Déclaration de M Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur les négociations salariales dans la fonction publique et sur la proposition d'un accord triennal 2000 - 2002, Paris le 20 décembre 2000.

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Circonstance : Réunion avec les organisations syndicales sur les salaires dans la fonction publique, à Paris le 20 décembre 2000

Texte intégral

Comme je vous y avais convié lors de notre première réunion du 21 novembre dernier, nous nous retrouvons aujourd'hui pour une séance de négociations sur les salaires dans la fonction publique. Ce ne sera pas la dernière, puisque c'est en janvier, ainsi que je vous l'avais indiqué, que nous serons amenés à conclure nos travaux.
Lors de notre première rencontre, je vous avais rappelé le contexte dans lequel s'inscrivent nos négociations, qu'il s'agisse du bilan très positif du précédent accord ou du plan de baisse d'impôts décidé par le gouvernement, qui n'est évidemment pas sans influence sur le pouvoir d'achat final des fonctionnaires. Je n'avais pas à l'esprit ce faisant de noyer la négociation salariale dans un ensemble trop vaste de dossiers ou de remettre en cause les règles qui régissent ordinairement cette négociation ; je n'ai jamais confondu telle baisse d'impôts avec une prime de Noël pour les fonctionnaires. Mais il me paraissait nécessaire que nous brossions la toile de fond de nos discussions salariales. J'avais d'ailleurs indiqué, après le rappel de ce contexte, que la question du traitement de base des fonctionnaires était cardinale et que c'est d'elle, principalement, que nous serions amenés à parler.
Nous entrons aujourd'hui dans le vif du sujet. Avant tout autre considération, je voudrais rappeler l'état d'esprit du Gouvernement sur ce dossier : il souhaite aboutir à un accord ; le Premier ministre l'a dit récemment, clairement. Nous savons tous que des négociations, quelles qu'elles soient, connaissent des hauts et des bas, des moments de convergence et des moments de désaccords. C'est inévitable. Ce qui compte, c'est qu'à la fin nous nous retrouvions, et qu'en chemin nous soyons tous convaincus de la volonté du partenaire d'aboutir. Si ça n'avait pas été dès le début l'objectif du Gouvernement, nous n'aurions pas ouvert ce cycle salarial. Je souhaite que nos travaux d'aujourd'hui soient fructueux et qu'ils préparent un accord que je souhaite aussi large que possible.
La première question qu'il nous faut aborder est celle du champ temporel de cet accord. J'ai entendu et analysé les positions que vous avez exprimées les uns et les autres ; j'ai pesé les arguments en présence. Et je suis en mesure de vous dire que le Gouvernement recherche un accord couvrant les trois années 2000, 2001 et 2002. Pourquoi 2000 et 2002, puisque c'étaient les deux années dont le traitement faisait débat ?
S'agissant de 2000, je crois indispensable, si nous voulons avoir un dialogue social soutenu et continu, de ne pas laisser d'année blanche de négociations salariales. Lors de notre rendez-vous de juillet, j'avais déploré que le dialogue social en matière salariale soit frappé dans la fonction publique d'une sorte de malédiction qui ferait qu'une période couverte par un accord serait presque systématiquement suivie d'une année sans accord, pire, parfois, sans revalorisation. Je vous avais dit que cette politique de stop and go n'était pas saine, que je souhaitais que nous y mettions fin.
J'ai toujours à l'esprit cette préoccupation et je ne veux pas que 2000 soit une année unilatérale parce que l'accord 98-99 s'est traduit par un gain de pouvoir d'achat de 1,1 %. Nous devons savoir intégrer et surmonter le résultat plus ou moins favorable d'un accord qui s'achève pour débattre lucidement et sans arrière-pensée de l'année suivante. Intégrer l'année 2000 dans l'accord que nous recherchons aujourd'hui, c'est ouvrir la perspective d'avoir cinq années consécutives couvertes par des protocoles salariaux ; c'est ancrer le dialogue social dans la durée. J'ai eu l'occasion d'indiquer récemment qu'un des moyens pour éviter à l'avenir d'avoir des années qui ne soient pas couvertes par un accord salarial pourrait être de se fixer la règle selon laquelle on négocie obligatoirement chaque année, sauf à décider collectivement qu'on recherche un accord pluriannuel. Nous aurons l'occasion de reparler de cette discipline que nous pourrions convenir de nous imposer ; je vous propose aujourd'hui de l'appliquer en englobant 2000 dans le champ de nos débats.
S'agissant de 2002, il y a une excellente raison de la comprendre elle aussi dans l'accord et cette raison découle de notre souci commun de ne pas laisser d'année sans accord : en effet, la conséquence naturelle de la nouvelle discipline que nous pourrions nous imposer serait que les négociations pour une année donnée se déroulent au printemps de l'année précédente de façon, notamment, que les accords qui seraient conclus soient pleinement en phase avec les travaux de préparation du budget. Or, lorsque nous conclurons la présente négociation, nous serons déjà au début de l'année 2001, et on voit mal que l'on puisse engager de nouvelles discussions quelques courts mois après la conclusion
d'un accord.
La recherche d'un accord triennal emporte plusieurs conséquences:
- c'est sur la totalité de la période que les mesures que nous discuterons devront être appréciées, et, ainsi, l'année 2000 ne sera pas jugée isolément des deux années suivantes ;
- si la revalorisation de 0,5% des traitements au 1er décembre 2000 n'a pas lieu d'être en elle-même révisée, elle devra être regardée dans l'ensemble des mesures qu'il nous revient maintenant de négocier ;
- enfin, le suivi de l'accord et de ses effets devra, dès lors que la période couverte est longue, être particulièrement soigné.
Je ne doute pas que vous souhaiterez dans un instant faire connaître votre appréciation sur ce cadre temporel. Mais je souhaiterais qu'après un dernier échange sur cette question, nous articulions nos débats autour de deux pôles :
- d'une part, les perspectives d'évolution de la valeur du point, au regard des prévisions d'inflation pour 2001 et 2002, et les autres facteurs d'évolution du traitement de base, singulièrement, pour notre réunion d'aujourd'hui, pour ce qui est des bas salaires;
- d'autre part, les éléments de ce que j'appellerais volontiers la deuxième corbeille de l'accord en gestation, à savoir essentiellement la promotion interne et la réforme des IHTS.
Il est clair dans mon esprit, et je souhaiterais que ce le soit entre nous, que nous ne ferons pas aujourd'hui le tour de la question de l'évolution du traitement de base : nous aurons à y revenir en janvier, car la valeur du point en 2001-2002 et le bas de la grille n'épuisent pas la question de cette évolution sur la durée complète de la période 2000-2002.
Il est clair aussi que d'autres questions, comme celle de l'action sociale, mériteront en janvier toute notre attention.
Qui trop embrasse, mal étreint : je vous propose de nous en tenir aujourd'hui à ces premiers sujets. Ils suffisent à nourrir notre débat. Sachez qu'ils ne l'épuisent pas.
Une des règles les mieux établies des négociations salariales est celle en vertu de laquelle on se fonde sur les hypothèses d'inflation sous-jacentes à la loi de finances ou sur la base desquelles le projet de loi de finances est élaboré. Pour 2001, ce taux est de 1,2% ; il est du même montant pour 2002. S'agissant de l'année 2000, la poussée très conjoncturelle de l'inflation en glissement de novembre 1999 à novembre 2000, due notamment à une forte hausse du prix du gaz, ne conduit pas le Gouvernement à réviser les prévisions de décembre 1999 à décembre 2000, par rapport à notre première réunion de novembre.
Mais nous y verrons bien sûr définitivement clair au mois de janvier.
La perspective dans laquelle le Gouvernement propose de s'inscrire pour
2001 et 2002 est celle du maintien du pouvoir d'achat de la valeur du point : c'est dire que les mesures en niveau en 2001 et 2002, dont nous discuterons pour leur quantum et leur calendrier en janvier, devront permettre ce maintien. Cette orientation de base est doublement cohérente : elle garantit le pouvoir d'achat de ceux des agents publics, actifs ou retraités, qui ne bénéficient pas de mesures de promotion individuelle ou de mesures catégorielles, et elle constitue le socle à partir duquel la progression du pouvoir d'achat des autres se construit; elle se situe dans la continuité du précédent accord salarial, qui procédait de la même logique.

