Déclaration de M. François Bayrou, président de l'UDF, sur la nécessité d'une réforme de la politique agricole, Paris le 11 février 2006

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Circonstance : Colloque organisé par l'UDF sur le thème "Demain, l'agriculture et les territoires ruraux", à Paris le 11 février 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Ce colloque sur l'agriculture est probablement le plus « politique », au sens propre du mot, que nous tiendrons dans cette période.
Car ce qui est en jeu, c'est l'orientation de la politique agricole, telle qu'elle a été conçue ces quinze dernières années, son bilan, et la définition d'une « nouvelle politique agricole », avec des orientations bien différentes, et une période de transition sérieuse.
Etant donné les résultats de la politique suivie depuis des années, un constat s'impose : il faut changer de politique agricole ! Il faut définir de nouveaux principes, et en convaincre nos partenaires. De surcroît, étant donné le degré de dépendance créé par la politique initiée en 1992 et constamment suivie depuis, une période de transition est nécessaire de sorte que les logiques changent et que les exploitations soient protégées.
Le bilan d'abord. Je veux vous rappeler que le but affiché de la politique agricole telle qu'elle fut conçue au début des années 90, c'était l'amélioration du revenu agricole et le maintien du nombre des exploitations.
Quinze ans après, que constate-t-on ? Effondrement du revenu agricole et effondrement du nombre des exploitations !
En France, comme dans la majorité des autres pays européens, le revenu courant avant impôt par travailleur non salarié est aujourd'hui inférieur de 25 % au salaire brut moyen d'un travailleur salarié dans une entreprise ! Le résultat courant des exploitations a diminué une nouvelle fois en 2004 de 5 %, et en 2005 de 10 %, la dernière année de progression du revenu agricole étant? 1999 ! L'endettement moyen par exploitation s'élève désormais à plus de 100 000 ?.
Plus grave encore, le revenu agricole réel, le résultat courant des exploitations est désormais entièrement constitué par les aides publiques. Selon l'estimation la plus basse, la part des subventions d'exploitation dans le revenu courant est au moins de 95 % en moyenne, et dans certains secteurs atteint jusqu'à 140 et 150 % !
Quant au nombre des exploitations, il est passé de 1 million à moins de 600 000 pendant la même période de 1990 à aujourd'hui ! Une chute de plus de 40 % !
Chute du revenu, chute du nombre des exploitations, chute de l'image des agriculteurs dans l'opinion, et de l'image de l'agriculture auprès des agriculteurs eux-mêmes : les agriculteurs se sont vécus pendant des années comme des indépendants, des entrepreneurs, et comme les meilleurs et les plus proches amis de la nature. Ils ont dû recevoir, en quelques années, la double dévalorisation de passer du statut d'indépendants au statut de dépendants, en raison de l'obligation dans laquelle ils ont été mis de dépendre pour leur vie des aides publiques, et de passer du statut de meilleur défenseur de la nature au statut de pollueur de l'environnement.
Cette double accusation est une double injustice. Les « subventions » sont en réalité des compensations, destinées à offrir artificiellement aux consommateurs les prix de plus en plus bas pour les produits agricoles : en trois décennies, les Français sont passés de 33 % de leur budget pour la consommation alimentaire à quelque 18 % ! Le prix réel des produits agricoles, en euros constants a été divisé par deux dans le dernier quart de siècle ! Et alors qu'un agriculteur français nourrissait en moyenne 15 personnes, il en nourrit aujourd'hui 60, pour deux fois moins cher.
Mais ces compensations ont pris peu à peu l'image de subventions à fonds perdus !
D'autre part, les règles de l'agriculture raisonnée ont fait baisser considérablement l'utilisation par exemple d'engrais azotés et de produits phytosanitaires (certains de ces produits utilisés jadis à une dose de 200 g. à l'hectare, sont aujourd'hui dosés à 4 g./ha !), 50 fois moins. Malgré cela l'image s'est dégradée, et c'est une injustice.
Enfin les conditions de vie, une société en mouvement vers les 35 heures généralisées, et une agriculture exigeante pour beaucoup d'agriculteurs qui ne comptent pas les heures !
Enfin, ce n'est plus le même monde, où chacun, peu ou prou, était en lien avec la terre, avec ses us et ses coutumes.
