Texte intégral
Mesdames, Messieurs
Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis extrêmement heureux avec Jean-François COPE de vous recevoir à Bercy pour cette première réunion de la Conférence Nationale des Finances Publiques sous la présidence du Premier Ministre, Dominique de Villepin.
Je n'ai pas besoin de souligner auprès de vous l'importance que j'attache à la réunion d'aujourd'hui. Depuis plusieurs mois, j'ai eu l'occasion de marquer ma conviction profonde que nous devions collectivement prendre conscience de la situation très sérieuse des comptes de la Nation au regard des tendances lourdes qui affectent notre société, au premier rang desquelles le vieillissement démographique.
Trois enjeux décisifs sont en effet liés à nos discussions et à nos décisions d'aujourd'hui :
- la croissance, car une croissance durable et solide repose sur la confiance et il n'y aurait pas de confiance dans l'avenir si nos concitoyens en venaient à penser que nos finances sont hors de contrôle ;
- le financement pérenne de notre modèle social et de nos valeurs de solidarité ;
- l'équité intergénérationnelle, car les générations futures, qui financeront déjà une lourde charge au titre des régimes de retraite, ne doivent pas de surcroît porter le remboursement de nos dépenses de fonctionnement courant.
Afin d'engager nos travaux d'aujourd'hui, le Premier Ministre m'a demandé de présenter brièvement :
* les principaux éléments du constat d'ensemble : je m'appuierai pour ce faire très largement sur le récent rapport sur la dette publique rendu par la Commission présidée par M. Michel PEBEREAU, qui est d'ailleurs ici présent ;
* les grands axes de notre programme de stabilité qui doit être envoyé à la Commission européenne en application des règles du Pacte de stabilité et de croissance. Je rappelle que ce document couvre en glissement des périodes de 3 ans et, dans une définition large, couvre l'ensemble des comptes publics, c'est-à-dire ceux dont nous avons collectivement la charge autour de cette table. Chaque Etat doit y indiquer les principaux éléments de sa trajectoire de finances publiques et la manière dont il entend converger pour respecter ses engagements en terme de dette et de déficit public.
Cette brève intervention se fera autour du commentaire d'un certain nombre de graphiques.
- Constat -
[slide 1 : Evolution de la dette sur 25 ans ]
La dette de la France reflète 25 ans de déficits publics consécutifs. Elle devrait avoir atteint 1 117 Mdeuros environ fin 2005 contre 92 Mdeuros en 1980. Cela représente 66 % de la richesse créée chaque année (PIB) contre 20 % en 1980, soit plus d'un triplement !
Par ailleurs, l'Etat a des engagements « implicites », notamment les engagements pour payer les retraites de ses fonctionnaires. Ils sont connus. Leur estimation peut cependant varier selon les conventions retenues. La commission Pébereau valide un ordre de grandeur compris entre 450 et 900 Mdeuros.
[slide 2 : Comparaison avec nos partenaires européens]
Surtout, et c'est ce que montre notamment la mission PEBEREAU, la tendance récente de notre dette par rapport à celle de nos partenaires européens n'est pas satisfaisante : alors que, sur les dix dernières années, le poids de la dette dans le PIB a reculé parfois fortement dans la plupart des pays européens (10 % du PIB pour le Royaume-Uni, 17 % du PIB pour l'Espagne, 24 % du PIB pour les Pays Bas), l'endettement a progressé de 10 points en France !
De ce point de vue, la dette publique est une vraie « coupe géologique », une sorte de « livre d'histoire économique » qui révèle les conséquences financières très pénalisantes de certains grands choix de politique économique réalisés pendant les 25 dernières années. Les 2 slides qui suivent illustrent 2 choix économiques malheureux, d'une certaine manière en contresens par rapport à l'histoire économique récente, et qui expliquent une partie des évolutions "anormales" de la dette en France par rapport à nos voisins.
[slide 3 : croissance et déficit public]
D'abord, nous n'avons pas été suffisamment vertueux pendant les périodes de forte croissance, car nous n'en avons pas profité pour nous désendetter : par exemple, entre 1997 et 2001, la France a bénéficié d'un environnement européen et mondial exceptionnel qui lui a permis d'avoir une croissance robuste (en moyenne 3 % par an, soit 15 % en cumulé sur 5 ans). Cette embellie a généré des recettes fiscales exceptionnellement bonnes qui auraient du permettre de désendetter massivement le pays, ce qui n'a pas été le cas.
