Texte intégral
Merci, Monsieur le Ministre. Je voudrais à mon tour donner l'impression que nous avons ressentie, ma délégation et moi, depuis que nous sommes en Tunisie, cela fait maintenant plus de deux jours.
Deux objectifs principaux : le premier, c'était bien entendu de répondre à l'invitation de mon ami Tijani Haddad, pour assister à ce séminaire qui est un succès, on peut le dire. Le deuxième objectif, c'était de faire un point, comme nous l'avons fait ce matin, sur l'état d'avancement de la coopération franco-tunisienne en matière de tourisme. Je rappelle qu'il s'agit d'une convention que j'ai eu l'honneur de signer en décembre 2003, en présence du président de la République Jacques Chirac, avec le prédécesseur de Monsieur Tijani Haddad.
Sur le séminaire, on peut dire qu'il s'agit d'un franc succès. Les bureaux d'études français et les bureaux d'études tunisiens ont travaillé ensemble et ont pu, par la complémentarité de leurs compétences, proposer des choses tout à fait intéressantes, notamment au niveau de la nouvelle stratégie que le gouvernement tunisien a choisie sur plusieurs plans et au sujet d'une première opération très importante qui est celle de la remise à niveau hôtelière.
A ce titre là, je rappelle ce que nous avons décidé : c'est une aide de l'Agence française de développement de 50 millions d'euros qui permettra de cibler un certain nombre d'hôtels pour commencer tout de suite. L'engagement que nous prenons, c'est de tout faire pour que cette enveloppe soit mise en oeuvre rapidement parce que nous avons bien senti qu'au niveau de la partie tunisienne il y a un élan, une initiative, un mouvement qui est amorcé. Il ne s'agit pas du tout de casser cet esprit dynamique. Bien entendu, à côté de l'aide de 50 millions d'euros, il y a aussi un don d'1 million d'euros qui permettra d'apporter l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour pouvoir mobiliser ces fonds dans de bonnes conditions.
S'agissant maintenant du bilan des accords depuis 2003 : la remise à niveau hôtelière, c'est un peu ce que nous avions déjà décidé à l'époque mais nous allons un peu plus loin et nous avons évoqué ce matin la possibilité de nous réunir, soit à Paris, soit en Tunisie, avec nos bureaux d'études, dans les deux ou trois mois qui viennent, pour qu'il y ait un suivi de ce séminaire. Parce qu'il ne suffit pas de se réunir, il s'agit aussi, une fois que nous avons réfléchi, de voir comment nous pouvons suivre effectivement tout ce qui a été décidé.
J'ai proposé qu'à côté de cet investissement matériel, il y ait aussi un investissement immatériel, c'est-à-dire tout ce qui vient dans les domaines de la formation, des services, de l'accueil et j'ai proposé à mon ami Tijani Haddad que nous puissions ? pourquoi pas ? trouver une application de ce que j'appelle le "plan qualité France".
Nous avons initié depuis un an et demi le "plan qualité France", c'est-à-dire une méthode qui consiste à forcer ? je dis bien forcer ? les grands hôteliers à respecter rigoureusement un certain nombre de critères tirant vers la qualité. Comme vous le savez, pour nous la qualité est vraiment un paramètre important puisque le domaine touristique est un domaine qui se développe énormément, dans le monde entier. L'économie mondiale la plus importante est celle du tourisme. Il y a des destinations qui se créent tous les jours et si nous voulons continuer à gagner des parts de marché, il faut proposer un produit de qualité. Les produits de qualité, on les obtient lorsqu'on est rigoureux. Et pour être rigoureux, il faut respecter scrupuleusement des plans. Donc, nous avons ce "plan qualité tourisme" que nous allons proposer à la partie tunisienne.
Ce sera aussi l'occasion de faire des rencontres avec la Fédération de l'hôtellerie, avec notamment le président André Daguin que tout le monde connaît, de façon à échanger pour aller beaucoup plus loin.