La complexité administrative, technocratie européenne et technocratie nationale. 300 aides différentes ont été répertoriées, régies par environ 200 règlements et directives communautaires, et au moins autant de textes nationaux. La circulaire qui régit les déclarations de surface fait, par exemple, 110 pages. Imaginez le poids des administrations chargées de contrôler tout cela ! Le paiement des aides est dispersé entre une quinzaine d'organismes différents, les offices agricoles, le centre national pour l'aménagement des exploitations agricoles (CNASEA), les directions départementales de l'agriculture, etc.
La politique agricole suivie ces quinze dernières années n'a pas répondu à ses engagements.
C'est pourquoi notre ligne politique est de changer de politique agricole.
Nous voulons qu'un jour la politique agricole soit à nouveau fondée sur les prix et non plus sur les primes qui effondrent les prix. Nous voulons qu'elle respire à nouveau, par une démarche économique saine, et non pas qu'elle soit chaque année davantage asphyxiée.
Or on ne peut obtenir des prix convenables sans une organisation des marchés. On ne peut obtenir des prix convenables pour l'agriculture des pays développés sans régulation de l'offre. Et on ne peut établir des prix convenables pour les agriculteurs du tiers-monde sans protection.
Or, c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité, la régulation de l'offre de productions agricoles devient crédible sans intervention indemnitaire.
Dans le passé, en effet, quand le régulateur intervenait sur l'offre, avec des droits à produire, la question qui se posait immédiatement était celle de l'utilisation des surfaces excédentaires. Et la définition de surfaces excédentaires supposait une indemnité (c'était par exemple l'utilisation de jachères réglementées, obligatoires et indemnisées ces dernières années en Europe).
Or les biocarburants, bientôt l'utilisation de la biomasse, l'agrochimie au sens large du terme, font apparaître l'espoir d'un débouché écologique, rémunérateur et extensible quasiment à l'infini, tant les perspectives pétrolières se font pressantes et tant l'impératif de protection de l'atmosphère s'impose à l'humanité.
J'ai dit extensible quasiment à l'infini : pour donner un ordre de grandeur adapté à notre pays, si l'on voulait convertir au biocarburant la consommation d'énergie en France, il faudrait utiliser pour ce faire la totalité des surfaces agricoles disponibles dans notre pays.
Et cette démarche écologique est rémunératrice : d'ores et déjà, avec un pétrole au-dessus de 60 dollars le baril, la production de graines de colza par exemple est valorisée 15 à 20 % au-dessus du prix de marché. La production d'éthanol qu'ont poussée des pays comme le Brésil a fait monter le prix du sucre de plus de 60 %.
Pour demain, à très court terme, à terme de quelques mois ou de deux ou trois ans, d'immenses progrès sont à attendre, qui permettront de continuer dans cette voie. Je citais l'utilisation de la masse végétale, qui permet d'améliorer le rendement énergétique de l'opération jusqu'à des multiplicateurs de 5 ou 6, ou l'utilisation d'éthanol, sous forme d'ester éthylique, dans la production de diester, qui pourrait lever les réserves réitérées sur la production d'éthanol, mise en contradiction avec la multiplication des moteurs diesel dans le parc automobile. Mais à terme de dix ans, une génération nouvelle de procédés est attendue, notamment avec la perspective de biocarburants produits par gazéification puis liquéfaction de la biomasse cellulosique et des déchets organiques, qui laissent attendre une forte amélioration de la compétitivité de ces carburants d'origine végétale.
Nous sommes au début de la mise au point des procédés qui permettront de produire de l'énergie, renouvelable et infiniment moins polluante, à partir des productions végétales.
À l'étape actuelle, les sous-produits de ces transformations mettront à disposition des éleveurs, en particulier, des drèges ou des tourteaux, à prix abordables, qui leur permettront de combler le considérable déficit européen en matière de production de protéines.
Et à moyen terme, l'outil de production agricole de la planète sera prêt à faire face aux immenses besoins alimentaires de la population mondiale. La question de la vigilance alimentaire est donc traitée en même temps que celle de l'environnement et celle de la protection du tissu agricole.
Nous avons donc désormais le moyen crédible d'organiser, sans chute de prix, la production agricole mondiale.
