Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les relations franco-polonaises et la construction européenne, à Varsovie le 12 janvier 2006.

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Circonstance : Déplacement en Pologne, du 12 au 14 janvier 2006

Texte intégral


Monsieur l'Ambassadeur, Mon Cher Pierre,
Monsieur le Président Lequiller,
Mesdames, Messieurs,
Chers Compatriotes,
Permettez-moi tout d'abord, comme l'ambassadeur, de vous présenter pour cette nouvelle année tous mes voeux de réussite et de bonheur personnel, pour vous et pour vos proches. Merci pour votre hospitalité.
Vous qui résidez dans cette grande nation qu'est la Pologne le savez mieux que quiconque, il existe entre nos deux pays des rapports profonds, fondés sur une amitié multiséculaire, riches d'une histoire unique, qui mêle liens personnels, échanges culturels et fraternité d'armes.
Il y a mille ans, monastères et universités, érudits et intellectuels polonais et français, fondaient cette tradition d'ouverture et de dialogue dans laquelle nos sociétés et nos cultures se sont en permanence enrichis. L'humanisme dont nos deux pays furent les berceaux, puis les Lumières, qui rayonneront en Pologne comme en France, se sont nourries de nos échanges. Il n'est que de lire Montaigne et, deux siècles plus tard, Rousseau pour prendre la mesure de l'intérêt que suscita la Pologne chez nos plus grands écrivains. Il n'est que de penser aux amours de Frédéric Chopin et de George Sand ou à celles de Maria Sklodowska et de Pierre Curie pour comprendre la proximité de nos deux pays.
Ces liens si forts qui nous unissent, le présent en porte encore témoignage, qu'il s'agisse de l'évocation de Bonaparte dans l'hymne national polonais, de la statue du général de Gaulle, érigée l'an dernier au centre de Varsovie, ou bien encore de la célèbre bibliothèque polonaise implantée à Paris dans la première moitié du XIXème siècle et qui nous rappelle que la France fut pendant des siècles le refuge de l'âme polonaise, de celle du grand poète Mickiewicz, pour n'évoquer que lui. Je pourrais également citer l'initiative "Nova Polska" en France en 2004, l'exposition "Ombres et Lumières" qui a présenté en 2005 à Varsovie quatre siècles de peinture française et aura été, je crois, la plus visitée en Pologne, l'exposition Fernand Léger, qui s'annonce ici comme un grand événement de l'année 2006, ou bien aussi l'exposition Eurovision des photographes de l'agence Magnum. Je le dis pour ceux auxquels qui j'ai pu directement adresser mes voeux puisque l'une des photographies de cette exposition sur les nouveaux Européens, les dix nouveaux partenaires, était extraite de ce travail. Ce sont autant de manifestations culturelles qui traduisent l'attrait réciproque de nos deux peuples.
L'entrée de la Pologne dans l'Union européenne, à laquelle la France s'était résolument déclarée favorable depuis le début, permet de renforcer davantage encore, depuis un peu plus d'un an, depuis le 1er mai 2004, les liens qui nous unissent. Le Conseil européen de décembre dernier a permis à notre coopération de démontrer son efficacité et d'aider à donner un budget à l'Europe: la lettre commune des ministres des Affaires étrangères français et polonais sur ce sujet a eu un impact important et nous avons maintenu des contacts très étroits avant et pendant la négociation avec nos amis polonais. Je m'en réjouis car cette coopération a été l'une des clés de cette efficacité.
Parce que l'élargissement ranime le rêve européen qu'avait brisé le rideau de fer, et parce que nos deux nations ont toujours été amies, la France tient à ce que la Pologne occupe toute la place qui lui revient au sein de l'Union européenne : celle d'un membre à part entière, et qui compte de surcroît parmi les six Etats les plus peuplés de l'Union. Nous souhaitons ainsi entretenir avec elle une coopération approfondie sur tous les sujets européens prioritaires pour l'année 2006.