D'autres idées ont été émises, notamment par votre ministre du Tourisme qui, je le rappelle, est un homme que je connais depuis quelques mois mais dont j'ai découvert la grande perspicacité. Comme je l'ai dit devant votre Premier ministre ce matin, c'est un ministre redoutable parce qu'il fait tout pour développer le tourisme ici en Tunisie. Donc, nous avons certainement intérêt, entre la France et la Tunisie, à nous associer plutôt qu'à nous combattre, pour aller chercher ensemble des marchés extérieurs. C'est ainsi que l'idée d'une coopération triangulaire - une idée de Tijani Haddad - est tout à fait intéressante puisque nous pouvons trouver une bonne complémentarité entre nos compétences et pourquoi pas aller proposer ensemble un savoir-faire aux autres États.
On croit souvent - j'en profite pour le dire devant vous les journalistes ? que lorsqu'on exporte un savoir-faire à l'extérieur, on se prive de moyens. Mais lorsque vous exportez un savoir-faire français ou franco-tunisien vers d'autres pays, vous créez en même temps des opportunités, des occasions pour vos chefs d'entreprise, pour des marchés que vous allez pouvoir vous-mêmes développer et dont vous bénéficierez par la suite.
C'est donc tout ce travail que nous avons l'intention de faire ensemble. Voilà ce que je voulais vous dire. Pour terminer, je rappellerais que ce matin nous avons été reçus par votre Premier ministre qui est un homme remarquable avec une vision très réaliste et économique des choses. Je repars avec une idée supplémentaire : jusqu'à présent, on disait "lorsque le bâtiment va, tout va". Lui dit "lorsque le tourisme va, tout va" et je crois qu'il a tout à fait raison. Il a bien compris que le tourisme est un lanceur de croissance et, grâce à cette vision très moderne des choses, je pense que la Tunisie est sur une bonne voie.
D'ailleurs quand on regarde les chiffres ? Monsieur le Ministre, vous les avez rappelés tout à l'heure ? depuis 2001, beaucoup de progrès ont été faits. Je me souviens que lorsque je suis venu en 2003, les choses étaient plus ou moins moroses. Les recettes touristiques ont augmenté de pratiquement 21 % depuis, ce qui montre bien que vous êtes dans la bonne voie. Mais être dans la bonne voie dans le domaine touristique suppose d'être sans cesse réactif, c'est-à-dire toujours s'ajuster par rapport à un secteur qui est volatile, qui réagit en fonction du moment. Il ne faut pas hésiter à s'adapter progressivement. C'est ce que vous faites aujourd'hui et l'on ne peut que s'en féliciter.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Bien entendu, j'ai dû oublier beaucoup de choses mais nous sommes à votre disposition, aussi bien Tijani Haddad que moi-même, pour répondre aux questions que vous souhaiteriez nous poser.
Q - La convention de coopération de 2003 a-t-elle réalisé ses objectifs ? Ma deuxième question préoccupe un peu les professionnels : la mise à niveau intégrale et la montée en gamme du produit touristique tunisien peuvent-elles aller de pair avec le tourisme de masse ? Autrement dit, des investissements de plus en plus élevés et des prix de plus en plus bas, concurrence oblige. Est-ce que cela ne nous fait pas courir un danger à plus ou moins long terme ?
R - Sur la première question, nous avons fait un point qui montre bien que les accords que nous avons signés en 2003 ont porté leurs fruits. Aujourd'hui, le séminaire en constitue le prolongement. Par exemple, la mise à niveau hôtelière était une idée de l'époque. Je n'ai pas évoqué tout à l'heure la thalassothérapie mais un travail important a été fait là aussi. La mise en situation touristique du site de Dougga est un chantier bien avancé. Il y a quelques instants, nous avons eu l'occasion de voir la présentation du rapport d'une société française, qui s'appelle "Créocéan", sur le schéma de développement de la plaisance en Tunisie. Là aussi, ce sont des choses concrètes. Donc, nous voyons bien que ces accords ont été suivis d'effets mais en plus, il y a des choses nouvelles qui se font parce que le séminaire organisé par Tijani Haddad n'était pas prévu. Il vient conforter la démarche dans laquelle nous étions.
