Texte intégral
Pourquoi l'OMC doit donner la priorité au développement
Début décembre, s'ouvrira la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) à Hong Kong. Cette conférence est une étape décisive pour la réussite du cycle de Doha "pour le développement" lancé en 2001. Pour la France, l'enjeu de ces négociations est simple. Il s'agit de maîtriser la mondialisation et de favoriser l'intégration des pays pauvres à l'économie mondiale pour que les négociations commerciales se traduisent par un développement de ces pays. Deux conditions sont requises.
D'abord l'environnement local doit être favorable. La qualité des infrastructures, la réglementation, la gouvernance politique sont des facteurs déterminants. Aider ces pays à créer ces conditions propices au développement, c'est tout l'enjeu de la politique française d'assistance et de coopération. Ensuite, il faut que les négociations commerciales prennent véritablement en compte les attentes des pays en développement (PED). Une libéralisation mal maîtrisée ne profiterait pas aux pays pauvres, qui seraient pris en tenailles entre la hausse des prix agricoles mondiaux et l'érosion progressive des avantages commerciaux octroyés par les pays développés. A la veille de la conférence de Hong Kong, je constate que les négociations n'ont pas encore trouvé de réponses claires aux questions posées par les pays pauvres.
Pour remettre le développement au c?ur du cycle, j'ai identifié trois priorités.
Tout d'abord, tous les pays développés doivent ouvrir leurs marchés aux produits des PED et surtout à ceux des plus pauvres d'entre eux. L'Union européenne, premier marché mondial d'importation, a déjà fait beaucoup d'efforts pour accueillir les exportations des PED et est prête à en faire d'autres. Avec ses préférences commerciales, les plus généreuses au monde, elle importe plus de produits agricoles des pays pauvres que les Etats-Unis, le Japon, l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande réunis. L'Union européenne absorbe les trois quarts des exportations d'Afrique sub-saharienne. Cette ouverture doit aussi être la plus large possible, sans quoi seuls quelques grands pays émergents (Brésil, Inde) ou développés profiteront des concessions européennes. Ces écueils sont clairement mis en évidence par les études les plus récentes, en particulier de la Banque mondiale et de l'OCDE. Nous pouvons aussi puiser dans notre expérience historique. On a tendance à oublier que la majorité des pays riches se sont développés au XIXème siècle par une ouverture progressive après une phase de protection de leur marché intérieur.
Ensuite, les pays développés doivent s'engager à réformer leur politique agricole. Là encore, l'Union européenne est à l'avant-garde : depuis 1992, c'est la seule zone commerciale à avoir mis en oeuvre une réduction de sa production et de ses subventions agricoles. La dernière réforme, décidée en 2003, va considérablement diminuer les soutiens. Malheureusement, cette action n'a pas été suivie par des engagements parallèles des autres. Lors de la révision de leur Farm Bill, les Etats-Unis ont doublé leurs soutiens agricoles, portant le soutien moyen à 17 000 euros par exploitant, soit près de 50 % de plus qu'en Europe. Il faut également mettre fin aux subventions, notamment américaines, aux producteurs de coton qui mettent en péril l'économie de pays africains spécialisés dans cette production pour laquelle ils sont pourtant très compétitifs. C'est un enjeu vital pour un pays comme le Bénin, où le coton représente 75 % des exportations.
Troisième priorité, il faut adapter les règles du commerce mondial de manière à favoriser le développement des pays qui en sont exclus. Des règles douanières plus favorables doivent être accordées aux pays les moins avancés. Les pays émergents et développés doivent également accepter que les règles commerciales soient adaptées au niveau de richesse des PED. Quoi de plus légitime que d'offrir, par exemple, au Ghana (PIB/hab : 260 euros) des conditions plus favorables que celles proposées au Brésil (PIB/hab : 2 660 euros) ?
La question de l'accès des pays pauvres aux médicaments génériques est tout autant prioritaire et doit mobiliser les pays développés et émergents. Dans la seule Afrique subsaharienne, deux millions de personnes sont mortes du sida en 2005. Les négociations de l'OMC sont l'occasion de mettre en place un cadre légal permettant aux pays les plus pauvres d'importer des médicaments génériques à un prix modéré.