[slide 4 : Dette publique et nombre d'heures travaillées]
Autre choix économique déterminant, celui de travailler moins alors que l'environnement démographique et la demande sociale plaidaient au contraire pour travailler plus. Ainsi, le nombre d'heures travaillées a baissé de plus de 300 heures par an et par employé depuis 25 ans dans notre pays! C'est ce supplément d'activité qui nous a manqué pour pouvoir financer, sur notre budget courant, certains des choix socioéconomiques généreux que nous avons faits. Par conséquent, nous avons du les financer à crédit sur les générations futures. Mais comme je le rappelais au début de mon intervention, la solidarité intergénérationnelle est aujourd'hui poussée aux limites de la rupture : il faut impérativement revenir rapidement à une situation plus normale.
[slide 5 : Part des dépenses publiques dans la richesse créée]
Ces choix nous ont d'ailleurs amené à augmenter fortement nos dépenses publiques. Au point qu'aujourd'hui, n os dépenses publiques en part de la richesse créée sont les plus élevées des grands pays de l'OCDE : 53,5 % en 2004 contre 40,8 % en moyenne dans l'OCDE, la plupart des pays européens se situant en dessous de 50 %. Sur ce plan, nos marges de manoeuvre apparaissent donc aujourd'hui presque inexistantes !
[slide 6 : Part des prélèvements obligatoires dans la richesse créée]
Et ce d'autant plus que, dans le même temps, notre pression fiscale est aussi la plus élevée des grands pays de l'OCDE : avec un taux de 43,4 % en 2004, nous nous situons très au-dessus de la moyenne de l'OCDE à 36,3 %. Cet écart crée une exigence d'excellence dans la qualité de notre environnement économique, infrastructures et services publics, mais aussi par conséquent de nos dépenses publiques. Et, comme le souligne le rapport de la mission Pébereau, le niveau de nos prélèvements rend difficile la possibilité de les augmenter.
- Pourquoi réduire la dette ? -
Cet endettement croissant, c'est d'abord une dérive par rapport à nos engagements et nos partenaires européens. Or, nous sommes tous aujourd'hui dans le même bateau de l'euro : nous dépendons tous de la bonne gestion financière des uns et des autres. Construire l'Europe, c'est aussi jouer le jeu de la coopération entre pays membres ! Nous devons donc tout faire pour revenir dans la norme que nous avons collectivement fixée.
[slide 7 : réduire la dette pour réduire les contraintes budgétaires]
Mais la dette, c'est aussi aujourd'hui une contrainte budgétaire forte, en raison de l'effet « boule de neige » de la charge d'intérêt : le seul paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations publiques, soit environ 45 milliards d'euros engloutit chaque année pratiquement le produit de l'impôt sur le revenu.
Sans ces charges, qui représentent près de 3 % du PIB, les comptes publics français seraient presque à l'équilibre l'an prochain ! Par ailleurs, la taille de notre dette fragilise nos comptes en période de hausse de taux d'intérêt, comme le montre le graphique.
[slide 8 : la dette évince les bonnes dépenses]
La dette crée évidemment des effets d'éviction des « bonnes » dépenses ! En absorbant exagérément l'épargne domestique, elle prive notre économie d'investissements porteurs de croissance et qui préparent l'avenir. En amputant aussi les marges de manoeuvre du budget de l'Etat elle réduit sa capacité à encourager l'investissement et la R &D ou encore à combattre le chômage. A titre illustratif, la charge de la dette constitue en 2006 le deuxième poste du budget de l'Etat derrière l'enseignement scolaire.
Enfin, se désendetter, c'est arrêter de vivre à crédit sur les générations futures. C'est ainsi un choix démocratique. En effet, la dette est surtout une charge sur les générations futures : une partie de la solidarité entre générations a été cassée. Les générations actives à venir, malheureusement moins nombreuses à cause du vieillissement démographique, devront tout à la fois payer les retraites des actifs d'aujourd'hui, assurer le fonctionnement de la collectivité de demain et rembourser la dette considérable accumulée hier.
