Texte intégral
Q. - Quel jugement portez-vous sur les voeux du chef de l'Etat ?
Jacques Chirac a voulu montrer qu'il était en forme. Et c'est tant mieux. Mais
l'exercice atteint vite sa limite : c'est le onzième du genre, avec la même
succession de discours rituels, un peu anachroniques, et la même cascade de «
priorités » nouvelles : l'énergie, le numérique, la mobilité des fonctionnaires, les
charges, la mémoire, encore des commissions supplémentaires sur des problèmes
archiconnus comme la dépense publique. Et, en arrière-plan, il y a le bilan, avec
son immobilisme, et le sort réservé aux dizaines de « priorités » précédentes vite
tombées dans l'oubli. Alors le pays écoute tout cela distraitement, avec un grand
scepticisme, et n'arrive pas à discerner une vision. Au lieu de toucher à tout, il
faudrait faire le contraire : définir une vision, dégager les sujets cruciaux,
prendre le temps, s'y accrocher, les approfondir, les faire mûrir pour donner un
cap à la volonté nationale.
Q. - Que feriez-vous à sa place ?
Changer nos institutions pour sortir de l'impuissance où nous sommes, un plan
décennal de réduction de la dette, la réforme de l'Etat, la simplification de la
fiscalité, un vrai changement d'assiette des charges sociales.
Q. - Jacques Chirac a-t-il raison de vouloir élargir l'assiette des cotisations
patronales à la valeur ajoutée ?
La concentration de toutes les charges sociales sur le seul travail faisant fuir le
travail, il faut chercher d'autres règles de répartition. Mais cette oeuvre immense,
de longue haleine, ne peut pas donner lieu à des conclusions hâtives, avant qu'on
n'en ait pesé les conséquences. Il faut prendre la mesure de cette affaire : faire
porter les charges sur un autre indice de l'activité que le travail, libérer la création
d'emplois et le bulletin de salaire, c'est une révolution, et cela ne peut pas se faire
en claquant des doigts. Pour limiter les risques, il faudra un mixte de plusieurs
solutions novatrices.
Q. - Lesquelles ?
J'en ai recensé cinq qui ont toutes des avantages et des inconvénients : 1° la TVA
sociale : elle réduit ce droit de douane à l'envers que nous imposons aux services
et produits fabriqués en France - en faisant supporter à eux seuls la charge de la
protection sociale -, mais elle apparaît comme une hausse du coût de la vie ; 2° la
CSG : elle fait participer toutes les sources de revenus, mais augmente la charge
sur les retraites ; 3° une contribution sociale assise sur les carburants fossiles :
elle serait en phase avec la crise énergétique dans laquelle nous entrons, mais le
prix de l'énergie a déjà beaucoup augmenté ces dernières années ; 4° une
contribution sociale assise sur l'ensemble de la valeur ajoutée : elle est plus juste
mais risque de faire fuir des entreprises à haute valeur ajoutée et à forts
investissements, et recrée la taxe professionnelle ; 5° une contribution sociale
extrêmement légère, de l'ordre de 1 pour 1.000, assise sur les échanges
bancaires, l'inconvénient étant qu'elle n'a jamais été essayée.
Q. - En adoptant une posture plus au centre que Nicolas Sarkozy et en puisant
dans les idées du PS, Jacques Chirac ne complique-t-il pas le positionnement de
l'UDF ?
Au bout de onze ans de pouvoir, on n'en est plus à se « positionner ». Pour nous,
le bilan historique des années Mitterrand et des années Chirac appelle un
changement profond : il faut tourner la page de ces vingt-cinq années de
marasme qui ont fait perdre à la France son crédit, son équilibre, sa joie de
vivre. Il faut retrouver des principes sains : ne pas craindre d'affronter la vérité,
imposer une vraie démocratie qui permet de savoir, de décider et d'agir.
Q. - N'est-il pas trop tard pour l'UDF, tant Nicolas Sarkozy multiplie les annonces...
Nicolas Sarkozy est au gouvernement depuis quatre ans. S'il avait voulu une vraie
rupture, il n'aurait pas pu y rester, encore moins y revenir.
Q. - Vous voulez plus de social et contenir la dépense publique. Est-ce conciliable ?
Non seulement c'est conciliable mais c'est le centre de notre projet. Le problème
n'est pas que nous avons trop de social, mais que notre conception du social
conduit à l'exclusion. Et cette exclusion coûte de plus en plus cher. S'attaquer à
l'un, c'est s'attaquer à l'autre.
Q. - Gilles de Robien ne présentera pas de motion au prochain congrès de l'UDF.
Regrettez-vous ce choix ?
Pourquoi a-t-il renoncé, après l'avoir demandé, à affronter le suffrage universel des adhérents ? Pour moi, c'est un mystère. Mais c'est révélateur...