Le temps presse pour atteindre ces objectifs : la conférence de Hong Kong se tiendra dans un mois. C'est pleinement conscientes de ces enjeux et de cette urgence que la France et l'Europe ont mis sur la table des propositions courageuses pour faire de ce cycle celui du développement./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 2005)
Début décembre, s'ouvrira la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) à Hong Kong. Cette conférence est une étape décisive pour la réussite du cycle de Doha "pour le développement" lancé en 2001. Pour la France, l'enjeu de ces négociations est simple. Il s'agit de maîtriser la mondialisation et de favoriser l'intégration des pays pauvres à l'économie mondiale pour que les négociations commerciales se traduisent par un développement de ces pays. Deux conditions sont requises.
D'abord l'environnement local doit être favorable. La qualité des infrastructures, la réglementation, la gouvernance politique sont des facteurs déterminants. Aider ces pays à créer ces conditions propices au développement, c'est tout l'enjeu de la politique française d'assistance et de coopération. Ensuite, il faut que les négociations commerciales prennent véritablement en compte les attentes des pays en développement (PED). Une libéralisation mal maîtrisée ne profiterait pas aux pays pauvres, qui seraient pris en tenailles entre la hausse des prix agricoles mondiaux et l'érosion progressive des avantages commerciaux octroyés par les pays développés. A la veille de la conférence de Hong Kong, je constate que les négociations n'ont pas encore trouvé de réponses claires aux questions posées par les pays pauvres.
Pour remettre le développement au c?ur du cycle, j'ai identifié trois priorités.
Tout d'abord, tous les pays développés doivent ouvrir leurs marchés aux produits des PED et surtout à ceux des plus pauvres d'entre eux. L'Union européenne, premier marché mondial d'importation, a déjà fait beaucoup d'efforts pour accueillir les exportations des PED et est prête à en faire d'autres. Avec ses préférences commerciales, les plus généreuses au monde, elle importe plus de produits agricoles des pays pauvres que les Etats-Unis, le Japon, l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande réunis. L'Union européenne absorbe les trois quarts des exportations d'Afrique sub-saharienne. Cette ouverture doit aussi être la plus large possible, sans quoi seuls quelques grands pays émergents (Brésil, Inde) ou développés profiteront des concessions européennes. Ces écueils sont clairement mis en évidence par les études les plus récentes, en particulier de la Banque mondiale et de l'OCDE. Nous pouvons aussi puiser dans notre expérience historique. On a tendance à oublier que la majorité des pays riches se sont développés au XIXème siècle par une ouverture progressive après une phase de protection de leur marché intérieur.
Ensuite, les pays développés doivent s'engager à réformer leur politique agricole. Là encore, l'Union européenne est à l'avant-garde : depuis 1992, c'est la seule zone commerciale à avoir mis en oeuvre une réduction de sa production et de ses subventions agricoles. La dernière réforme, décidée en 2003, va considérablement diminuer les soutiens. Malheureusement, cette action n'a pas été suivie par des engagements parallèles des autres. Lors de la révision de leur Farm Bill, les Etats-Unis ont doublé leurs soutiens agricoles, portant le soutien moyen à 17 000 euros par exploitant, soit près de 50 % de plus qu'en Europe. Il faut également mettre fin aux subventions, notamment américaines, aux producteurs de coton qui mettent en péril l'économie de pays africains spécialisés dans cette production pour laquelle ils sont pourtant très compétitifs. C'est un enjeu vital pour un pays comme le Bénin, où le coton représente 75 % des exportations.
Troisième priorité, il faut adapter les règles du commerce mondial de manière à favoriser le développement des pays qui en sont exclus. Des règles douanières plus favorables doivent être accordées aux pays les moins avancés. Les pays émergents et développés doivent également accepter que les règles commerciales soient adaptées au niveau de richesse des PED. Quoi de plus légitime que d'offrir, par exemple, au Ghana (PIB/hab : 260 euros) des conditions plus favorables que celles proposées au Brésil (PIB/hab : 2 660 euros) ?
La question de l'accès des pays pauvres aux médicaments génériques est tout autant prioritaire et doit mobiliser les pays développés et émergents. Dans la seule Afrique subsaharienne, deux millions de personnes sont mortes du sida en 2005. Les négociations de l'OMC sont l'occasion de mettre en place un cadre légal permettant aux pays les plus pauvres d'importer des médicaments génériques à un prix modéré.
Le temps presse pour atteindre ces objectifs : la conférence de Hong Kong se tiendra dans un mois. C'est pleinement conscientes de ces enjeux et de cette urgence que la France et l'Europe ont mis sur la table des propositions courageuses pour faire de ce cycle celui du développement./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 2005)