Le deuxième sujet que je vous propose d'aborder est celui du bas de grille. L'accord précédent en a largement traité ; il faut dire que le décalage du minimum de rémunérations par rapport au SMIC était massif : si l'on excepte les rares personnels situés au 1er échelon de l'échelle 1, l'écart était de 372 francs par mois au moment où cet accord a été signé. Les choses avaient été remises en ordre. Mais de nouveau, en juillet dernier, en raison de la revalorisation du SMIC horaire liée à la mise en place des 35 heures, cet écart est réapparu, certes pour un montant bien moindre, de 28Frs.
La revalorisation du point au 1er décembre dernier permet au traitement
minimum de repasser au-dessus du SMIC, toujours dans les mêmes hypothèses. Mais au 31 décembre 2001, la différentielle devrait être
de 135 Frs. A la même date, le SMIC repassera très en-dessous du minimum de rémunération : c'est dire qu'on pourrait tranquillement attendre cette date, à laquelle, arithmétiquement, la différentielle pourrait d'elle-même s'éteindre. Mais nous ne faisons pas ici de l'arithmétique, et le Gouvernement ne souhaite pas que, pour des raisons techniques difficilement compréhensibles, les plus faibles rémunérations connaissent une rétrogradation.
Le Gouvernement considère aussi, et c'est un souci que vous partagez
largement, que le bas de la grille mérite en toute hypothèse un traitement particulier, même s'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures massives qui sont déjà à l'uvre depuis 1998. Je vous ferai donc dans un instant une proposition globale qui contribuera à résoudre le problème du minimum de rémunération.

