Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur la coopération internationale en matière de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, notamment les propositions de la France concernant les moyens de financement, l'accès aux traitements et les actions de prévention et d'information, Marrakech le 14 décembre 2005.

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Circonstance : Réunion du Conseil d'administration du Fonds mondial contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme à Marrakech le 14 décembre 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres, chers collègues,
Madame la Présidente (du Fonds mondial, Carole Jacobs)
Monsieur le Directeur exécutif (du Fonds mondial, Richard Feacham),
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier nos hôtes marocains d'avoir pris cette initiative et d'avoir organisé cette session spéciale avec le Fonds mondial Ce qui nous réunit aujourd'hui c'est la lutte contre ces trois maladies, le sida, le paludisme, la tuberculose, qui tuent chaque année six millions de personnes. Ces maladies tuent souvent en silence, loin du fracas des guerres et du terrorisme : elles ne doivent pas tuer dans l?indifférence. Alors que le monde en développement parle de vieillissement de la population, dans certains pays d?Afrique, l?espérance de vie a diminué de 10 ans en une décennie. Quand on sait que la santé constitue l?un des facteurs du développement durable, comment est-il possible d?envisager l?avenir de ces Etats ?
Vous connaissez tous la gravité de la situation, aussi je souhaite insister sur les nouveaux défis à relever ensemble : le financement des moyens de lutte, l'accès aux traitements qui doivent être conduits étroitement avec les actions de prévention et d'information.
I/ Nous devons accroître non seulement les moyens financiers, mais aussi les moyens d?actions du Fonds pour faciliter l?accès aux médicaments dans les pays en développement.
La France s?engage à doubler sa contribution au Fonds mondial
Vous connaissez l'engagement personnel du président Jacques Chirac pour l'accès aux traitements anti-rétroviraux, engagement maintes fois réitéré et concrétisé depuis la Conférence d'Abidjan en 1997. Sa démarche s'inscrit dans celle plus globale de l'augmentation de l'aide publique au développement, et notamment en faveur de l'Afrique.
Cet engagement se traduit également par la décision de doubler la contribution de la France au Fonds mondial pour les deux prochaines années, soit 618 millions de dollars sur ces deux ans. La France est parmi les tous premiers donateurs et au total les contributions des Etats de l?Union européenne vont représenter près des deux tiers du financement du fonds.
Mais ces efforts doivent être complétés. Les 3,8 milliards de dollars pour les deux prochaines années obtenus à la Conférence de Londres ne représentent en effet que la moitié des besoins estimés pour le Fonds mondial.
Il nous faut donc mettre en ?uvre de nouveaux mécanismes de financements, qui correspondent mieux à la réalité de ces maladies.
C'est pour cela que le Président de la République a lancé la réflexion sur la mise en place d'une taxation internationale en faveur du développement il y a deux ans.
Depuis, ce sujet, s'est placé au centre du débat international. Lors du sommet du Millénaire, à New York en septembre dernier, une déclaration proposée par la France a recueilli la signature de 79 Etats. Elle prévoit notamment la création d'une contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion. La France mettra en place ce dispositif dès juillet 2006.
Cette déclaration se fonde sur un constat simple : pour des traitements innovants, il faut des financements innovants, pour des traitements sur le long terme, il faut des financements sur le long terme.
En effet, nous manquons de financements garantis et stables. Un financement du développement par des taxes internationales donnerait cette garantie de continuité, au-delà des aléas de politiques internes et de la situation internationale.
D'ores et déjà, la France va proposer d'affecter une partie des ressources collectées par la contribution internationale sur les billets d'avion à la production et la fourniture de traitements antirétroviraux (ARV).
Le caractère innovant et pérenne de ce mode de financement correspond à la problématique de l?accès aux antirétroviraux. Ces traitements sont en effet onéreux et, surtout, doivent être conduits et maintenus sur de très longues durées. Les pays en développement hésitent ainsi à se lancer dans des programmes de traitement à grande échelle, même quand ils bénéficient d'un financement international, parce que l'apport de fonds se limite à trois ou cinq ans. Une ressource garantie pendant une décennie au moins, pourra financer des programmes d'achat à long terme de médicaments qui assurent à la fois la continuité et font baisser les prix.