Ainsi peut être traitée, pour notre pays, pour l'Europe et pour la planète la triple exigence d'une politique agricole : la sécurité des approvisionnements en produits sains, des conduites protectrices de l'environnement et le choix d'un tissu dense d'agriculteurs.
Première exigence : la sécurité des approvisionnements alimentaires. Cette question, contrairement aux apparences, est toujours d'actualité. L'Europe ?beaucoup l'ignorent- est déficitaire dans ses échanges agricoles de l'ordre de 15 % (elle exporte 55 Md?, elle importe 66 Md?). Dans le secteur des protéines, elle ne couvre que 25 % de ses besoins, et importe massivement des graines et des tourteaux d'oléoprotéagineux. Un plan protéines pour rendre l'Europe plus autosuffisante.
À plus forte raison cette question est-elle posée pour l'ensemble de l'humanité. Même en matière de céréales, la production a peine à faire face à la consommation. C'est la solvabilité des marchés qui est en cause et non la demande ! On mesure donc les perspectives dans un monde qu'on nous annonce à 9 milliards d'habitants en 2050, sachant que pendant ce temps, la surface de terres arables recule sur la surface de la planète.
Deuxième objectif : une agriculture vivace, c'est une exigence écologique. Au-delà des biocarburants, il faut avoir conscience que les productions végétales, notamment les productions végétales à cycle long, les prairies, les forêts, sont le moyen le plus rapide et le plus accessible de piéger et de stocker le carbone de plus en plus présent dans l'atmosphère. Toute la réflexion sur les « puits de carbone » qui apparaissent parfois comme des réflexions de science-fiction est donc nécessairement une réflexion sur l'agriculture.
Et le troisième impératif d'une politique agricole, c'est le maintien d'un tissu dense d'agriculteurs.
C'est une exigence très forte chez nous ! Sans les agriculteurs français, les paysages abandonnés, l'espace rural déserté, feraient connaître à notre pays non pas seulement une crise économique (secteur agro-alimentaire privé de matière première), une crise de l'emploi, mais une crise de société et même une crise de civilisation.
Mais c'est une exigence vitale pour le tiers-monde ! Je voudrais vous rappeler les chiffres, si souvent ignorés. Il y a 1,3 milliards de paysans sur la planète. Parmi eux, moins de 30 millions sont mécanisés, disposent d'un tracteur. 250 millions ont une bête de somme. Ce qui veut dire qu'un milliard d'entre eux n'ont que leurs bras pour survivre et quelques outils araires. Ce qui explique que plus d'un milliard d'entre eux vivent avec moins d'un dollar par jour !
La situation de l'agriculture mondiale qui les arrache aujourd'hui à leur terre pour les contraindre à rejoindre les bidonvilles des mégapoles misérables, par exemple en Afrique, est une catastrophe à l'échelle de l'humanité. Ce n'est pas seulement l'Afrique, mais la planète entière qui s'en trouve déséquilibrée. Les vagues d'immigration ne sont qu'une des conséquences en chaîne de cette misère du déracinement, les grandes pandémies, la drogue, en seront évidemment d'autres. Et la vue des images des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ou la situation de Mayotte, de la Guyanne, de la Guadeloupe disent chacune à leur manière cette catastrophe humanitaire.
Or l'organisation actuelle des marchés agricole mondiaux ne permet pas d'envisager le retour à l'équilibre.
Dans l'organisation actuelle des marchés, il y a deux victimes : les agriculteurs des pays socialement avancés, qui ne survivent que par des aides publiques (primes en Europe, marketing loan aux Etats-Unis), qui coûtent cher à la collectivité et effondrent artificiellement les prix de marché. On arrive donc au paradoxe que les agricultures de ces pays voient les producteurs les plus compétitifs vendre leur production céréalière à des prix inférieurs de 20 ou 30 % à leurs coûts de revient. Ceux-là sont la première victime. Et à l'autre bout de l'échelle les deuxièmes victimes sont les agriculteurs du tiers-monde écrasés sans pitié, mourant de faim, et obligés d'abandonner leur terre.