S'agissant de ce que j'appelais tout à l'heure la deuxième corbeille, je vais vous remettre deux projets de texte concernant la promotion interne et les IHTS.
Les deux groupes de travail consacrés à ces deux questions, dont j'avais souhaité qu'ils les débroussaillent pour qu'elles puissent être intégrées à nos négociations salariales, se sont réunis à deux reprises, et je demanderai dans un instant au directeur général de faire un compte-rendu exhaustif de leurs travaux.
Les propositions que je vous fais aujourd'hui sur la promotion interne sont les conséquences des blocages que nous connaissons bien, auxquels il s'agit de remédier grâce à deux mécanismes
:
- un mécanisme fondé sur la durée moyenne de carrière applicable à ceux des corps sujets à des blocages dans le déroulement des carrières ; il s'agira, après analyse des situations particulières de ces corps, de fixer une proportion entre le nombre d'agents promouvables et le nombre d'agents promus, proportion évidemment propre à chaque corps et fonction de sa structure;
- pour les promotions d'un corps à un autre, une clause de sauvegarde assurant le déblocage immédiat des situations les plus critiques.
Ces mécanismes innovants n'ont pas vocation à se substituer systématiquement aux règles statutaires actuellement en vigueur ; ils seront mis en uvre, là où ces règles ne permettent pas un fonctionnement satisfaisant du principe de la carrière. Je tiens particulièrement à cet aspect du dossier salarial, parce que les agents en place attendent une solution globale aux incertitudes de leurs progressions de carrière et ne se satisfont plus du règlement au coup par coup des blocages qu'ils subissent ; mais j'y tiens aussi, parce que si nous voulons dans les années à venir conserver l'attractivité de la fonction publique, il nous faut garantir aux jeunes recrutés une carrière moyenne lisible et donc stabilisée.
En outre, toute gestion des carrières prenant en compte les mérites des agents ou les difficultés d'exercice des fonctions est vaine, si les diversifications - modestes - des promotions sont écrasées par des blocages ou des coups d'accélérateur provoqués par des circonstances extérieures.
Le deuxième projet de texte que je vous propose concerne la refonte du système des IHTS. L'esprit en est simple ; il s'agit de consolider, c'est-à-dire de transformer en indemnités forfaitaires les IHTS actuellement payées sans que leur correspondent des heures supplémentaires effectivement décomptées, et de restaurer un système transparent d'heures supplémentaires effectuées et rémunérées en tant que telles.
Cette réforme marque à la fois l'assainissement d'une situation héritée du passé et un geste du Gouvernement, qui ne souhaite pas pénaliser les agents qui bénéficient aujourd'hui de ces indemnités. Je ne vous propose pas que nous débattions du taux des nouvelles IHTS, dont l'évolution est intimement liée au passage aux 35 heures dans les fonctions publiques.

Enfin, j'ai écouté attentivement les remarques diverses que vous avez faites au sujet de la grille.
Il ne me paraît pas opportun de lancer aujourd'hui une réforme globale de la grille alors que le protocole Durafour s'est achevé très récemment, en 1997, et que la réflexion de longue haleine qui a donné lieu au remodelage complet de la grille n'a pas encore produit la totalité de ses effets. Je rappelle que le bilan de 1997 a fait apparaître le coût direct du protocole : 8,7 MdsF pour la FPE, 22 MdsF pour l'ensemble des trois fonctions publiques. Si l'on y ajoute les charges induites, le protocole aura permis de consacrer en six ans 43 MdsF à cette restructuration des carrières statutaires.
Il est exact qu'on rencontre ici et là quelques problèmes particuliers que j'avais déjà évoqués en juillet dernier. La question qui peut se poser est celle de savoir si un traitement global de certains de ces problèmes serait adapté ou s'il n'est pas judicieux de les traiter au cas par cas, comme c'est le cas aujourd'hui par exemple pour les infirmières hospitalières.

Enfin, je vous avais dès juillet fait part de ma préoccupation au sujet du faible niveau d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, et singulièrement dans la fonction publique d'Etat : 3,06% fin 1997, pour une obligation légale fixée à 6%. J'ai noté l'intérêt que vous avez tous manifesté pour ce dossier et même l'impatience de certains d'entre vous qu'il soit ouvert sans tarder.
Je souhaite que nous avancions, et c'est pourquoi je vous ai fait remettre un avant-projet de protocole d'accord particulier. Mais j'ai bien entendu aussi la crainte de certains d'entre vous que cette question paraisse mêlée aux négociations salariales et qu'il en résulte pour l'un ou l'autre de ces deux sujets une impression de brouillage. Je n'avais pas perçu un tel risque, mais je reprends volontiers à mon compte votre préoccupation de clarté. Je vous confirme donc que je n'envisage pas de vous demander que nous convergions sur le dossier des handicapés avant d'avoir conclu les négociations salariales.
J'attacherais cependant du prix à ce que vous me fassiez part aujourd'hui de vos premières réactions.

Tel est l'ordre du jour que je vous propose pour notre rencontre de ce jour. Il est fourni. Même si cette séance n'est pas conclusive, je souhaite que nous avancions suffisamment pour que notre réunion de janvier nous permettre de déboucher sur un accord
( source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 22 décembre 2000)