Texte intégral
- Notre pays vient de vivre une période de grandes difficultés.
- Des mouvements sociaux longs et durs ont affecté la vie quotidienne de nos concitoyens.
- Au-delà des raisons spécifiques qui les ont déclenchés, nous avons tous senti, chez les Français, une inquiétude profonde qui a poussé ceux-là même qui continuaient à travailler à montrer de la compréhension aux grévistes et aux manifestants.
- Cette inquiétude, cette véritable angoisse du lendemain qui modifie les comportements du consommateur ou de l'entrepreneur a un nom : le chômage.
- La peur de perdre son emploi, la peur de voir ses enfants ne pas trouver de travail n'épargne pratiquement aucune famille.
- Voilà pourquoi j'ai souhaité que nous nous réunissions aujourd'hui pour un sommet du travail et de l'emploi.
Organisations syndicales, organisations professionnelles, Gouvernement - chacun dans notre domaine de compétence et dans le cadre de nos responsabilités respectives - nous devons mettre en commun nos analyses, nos propositions, notre détermination pour ouvrir des perspectives d'avenir et d'espoir aux Françaises et aux Français.
- Certes, nous avons, depuis des mois, multiplié les initiatives pour nous attaquer aux racines du mal.
Je citerai en particulier :
- le contrat initiative emploi destiné à la réinsertion des chômeurs de longue durée ;
- l'allégement des charges sociales sur les salaires les plus modestes ;
- l'accord paritaire du 14 juin sur l'emploi des jeunes et les mesures d'urgence qui ont été prises par le Gouvernement à la suite de cet accord ;
- la création, le 6 septembre, du fonds paritaire d'intervention pour l'emploi auprès de l'UNEDIC pour permettre le départ sous forme de retraite anticipée des salariés ayant plus de 40 annuités de cotisation ;
- la simplification du système des conventions de coopération de l'UNEDIC permettant l'activation des dépenses passives ;
- plus récemment encore, les accords du 31 octobre sur l'aménagement et la réduction du temps de travail et sur la conclusion d'accords dans les petites et moyennes entreprises ;
- le plan de soutien aux PME-PMI, au commerce et à l'artisanat.
Toutes ces décisions et ces mesures témoignent de la capacité d'innovation et de la diversité d'approche qui ont été déployées pour trouver des remèdes au chômage.
Elles témoignent aussi de la volonté du Gouvernement d'agir en synergie avec les partenaires sociaux. L'accord sur les jeunes a donné lieu, dans les 15 jours qui ont suivi, à la présentation au Parlement du projet de loi qui lui a donné toute sa portée en termes de financement du dispositif d'aide. L'accord du 6 septembre a été repris sous forme de projet de loi qui a été adopté à l'unanimité mardi dernier par l'Assemblée nationale.
- Cela dit, les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances.
Certes nous avons marqué des points dans notre combat contre le chômage de longue durée.
Mais la situation des jeunes ne s'est pas améliorée ; elle s'est même, dans la période récente, dégradée.
- Il faut donc maintenant passer à la vitesse supérieure. Il nous faut faire preuve, ensemble, de plus d'imagination et de plus d'audace !
- Pour mieux organiser notre réflexion, j'ai suggéré d'ouvrir trois chapitres de discussion :
1) La croissance ;
2) L'emploi des jeunes ;
3) Le temps de travail.
Je voudrais faire quelques remarques introductives sur chacun de ces trois chapitres.
I - Et d'abord la croissance
- Sans croissance, pas d'emplois. C'est une condition qui n'est certes pas suffisante mais qui est absolument nécessaire.
- Or la croissance est en train de faiblir.
- Elle faiblit partout en Europe, notamment en Allemagne qui est notre premier partenaire économique.
- Elle faiblit en France pour des raisons objectives mais aussi, et peut-être surtout, parce que le moral des Français est bas, parce que la confiance en l'avenir n'est pas au rendez-vous, parce qu'il résulte de tout cela une chute préoccupante de la consommation.
- Il faut tenir compte de cette réalité. Il faut donc prendre les initiatives qui s'imposent pour alimenter et soutenir la croissance en débloquant la consommation et en encourageant l'investissement.
