Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, à "France 2" le 19 janvier 2006, sur l'évolution de la réforme de l'Etat.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Nous allons parler d'un sujet récurrent dans nos institutions : c'est la réforme de l'Etat. C'est un dossier que vous avez pris en main, il y a beaucoup à faire. Vous avez déjà commencé à étudier, auditer. Et maintenant, vous atteignez une phase où vraiment, les choses vont prendre un tour extrêmement concret sur cette réforme de l'Etat...
R- C'est-à-dire que l'on passe de la phase expérimentale à la phase industrielle... L'idée est de soulever le capot, comme pour regarder le moteur de la voiture. Eh bien, on fait une espèce de radiographie de tous les services de l'Etat, de toutes les procédures...
Q- Voir où l'on dépense trop, où l'on dépense mal, pourquoi cela ne marche pas bien, ce que l'on peut améliorer...
R- Voilà, et puis surtout, comment on peut dépenser mieux. Parce que je crois que les Français sont très attachés au service public, mais à la condition que le service public marche bien. La formule consiste à dire, en gros, que celui qui est usager du service public, il est client du service du public. Comme le client est roi, l'objectif est que l'on aille vers le zéro défaut, avec l'argent des contribuables. C'est le travail à faire...
Q- On s'est rendu compte qu'avec l'évolution des méthodes modernes - l'électronique, l'informatique etc. -, souvent, l'administration peine un peu à appliquer tout cela. Va-t-on là aussi passer à la vitesse supérieure, avec l'administration électronique en quelque sorte ?
R- Oui, on fait ce qu'il faut et ce que l'on veut, comme cela se passe dans un certain nombre de grands pays modernes - Canada, Grande-Bretagne et d'autres pays encore -, on regarde ce qu'ils font et on essaie d'emprunter les bonnes méthodes. Et pour ce qui nous concerne, on développe, partout où c'est possible, l'administration électronique. Dans mon administration par exemple, en ce qui concerne les impôts, il va y avoir une grande innovation cette année, avec la déclaration pré-remplie, c,est-à-dire que les contribuables vont recevoir, chez eux, la déclaration et n'auront plus qu'à corriger, sur les salaires ou les retraites, si le chiffre est bon ou pas - mais enfin, l'objectif, c,est évidemment qu'il soit bon. Vous voyez que derrière, il y a un gain d'efficacité et de productivité qui est important. Pareil pour la télé-déclaration, l'année dernière, il y avait eu, sinon un bug, beaucoup plus de succès que prévu, puisque l'on attendait 1,5 million de télé-déclarants et que l'on en a eu 3,7 millions. Cette fois-ci, on a ouvert les choses pour que l'on puisse en accueillir jusqu'à 10 millions, donc cela devrait bien aller.
Q- Même chose pour les amendes ! Pour le contrevenant, c'est moins gracieux, mais cela arrive très vite, en tout cas...
R- Ce qui n'est pas agréable, c,est d'avoir un PV. Mais de toute façon, l'idée est que lorsqu'on l'a sur le pare-brise, d'abord, on peut être victime du petit plaisantin qui vous pique le PV ou qui vous met le sien en se disant que comme cela, vous le paierez à sa place. Mais là, c'est sécurisé, la personne le reçoit chez lui, elle est avisée par un papillon sur le pare-brise. En fait, cela ne change strictement rien pour le contrevenant, cela reste très désagréable d'avoir un PV, mais au moins, il n'y a pas de mauvaises surprises. Par contre, les délais de recours sont les mêmes, les conditions de recours sont exactement les mêmes.
Q- Sur le plan pratique, il y a des mesures très concrètes. Quand on déménage et change d'adresse, désormais, il suffit de prévenir une institution et tout le reste suit...
R- Mon objectif dans le domaine est toujours le même : comment fait-on pour utiliser les techniques les plus modernes pour l'administration au service des gens ? D'ici la fin de cette année, on devrait pouvoir atteindre entre 700 et 800 formulaires, qui pourront être mis en ligne, puis la totalité des formulaires à la fin de 'année 2007. Donc vous le voyez, là aussi, on va à marche forcée, parce que cela fait gagner beaucoup de temps à tout le monde ; plutôt que de prendre une demie journée de RTT, pour aller à la préfecture par exemple, désormais, tout cela peut se faire sur Internet.
Q- Vous allez aussi regarder de plus près, dans ces audits, certaines dépenses d'intervention, parce que vous considérez qu,il faut regarder de plus près - par exemple, j,ai vu ça pour les services aux adultes handicapés ou la façon dont fonctionne la gestion des douanes à Roissy... Avez-vous l'intention, comme cela, de mettre votre loupe sur certains domaines très précis ?
R- Oui, il faut bien voir que c'est une commande du Premier ministre, pour que chaque ministre fasse la radiographie de son ministère. Donc tous les audits que 'on lance, c'est sur la proposition des différents ministres. Par exemple, dans la première vague d'audits qui vient de se terminer, le ministre de l'Education nationale a fait faire un audit pour voir combien coûte 'organisation des examens à l'Education nationale, de la même manière que je me suis occupé du coût de la télé-déclaration de l'impôt sur le revenu, et ainsi de suite dans tous les ministères... Même chose, la deuxième vague est encore sur une sphère de dépenses publiques encore plus importante. Sans tabou, on essaie de regarder tout cela et on propose comment faire un meilleur service public.
