Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les pistes de réflexion et les actions en faveur des personnes victimes de l'amiante, Paris le 24 janvier 2006.

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Circonstance : Audition de la Mission d'Information Amiante à Paris le 24 janvier 2006

Texte intégral

Il n'est pas possible de parler de l'amiante sans commencer par rappeler l'ampleur du drame humain qu'elle représente. Entre 1965 et 1995, on estime ainsi que 35 000 personnes sont décédées en France de pathologies liées à l'amiante.
Au cours des 25 prochaines années, entre 60 et 100 000 décès seraient probablement à déplorer.
Face à ce drame, le gouvernement actuel a voulu apporter une triple réponse qui passe par la réparation, la prévention de nouveaux cas et l'information des victimes potentielles.
A- Notre premier devoir, c'est d'assurer un système de réparation juste et équitable pour l'ensemble des victimes :
La France se distingue des autres pays européens par la mise en place de trois dispositifs cumulés d'indemnisation des victimes : a) par les rentes allouées au titre des maladies professionnelles (AT/MP) ; b) par un dispositif de cessation anticipé d'activité (FCAATA) ; c) par des indemnisations allouées aux victimes (FIVA).
Ainsi, en 1999 a été créé un fonds de cessation anticipée d'activité (FCAATA), au profit des victimes de maladies professionnelles occasionnées par l'amiante mais aussi au profit des salariés et anciens salariés d'usines de fabrication de matériaux contenant de l'amiante. Depuis, les secteurs bénéficiaires ont été progressivement élargis (établissements de flocage et calorifugeage, établissements de construction et de réparation navale, ports, ?) ;
Au 30 novembre 2005, le fonds a accueilli près de 40.000 allocataires dont 31.211 qui en bénéficient encore aujourd'hui.
Ensuite, le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ? le FIVA ? a été constitué afin d'assurer la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis par toutes les personnes atteintes d'une affection liée à l'amiante dans des délais très courts. Ce choix a été fait pour éviter aux victimes de devoir s'engager dans une procédure judiciaire longue et à l'issue parfois inégale.
Fin 2005, le FIVA a présenté plus de 20.000 offres, acceptées dans 95 % des cas et versé 925 Millions d'euros d'indemnisation.
Aujourd'hui, les principales interrogations concernent les règles d'accès à ce dispositif. Doit-il être réservé aux seules victimes avérées ou à toute personne ayant été exposée -c'est à ce titre qu'actuellement 80 % des allocataires accèdent à ce dispositif- ? Doit-on retenir une procédure d'accès individuel ou collectif ?
Et pour quel secteur économique, selon quels critères d'exposition ?
Le rapport IGAS qui m'a été remis propose des pistes de réflexion et de réforme.
Nous sommes en train de les examiner une à une très attentivement.
Et ma conviction, c'est que le système de réparation des victimes de l'amiante doit reposer sur trois principes : non-discrimination entre les victimes dans l'accès; égalité dans les modalités d'indemnisation, avec une réflexion plus globale sur l'indemnisation des maladies professionnelles ; primauté aux victimes dans l'indemnisation dont l'efficacité doit être renforcée [aujourd'hui les 2/3 des moyens consacrés à la réparation de ce drame (900 Mds d'euros sur 1,4 Mds d'euros) sont utilisés à de la pré-retraite]
B- La prévention de ce risque est une priorité de santé publique.
Le dispositif réglementaire actuel relatif à l'amiante dans les immeubles bâtis s'est mis en place progressivement à partir de 1996. Au cours de l'année 2005, plusieurs affaires ont rappelé la nécessité d'une extrême vigilance de la part des propriétaires pour mettre en ?uvre cette réglementation et de la part de l'Etat pour s'assurer de son application effective.
L'inspection générale de l'administration (IGA), le conseil général des ponts et chaussées (CGPC) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont été mandatés par lettre du 9 décembre 2005 par leurs ministres de tutelle pour réaliser un bilan de l'application de la réglementation à l'approche de ses dix ans. Elle devra notamment réévaluer le dispositif de contrôles en termes d'outils juridiques, de méthodologie et de moyens, afin d'améliorer la vérification de l'application de cette réglementation. Ses conclusions sont attendues en avril 2006.