- J'ai demandé au ministre de l'Économie et des Finances de préparer un ensemble de mesures qui poursuivront quatre objectifs
o déblocage de l'épargne accumulée qui devra être rendue plus disponible pour satisfaire les besoins de consommation ;
o soutien à l'activité dans le domaine du logement, ancien et neuf ;
o allégement des prélèvements sociaux sur les salaires par transfert progressif des cotisations d'assurance-maladie (part salariale) sur la CSG élargie dont l'assiette comportera, comme annoncé, les revenus du capital ;
o une fois mis en place au début de l'an prochain le RDS et les mesures de financement du plan de sauvegarde de la Sécurité sociale, moratoire de tout prélèvement supplémentaire. L'objectif demeure, dès lors que les déficits auront été ramenés dans les limites annoncées, d'engager une politique de réduction progressive de la pression fiscale.
Il va de soi que le cap de la réduction des déficits et de la remise en ordre de nos finances sera tenu. Cette politique nous a d'ores et déjà permis de ramener les taux d'intérêt aux niveaux les plus bas qu'ils aient connus depuis deux décennies. C'est un des facteurs de croissance les plus déterminants. Cette baisse des taux doit se diffuser plus rapidement dans l'ensemble de l'économie. Le Gouvernement agira en ce sens.
II - Deuxième préoccupation, deuxième ambition : l'emploi des jeunes
- Le chômage des jeunes est à un niveau inacceptable, inadmissible.
Au sortir de l'école ou des études supérieures, un quart des jeunes restent en marge de la vie de travail.
Ce n'est pas supportable ni pour les jeunes eux-mêmes, ni pour leurs parents et grands-parents, ni pour la société tout entière. C'est le germe de l'exclusion et de la désarticulation du corps social. C'est aussi un facteur d'affaiblissement de notre économie et de nos entreprises : chacun sait bien que c'est la peur du chômage qui freine la consommation, pousse à l'épargne de précaution, et vide ainsi les carnets de commande. Il faut casser ce cercle infernal.
- Reconnaissons ensemble que les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics ou par les partenaires sociaux, ne marchent pas ou ne suffisent pas.
- Il faut, dans ce domaine plus que dans tout autre, oser et innover.
- Il faut qu'aujourd'hui même Gouvernement et organisations syndicales et professionnelles s'engagent solennellement à insérer dans la vie de travail 250 000 jeunes supplémentaires avant la fin de l'année 1996.
- Il faut donner à cet engagement une valeur contractuelle. Il faut en faire le devoir national d'insertion qui s'impose au Gouvernement, aux collectivités territoriales, aux entreprises, aux associations, à l'ensemble du secteur public, aux partenaires sociaux dans leur ensemble.
- Quelles peuvent être les pistes de travail ?
Il y a d'abord les jeunes sans qualification. Ceux qui sont sortis prématurément du système éducatif, en situation d'échec, et qui n'ont pu accéder aux contrats d'apprentissage et de qualification.
Pour ces jeunes, les dispositifs existants ne fonctionnent pas de manière satisfaisante.
Leur complexité décourage les entreprises, même quand elles seraient prêtes à accueillir certains d'entre eux.
Je souhaite que nous étudions ensemble comment ouvrir à chaque jeune sans qualification un parcours d'insertion adapté à sa situation et débouchant sur l'emploi.
Le devoir national d'insertion doit également se concrétiser en faveur des jeunes qui souhaitent s'engager dans la voie de l'apprentissage et de la formation en alternance. Nous le savons, cette voie offre aux jeunes la possibilité d'acquérir dans les meilleures conditions une expérience professionnelle qui dans l'immense majorité des cas permet un accès rapide à l'emploi. Nous devons ensemble assurer le développement de ces dispositifs pour les prochaines années. C'est tout le sens du projet de réforme du financement de l'apprentissage que M. Jacques BARROT a préparé en constante liaison avec vous.
Les jeunes diplômés, quant à eux, entrent peu dans les dispositifs d'apprentissage et d'alternance. En dépit de leurs études, parfois longues, trop d'entre eux ne trouvent pas d'emploi ou mettent beaucoup trop de temps à le trouver.
Car pendant ces études, le lien avec l'entreprise et le futur emploi est souvent bien mince ou inexistant.
Comment organiser cette première mise en contact du futur diplômé avec l'entreprise ? Comment lui faire connaître l'entreprise en y travaillant ? Comment lui donner une première expérience professionnelle, susceptible d'affiner ses choix ? Ce sont là des questions centrales. Je souhaite que nous y cherchions ensemble des réponses concrètes.
