Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les relations bilatérales et la coopération franco-colombienne, la négociation d'un accord humanitaire pour la libération des otages colombiens, Bogota le 26 janvier 2006.

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Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy en Colombie le 26 janvier 2006 : allocution à l'occasion du déjeuner avec son homologue colombienne Carolina Barco, à Bogota le 26

Texte intégral

Madame le Ministre,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Comme je vous l'avais promis il y a quelques mois, Madame le Ministre, me voici aujourd'hui à Bogota.
En ce début d'année, que j'espère porteuse de bonheur, de paix et de succès pour les Colombiens et la Colombie, je me réjouis vivement d'être ici, entouré de tant d'amis de la France, désireux de construire ensemble une communauté plus volontaire, plus solidaire et plus active pour résoudre les grands problèmes qui sont ceux, non seulement de nos deux pays, mais aussi d'un monde de plus en plus interdépendant et exposé aux mêmes défis.
L'héritage commun de nos deux peuples est riche de valeurs fortes, d'une culture et d'une langue latine métissées au fil des siècles d'apports les plus créatifs, riches aussi d'échanges et de mouvements de solidarité, en particulier dans les moments difficiles de nos histoires respectives.
Ce sont autant d'atouts pour affronter les défis des temps présents.
- La démocratie et la défense des Droits de l'Homme sont, sans cesse et partout, menacés dans le monde. Personne n'a le droit de s'ériger en donneur de leçons sur ce thème et tous les pays ont le devoir de travailler ensemble pour lutter contre les menaces des terroristes, des mafias, des exploiteurs et des trafiquants. Le fléau majeur du trafic de drogue à partir de la Colombie, qui en génère beaucoup d'autres, ici et ailleurs, est clairement une responsabilité commune de tous les principaux pays impliqués, du producteur au consommateur.
Nous avons ensemble, Français et Colombiens, depuis plusieurs mois, engagé des actions de coopération dans ce domaine. Il nous faut maintenant redoubler d'efforts.
- La prolifération des conflits dans le monde reste malheureusement à l'ordre du jour et la multiplication des armes un autre fléau à combattre. Permettez-moi, Madame le Ministre, de saluer ici les efforts des autorités colombiennes pour éliminer, en Colombie et dans le monde, les mines anti-personnel qui continuent à faire tant de victimes innocentes.
Nous avons aujourd'hui d'autres défis à relever dans ce domaine, et celui que nous pose la mauvaise initiative récente de l'Iran n'est pas le moindre.
- La lutte contre la pauvreté dans le monde requiert plus que jamais une mobilisation générale et une conjugaison d'actions les plus diverses. Comme vous le savez, La France vient de lancer une initiative pour recueillir des fonds à cet usage, en taxant les billets d'avion. Plusieurs pays soutiennent cette initiative qui, je l'espère, obtiendra bientôt également l'appui de la Colombie.
- Dans le domaine culturel, nous avons d'autres devoirs pour préserver la richesse que constitue pour notre planète la variété des cultures et des langues.
Le traité qui vient d'être signé à l'UNESCO à Paris reflète cette volonté de la quasi-totalité des pays, dont la Colombie, de protéger la diversité culturelle de notre planète, notamment contre les effets rapides de la mondialisation du commerce.
- Sans vouloir être exhaustif, permettez-moi, Madame le Ministre, de souligner un autre terrain sur lequel notre vigilance s'impose plus que jamais, celui de l'environnement et du développement durable. La France en a fait une des priorités de son action internationale et beaucoup reste à réaliser.
L'Amazonie est évidemment au coeur de nos préoccupations, d'autant que la Guyane française est un territoire amazonien, ce qui explique notre volonté d'être présents en tant qu'observateur permanent au sein de l'Organisation du Traité de coopération amazonien (OTCA).
En mentionnant la Guyane française ? et en restant sur ce continent américain ? je ne saurais oublier nos autres départements français de la Martinique et de la Guadeloupe, qui nous rapprochent tout autant de la Colombie.
Pour être encore plus près, il faut constater et souligner la forte présence de la France en Colombie qui, mieux que des discours, traduit l'hospitalité des Colombiens et la confiance des Français en l'avenir de ce pays. Plus de 2.000 Français ont choisi de vivre en Colombie, plus de 80 entreprises françaises sont heureuses d'y travailler avec des dizaines de milliers de Colombiens. La France ici est le 3ème investisseur étranger. Trois lycées français, onze alliances franco-colombiennes, témoignent également de la richesse de nos relations culturelles et plus de 2.000 Colombiens suivent des études supérieures en France, ce qui en fait la première communauté d'Amérique latine dans nos universités. Ne croyez pas, pourtant, que cet attrait soit à sens unique et que nous ne connaissons en France que Shakira, Juanes, Botero, Garcia-Marquez, Yepes et Juan Pablo Montoya : le prochain salon du livre en France a choisi de faire de la Colombie son invité d'honneur en 2006.
La "Semaine française" qui s'est tenue pour la première fois en Colombie il y a trois mois à Bogota, Medellin et Cali, et qui a compté plus de quarante manifestations dans tous les domaines, économiques, techniques et culturels, a voulu montrer une France moderne et a reçu un accueil et un soutien remarquables dans ces trois villes. La France moderne, avec ses partenaires européens, c'est aussi le nouvel Airbus A380 qui vient de remporter à Medellin - m'a-t-on dit ? un succès populaire aussi grand qu'à Toulouse lors de son premier vol.
C'est sur des bases aussi ambitieuses que doivent se développer les relations entre nos deux pays. Le terrain économique est évidemment essentiel et il revient aux responsables politiques que nous sommes de créer les conditions les plus favorables. Je souhaite que nous parvenions à signer rapidement un accord bilatéral de protection des investissements.
Il me reste enfin un point important à évoquer, un point qui ne vous surprendra pas. Je veux parler de la vie et de la liberté, de l'homme et de sa dignité, qui donnent un sens et une raison d'être à notre action diplomatique et à tous les combats que je viens d'évoquer.
Je veux parler des séquestrés - de tous les séquestrés - et de la nécessité d'obtenir leur libération en négociant rapidement un accord humanitaire. Il s'agit pour les Autorités colombiennes et les FARC de s'asseoir autour d'une table et de se mettre d'accord pour libérer les otages et prisonniers. La France, l'Espagne et la Suisse ont travaillé avec l'indépendance et la discrétion nécessaires pour élaborer une proposition sérieuse. Les Autorités colombiennes ont aussitôt donné leur accord, et nous continuerons de faire tout ce qui est en notre pouvoir de facilitateur pour amener les FARC à la table de négociation.
Il n'y aura pas de perdant dans un accord humanitaire, mais au contraire une grande allégresse des familles et un vent d'espoir pour la paix en Colombie que toute la communauté internationale ? la France en premier ? appelle de ses voeux.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 janvier 2006