Concernant la deuxième observation que vous faites, il n'y a pas d'antinomie. Vous savez, on a intérêt, dans cette grande concurrence mondiale du tourisme, à être lisibles parce que de nouvelles destinations se créent tous les jours, dans les pays de l'Est, dans la Caraïbe? Tous les pays qui, jusqu'à présent, ne s'intéressaient pas au tourisme, ont remarqué que c'est une façon de pouvoir créer l'activité rapidement. Ils se mettent au tourisme ; ils créent des équipements neufs et, tout de suite, ils attirent la clientèle parce qu'ils sont nouveaux. On aime toujours ce qui est nouveau, on se précipite, on est curieux. En plus, comme ce sont des pays qui ont un niveau de vie différent de ceux qui sont déjà plus avancés, ils peuvent proposer des choses à des prix défiant toute concurrence.
Donc, nous avons intérêt à être lisibles dans le monde. Et pour être lisible dans le monde, il n'y a pas trente-six solutions : c'est la qualité. La qualité permet d'attirer la clientèle et il faut se débrouiller, une fois que la clientèle arrive ici, pour inventer d'autres filières. C'est ce que vous faites actuellement. Ce matin, je suis passé à côté d'un grand projet de tourisme golfique. Le site de Dougga représente aussi une façon de rechercher une autre sorte de clientèle. Donc, on attire par la qualité et ensuite on se débrouille pour diffuser ce tourisme qui va chercher, suivant les régions, le produit qui l'intéresse. Ce n'est donc pas du tout antinomique. On peut avoir un tourisme de masse et dans ce tourisme de masse un tourisme de niche. En général, le tourisme de niche est celui que nous recherchons parce qu'il apporte plus de contribution financière et ce que nous voulons, c'est le plus possible de touristes mais avec le plus possible de moyens financiers, parce que ce qui est important, c'est la recette que l'on fait entrer dans le pays. Car ce sont ces recettes qui permettent de relancer l'activité et de créer des emplois.
Q - Vous avez parlé, Monsieur le Ministre de 50 millions d'euros accordés par l'AFD. Peut-on savoir sous quelle forme ? Un crédit, un don ?
R - C'est un prêt concessionnel. A côté, il y a un don d'un million d'euros. Je dois ajouter, concernant les activités financières de l'AFD, que la Tunisie est un modèle parce que c'est là que nous avons le plus gros prêt dans le domaine du tourisme. Ce qui veut dire que là aussi c'est une avant-première.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, l'un des produits émergents de la Tunisie est le tourisme médical ou tourisme de santé. Hier, beaucoup de professionnels se plaignaient du fait que le ministère français de la Santé mettait en garde les Français qui souhaitent aller se soigner à l'extérieur du pays. Peut-on connaître les raisons de ces mises en garde et peut-on contourner ce petit blocage ?
Vous avez parlé hier dans votre discours du tourisme solidaire. Peut-on avoir un aperçu sur l'expérience de la France dans ce domaine - je pense à la taxe Chirac ? et comment peut-on décliner ce concept sur le modèle tunisien ?
R - Sur la première question, il est vrai que nous avons eu une circulaire de Xavier Bertrand avec une mise en garde concernant le tourisme médical mais je crois que c'était surtout dans un souci de clarifier les responsabilités des uns et des autres. Parce que, la plupart du temps, lorsque le tour opérateur se lançait dans de telles démarches, lorsqu'il y avait un problème, on ne savait pas à qui s'adresser, au médecin ou au tour opérateur. C'était donc une démarche dans le but de clarifier les responsabilités des uns et des autres et uniquement dans ce sens. Cela aussi participe d'un souci de qualité. Quand on vient pour du tourisme médical, il est bon de savoir où s'adresser en cas de problème et comment. Il faut être transparent jusqu'au bout dans l'information. Donc, de ce côté, on ne peut pas parler d'opposition. C'est une clarification et c'est comme cela qu'il faut le prendre.
Sur le tourisme solidaire, effectivement la France est très engagée dans cette forme de tourisme. J'ai eu moi-même l'occasion de participer à plusieurs séminaires à ce sujet. Je partirai d'ailleurs dans quelques semaines en Amérique centrale, au Chiapas, où se déroule une deuxième grande rencontre internationale.
Et j'étais au Maroc pour aller voir jusqu'au bout de la chaîne une démarche que je soutiens depuis quelque temps au travers d'une association qui s'appelle TFD, ce qui veut dire "Tourism for Development", le tourisme pour le développement. Nous avons été vraiment très satisfaits de constater que cette association qui s'appuyait sur des ONG - l'ONG en question s'appelle "Migration et développement" - était en mesure de réaliser sur le terrain des choses intéressantes. Nous avons rencontré des populations dans des villages, notamment dans le village de Aït Youssef, dans la région de Taroudannt, où on a pu grâce à cette action apporter de l'eau potable à des villageois, mettre aussi l'assainissement, dégageant donc les enfants - qui normalement portent l'eau - de ces contraintes pour leur permettre d'aller à l'école.