Sur toutes ces idées qui donnent corps au devoir national d'insertion il nous faut maintenant :
- des objectifs chiffrés ;
- des dispositifs innovants, simplifiés et décentralisés ;
- un calendrier ;
- un engagement contractuel entre nous.
III - Troisième thème de notre rencontre d'aujourd'hui : l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Notre société s'est profondément modifiée. L'organisation du travail a pris beaucoup de retard sur cette évolution.
Nos rythmes de travail sont trop souvent hérités du siècle dernier, c'est-à-dire du travail posté dans l'industrie.
L'organisation actuelle ne correspond plus, dans nombre de cas, aux besoins des entreprises.
Elle ne répond pas non plus aux attentes des salariés qui aspirent à un temps mieux choisi, pour mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.
C'est un constat de société, mais c'est aussi un constat économique. Diminuer et mieux organiser le temps de travail, c'est permettre de mieux organiser la vie personnelle, c'est libérer du temps pour soi et pour les autres, c'est donner aussi un souffle nouveau et durable à la consommation.
L'accord signé par les partenaires sociaux le 31 octobre dernier témoigne de votre volonté d'avancer dans cette voie : la voie d'un "mieux-travailler" pour l'entreprise et d'un "mieux-vivre" pour le salarié.
Je souhaite qu'au travers des négociations de branche qui s'engagent, cet accord prenne au plus vite tout son sens.
Ce qui est en jeu, c'est bien la réduction du temps de travail. Non pas aveugle. Non pas administrée, comme notre pays en a déjà fait l'expérience avec toutes ses conséquences négatives. Mais négociée, décentralisée, adaptée à chaque réalité et à chaque situation. Et, par là même, sans doute créatrice d'emplois.
C'est pourquoi le Gouvernement attache la plus grande importance à ce que le processus de négociation issu de l'accord du 31 octobre puisse déboucher de façon concrète et de façon rapide.
Au-delà de cet accord interprofessionnel, qui ouvre la voie à la recherche de solutions propres à chaque secteur d'activité, sous une forme équilibrée et avec des contreparties équitables, nous devons également aller plus loin en matière de temps partiel. Pour que ce dernier ne soit plus contraint mais choisi, nous avons à nous interroger ensemble sur les mesures propres à renforcer sa légitimité, son attractivité, son meilleur usage.
J'ajoute que la nécessité d'aller de l'avant en matière d'organisation et de réduction du temps de travail, vaut pour le secteur public qui doit donner l'exemple.
Les ministres compétents ont déjà pris les contacts nécessaires avec leurs interlocuteurs syndicaux pour ouvrir ce débat.
Mesdames, Messieurs,
Notre rencontre, ce "sommet du travail et de l'emploi", suscite une grande espérance chez nos concitoyens.
Nous ne devons pas la décevoir.
Pour y répondre, nous devons fixer ensemble des orientations précises. J'espère que nous parviendrons ce soir à un relevé de conclusions qui donnera des perspectives concrètes, notamment pour l'emploi des jeunes et pour le temps de travail.
- Mais les Françaises et les Français le comprennent bien : aussi approfondie que soit notre discussion aujourd'hui, elle ne peut être un aboutissement, une conclusion.
Beaucoup reste à faire. Ce sommet doit être un point de départ, le début d'une nouvelle phase de nos relations.
Les mutations de notre société rendent nécessaire le développement d'un dialogue social intense et régulier. D'un dialogue social qui doit s'organiser à tous les niveaux, au niveau national, de chaque branche, de chaque bassin d'emploi et de chaque entreprise.
Je salue ici devant vous la relance du dialogue interprofessionnel qui a été poursuivi depuis le début de l'année. Sa vitalité a déjà permis d'aboutir à la signature de plusieurs accords particulièrement innovants.
Ils me paraissent témoigner de toute la force d'un dialogue social libre et pragmatique, que je crois essentiel à l'effort indispensable de renouveau des idées et des politiques. Privilégier la hardiesse et la nouveauté sur le conservatisme des idées reçues est certes difficile, mais inéluctable. Pour qu'économie et solidarité aillent de pair. Pour que disparaisse le décalage de plus en plus inacceptable entre développement économique et intégration sociale, dont la période récente a été le révélateur.
Cette démarche doit trouver son prolongement au niveau des branches professionnelles, auxquelles incombent une fonction essentielle pour éclairer et cadrer la négociation d'entreprise et pour la suppléer en tant que de besoin.