Je voudrais vous en parler en quelques mots. Quels sont ces sujets prioritaires ? Avant toute chose, faire avancer l'Europe des politiques, l'Europe des projets concrets qui répondent aux attentes des citoyens européens. C'est donc la priorité numéro 1.
Ceci bien sûr dans le domaine économique pour accroître la compétitivité européenne et gagner la bataille de l'emploi. Cela passe par une plus grande coordination des politiques économiques, par des investissements accrus dans le domaine de la recherche et de l'innovation, dans le domaine de l'éducation mais aussi par la mise en place d'une véritable politique européenne de l'énergie, qui seule nous donnera les moyens de notre indépendance énergétique. Ce chantier sera l'un des plus importants dans les mois à venir et la France présentera bientôt un mémorandum dans la perspective du Conseil européen de mars prochain.
Cette Europe des projets doit aussi avancer en matière de sécurité. Sécurité intérieure, domaine dans lequel la Pologne a un rôle si grand à jouer, par exemple à travers l'Agence des frontières extérieures, qui est implantée à Varsovie, ou bien dans le cadre de coopérations opérationnelles entre différents Etats membres. Sécurité extérieure également, domaine où l'Europe peut encore faire beaucoup plus qu'aujourd'hui, même s'il ne faut pas négliger les progrès, réels, d'ores et déjà réalisés depuis quelques années.
Les mois qui viennent devront également permettre de bien préparer l'échéance du Conseil européen de juin prochain, qui portera sur l'avenir de l'Union. Dans ce cadre les chefs d'Etat ou de gouvernement devront poursuivre la réflexion sur le traité constitutionnel et, comme l'a demandé et obtenu notre pays, aura lieu également un débat sur la stratégie globale d'élargissement, sujet qu'il aurait fallu peut-être aborder depuis plus longtemps, sujet que nous aborderons sous présidence autrichienne en 2006, et sujet sur lequel l'expérience de la Pologne, en sa qualité de nouvel Etat membre, sera précieuse. Pendant le premier semestre 2006, et comme j'ai eu l'occasion de le dire mardi dernier avec Philippe Douste-Blazy à la ministre des Affaires étrangères autrichienne qui était venue à Paris, la France entend être active pour faire de ce rendez-vous de juin prochain une réussite. Le président de la République s'est exprimé récemment en présentant ses voeux mardi dernier au corps diplomatique : ce Conseil européen de juin devrait ainsi permettre de prendre des décisions sur les améliorations du fonctionnement des institutions européennes que l'on peut réaliser en partant du cadre des traités existants.
Voilà rapidement évoquées quelques priorités de la France pour l'Europe en 2006. Je voudrais ajouter que sur tous ces sujets notre pays entend mener d'intenses consultations avec ses partenaires, comme nous l'avons fait depuis plus de six mois. En particulier nous souhaitons le faire avec la Pologne en bilatéral, mais aussi dans le cadre du Triangle de Weimar, qui est une enceinte qui nous permet de travailler ensemble sur ces sujets avec nos amis allemands et nos amis polonais, et qui doit davantage devenir une force de proposition utile pour l'Europe.
Voici quelques uns des principaux messages que je suis venue délivrer ici en Pologne. Je rencontrerai demain le Premier ministre, M. Kazimierz Marcinkiewicz, mais aussi le ministre des Affaires étrangères, Stefan Meller, que nous connaissons bien parce qu'il avait été de nombreuses années ambassadeur de Pologne à Paris, estimé et respecté, et que nous avons retrouvé avec plaisir et je verrai le Secrétaire d'Etat, Jaroslaw Pietras. Je les remercie par avance, puisque je prends la parole en public, de leur accueil et des échanges que nous aurons.