La partie la plus intéressante, pour moi, c'est qu'il y a un partenariat global. En plus des ONG, de TFD, de l'action que nous menons nous-mêmes en tant que ministère français du Tourisme, nous avons eu la présence de responsables de différentes administrations marocaines. Il y avait l'ONEP qui est l'Organisation nationale de l'eau potable. Nous avons vu aussi les responsables de l'Éducation nationale qui, une fois les structures mises en place, ont pris l'engagement de prendre le relais pour assurer la pérennité de leur fonctionnement.
Là, c'était vraiment pour moi quelque chose d'intéressant parce qu'on voit bien, comme on l'a dit ce matin devant le Premier ministre de la Tunisie, que le tourisme est un facteur humain extraordinaire. J'irais même beaucoup plus loin et je l'ai dit hier devant les professionnels français et tunisiens : si on arrive à bien expliquer qu'un touriste qui sait, lorsqu'il achète un forfait, qu'un ou deux euros peuvent aller changer positivement la vie des gens dans le pays qu'il va visiter, sans pour cela atténuer son séjour - il va toujours s'amuser dans de bonnes conditions, etc. - ; s'il sait que l'argent qu'il donne sert à améliorer la vie des gens, il est clair que ce touriste va choisir les tours opérateurs qui auront le courage ou même l'intelligence de proposer un tel label.
C'est pour cela que je l'ai évoqué hier. Je croyais que c'était un discours mais j'ai vu la réalité du terrain. Ce que j'ai envie de dire aussi, c'est que beaucoup pourraient croire qu'il s'agit d'un tout petit projet perdu quelque part. Mais la plupart du temps, le micro-projet provoque chez les habitants un esprit de reconquête, une dynamique, un mouvement. Si les gens croient en quelque chose, tout de suite, cela leur donne de la volonté, de la détermination pour pouvoir se lancer vers d'autres opérations. C'est comme si, quelque part, on allumait une toute petite flamme qui grandit, qui devient un feu et qui devient ensuite un mouvement important permettant de lutter contre la pauvreté.
Q - La concurrence sur le pourtour méditerranéen se renforce chaque jour. Comment peut-on favoriser les rapprochements entre bureaux d'études tunisiens et étrangers, notamment français, et quelles sont les actions à entreprendre au niveau des tours opérateurs ?
R - C'est ce que nous faisons. Nous l'avons démontré par exemple, ce matin lorsque la société "Créocéan" nous a présenté le rapport sur le schéma de développement des ports de plaisance de la Tunisie. C'est un travail qui a été réalisé en commun entre les bureaux d'études français et les bureaux d'études tunisiens. Il y a déjà un certain travail en cours et je répondais ce matin à un journaliste en lui disant que la France ne vient pas comme un grand frère qui vient sceller de façon pédagogique un enseignement en direction de ses petits frères tunisiens qui ne savent pas grand chose sur l'expertise à apporter. Chacun a quelque chose à donner et ce qui me frappe ici, c'est l'esprit de challenge, de modernité, de créativité que vous avez. On peut trouver une bonne complémentarité entre les différentes missions et c'est ce qui permet de sortir des choses intéressantes. C'est ce qui se fait notamment avec le travail entre les bureaux d'études.
Pour toute la partie des agences de voyage, des hôteliers, des restaurateurs que nous allons rencontrer dans le prolongement du séminaire, nous allons travailler dans le même état d'esprit. Chacun a quelque chose à apporter, surtout dans le domaine du tourisme.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez évoqué tout à l'heure la coopération triangulaire. Quelles sont les caractéristiques de cette coopération ?
R - C'est une idée de votre ministre et c'est une très bonne idée. Alors je le laisse la développer. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2006
Deux objectifs principaux : le premier, c'était bien entendu de répondre à l'invitation de mon ami Tijani Haddad, pour assister à ce séminaire qui est un succès, on peut le dire. