Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec M. Serguei Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, sur la question prioritaire de l'approvisionnement énergétique de la France et de l'Union européenne par la Russie, la situation de la démocratie dans ce pays et le dossier nucléaire iranien, Moscou le 19 janvier 2006.

Prononcé le

Texte intégral

(...)
Merci Serguei. Je crois que Serguei Lavrov a parfaitement résumé ce que nous avons fait, c'est-à-dire un tour d'horizon et en même temps un approfondissement des relations chaleureuses entre nos deux pays, et j'ajouterais que nous avons abordé le sujet énergétique comme étant un des plus grands sujets aujourd'hui sur notre planète, et en particulier les relations entre l'Union européenne et la Russie, les relations entre la Russie et la France sur le plan énergétique. D'ailleurs, la présidence russe du G8 a mis en avant l'énergie, comme l'éducation et la santé, dans les trois thèmes essentiels de cette année de sa présidence. Nous avons aussi abordé d'autres sujets internationaux comme, bien sûr, vous vous en doutez, l'Iran. Je crois que le mieux, c'est de ne pas reprendre exactement la liste que Serguei Lavrov a faite, mais de répondre à vos questions.
Q - Monsieur Douste-Blazy, Angela Merkel s'est exprimée récemment, publiquement à Moscou, faisant état de ses désaccords avec le pouvoir russe au sujet de la Tchétchénie, elle s'est exprimée sur la question de la démocratie en Russie. Condoleezza Rice hier a fait une déclaration disant que ce qui se déroulait en Russie n'était pas conforme aux valeurs démocratiques qui doivent prévaloir en principe au sein du G8. Et Tony Blair, l'année dernière, a rencontré des opposants et des défenseurs des Droits de l'Homme lors de sa visite ici à Moscou. On n'entend pas trop la voix de la France sur ce terrain ; est-ce que la France doit être une exception ?
R - Il n'y a pas d'exception française. Bien évidemment, la France, qui est la patrie des Droits de l'Homme, est évidemment, dans un sujet comme celui-là, très transparente et très claire. Nous pensons profondément que nos amis russes sont dans un processus de transition, qu'aujourd'hui un travail est fait ici en Russie, que des efforts sont faits.
Je prends l'exemple du dernier projet de loi sur les organisations non gouvernementales, qui a fait couler beaucoup d'encre, et en même temps le gouvernement a pu accepter des amendements qui vont dans le bon sens. Je crois qu'il faut se garder de donner des leçons de morale faciles et qu'en même temps, il faut dire haut et fort à tous les gouvernements, y compris le gouvernement russe, que s'il y a bien sûr un ordre à faire respecter, il faut le faire respecter dans un Etat de droit ; la France le dira toujours sans se cacher et elle le dira d'autant plus efficacement qu'elle le dit dans un climat de confiance. Car le climat de confiance qui existe aujourd'hui entre la Russie et la France est basé sur une relation qui est beaucoup plus qu'une relation de confiance : la stabilité de l'Union européenne ne peut exister que s'il y a la stabilité de la Russie.
Et donc nous sommes aux côtés, en effet, de nos amis russes, dans ce processus de transition, et nous souhaitons évidemment qu'il y ait de plus en plus de démocratie en Russie et dans les pays voisins. J'ai parlé tout à l'heure des problèmes biélorusses, je n'ai pas eu peur de le dire à nos amis russes : nous sommes préoccupés aujourd'hui par l'ambiance pré-19 mars, pré-élections présidentielles, nous souhaitons qu'il y ait une transparence totale via l'OSCE, nous souhaitons qu'il y ait la mise en oeuvre de vérifications, qu'il n'y ait pas de fraudes, qu'il n'y ait pas de problèmes de troubles de l'ordre public, avec une répression de la part des autorités. Et d'ailleurs, j'ai reçu au Quai d'Orsay le principal opposant biélorusse. Et donc, si vous voulez, encore une fois : pas de leçons de morale, une acceptation de ce qu'est ce grand pays aujourd'hui, en transition, et avec bien sûr un respect des Droits de l'Homme.
Q - Est-ce que vous avez parlé de la participation française aux investissements dans le troisième terminal de Cheremetievo ?
R - Nous avons bien sûr évoqué des sujets économiques, des sujets bilatéraux, et parmi les sujets bilatéraux, la proposition d'Aéroports de Paris (ADP) de pouvoir gérer ce terminal, et cela nous paraît important. Mais comme vous le savez, la décision dépend du marché, c'est un appel d'offres, et donc nous ne pouvons évidemment pas faire plus que le demander et faire un bon dossier, et je crois que c'est le meilleur.
Q - Est-ce que vous pensez que dans le dossier iranien, le recours à l'ONU sera maintenant nécessaire, et si oui M. Lavrov est-ce que les garanties que peut donner la France incitent à aller dans cette direction ?
R - Il nous paraît excessivement important, dans le dossier iranien, de bien comprendre qu'il y a trois mots qui sont les trois mots-clés : fermeté, unité et rapidité. Unité de la communauté internationale - nous en avons beaucoup parlé avec Serguei Lavrov - il est important de montrer aux Iraniens qu'ils doivent suspendre les activités nucléaires dangereuses. Aujourd'hui, aucun programme civil en Iran ne peut justifier la reprise des activités nucléaires dangereuses. Donc à Vienne, les 2 et 3 février, nous avons intérêt à avoir une communauté internationale unie, pour demander à l'Iran de retrouver la raison, d'accepter de suspendre et de négocier.
Deuxièmement : rapidité, c'est la raison pour laquelle les Allemands, le Royaume-uni, la France et les partenaires européens ont provoqué cette réunion extraordinaire du Conseil des gouverneurs, et nous sommes heureux de voir qu'elle va se tenir dans ces délais-là.
Et enfin fermeté, je crois qu'il est important de voir de quoi il s'agit : il s'agit de la crédibilité de notre système multilatéral de non-prolifération. Il s'agit de la crédibilité de l'Agence internationale de l'Energie atomique. Pour la huitième fois consécutive, M. El Baradei a souligné que l'Iran violait ses obligations internationales. Il est donc, me semble-t-il, important de faire rapport au Conseil de sécurité des Nations unies pour que cette agence, ce rapport du directeur de l'agence, soient crédibilisés au plus haut niveau de la communauté internationale.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2006