Nous devons plus largement réfléchir à d?autres modes d?accès aux médicaments.
Six millions de personnes infectées par le VIH dans le monde en développement ont un besoin urgent de traitements anti-rétroviraux (ARV), et 2,5 millions de médicaments contre me paludisme et la tuberculose. Mais le niveau actuel de production de ces médicaments et le marché tel qu?il est organisé, ne permettent pas de répondre aujourd'hui à cette nécessité.
Il est donc impératif de sécuriser la demande de médicaments, avec un accent particulier mis sur les ARV, notamment les ARV dits de « 2ème ligne », afin d?en augmenter le volume de production et d?en faire baisser les prix. L?industrie pharmaceutique, qui a déjà consenti certains efforts, doit s?engager davantage encore. Cependant, les laboratoires et les génériqueurs ne produiront ces traitements, que s?ils disposent en contrepartie de débouchés garantis. Les mêmes questions touchant au volume et au prix se posent pour les médicaments du paludisme et de la tuberculose.
C?est pourquoi la France, et en particulier les Ministres de la Santé et des Affaires étrangères, ont proposé la création d'une Facilité internationale d?achat de médicaments (IDPF). Celle-ci permettrait de sécuriser l?accès au médicament pour les pays en développement, de structurer le marché du médicament en rapprochant les producteurs et les acheteurs, de faire baisser les prix de ces traitements et de garantir la qualité et l?efficacité des médicaments achetés. Cette facilité devra s'articuler étroitement avec les actions du fonds mondial.
Par ailleurs la France se félicite de l'adoption récente (le 1er décembre dernier) par le Parlement européen du règlement européen qui transpose l'accord du 3à août de L'OMC. offrant la possibilité d'établir des licences obligatoires pour les pays qui ne disposent pas de capacité de production.
II/ Nous devons en effet tout mettre en ?uvre pour que cesse la transmission de l?épidémie : cela passe par l?éducation, l?information et la prévention.
N?oublions pas que nous ne pouvons espérer atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), c?est-à-dire stopper la propagation du VIH/SIDA et maîtriser le paludisme et la tuberculose, sans décupler nos efforts de prévention, d'information et de dépistage.
Atteindre les groupes vulnérables, donner les moyens aux femmes et aux hommes de se protéger, mobiliser nos sociétés dans leurs diversités, tel est le travail permanent que nous devons mener, tel est aussi l?objectif principal de la communauté internationale.
A ce titre je veux souligner et saluer les actions qui viennent d'être menées ici avec le Sidaction Maroc 2005, et qui démontre à nouveau la mobilisation des autorités marocaines au plus haut niveau et la vigueur des différentes ONG et notamment l'association de lutte contre le sida.
« Penser globalement, agir localement »: telle est aussi la devise que nous souhaitons promouvoir pour l?action du Fonds Mondial, c'est en tous cas une exigence pour la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.
Le financement est l'une des clefs essentielle pour l'avenir du développement et la maîtrise de ces trois pandémies. Je pense que nous commençons à peine à mesurer l?enjeu financier que doit représenter l?action du Fonds, et que nous n?en sommes qu?au début de notre réflexion sur les modes de financement innovants et pérennes. D?ores et déjà, nous devons tout mettre en ?uvre pour appliquer ces nouveaux mécanismes que sont la contribution internationale de solidarité et l?IDPF. Beaucoup d'obstacles restent à franchir, et nous avons besoin de l?engagement de tous, et donc de chacun de vous, pour y parvenir ensemble à faire face à ces défis.
Mais nous savons tous aussi que pour faire réellement reculer ces maladies, nous avons besoin d?actions fortes et innovantes en matière d?information et de prévention. Une véritable stratégie de développement durable dans le domaine de la santé reste à mettre en ?uvre. Je sais que cette réflexion sera aussi au c?ur des débats à venir au sein du Fonds mondial.Je vous remercie.