- C'est pourquoi nous devons agir -
[slide 9 : nous devons agir]
Beaucoup a été fait depuis 2002 : réforme des retraites, réforme de l'assurance maladie, mise en oeuvre de la LOLF , « 0 volume » sur l'Etat en PLF comme en exécution pendant 3 ans...
C'est sur ces fondements assainis que nous devons agir collectivement dans le cadre d'une stratégie équilibrée de désendettement, qui s'articule autour de 3 axes forts :
- d'abord la croissance et l'emploi : c'est le surplus de recettes fiscales et sociales produit par la croissance qui doit contribuer au désendettement et non les hausses d'impôts qui entravent la compétitivité, la croissance et finalement l'emploi. Le retour de la croissance (+0,7 % au 3 ème trimestre 2005) et le recul du chômage (160 000 demandeurs d'emplois en moins depuis 8 mois) vont dans ce sens. Mais la France doit pouvoir atteindre un rythme de croissance de 3 % et plus dans les années qui viennent : c'est notre objectif ;
- ensuite la maîtrise de la dépense publique, c'est-à-dire la maîtrise de la dépense de tous les acteurs publics ; les administrations publiques doivent pouvoir délivrer un service public équivalent à moindre coût ou un meilleur service à un coût dont la croissance est parfaitement maîtrisée, en fonction des spécificités de chacun des acteurs.
- enfin,céder des actifs non stratégiques et en affecter les recettes prioritairement au désendettement : c'est ce que nous avons commencé à faire.
[slide 10 : emploi et investissement]
Concernant la croissance, notre politique économique est déjà tout entière tournée vers la croissance, afin d'en rehausser le potentiel :
- c'est d'abordlabataille pour l'emploi : Plan d'urgence pour l'emploi (CNE), services à la personne, activation des minima sociaux, travail des seniors, contrat jeune en entreprise...Si les premiers résultats sont là, rien n'est encore gagné et nous devons continuer.
- c'est ensuite une politique volontariste pour l'investissement et l'innovation : les 67 pôles de compétitivité, la création de l'AII et de l'ANR, le renforcement du CIR, les dotations à l'AFITF pour financer d'indispensables infrastructures de transport, sont porteurs d'un "changement de braquet" en matière d'investissements productifs en France.
[slide 11 : la maîtrise des finances publiques concerne les trois acteurs ]
Pour ce qui est de la maîtrise des finances publiques, comme le souligne la Mission Pébereau , c'est l'affaire de ses trois grandes composantes : l'Etat bien sûr qui représente environ 30 % des dépenses publiques ; mais aussi les Collectivités Locales et les Organismes sociaux qui contribuent respectivement pour près de 20 % et près de 45 % aux dépenses totales. Cette réalité, que vous avez évidemment à l'esprit, échappe bien souvent aux Françaises et aux Français, et c'est pour moi un des mérites de cette réunion aujourd'hui que de le leur rappeler.
- Le Programme de stabilité, pour « montrer le chemin » de la maîtrise de la dépense -
Je voudrais terminer en vous présentant les grandes lignes du Programme de stabilité sur les 3 ans à venir (2007-2009), que nous devons transmettre comme chaque année à la Commission européenne, aux termes du Pacte de stabilité et de croissance. Nous avons décidé cette année, avec le Premier Ministre, de façon exceptionnelle, de retarder notre envoi à la Commission afin de pouvoir vous le présenter en « avant-première ».
[slide 12 : un effort partagé ]
Ce programme de stabilité 2007-2009 s'inscrit en effet pleinement dans la stratégie de maîtrise des finances publiques que je viens d'énoncer.
Il illustre les effets positifs d'une croissance économique soutenue (3 %) par rapport à notre croissance potentielle actuelle (2,25 %). Et il intègre surtout un effort partagé par tous les acteurs, en fonction de leurs spécificités, comme j'en ai rappelé la nécessité précédemment. C'est d'ailleurs bien la raison d'être de cette Conférence nationale des Finances publiques.
L'Etat, après s'être tenu strictement à la règle du « 0 volume » depuis 2003, (c'est-à-dire une dépense budgétaire qui ne progresse pas plus vite que l'inflation), doit s'engager à partir de 2007, pas à pas, à respecter une norme plus stricte dite « 0 valeur », soit une dépense stabilisée en euro. Nous pourrons compter pour cela sur la mise en oeuvre effective de la LOLF.