Le seul modèle agricole réellement adapté à cette organisation des marchés, ce sont les pays du groupe de Cairns, disposant d'immenses surfaces disponibles, d'un prix du foncier très bas, de capitaux illimités pour une mécanisation à outrance, et du coût du travail qualifié très bas. Mais tout cela qui est puissant, fait une production agricole, mais pas un tissu d'agriculteurs pour la planète !
Contrairement aux orientations actuelles, que l'Europe et le tiers-monde subissent sans réaction (les pays en développement se croyant à tort représentés par de puissants producteurs comme le Brésil), on doit donc militer pour une autre politique agricole non seulement en Europe, mais dans le monde.
Le libre-échange est bon, il est nécessaire, il est vital. Mais le libre-échange doit concerner des zones de production agricoles relativement homogènes, comme le marché commun agricole a protégé et ressuscité l'agriculture européenne après la deuxième guerre mondiale.
Les marchés du tiers-monde doivent être protégés au bénéfice des producteurs du tiers-monde. Le monde socialement développé doit organiser ses productions pour que le niveau des prix soit un niveau des prix rémunérateur pour le producteur, sans que l'on soit obligé de passer par l'artifice des aides publiques qui effondrent les prix de marché et désespèrent les agriculteurs. Les productions excédentaires doivent trouver les débouchés nouveaux des biocarburants et de l'agrochimie. À l'intérieur de ces grandes zones (quatre ou cinq) de la planète, le libre-échange est souhaitable et il doit être favorisé. À l'intérieur de ces zones homogènes, la disparition des aides stupides est parfaitement négociable. Et dans les zones du monde des productions massives (le groupe de Cairns) on doit inviter les pays, comme le Brésil a commencé à le faire avec une grande lucidité et une grande prescience, à consacrer à ces productions agro-industrielles tous les surplus dont ils inondent les marchés mondiaux.
Cette organisation nouvelle du monde est donc un immense effort politique.
Un tel effort prendra des années de construction politique. Elle exige que la France en prenne la tête. Elle exige que la France convainque les autres pays européens. Elle exige que l'Europe porte ce message à l'OMC. Il s'agit, au sens propre, d'une révolution, d'un changement d'orientation majeur, d'un modèle nouveau à faire partager.
En attendant, pendant la période de transition, le soutien ne doit pas manquer, ne doit pas faillir. À ce titre il est regrettable que le récent accord budgétaire européen ait diminué de 20 % le montant du deuxième panier.
Mais d'ores et déjà, dans le court terme, des améliorations substantielles peuvent être pensées et apportées à notre politique agricole. Je voudrais à ce stade de notre réflexion, d??gager les plus urgentes.
1- D'abord la défense de la diversité. Il n'y a pas une agriculture, il faut qu'il y en ait autant que de secteurs, de filières, de niches, grandes et petites exploitations, fermes biologiques et traditionnelles à gestion maîtrisée. Le pluralisme, c'est la modernité, le pluralisme c'est l'avenir : c'est vrai en démocratie, c'est vrai en agriculture.
2- Ensuite la gestion des risques agricoles : la fixation de prix plancher, la mise en place d'assurances récolte, comme celui dans lequel le gouvernement a annoncé qu'il s'engageait, ou mécanisme fiscaux qui permettraient de lisser dans le temps les fluctuations du revenu comme en disposent déjà les artistes ou les écrivains par exemple.
3- Ensuite l'organisation des professions et des interprofessions pour améliorer les conditions de marché et équilibrer la puissance oligopolistique des centrales d'achat. Je rentre de Guadeloupe et de Martinique : la situation de la banane est périlleuse ; elle est politique puisque seul le respect de nos règles sociales et environnementales expose la banane européenne à succomber devant l'assaut de la banane dollar qui paie ses employés entre six et dix fois moins par jour. Elle exige un investissement politique sans faiblesse. Mais en deux années, un changement positif est intervenu, c'est l'organisation des producteurs qui a permis de passer le prix de vente réel, avant intervention de quelque 235 ? la tonne à plus de 430 ? ! Et, évidemment, ce n'est pas la même chose. Permettez-moi de dire sans périphrase que les amendes de quelque seize millions d'euros qui ont frappé et menacent d'heure en heure aujourd'hui les organisations de producteurs de bovins qui ont essayé de répondre à la crise de la vache folle sont un scandale. La France doit se regarder comme solidaires des organisations et responsables professionnels qui ont eu dans ces circonstances angoissantes une conduite d'urgence !