Le Gouvernement et tous les services de l'État accompagneront, pour leur part, le développement de ce dialogue. Dans le respect de l'autonomie de chacun, je souhaite qu'il se prolonge à intervalles réguliers par une concertation avec les pouvoirs publics.
- C'est pourquoi je vous propose un calendrier de travail.
o Comme nous l'avons déjà annoncé, Jacques Barrot et Hervé Gaymard sont en train d'organiser avec vos représentants la concertation sur la réforme de la Sécurité sociale, afin d'examiner avec vous toutes les questions liées à sa mise en uvre.
o Je suggère que nous convenions en outre de nous rencontrer périodiquement pour suivre les progrès des initiatives en faveur de l'emploi que nous lancerons aujourd'hui et pour aborder tous les autres sujets d'intérêt commun.
Je vous propose, par exemple, trois rendez-vous d'ici à l'été que nous pourrions consacrer à l'emploi des jeunes, à la politique familiale et au temps de travail.
- Mais il nous faut plus qu'un calendrier. Il nous faut une volonté.
J'ai récemment utilisé les mots de compréhension et réconciliation.
Nous avons eu des moments difficiles : des moments de tension. Je suis parfaitement conscient que de fortes divergences subsistent entre nous. Nous les constaterons encore aujourd'hui.
Mais au moins pourrions-nous affirmer, entre nous et devant les Français, notre ferme volonté de chercher des solutions par le dialogue, la concertation, la négociation.
C'est la détermination du Gouvernement tout entier et la mienne.
Je pense qu'en donnant ce soir ce signal aux Français, à la veille de la trêve de Noël et des fêtes de fin d'année, nous leur donnerions aussi un signal d'espérance.
Ce qui manque le plus à la France, c'est l'espérance, c'est la confiance dans l'avenir, c'est la perspective de la réussite. Nous ne pourrons pas lui dire, ce soir, que tous les problèmes sont réglés. Nous n'aurons pas le droit de lui cacher nos désaccords. Mais nous avons sans doute le devoir de lui montrer que nous sommes ensemble, décidés à le rester, dans le respect et la bonne volonté mutuels.
Alors ce sommet du travail et de l'emploi sera aussi une rencontre de l'espérance.
- Des mouvements sociaux longs et durs ont affecté la vie quotidienne de nos concitoyens.
- Au-delà des raisons spécifiques qui les ont déclenchés, nous avons tous senti, chez les Français, une inquiétude profonde qui a poussé ceux-là même qui continuaient à travailler à montrer de la compréhension aux grévistes et aux manifestants.
- Cette inquiétude, cette véritable angoisse du lendemain qui modifie les comportements du consommateur ou de l'entrepreneur a un nom : le chômage.
- La peur de perdre son emploi, la peur de voir ses enfants ne pas trouver de travail n'épargne pratiquement aucune famille.
- Voilà pourquoi j'ai souhaité que nous nous réunissions aujourd'hui pour un sommet du travail et de l'emploi.
Organisations syndicales, organisations professionnelles, Gouvernement - chacun dans notre domaine de compétence et dans le cadre de nos responsabilités respectives - nous devons mettre en commun nos analyses, nos propositions, notre détermination pour ouvrir des perspectives d'avenir et d'espoir aux Françaises et aux Français.
- Certes, nous avons, depuis des mois, multiplié les initiatives pour nous attaquer aux racines du mal.
Je citerai en particulier :
- le contrat initiative emploi destiné à la réinsertion des chômeurs de longue durée ;
- l'allégement des charges sociales sur les salaires les plus modestes ;
- l'accord paritaire du 14 juin sur l'emploi des jeunes et les mesures d'urgence qui ont été prises par le Gouvernement à la suite de cet accord ;
- la création, le 6 septembre, du fonds paritaire d'intervention pour l'emploi auprès de l'UNEDIC pour permettre le départ sous forme de retraite anticipée des salariés ayant plus de 40 annuités de cotisation ;
- la simplification du système des conventions de coopération de l'UNEDIC permettant l'activation des dépenses passives ;
- plus récemment encore, les accords du 31 octobre sur l'aménagement et la réduction du temps de travail et sur la conclusion d'accords dans les petites et moyennes entreprises ;
- le plan de soutien aux PME-PMI, au commerce et à l'artisanat.
Toutes ces décisions et ces mesures témoignent de la capacité d'innovation et de la diversité d'approche qui ont été déployées pour trouver des remèdes au chômage.
Elles témoignent aussi de la volonté du Gouvernement d'agir en synergie avec les partenaires sociaux. L'accord sur les jeunes a donné lieu, dans les 15 jours qui ont suivi, à la présentation au Parlement du projet de loi qui lui a donné toute sa portée en termes de financement du dispositif d'aide. L'accord du 6 septembre a été repris sous forme de projet de loi qui a été adopté à l'unanimité mardi dernier par l'Assemblée nationale.
- Cela dit, les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances.
Certes nous avons marqué des points dans notre combat contre le chômage de longue durée.
Mais la situation des jeunes ne s'est pas améliorée ; elle s'est même, dans la période récente, dégradée.
- Il faut donc maintenant passer à la vitesse supérieure. Il nous faut faire preuve, ensemble, de plus d'imagination et de plus d'audace !
- Pour mieux organiser notre réflexion, j'ai suggéré d'ouvrir trois chapitres de discussion :
1) La croissance ;
2) L'emploi des jeunes ;
3) Le temps de travail.
Je voudrais faire quelques remarques introductives sur chacun de ces trois chapitres.
I - Et d'abord la croissance
- Sans croissance, pas d'emplois. C'est une condition qui n'est certes pas suffisante mais qui est absolument nécessaire.
- Or la croissance est en train de faiblir.
- Elle faiblit partout en Europe, notamment en Allemagne qui est notre premier partenaire économique.
- Elle faiblit en France pour des raisons objectives mais aussi, et peut-être surtout, parce que le moral des Français est bas, parce que la confiance en l'avenir n'est pas au rendez-vous, parce qu'il résulte de tout cela une chute préoccupante de la consommation.
- Il faut tenir compte de cette réalité. Il faut donc prendre les initiatives qui s'imposent pour alimenter et soutenir la croissance en débloquant la consommation et en encourageant l'investissement.
- J'ai demandé au ministre de l'Économie et des Finances de préparer un ensemble de mesures qui poursuivront quatre objectifs
o déblocage de l'épargne accumulée qui devra être rendue plus disponible pour satisfaire les besoins de consommation ;
o soutien à l'activité dans le domaine du logement, ancien et neuf ;
o allégement des prélèvements sociaux sur les salaires par transfert progressif des cotisations d'assurance-maladie (part salariale) sur la CSG élargie dont l'assiette comportera, comme annoncé, les revenus du capital ;
o une fois mis en place au début de l'an prochain le RDS et les mesures de financement du plan de sauvegarde de la Sécurité sociale, moratoire de tout prélèvement supplémentaire. L'objectif demeure, dès lors que les déficits auront été ramenés dans les limites annoncées, d'engager une politique de réduction progressive de la pression fiscale.
Il va de soi que le cap de la réduction des déficits et de la remise en ordre de nos finances sera tenu. Cette politique nous a d'ores et déjà permis de ramener les taux d'intérêt aux niveaux les plus bas qu'ils aient connus depuis deux décennies. C'est un des facteurs de croissance les plus déterminants. Cette baisse des taux doit se diffuser plus rapidement dans l'ensemble de l'économie. Le Gouvernement agira en ce sens.
II - Deuxième préoccupation, deuxième ambition : l'emploi des jeunes
- Le chômage des jeunes est à un niveau inacceptable, inadmissible.
Au sortir de l'école ou des études supérieures, un quart des jeunes restent en marge de la vie de travail.
Ce n'est pas supportable ni pour les jeunes eux-mêmes, ni pour leurs parents et grands-parents, ni pour la société tout entière. C'est le germe de l'exclusion et de la désarticulation du corps social. C'est aussi un facteur d'affaiblissement de notre économie et de nos entreprises : chacun sait bien que c'est la peur du chômage qui freine la consommation, pousse à l'épargne de précaution, et vide ainsi les carnets de commande. Il faut casser ce cercle infernal.
- Reconnaissons ensemble que les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics ou par les partenaires sociaux, ne marchent pas ou ne suffisent pas.
- Il faut, dans ce domaine plus que dans tout autre, oser et innover.
- Il faut qu'aujourd'hui même Gouvernement et organisations syndicales et professionnelles s'engagent solennellement à insérer dans la vie de travail 250 000 jeunes supplémentaires avant la fin de l'année 1996.