Le Programme de stabilité 2007-2009 montre ainsi que si l'on adjoint à ce premier objectif pour l'Etat, 2 objectifs de progression de la dépense publique d'une part des collectivités locales (aller vers le « 0 volume ») et d'autre part des organismes sociaux (aller vers le « +1 % en volume »), nous pouvons rejoindre rapidement une trajectoire beaucoup plus satisfaisante de maîtrise des comptes publics et de désendettement.
[slide 13 : vers l'équilibre des comptes publics en 2010]
Plus précisément, si l'on intègre ces comportements de dépenses dans les scenarii économiques (un scénario prudent à +2,25 % soit la croissance potentielle actuelle de l'économie française, et un scénario plus ambitieux à +3 % dans lequel nous parvenons à rehausser la croissance potentielle de la France ), et bien nous pouvons revenir à l'équilibre des comptes publics avant 2010 : en 2010 si la croissance est de 2,25 % par an et dès 2009 si la croissance est de 3 % par an.
Je souligne que même si, ce n'est absolument pas ce que nous prévoyons bien sûr, la croissance était inférieure à 2,25 % en moyenne sur la période, la maîtrise de la dépense publique par les différents acteurs permettrait de retrouver des comptes équilibrés un peu après 2010, vers 2011 ou 2012. Ceci montre que par la seule maîtrise de la dépense publique telle qu'elle est prévue, nous pouvons reprendre nos comptes publics en mains : une croissance forte accélère le processus mais ne le conditionne pas. C'est à notre portée.
[slide 14 : vers un endettement en dessous de 60 % en 2010]
De la même manière, sous ces conditions, la dette publique doit revenir sous les 60 % du PIB d'ici 2010, même avec une croissance moyenne. Plus précisément, elle revient à 60 % en 2010 si la croissance est de 2,25 % par an en moyenne. Elle revient à 60 % du PIB dès 2009 si la croissance est de 3 % par an en moyenne ; et dans ce scénario de croissance plus ambitieux, la dette se situe autour de 55 % du PIB en 2010. source http://www.minefi.gouv.fr, le 12 janvier 2006
Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis extrêmement heureux avec Jean-François COPE de vous recevoir à Bercy pour cette première réunion de la Conférence Nationale des Finances Publiques sous la présidence du Premier Ministre, Dominique de Villepin.
Je n'ai pas besoin de souligner auprès de vous l'importance que j'attache à la réunion d'aujourd'hui. Depuis plusieurs mois, j'ai eu l'occasion de marquer ma conviction profonde que nous devions collectivement prendre conscience de la situation très sérieuse des comptes de la Nation au regard des tendances lourdes qui affectent notre société, au premier rang desquelles le vieillissement démographique.
Trois enjeux décisifs sont en effet liés à nos discussions et à nos décisions d'aujourd'hui :
- la croissance, car une croissance durable et solide repose sur la confiance et il n'y aurait pas de confiance dans l'avenir si nos concitoyens en venaient à penser que nos finances sont hors de contrôle ;
- le financement pérenne de notre modèle social et de nos valeurs de solidarité ;
- l'équité intergénérationnelle, car les générations futures, qui financeront déjà une lourde charge au titre des régimes de retraite, ne doivent pas de surcroît porter le remboursement de nos dépenses de fonctionnement courant.
Afin d'engager nos travaux d'aujourd'hui, le Premier Ministre m'a demandé de présenter brièvement :
* les principaux éléments du constat d'ensemble : je m'appuierai pour ce faire très largement sur le récent rapport sur la dette publique rendu par la Commission présidée par M. Michel PEBEREAU, qui est d'ailleurs ici présent ;
* les grands axes de notre programme de stabilité qui doit être envoyé à la Commission européenne en application des règles du Pacte de stabilité et de croissance. Je rappelle que ce document couvre en glissement des périodes de 3 ans et, dans une définition large, couvre l'ensemble des comptes publics, c'est-à-dire ceux dont nous avons collectivement la charge autour de cette table. Chaque Etat doit y indiquer les principaux éléments de sa trajectoire de finances publiques et la manière dont il entend converger pour respecter ses engagements en terme de dette et de déficit public.
Cette brève intervention se fera autour du commentaire d'un certain nombre de graphiques.
