré le progrès, malgré la technologie, malgré l'enseignement de l'histoire, ne maîtrise pas totalement son destin, la réponse que nous apportons est celle de la régulation, par une meilleure gouvernance mondiale.
Le père dominicain Henri Lacordaire écrivait : "entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit".
Cicéron ne disait pas autre chose : "nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libres".
Dans notre monde qui se régule, quel est le rôle des avocats ?
La mondialisation conduit à plus de règles, à plus de droit qui sont autant de repères, de guides que l'avocat aide à décrypter et à identifier. Que vous interveniez comme conseil ou comme défenseur, vous serez avant tout des marchands de confiance. Vous ferez commerce de la confiance : vous la recevrez et vous la donnerez. Vous aiderez un client à faire face à la complexité de notre monde et ce, au service de la justice c'est-à-dire du bien collectif des hommes. Vous aurez donc une véritable mission de service public en tant qu'auxiliaire de justice. Votre mission de marchand de confiance réclame une ligne de conduite partagée qui s'incarne dans le serment que vous prononcerez à l'issue de votre formation et qui fera de vous des avocats : dignité, conscience, indépendance, probité, humanité.
Je voudrais commenter ces 5 valeurs qui sont fondamentales pour la profession d'avocat car au fond elles sont les valeurs qui devraient régir toute activité de commerce que ce soit le commerce de biens ou de services dont je m'occupe plus particulièrement aujourd'hui ou le commerce des hommes, dans son sens ancien.
Dignité : vous devrez par votre action être l'honneur de votre profession. Dans chacun de vos actes, chacune de vos déclarations, chacune de vos plaidoiries, c'est le principe même de l'existence de l'avocat qui sera en jeu que vous défendrez. Ce principe selon lequel chacun peut être défendu quoi qu'il ait commis, quelle que soit son ambition dans la négociation.
Conscience : avocat n'est pas un métier comme les autres. Il nécessite un appel, une vocation, et d'une certaine manière une conviction proche de la foi en l'autre, en la justice, si vous me permettez cette analogie religieuse.
Indépendance : vous êtes au service de la justice, vous respectez les lois, vous agissez pour le compte de votre client, mais vous devrez vous garder de céder à toute pression ou toute influence.
Probité : vous êtes, je le disais, des marchands de confiance dans un monde qui se dote de règles et de principes juridiques, vous devez par conséquent être irréprochable sur leur application.
Humanité : c'est une valeur très importante. Vous allez être confronté en permanence à la dimension humaine de votre travail. Que vous soyez pénaliste ou civiliste, avocat d'affaires, avocat de Paris, c'est toujours au service des hommes. Vous devrez garder votre part d'humanité et ne pas oublier que les lois sont faites par des êtres humains pour des êtres humains.
A ces valeurs fondamentales pour votre métier, je voudrais ajouter une invitation à être des citoyens du monde. Une invitation à participer à l'évolution de nos sociétés. Je vous l'ai expliqué : la mondialisation est une bonne chose pour peu qu'elle soit maîtrisée c'est-à-dire régulée.
Il est essentiel que les professions juridiques, parmi lesquelles les avocats bien entendu, jouent un rôle dans ce processus en proposant les solutions de demain, en promouvant les pratiques les meilleures en particulier à l'international et en cultivant la confiance dont vous ferez le commerce, et qui est indispensable tant pour l'exercice de la justice que pour la mise en place d'une gouvernance mondiale.
Je vous remercie de votre attention.
source http://www.dree.org, le 10 janvier 2006