- Il faut donner à cet engagement une valeur contractuelle. Il faut en faire le devoir national d'insertion qui s'impose au Gouvernement, aux collectivités territoriales, aux entreprises, aux associations, à l'ensemble du secteur public, aux partenaires sociaux dans leur ensemble.
- Quelles peuvent être les pistes de travail ?
Il y a d'abord les jeunes sans qualification. Ceux qui sont sortis prématurément du système éducatif, en situation d'échec, et qui n'ont pu accéder aux contrats d'apprentissage et de qualification.
Pour ces jeunes, les dispositifs existants ne fonctionnent pas de manière satisfaisante.
Leur complexité décourage les entreprises, même quand elles seraient prêtes à accueillir certains d'entre eux.
Je souhaite que nous étudions ensemble comment ouvrir à chaque jeune sans qualification un parcours d'insertion adapté à sa situation et débouchant sur l'emploi.
Le devoir national d'insertion doit également se concrétiser en faveur des jeunes qui souhaitent s'engager dans la voie de l'apprentissage et de la formation en alternance. Nous le savons, cette voie offre aux jeunes la possibilité d'acquérir dans les meilleures conditions une expérience professionnelle qui dans l'immense majorité des cas permet un accès rapide à l'emploi. Nous devons ensemble assurer le développement de ces dispositifs pour les prochaines années. C'est tout le sens du projet de réforme du financement de l'apprentissage que M. Jacques BARROT a préparé en constante liaison avec vous.
Les jeunes diplômés, quant à eux, entrent peu dans les dispositifs d'apprentissage et d'alternance. En dépit de leurs études, parfois longues, trop d'entre eux ne trouvent pas d'emploi ou mettent beaucoup trop de temps à le trouver.
Car pendant ces études, le lien avec l'entreprise et le futur emploi est souvent bien mince ou inexistant.
Comment organiser cette première mise en contact du futur diplômé avec l'entreprise ? Comment lui faire connaître l'entreprise en y travaillant ? Comment lui donner une première expérience professionnelle, susceptible d'affiner ses choix ? Ce sont là des questions centrales. Je souhaite que nous y cherchions ensemble des réponses concrètes.
Sur toutes ces idées qui donnent corps au devoir national d'insertion il nous faut maintenant :
- des objectifs chiffrés ;
- des dispositifs innovants, simplifiés et décentralisés ;
- un calendrier ;
- un engagement contractuel entre nous.
III - Troisième thème de notre rencontre d'aujourd'hui : l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Notre société s'est profondément modifiée. L'organisation du travail a pris beaucoup de retard sur cette évolution.
Nos rythmes de travail sont trop souvent hérités du siècle dernier, c'est-à-dire du travail posté dans l'industrie.
L'organisation actuelle ne correspond plus, dans nombre de cas, aux besoins des entreprises.
Elle ne répond pas non plus aux attentes des salariés qui aspirent à un temps mieux choisi, pour mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.
C'est un constat de société, mais c'est aussi un constat économique. Diminuer et mieux organiser le temps de travail, c'est permettre de mieux organiser la vie personnelle, c'est libérer du temps pour soi et pour les autres, c'est donner aussi un souffle nouveau et durable à la consommation.
L'accord signé par les partenaires sociaux le 31 octobre dernier témoigne de votre volonté d'avancer dans cette voie : la voie d'un "mieux-travailler" pour l'entreprise et d'un "mieux-vivre" pour le salarié.
Je souhaite qu'au travers des négociations de branche qui s'engagent, cet accord prenne au plus vite tout son sens.
Ce qui est en jeu, c'est bien la réduction du temps de travail. Non pas aveugle. Non pas administrée, comme notre pays en a déjà fait l'expérience avec toutes ses conséquences négatives. Mais négociée, décentralisée, adaptée à chaque réalité et à chaque situation. Et, par là même, sans doute créatrice d'emplois.
C'est pourquoi le Gouvernement attache la plus grande importance à ce que le processus de négociation issu de l'accord du 31 octobre puisse déboucher de façon concrète et de façon rapide.
Au-delà de cet accord interprofessionnel, qui ouvre la voie à la recherche de solutions propres à chaque secteur d'activité, sous une forme équilibrée et avec des contreparties équitables, nous devons également aller plus loin en matière de temps partiel. Pour que ce dernier ne soit plus contraint mais choisi, nous avons à nous interroger ensemble sur les mesures propres à renforcer sa légitimité, son attractivité, son meilleur usage.