- Constat -
[slide 1 : Evolution de la dette sur 25 ans ]
La dette de la France reflète 25 ans de déficits publics consécutifs. Elle devrait avoir atteint 1 117 Mdeuros environ fin 2005 contre 92 Mdeuros en 1980. Cela représente 66 % de la richesse créée chaque année (PIB) contre 20 % en 1980, soit plus d'un triplement !
Par ailleurs, l'Etat a des engagements « implicites », notamment les engagements pour payer les retraites de ses fonctionnaires. Ils sont connus. Leur estimation peut cependant varier selon les conventions retenues. La commission Pébereau valide un ordre de grandeur compris entre 450 et 900 Mdeuros.
[slide 2 : Comparaison avec nos partenaires européens]
Surtout, et c'est ce que montre notamment la mission PEBEREAU, la tendance récente de notre dette par rapport à celle de nos partenaires européens n'est pas satisfaisante : alors que, sur les dix dernières années, le poids de la dette dans le PIB a reculé parfois fortement dans la plupart des pays européens (10 % du PIB pour le Royaume-Uni, 17 % du PIB pour l'Espagne, 24 % du PIB pour les Pays Bas), l'endettement a progressé de 10 points en France !
De ce point de vue, la dette publique est une vraie « coupe géologique », une sorte de « livre d'histoire économique » qui révèle les conséquences financières très pénalisantes de certains grands choix de politique économique réalisés pendant les 25 dernières années. Les 2 slides qui suivent illustrent 2 choix économiques malheureux, d'une certaine manière en contresens par rapport à l'histoire économique récente, et qui expliquent une partie des évolutions "anormales" de la dette en France par rapport à nos voisins.
[slide 3 : croissance et déficit public]
D'abord, nous n'avons pas été suffisamment vertueux pendant les périodes de forte croissance, car nous n'en avons pas profité pour nous désendetter : par exemple, entre 1997 et 2001, la France a bénéficié d'un environnement européen et mondial exceptionnel qui lui a permis d'avoir une croissance robuste (en moyenne 3 % par an, soit 15 % en cumulé sur 5 ans). Cette embellie a généré des recettes fiscales exceptionnellement bonnes qui auraient du permettre de désendetter massivement le pays, ce qui n'a pas été le cas.
[slide 4 : Dette publique et nombre d'heures travaillées]
Autre choix économique déterminant, celui de travailler moins alors que l'environnement démographique et la demande sociale plaidaient au contraire pour travailler plus. Ainsi, le nombre d'heures travaillées a baissé de plus de 300 heures par an et par employé depuis 25 ans dans notre pays! C'est ce supplément d'activité qui nous a manqué pour pouvoir financer, sur notre budget courant, certains des choix socioéconomiques généreux que nous avons faits. Par conséquent, nous avons du les financer à crédit sur les générations futures. Mais comme je le rappelais au début de mon intervention, la solidarité intergénérationnelle est aujourd'hui poussée aux limites de la rupture : il faut impérativement revenir rapidement à une situation plus normale.
[slide 5 : Part des dépenses publiques dans la richesse créée]
Ces choix nous ont d'ailleurs amené à augmenter fortement nos dépenses publiques. Au point qu'aujourd'hui, n os dépenses publiques en part de la richesse créée sont les plus élevées des grands pays de l'OCDE : 53,5 % en 2004 contre 40,8 % en moyenne dans l'OCDE, la plupart des pays européens se situant en dessous de 50 %. Sur ce plan, nos marges de manoeuvre apparaissent donc aujourd'hui presque inexistantes !
[slide 6 : Part des prélèvements obligatoires dans la richesse créée]
Et ce d'autant plus que, dans le même temps, notre pression fiscale est aussi la plus élevée des grands pays de l'OCDE : avec un taux de 43,4 % en 2004, nous nous situons très au-dessus de la moyenne de l'OCDE à 36,3 %. Cet écart crée une exigence d'excellence dans la qualité de notre environnement économique, infrastructures et services publics, mais aussi par conséquent de nos dépenses publiques. Et, comme le souligne le rapport de la mission Pébereau, le niveau de nos prélèvements rend difficile la possibilité de les augmenter.
