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Q - Vous êtes la ministre déléguée aux Affaires européennes. La semaine dernière, vous avez rencontré des élèves de seconde d'Issy-les-Moulineaux pour discuter des Affaires européennes. Idem aujourd'hui pour les plus grands, les parlementaires français. Ils ne connaissent pas assez l'Europe ?
R - Je récuse cette appréciation. Ils sont assez grands pour venir à Bruxelles. Mais si je peux les aider à mieux connaître l'Europe et à mieux la comprendre, c'est aussi mon travail. L'objectif est d'essayer de faire que l'Europe soit mieux connue. Il y a une trop grande coupure entre les parlementaires nationaux, les parlementaires européens, entre notre pays et les institutions européennes. Je crois qu'il y a cet énorme besoin de contacts, d'explications et que mieux connaître les choses aide à les comprendre.
Q - Trop grande coupure, vous nous dites, Madame Colonna, la semaine dernière, le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, lorsqu'il avait reçu José-Manuel Barroso, expliquait : "l'Europe ne répond plus aux attentes des citoyens".
R - On nous demande toujours davantage. Je crois qu'il faut voir cela comme un signe positif. Aujourd'hui, des problèmes apparaissent et conduisent les citoyens français et les citoyens européens à se dire : "que peut faire l'Europe pour nous ?" Il y a cette formidable attente, à nous de savoir y répondre. La question de la mondialisation n'est pas nouvelle, mais on voit qu'aujourd'hui, on se tourne vers l'Europe pour être, aussi, une réponse à la mondialisation.
Q - Vous nous dites : "l'Europe nous aide". Vous dites aussi qu'il y a une trop grande coupure. Quand on voit l'actualité, encore ces questions de TVA qui peuvent heurter les restaurateurs, les professionnels du bâtiment, reconnaissez que c'est toujours compliqué. Pourquoi est-ce qu'il y aurait un taux de TVA en France différent de celui de la République tchèque ou de la Pologne ? On ne comprend pas toujours.
R - Il se trouve que les textes européens actuels, qui ont été faits il y a plus d'une vingtaine d'années, ne sont peut-être pas adaptés à la situation d'aujourd'hui. Tant qu'ils ne sont pas modifiés, il faut jouer selon les règles. La question de la prorogation du taux de TVA pour le bâtiment et les services à la personne n'est pas encore complètement réglée. Je souhaite qu'elle le soit. Personne n'a de problèmes avec le maintien du taux réduit pour le bâtiment en France, mais certains pays avaient d'autres demandes et ils essayent de les faire passer. Nous avons progressé au cours du week-end puisque, aussi bien la République tchèque que Chypre - qui faisaient partie de ces pays - se sont ralliés au projet d'accord qui est sur la table. Il reste maintenant à la Pologne de prendre une décision. Le gouvernement polonais se réunit aujourd'hui et il a jusqu'à demain pour donner sa réponse.
Q - Il y a une incompréhension sur le mode de fonctionnement européen, notamment sur la prise de décision. Il y a aussi parfois cette image trop libérale que donne l'Europe, notamment la Commission européenne. C'est l'un des reproches des partisans du "non" lors du référendum raté du 29 mai. On voit ce qui se passe avec la tentative d'OPA de Mittal, le géant mondial, sur Arcelor. Le PDG de Mittal va rencontrer la commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes, mercredi, l'opposition et le parti socialiste disent que le gouvernement doit saisir la Commission européenne. Dans ce contexte, que peut faire la Commission, l'Union européenne, dans ce dossier Arcelor ?
R - Il est évident que pour une opération de ce type, il faut s'assurer qu'il y a un projet industriel sérieux et que celui-ci permet de recueillir l'adhésion de toutes les parties concernées : les salariés, les collectivités locales, les Etats et l'Union européenne. C'est ce travail qu'il faudra faire. Nous serons extrêmement vigilants. C'est le début d'un processus.
Q - Mais la Commission a son mot à dire ?
R - Oui, l'Union européenne a son mot à dire parce que l'Union fonctionne selon un certain nombre de règles. La Commission les fait respecter, parfois sévèrement à l'intérieur de l'Union, elle doit exercer le même contrôle dans un cas comme celui-ci.
Q - Vous expliquiez récemment que vous vouliez faire de l'Europe un acteur majeur de la mondialisation. Un mariage Thyssen Krupps - Arcelor aurait été mieux à vos yeux que cette prise de contrôle d'Arcelor par l'Indien Mittal ?
R - Je n'ai pas à juger des choix qui sont des choix d'entreprises. Les règles du marché doivent s'appliquer, mais telles que nous les entendons au sein de l'Union européenne.
Q - Dernière question Catherine Colonna, ce dilemme pour l'Union européenne, à propos des élections palestiniennes. Comment aider les Palestiniens sans financer le Hamas ? Angela Merkel, qui se trouve dans la région, a souligné que si le Hamas ne changeait pas ses positions, positions radicales, terroristes, il lui paraissait impensable que l'Autorité palestinienne soit soutenue par des fonds européens. Votre avis ?
R - Le président de la République a exprimé la même chose, en indiquant que, pour que la coopération avec l'Union européenne se poursuive, il fallait que le prochain gouvernement palestinien respecte un certain nombre de principes, qui sont évidents, mais qu'il faut rappeler un par un : la renonciation à la violence, la reconnaissance de l'Etat d'Israël et le respect des accords de paix. Aujourd'hui, il n'y a pas encore de gouvernement constitué et on ne sait d'ailleurs pas exactement qui le fondera. C'est la raison pour laquelle il faut, en effet, poser très clairement les principes. Dans le comportement qu'auront les Européens, il leur reviendra de juger ce que fait le prochain gouvernement palestinien au regard de ces principes. Il y a un lien entre les deux.
Q - Et de continuer à donner de l'argent si vous avez des garanties ?
R - Pour autant que ces principes soient respectés.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2006