Point de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la polémique liée aux caricatures du prophète Mahomet, la coopération économique avec la Turquie, la nécessité de la poursuite des réformes en Turquie pour intégrer l'Union européenne, Ankara le 2 février 2006.

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Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy en Turquie les 1er et 2 février 2006 : point de presse à l'issue de son entretien avec Recep Tayyip Erdogan à Ankara le 2

Texte intégral

D'abord, je voudrais remercier le Premier ministre pour la chaleur de son accueil. Je suis également très sensible à l'écoute qu'il a manifestée à l'égard de la délégation d'hommes d'affaires qui m'accompagne. M. Erdogan a effectué une visite officielle en France en juillet 2004 et nous avons repris le fil des discussions qui s'étaient tenues alors. J'ai souhaité que, dans ce dialogue, nous évitions tous les malentendus qui naissent d'un défaut de communication. Je ne reprendrai pas l'ensemble de ce que j'ai dit hier lors du point de presse mais je suis venu avec un message d'amitié, d'encouragement pour aller toujours plus loin dans les réformes.
J'ai également parlé de la grippe aviaire en disant que c'est un problème qui nous concerne tous et c'est la raison pour laquelle nous devons conjuguer nos efforts. Je voudrais témoigner de la solidarité de la France dans cette crise sanitaire et saluer la maîtrise dont ont fait preuve les autorités turques. Je me félicite de leur transparence et de la coopération avec les organisations internationales. Comme vous le savez, la France est très active dans ce domaine, parce qu'elle va contribuer aux efforts internationaux de lutte contre l'épizootie et de prévention d'une possible pandémie à hauteur de 26,4 millions d'euros. La France s'est engagée par ailleurs, dès le mois de novembre dernier, à Genève, à verser des contributions aux trois organisations internationales compétentes. La France a proposé que l'Union européenne se dote d'une véritable "force" d'intervention rapide. Et enfin, en Turquie, nous avons pris des mesures visant à renforcer la protection de la communauté française. Il va de soi que nous sommes disposés, si la Turquie le demandait, à apporter une aide bilatérale.
Je dirais aussi que j'ai été très heureux de présenter la délégation de chefs d'entreprises à M. Gül hier soir, au ministre de l'Economie, hier soir et ce matin, et au Premier ministre, à l'instant, parce que je suis persuadé que l'avenir économique de la Turquie est évidemment très positif et que c'est à partir des relations économiques que nos deux peuples se connaîtront mieux.
Q - Vous savez qu'il y a des débats autour d'une caricature qui a été publiée au Danemark et reprise dans un journal français. Est-ce que vous avez abordé ce sujet avec le Premier ministre ? Et s'il y avait eu dans un pays musulman une caricature dirigée contre votre religion, continueriez-vous à penser que la liberté d'expression ne doit souffrir aucune limite ?
R - Le principe de la liberté de la presse, que les autorités françaises défendent partout dans le monde, ne peut pas être remis en cause. Toutefois il faut que cette liberté s'exerce dans un esprit de tolérance, de respect des religions et des croyances, qui est à la base du principe de laïcité qui existe dans notre pays. J'ai abordé le sujet en aparté avec le Premier ministre lors de la réunion.
Q - Vous avez abordé les questions de coopération économique. Or on sait qu'en France l'évolution des débats est peu favorable à la Turquie. Est-ce que vous pensez qu'il va falloir développer des moyens pour mieux assurer la compréhension mutuelle entre les deux sociétés, qu'il va falloir adopter des mesures pour améliorer l'image de part et d'autre ?
R - Il y a une opinion publique en Turquie, il y a une opinion publique en France. Sur le plan stratégique, tout le monde comprend l'avantage à voir un pays de 70 millions de personnes, porteur de très grandes civilisations, regarder vers la démocratie, les Droits de l'homme et l'Union européenne que regarder vers autre chose. Mais en même temps, il faut comprendre que chaque fois que l'Union européenne s'est élargie, chaque fois les peuples n'ont pas forcément compris les raisons de cet élargissement. Donc, je crois qu'il faut, d'un côté, expliquer que, si les Turcs ont fait énormément de réformes ces dernières années et je les en félicite, il faut continuer en particulier dans les domaines des Droits de l'homme, de la liberté d'expression, des droits de la femme, de la liberté de culte ; toutes ces valeurs qui sont les valeurs européennes - par exemple : la reconnaissance des 25 Etats membres -. Et là, je pense qu'il y a un rôle très important de l'économie et des chefs d'entreprise. Prenez l'exemple d'un satellite que vous voudriez faire partir ; avouez que les Européens seraient contents que vous choisissiez un lanceur européen. C'est un problème de compréhension et de confiance mutuelles. Je suis sûr que cela va s'arranger dans les années qui viennent.
Q - L'AIEA est en ce moment en discussion à Vienne. En avez-vous parlé avec le Premier ministre ou avec vos autres interlocuteurs ? Va-t-on vers des sanctions ?
R - J'ai bien sûr parlé de l'Iran, en particulier avec mon homologue, M. Abdullah Gül. Il me semble important que la communauté internationale réagisse à ce programme nucléaire iranien clandestin, de manière ferme, rapide et unie. Le Conseil de sécurité est saisi puisque l'Agence va faire rapport au Conseil ; la résolution va être mise au vote aujourd'hui ou demain. J'ai insisté auprès des Turcs pour que, la communauté internationale devant être unie, la Turquie soit dans le groupe des pays qui soutienne cette résolution. Il y a en tout cas un intérêt, pour nous, à ce que les Turcs transmettent des messages aux Iraniens, car nous pensons qu'il faut une réaction ferme. La saisine du Conseil n'est pas synonyme du dessaisissement de l'Agence. C'est même le contraire : c'est la crédibilité politique de l'Agence qui est portée par le Conseil.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2006