Cette visite s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la préparation de nos prochaines échéances bilatérales. Pour n'en citer que les principales, je rappellerai que le président de la République a invité le président Kaczynski à se rendre en France très prochainement, je lui renouvellerai cette invitation et je ferai des propositions de la part du président de la République. Ils participeront tous deux avec la chancelière fédérale d'Allemagne au sommet du Triangle de Weimar, qui se tiendra en principe au premier semestre et en Allemagne, et présideront le prochain sommet franco-polonais qui se tiendra cette également année, et en Pologne. Quant à nos deux Premiers ministres, Messieurs Kazimierz Marcinkiewicz et Dominique de Villepin, ils présideront aussi le prochain séminaire intergouvernemental franco-polonais. Voyez donc que les rendez-vous seront nombreux, et soyez assurés de la détermination du gouvernement français à travailler avec la Pologne dans un esprit de véritable partenariat.
Et permettez-moi d'y insister, au-delà du choix historique que constituait la réunification de l'Europe après la chute du mur de Berlin, au-delà des avantages que nos nouveaux partenaires en retirent, et tant mieux s'ils le font, l'entrée de dix nouveaux Etats dans l'Union est aussi une chance pour nous, en termes d'accès à de nouveaux marchés, de perspectives de croissance et d'emplois. Ce sont des milliards d'euros d'exportations françaises supplémentaires, ce sont aussi d'ores et déjà des dizaines de milliers d'emplois gagnés en France, et nous avons encore beaucoup de marges de progression dans ces pays.
Et en effet la Pologne fournit un excellent exemple de cette réussite puisque grâce au travail de nos entreprises, grâce à votre travail, notre pays se classe au premier rang des investisseurs, devant les Pays-Bas, les Etats-Unis et l'Allemagne. Vous qui incarnez la présence française en Pologne, vous qui êtes la première communauté française dans les nouveaux Etats membres, avec plus de 7.000 personnes, vous pouvez en témoigner : l'élargissement à 25 n'est pas seulement une chance pour l'avenir, c'est aussi un atout pour le présent.
Je veux dire haut et fort que l'élargissement était un choix réfléchi et responsable mais surtout qu'il est une réussite pour nous tous et pour l'Europe.
Avant de conclure, permettez-moi de vous dire un mot de ce que fait le ministère des Affaires étrangères pour la situation de la communauté française en Pologne. Il travaille activement à l'amélioration du service rendu aux résidents français à l'étranger dans le domaine administratif, en tenant compte de l'évolution de vos besoins, en accroissant l'efficacité des aides sociales qui sont versées et bien sûr, en assurant votre sécurité. Je pense en particulier au plan national du gouvernement de lutte contre la grippe aviaire qui comporte un volet à destination des communautés françaises à l'étranger, et c'est un plan que notre ambassade, en contact les autorités vétérinaires et sanitaires polonaises, applique d'ores et déjà.
Je n'oublie pas enfin la vie scolaire, qui joue un rôle important pour les Français de l'étranger. Nous souhaitons ainsi améliorer encore le fonctionnement du Lycée français de Varsovie, qui compte aujourd'hui 706 élèves dont les deux tiers sont des Français. Je sais que cela reste un sujet de préoccupation pour vous et c'est pourquoi lors de cette visite j'évoquerai l'accord intergouvernemental sur le nouveau statut du lycée français, qui doit être transformé en fondation de droit polonais. Il est en effet essentiel que cet accord, paraphé en octobre 2004, puisse être signé dans les meilleurs délais. Enfin, je me permets de rappeler la date du 18 juin prochain où vous serez appelés à élire vos conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger. Il s'agit d'une échéance importante qui témoigne de notre vie démocratique et qui contribue à faire vivre la République.
Mesdames et Messieurs, vous êtes tous ici, chacun à votre place au sein de la communauté française de Pologne, les ambassadeurs de notre pays. Vous en portez les valeurs, vous en incarnez la culture, vous en portez l'influence dans tous les domaines : économique, social, culturel et politique. En favorisant une meilleure connaissance mutuelle entre les Français et les Polonais, vous êtes ainsi des acteurs importants du rapprochement de nos deux pays. Je tenais, pour conclure, à vous le dire et à vous en remercier, avant de renouveler à chacune et à chacun d'entre vous mes voeux de bonne et heureuse année.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 janvier 2006