4- Une politique de mise en harmonie, et de simplification des labels. Les labels sont précieux. Ils permettent la production adaptée et spécialisée. Mais je crains que trop de labels tue les labels. Il est devenu très difficile de se repérer dans le champ, j'allais dire dans le labyrinthe, des multiples structures publiques chargées de labelliser les productions agricoles et alimentaires : il y a la Commission nationale des labels et certifications, l'institut national des appellations d'origine, la commission nationale de l'agriculture raisonnée, les interprofessions, la société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires, l'agence pour le développement international des entreprises Ubifrance, l'institut national de la propriété intellectuelle, j'en passe sans doute et des meilleures, les AOC, les IPG, etc. Il faut donc une simplification, une harmonisation, de l'attribution des marques et des labels.
5- Une simplification drastique des obligations administratives et réglementaires. Les agriculteurs étouffent sous la paperasse qu'on leur demande de remplir ! Or une grande part de cette paperasse est d'origine nationale, la technocratie nationale se surajoute à la technocratie européenne. Il est vital de demander aux agriculteurs eux-mêmes de mettre de l'ordre dans ce labyrinthe et d'alléger, enfin, jusqu'à sa plus simple expression la charge administrative à laquelle ils sont soumis !
6- Une clarification de la rémunération des fonctions non-productives de l'agriculture. Ces fonctions non-productives ont une grande importance pour aujourd'hui et pour demain. À terme, c'est elles seules qui doivent faire l'objet d'aides publiques. Mais ces aides et les fonctions assumées en échange doivent devenir parfaitement lisibles pour tous : environnement, paysages, biodiversité, espace rural, préservation de l'écosystème, de la faune et de la flore, défense de l'atmosphère, entretien des sous-bois contre les incendies de forêt, des alpages contre les avalanches, tout cela mérite d'être reconnu et aidé. La mise en place, par exemple, d'un système par points, transparents qui ouvrirait droit aux aides publiques correspondantes. Ainsi seraient construits symétriquement le pollueur-payeur, et le protecteur-indemnisé.
7- Maintien et renforcement de la politique des bio-carburants. En Allemagne, à quelques kilomètres de chez nous, le bio-diesel vaut 20 % moins cher que le diesel ordinaire. Pourquoi serait-ce impossible chez nous ?
8- Une grande politique de recherche française et européenne dans le domaine des biocarburants, des biomatériaux, de la chimie du végétal, des biotechnologies, du génome. La mise en place d'une conférence scientifique générale sur les OGM, sous l'égide par exemple de l'académie des sciences, doit permettre de sortir en quelques mois du silence officiel maintenu en France sur cette question. Je rappelle que nous avons aujourd'hui dans le monde 85 millions d'hectares de cultures OGM, dont 50 millions aux Etats-Unis, et que ces cultures se développent à vitesse croissante au Brésil, en Inde, en Chine.
Voilà l'architecture de la nouvelle politique agricole qu'il est urgent de proposer et de défendre. Nous ne pouvons plus continuer sans visibilité et sans vision, crispés dans la défense d'une politique qui a conduit les agriculteurs dans le mur. Nous avons besoin de perspectives, de principes nouveaux et sains. Nous avons besoin de savoir où nous allons et de donner tout son sens à la période de transition qui permettra de retrouver l'inspiration et la force de l'agriculture française et européenne.
Je voudrais achever ce propos en vous disant mon optimisme. Il suffit d'avoir assisté à ce colloque pour mesurer l'énergie disponible. Il suffit de mesurer l'attente, l'impatience, parfois la rage qui habite les agriculteurs pour savoir que l'on peut désormais leur parler. On ne peut plus les laisser s'asphyxier comme on les asphyxie lentement, à petit feu, depuis des années ! Mais il suffit aussi de voir qu'on va avoir sur la planète besoin d'aliments, besoin de biocarburants, besoin de qualité écologique, de développement durable, de paysans dans tous les pays, de marchés nouveaux, pour mesurer que l'Europe et la France sont en matière agricole, incontournables. Il suffit d'identifier les racines du mal et d'avoir le courage de changer de cap.
source http://www.udf.org, le 13 février 2006