Jacques Chirac a voulu montrer qu'il était en forme. Et c'est tant mieux. Mais
l'exercice atteint vite sa limite : c'est le onzième du genre, avec la même
succession de discours rituels, un peu anachroniques, et la même cascade de «
priorités » nouvelles : l'énergie, le numérique, la mobilité des fonctionnaires, les
charges, la mémoire, encore des commissions supplémentaires sur des problèmes
archiconnus comme la dépense publique. Et, en arrière-plan, il y a le bilan, avec
son immobilisme, et le sort réservé aux dizaines de « priorités » précédentes vite
tombées dans l'oubli. Alors le pays écoute tout cela distraitement, avec un grand
scepticisme, et n'arrive pas à discerner une vision. Au lieu de toucher à tout, il
faudrait faire le contraire : définir une vision, dégager les sujets cruciaux,
prendre le temps, s'y accrocher, les approfondir, les faire mûrir pour donner un
cap à la volonté nationale.
Q. - Que feriez-vous à sa place ?
Changer nos institutions pour sortir de l'impuissance où nous sommes, un plan
décennal de réduction de la dette, la réforme de l'Etat, la simplification de la
fiscalité, un vrai changement d'assiette des charges sociales.
Q. - Jacques Chirac a-t-il raison de vouloir élargir l'assiette des cotisations
patronales à la valeur ajoutée ?
La concentration de toutes les charges sociales sur le seul travail faisant fuir le
travail, il faut chercher d'autres règles de répartition. Mais cette oeuvre immense,
de longue haleine, ne peut pas donner lieu à des conclusions hâtives, avant qu'on
n'en ait pesé les conséquences. Il faut prendre la mesure de cette affaire : faire
porter les charges sur un autre indice de l'activité que le travail, libérer la création
d'emplois et le bulletin de salaire, c'est une révolution, et cela ne peut pas se faire
en claquant des doigts. Pour limiter les risques, il faudra un mixte de plusieurs
solutions novatrices.
Q. - Lesquelles ?
J'en ai recensé cinq qui ont toutes des avantages et des inconvénients : 1° la TVA
sociale : elle réduit ce droit de douane à l'envers que nous imposons aux services
et produits fabriqués en France - en faisant supporter à eux seuls la charge de la
protection sociale -, mais elle apparaît comme une hausse du coût de la vie ; 2° la
CSG : elle fait participer toutes les sources de revenus, mais augmente la charge
sur les retraites ; 3° une contribution sociale assise sur les carburants fossiles :
elle serait en phase avec la crise énergétique dans laquelle nous entrons, mais le
prix de l'énergie a déjà beaucoup augmenté ces dernières années ; 4° une
contribution sociale assise sur l'ensemble de la valeur ajoutée : elle est plus juste
mais risque de faire fuir des entreprises à haute valeur ajoutée et à forts
investissements, et recrée la taxe professionnelle ; 5° une contribution sociale
extrêmement légère, de l'ordre de 1 pour 1.000, assise sur les échanges
bancaires, l'inconvénient étant qu'elle n'a jamais été essayée.
Q. - En adoptant une posture plus au centre que Nicolas Sarkozy et en puisant
dans les idées du PS, Jacques Chirac ne complique-t-il pas le positionnement de
l'UDF ?
Au bout de onze ans de pouvoir, on n'en est plus à se « positionner ». Pour nous,
le bilan historique des années Mitterrand et des années Chirac appelle un
changement profond : il faut tourner la page de ces vingt-cinq années de
marasme qui ont fait perdre à la France son crédit, son équilibre, sa joie de
vivre. Il faut retrouver des principes sains : ne pas craindre d'affronter la vérité,
imposer une vraie démocratie qui permet de savoir, de décider et d'agir.
Q. - N'est-il pas trop tard pour l'UDF, tant Nicolas Sarkozy multiplie les annonces...
Nicolas Sarkozy est au gouvernement depuis quatre ans. S'il avait voulu une vraie
rupture, il n'aurait pas pu y rester, encore moins y revenir.
Q. - Vous voulez plus de social et contenir la dépense publique. Est-ce conciliable ?
Non seulement c'est conciliable mais c'est le centre de notre projet. Le problème
n'est pas que nous avons trop de social, mais que notre conception du social
conduit à l'exclusion. Et cette exclusion coûte de plus en plus cher. S'attaquer à
l'un, c'est s'attaquer à l'autre.
Q. - Gilles de Robien ne présentera pas de motion au prochain congrès de l'UDF.
Regrettez-vous ce choix ?
Pourquoi a-t-il renoncé, après l'avoir demandé, à affronter le suffrage universel des adhérents ? Pour moi, c'est un mystère. Mais c'est révélateur...