Q- Ne piquez-vous pas un peu le job de la Cour des comptes ? Traditionnellement, c'est elle qui disait que cela n'allait pas du tout, qu'il y avait du gaspillage... C'est un peu le métier du président Seguin et de ses camarades...
R- Mais chacun a sa mission, et en l'occurrence, la Cour des comptes va continuer de faire son travail. Mais c,est un travail qui est a posteriori. Ce qui m,intéresse, c,est que 'on puisse dès à présent, avec des petites monographies d,une vingtaine de pages, avoir des préconisations de nos corps d,inspection. En plus, il y a le renfort des auditeurs de cabinets privés, qui vont venir nous apporter une expérience complémentaire, et comme ça on va à 'opérationnel et c'est totalement transparent.
Q- Cela veut dire que si demain vous vous rendez compte que le parc automobile coûte trop cher et qu'il faut supprimer les grosses voitures pour investir dans des voitures à bas prix de la maison Renault, c'est une préconisation que vous allez imposer ?
R- J'ai même un exemple très concret avec l'immobilier ; que fait-on sur l'immobilier ? Nous avons engagé un programme de ventes d'immeubles qui sont par exemple en plein coeur de grandes villes, comme Paris par exemple, et de villes de province, qui ne sont pas fonctionnels parce qu'ils sont anciens. On a commencer de les vendre, cela a été le cas tout au long de 'année 2005 et on va continuer cette année, et à la place...
Q- Combien cela peut-il rapporter ?
R- Cela a été un record absolu 'année dernière : nous avons vendu pour 630 millions d'euros de bâtiments qui n'étaient pas du tout adaptés. Je vois l'exemple du bâtiment de l'administration des douanes qui est sous mon autorité, en plein centre de Paris. Nous n'avons vendu et à la place...
Q- C'était rue du Bac, c,est-à-dire le coeur, le plus cher de Paris.
R- Oui, et dans un immeuble qui n,était pas adapté pour une administration moderne. A la place, nous allons reconstruire un nouveau bâtiment, en petite couronne parisienne, où notre administration des douanes va pouvoir travailler dans des conditions beaucoup plus performantes et plus soucieuses des deniers du contribuable, là encore. Donc, on généralise cette politique pour l'ensemble de l'administration de l'Etat.
Q- Rêvons un peu : peut-on imaginer qu'on arrive un jour en France à ce que l'on voit dans les pays nordiques, où il ',y a pas ces magnifiques hôtels particuliers que les ministres se disputent, mais il y a l'immeuble du Gouvernement, avec un étage par ministère. Vous à Bercy, en tout cas, vous n'êtes pas dans un hôtel particulier...
R- On verra bien. Ce dont je peux témoigner, c'est qu'à Bercy, avec T. Breton, nous sommes dans des bâtiments qui sont très fonctionnels pour une administration moderne. C'est vrai qu'en 2006, on est dans des bâtiments, qui sont très bien adaptés. Cela dit, il faut aussi pouvoir accueillir les hôtes étrangers, il y a une fonction de représentation qui est importante. Mais je pense que quand on peut être dans des locaux fonctionnels, c,est quand même plus pratique.
Q- Allez-vous aussi étudier la rentabilité de la fonction publique ? C'est un sujet un peu plus sensible. On sait qu'il y a toujours des départs en retraites annoncés mais en France, on a beaucoup de mal à dire qu'on ne remplace pas ces départs...
R- Ce qui compte, c,est que l'on mette le nombre dont on a besoin pour accomplir le meilleur service public possible. Il y a des endroits où l'on a besoin de plus de monde - on l'a vu dans le domaine de la police, de la justice - et il y a des endroits où l'on a besoin de moins de monde. Et dans l'administration des impôts, lorsque l'on modernise, que l'on informatise, que l'on utilise l'Internet, il faut redéployer. Ce fut le cas pour la réforme de la redevance audiovisuelle. On continue cette année avec Internet, la télé-déclaration, la déclaration pré remplie et ainsi de suite. Là où l'on a besoin de plus de monde, on en recrutera plus, là où l'on a besoin de moins, on en mettra moins. Il est vrai que toutes les études que l'on fait, montre que cela fera plutôt moins chaque année, mais on va surtout le documenter, l'expliquer, parce que je crois que ce que les Français attendent surtout, c,est que l'on mette le nombre de fonctionnaires dont on a besoin pour faire le meilleur service public.
Q- Dès l'an prochain, dans le budget, vous annoncez 2,7 milliards d'économies ; où allez-vous les trouver ?
R- Notamment grâce à ces audits, parce qu'à chaque fois, cela permet des gains de productivité, faire le meilleur service public au meilleur coût, pas au moindre coût : au meilleur coût.
Q- Cela va dire, qu,enfin, la France va être gérer au plus près ?
R- Franchement, toutes les leçons ont été tirées et doivent l'être du rapport de M. Pébereau sur l'endettement de la France. Je crois que maintenant, on est en phase opérationnelle. Le Premier ministre l'a dit la semaine dernière, il a fait une grande conférence des finances publiques, ce qui est inédit, on a mis tout le monde autour de la table et on a dit qui l'on était co-responsable de l'avenir. Eh bien, cela tombe bien, on travaille ensemble.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 janvier 2006