Sans préjudice des conclusions de cette mission, le gouvernement a également décidé que l'ensemble des services déconcentrés seraient mobilisés, pour mener des actions ciblées de contrôle. Il s'agira de s'assurer que les propriétaires ont respecté leurs obligations, c'est-à-dire, la réalisation des repérages ainsi que la constitution du dossier technique amiante (DTA). Ces vérifications interviendront non pas spécifiquement, mais à l'occasion de missions déjà exercées par les agents, dans le cadre de leurs attributions respectives.
Afin de garantir la faisabilité de cette mission, ces contrôles seront ciblés sur des bâtiments prioritaires (principalement des immeubles de grande hauteur et des établissements recevant du public de 1ère et 2ème catégories, ainsi que sur les établissements de santé, ou sociaux et médico-sociaux).
Un projet de circulaire à l'initiative des ministères du Logement et de la Santé est en cours d'élaboration pour expliciter ces éléments.
Par ailleurs, afin de mettre en place un premier suivi rigoureux de l'application de la réglementation le gouvernement a lancé en 2005 plusieurs enquêtes exhaustives auprès des propriétaires des bâtiments : le Ministère de la Fonction publique s'est intéressé aux établissements relevant de la fonction publique de l'Etat, le Ministère de l'Intérieur a sollicité les collectivités territoriales par le biais des préfets. Quant au Ministère de la Santé il a interrogé à l'été 2005 les 18.000 établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de ce pays. Les résultats intermédiaires actuels font apparaître une réelle mobilisation des directeurs d'établissements.
Mais cette enquête du Ministère de la Santé n'est qu'une première étape dans la mise en place de véritables tableaux de bord régionaux de suivi de la réglementation relative à l'amiante dans les bâtiments.
Il faut également renforcer les campagnes de sensibilisation pour rendre les propriétaires plus vigilants et les inciter à évaluer et réévaluer les risques d'exposition à l'amiante, notamment en leur rappelant leurs responsabilités. C'est pourquoi, mon Ministère rééditera en 2006 en lien avec le Ministère chargé du logement une plaquette faisant le point sur les obligations réglementaires des propriétaires et lancera une large diffusion de ce document ? l'opération précédente eut lieu en 2002.
Je veux également qu'un suivi post professionnel soit offert à toutes les personnes qui s'interrogent sur les conséquences de leur exposition professionnelle passée à l'amiante.
Le Sénat a adopté un amendement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale obligeant les CPAM à informer les personnes anciennement exposées de leurs droits à un suivi médical. Un décret d'application doit être pris. Il est pour moi très important que chaque personne qui aurait côtoyé l'amiante dans sa vie et qui s'inquièterait des risques pour sa santé puisse avoir accès gratuitement à un médecin pour s'informer et éventuellement procéder à des examens. Toutefois, le contrôle médical - lourd, avec scanner et radios ne saurait être obligatoire pour des raisons éthiques (créer plus de risque sanitaire et d'angoisse que l'on apporte de solution pour une personne saine et âgée).
Nous attendons pour juin 2006 le rapport définitif de synthèse de l'expérimentation qui a été conduite dans 4 régions. Il permettra de définir la manière de conduire ce suivi post-professionnel. D'ores et déjà, je propose, avec Gérard Larcher, de constituer dès 2006 un socle complet d'informations sur les maladies de l'amiante à destination des médecins généralistes.
Sur ces trois fronts ?réparation, information, prévention, il nous faut mener une action claire et lisible, dans le respect des besoins de chacun. Et sur ces trois fronts, je sais que nous avons tous à c?ur d'agir dans l'intérêt de tous nos concitoyens.
source http://www.sante.gouv.fr, le 1 février 2006