Interview de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 16 janvier 2005, sur la longueur et la complexité de la législation et le recours au droit d'amendement.

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Texte intégral

L?inflation législative est-elle une réalité ?
En ce qui concerne le nombre de lois votées par le Parlement, il n?y a pas d?inflation législative, au contraire : le législateur a adopté 78 lois en 1970, 68 en 1990 et 42 en 2004. En revanche, la longueur des lois augmente de façon considérable. Le bulletin des lois voté chaque année par le Parlement pesait 912 grammes en 1970, il atteint les trois kilos actuellement !
L?avalanche d?amendements déposés est un facteur aggravant...
Cette augmentation est, effectivement, en partie responsable de la longueur des lois et de leur complexité. Pendant la première législature, 4 564 amendements avaient été enregistrés. Lors des années 1968-1972, on en comptait déjà plus de 10 000 et, à la fin de l?actuelle législature, nous aurons dépassé le cap des 100 000 !
Pourquoi cette hausse vertigineuse ?
Souvent, les projets de loi gouvernementaux n?ont pas fait l?objet d?une préparation suffisante.
On voit des ministres modifier leurs propres textes par voie d?amendement en cours de séance. Lors de l?examen du projet de loi sur les handicapés, le gouvernement a amendé presque tous les articles. Par ailleurs, l?opposition, quelle qu?elle soit, utilise trop souvent le droit d?amendement non pas pour améliorer une loi, mais pour tenter de retarder son adoption.
Il y a de surcroît de plus en plus de lois bavardes, qui font des déclarations solennelles au lieu d?édicter des normes. Trop de lois inutiles tuent celles qui sont nécessaires.
Peut-on enrayer ces phénomènes ?
Il le faut. Je veux revenir au respect du partage des compétences entre les Assemblées et le gouvernement, tel qu?il est prévu par la Constitution. Ainsi, l?article 41 permet de déclarer irrecevables les amendements de nature réglementaire.J?en ai usé pour écarter près de 15 000 amendements lors de la réforme de La Poste. J?envisage de conférer à notre commission des lois la charge d?émettre un avis sur le caractère législatif ou réglementaire de chacun des projets du gouvernement ou des propositions des députés. Je vais aussi proposer aux députés de fixer un délai pour le dépôt des amendements.