- Pourquoi réduire la dette ? -
Cet endettement croissant, c'est d'abord une dérive par rapport à nos engagements et nos partenaires européens. Or, nous sommes tous aujourd'hui dans le même bateau de l'euro : nous dépendons tous de la bonne gestion financière des uns et des autres. Construire l'Europe, c'est aussi jouer le jeu de la coopération entre pays membres ! Nous devons donc tout faire pour revenir dans la norme que nous avons collectivement fixée.
[slide 7 : réduire la dette pour réduire les contraintes budgétaires]
Mais la dette, c'est aussi aujourd'hui une contrainte budgétaire forte, en raison de l'effet « boule de neige » de la charge d'intérêt : le seul paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations publiques, soit environ 45 milliards d'euros engloutit chaque année pratiquement le produit de l'impôt sur le revenu.
Sans ces charges, qui représentent près de 3 % du PIB, les comptes publics français seraient presque à l'équilibre l'an prochain ! Par ailleurs, la taille de notre dette fragilise nos comptes en période de hausse de taux d'intérêt, comme le montre le graphique.
[slide 8 : la dette évince les bonnes dépenses]
La dette crée évidemment des effets d'éviction des « bonnes » dépenses ! En absorbant exagérément l'épargne domestique, elle prive notre économie d'investissements porteurs de croissance et qui préparent l'avenir. En amputant aussi les marges de manoeuvre du budget de l'Etat elle réduit sa capacité à encourager l'investissement et la R &D ou encore à combattre le chômage. A titre illustratif, la charge de la dette constitue en 2006 le deuxième poste du budget de l'Etat derrière l'enseignement scolaire.
Enfin, se désendetter, c'est arrêter de vivre à crédit sur les générations futures. C'est ainsi un choix démocratique. En effet, la dette est surtout une charge sur les générations futures : une partie de la solidarité entre générations a été cassée. Les générations actives à venir, malheureusement moins nombreuses à cause du vieillissement démographique, devront tout à la fois payer les retraites des actifs d'aujourd'hui, assurer le fonctionnement de la collectivité de demain et rembourser la dette considérable accumulée hier.
- C'est pourquoi nous devons agir -
[slide 9 : nous devons agir]
Beaucoup a été fait depuis 2002 : réforme des retraites, réforme de l'assurance maladie, mise en oeuvre de la LOLF , « 0 volume » sur l'Etat en PLF comme en exécution pendant 3 ans...
C'est sur ces fondements assainis que nous devons agir collectivement dans le cadre d'une stratégie équilibrée de désendettement, qui s'articule autour de 3 axes forts :
- d'abord la croissance et l'emploi : c'est le surplus de recettes fiscales et sociales produit par la croissance qui doit contribuer au désendettement et non les hausses d'impôts qui entravent la compétitivité, la croissance et finalement l'emploi. Le retour de la croissance (+0,7 % au 3 ème trimestre 2005) et le recul du chômage (160 000 demandeurs d'emplois en moins depuis 8 mois) vont dans ce sens. Mais la France doit pouvoir atteindre un rythme de croissance de 3 % et plus dans les années qui viennent : c'est notre objectif ;
- ensuite la maîtrise de la dépense publique, c'est-à-dire la maîtrise de la dépense de tous les acteurs publics ; les administrations publiques doivent pouvoir délivrer un service public équivalent à moindre coût ou un meilleur service à un coût dont la croissance est parfaitement maîtrisée, en fonction des spécificités de chacun des acteurs.
- enfin,céder des actifs non stratégiques et en affecter les recettes prioritairement au désendettement : c'est ce que nous avons commencé à faire.
[slide 10 : emploi et investissement]
Concernant la croissance, notre politique économique est déjà tout entière tournée vers la croissance, afin d'en rehausser le potentiel :
- c'est d'abordlabataille pour l'emploi : Plan d'urgence pour l'emploi (CNE), services à la personne, activation des minima sociaux, travail des seniors, contrat jeune en entreprise...Si les premiers résultats sont là, rien n'est encore gagné et nous devons continuer.
- c'est ensuite une politique volontariste pour l'investissement et l'innovation : les 67 pôles de compétitivité, la création de l'AII et de l'ANR, le renforcement du CIR, les dotations à l'AFITF pour financer d'indispensables infrastructures de transport, sont porteurs d'un "changement de braquet" en matière d'investissements productifs en France.