J'ajoute que la nécessité d'aller de l'avant en matière d'organisation et de réduction du temps de travail, vaut pour le secteur public qui doit donner l'exemple.
Les ministres compétents ont déjà pris les contacts nécessaires avec leurs interlocuteurs syndicaux pour ouvrir ce débat.
Mesdames, Messieurs,
Notre rencontre, ce "sommet du travail et de l'emploi", suscite une grande espérance chez nos concitoyens.
Nous ne devons pas la décevoir.
Pour y répondre, nous devons fixer ensemble des orientations précises. J'espère que nous parviendrons ce soir à un relevé de conclusions qui donnera des perspectives concrètes, notamment pour l'emploi des jeunes et pour le temps de travail.
- Mais les Françaises et les Français le comprennent bien : aussi approfondie que soit notre discussion aujourd'hui, elle ne peut être un aboutissement, une conclusion.
Beaucoup reste à faire. Ce sommet doit être un point de départ, le début d'une nouvelle phase de nos relations.
Les mutations de notre société rendent nécessaire le développement d'un dialogue social intense et régulier. D'un dialogue social qui doit s'organiser à tous les niveaux, au niveau national, de chaque branche, de chaque bassin d'emploi et de chaque entreprise.
Je salue ici devant vous la relance du dialogue interprofessionnel qui a été poursuivi depuis le début de l'année. Sa vitalité a déjà permis d'aboutir à la signature de plusieurs accords particulièrement innovants.
Ils me paraissent témoigner de toute la force d'un dialogue social libre et pragmatique, que je crois essentiel à l'effort indispensable de renouveau des idées et des politiques. Privilégier la hardiesse et la nouveauté sur le conservatisme des idées reçues est certes difficile, mais inéluctable. Pour qu'économie et solidarité aillent de pair. Pour que disparaisse le décalage de plus en plus inacceptable entre développement économique et intégration sociale, dont la période récente a été le révélateur.
Cette démarche doit trouver son prolongement au niveau des branches professionnelles, auxquelles incombent une fonction essentielle pour éclairer et cadrer la négociation d'entreprise et pour la suppléer en tant que de besoin.
Le Gouvernement et tous les services de l'État accompagneront, pour leur part, le développement de ce dialogue. Dans le respect de l'autonomie de chacun, je souhaite qu'il se prolonge à intervalles réguliers par une concertation avec les pouvoirs publics.
- C'est pourquoi je vous propose un calendrier de travail.
o Comme nous l'avons déjà annoncé, Jacques Barrot et Hervé Gaymard sont en train d'organiser avec vos représentants la concertation sur la réforme de la Sécurité sociale, afin d'examiner avec vous toutes les questions liées à sa mise en uvre.
o Je suggère que nous convenions en outre de nous rencontrer périodiquement pour suivre les progrès des initiatives en faveur de l'emploi que nous lancerons aujourd'hui et pour aborder tous les autres sujets d'intérêt commun.
Je vous propose, par exemple, trois rendez-vous d'ici à l'été que nous pourrions consacrer à l'emploi des jeunes, à la politique familiale et au temps de travail.
- Mais il nous faut plus qu'un calendrier. Il nous faut une volonté.
J'ai récemment utilisé les mots de compréhension et réconciliation.
Nous avons eu des moments difficiles : des moments de tension. Je suis parfaitement conscient que de fortes divergences subsistent entre nous. Nous les constaterons encore aujourd'hui.
Mais au moins pourrions-nous affirmer, entre nous et devant les Français, notre ferme volonté de chercher des solutions par le dialogue, la concertation, la négociation.
C'est la détermination du Gouvernement tout entier et la mienne.
Je pense qu'en donnant ce soir ce signal aux Français, à la veille de la trêve de Noël et des fêtes de fin d'année, nous leur donnerions aussi un signal d'espérance.
Ce qui manque le plus à la France, c'est l'espérance, c'est la confiance dans l'avenir, c'est la perspective de la réussite. Nous ne pourrons pas lui dire, ce soir, que tous les problèmes sont réglés. Nous n'aurons pas le droit de lui cacher nos désaccords. Mais nous avons sans doute le devoir de lui montrer que nous sommes ensemble, décidés à le rester, dans le respect et la bonne volonté mutuels.
Alors ce sommet du travail et de l'emploi sera aussi une rencontre de l'espérance.