[slide 11 : la maîtrise des finances publiques concerne les trois acteurs ]
Pour ce qui est de la maîtrise des finances publiques, comme le souligne la Mission Pébereau , c'est l'affaire de ses trois grandes composantes : l'Etat bien sûr qui représente environ 30 % des dépenses publiques ; mais aussi les Collectivités Locales et les Organismes sociaux qui contribuent respectivement pour près de 20 % et près de 45 % aux dépenses totales. Cette réalité, que vous avez évidemment à l'esprit, échappe bien souvent aux Françaises et aux Français, et c'est pour moi un des mérites de cette réunion aujourd'hui que de le leur rappeler.
- Le Programme de stabilité, pour « montrer le chemin » de la maîtrise de la dépense -
Je voudrais terminer en vous présentant les grandes lignes du Programme de stabilité sur les 3 ans à venir (2007-2009), que nous devons transmettre comme chaque année à la Commission européenne, aux termes du Pacte de stabilité et de croissance. Nous avons décidé cette année, avec le Premier Ministre, de façon exceptionnelle, de retarder notre envoi à la Commission afin de pouvoir vous le présenter en « avant-première ».
[slide 12 : un effort partagé ]
Ce programme de stabilité 2007-2009 s'inscrit en effet pleinement dans la stratégie de maîtrise des finances publiques que je viens d'énoncer.
Il illustre les effets positifs d'une croissance économique soutenue (3 %) par rapport à notre croissance potentielle actuelle (2,25 %). Et il intègre surtout un effort partagé par tous les acteurs, en fonction de leurs spécificités, comme j'en ai rappelé la nécessité précédemment. C'est d'ailleurs bien la raison d'être de cette Conférence nationale des Finances publiques.
L'Etat, après s'être tenu strictement à la règle du « 0 volume » depuis 2003, (c'est-à-dire une dépense budgétaire qui ne progresse pas plus vite que l'inflation), doit s'engager à partir de 2007, pas à pas, à respecter une norme plus stricte dite « 0 valeur », soit une dépense stabilisée en euro. Nous pourrons compter pour cela sur la mise en oeuvre effective de la LOLF.
Le Programme de stabilité 2007-2009 montre ainsi que si l'on adjoint à ce premier objectif pour l'Etat, 2 objectifs de progression de la dépense publique d'une part des collectivités locales (aller vers le « 0 volume ») et d'autre part des organismes sociaux (aller vers le « +1 % en volume »), nous pouvons rejoindre rapidement une trajectoire beaucoup plus satisfaisante de maîtrise des comptes publics et de désendettement.
[slide 13 : vers l'équilibre des comptes publics en 2010]
Plus précisément, si l'on intègre ces comportements de dépenses dans les scenarii économiques (un scénario prudent à +2,25 % soit la croissance potentielle actuelle de l'économie française, et un scénario plus ambitieux à +3 % dans lequel nous parvenons à rehausser la croissance potentielle de la France ), et bien nous pouvons revenir à l'équilibre des comptes publics avant 2010 : en 2010 si la croissance est de 2,25 % par an et dès 2009 si la croissance est de 3 % par an.
Je souligne que même si, ce n'est absolument pas ce que nous prévoyons bien sûr, la croissance était inférieure à 2,25 % en moyenne sur la période, la maîtrise de la dépense publique par les différents acteurs permettrait de retrouver des comptes équilibrés un peu après 2010, vers 2011 ou 2012. Ceci montre que par la seule maîtrise de la dépense publique telle qu'elle est prévue, nous pouvons reprendre nos comptes publics en mains : une croissance forte accélère le processus mais ne le conditionne pas. C'est à notre portée.
[slide 14 : vers un endettement en dessous de 60 % en 2010]
De la même manière, sous ces conditions, la dette publique doit revenir sous les 60 % du PIB d'ici 2010, même avec une croissance moyenne. Plus précisément, elle revient à 60 % en 2010 si la croissance est de 2,25 % par an en moyenne. Elle revient à 60 % du PIB dès 2009 si la croissance est de 3 % par an en moyenne ; et dans ce scénario de croissance plus ambitieux, la dette se situe autour de 55 % du PIB en 2010. source http://www.minefi.gouv.fr, le 12 janvier 2006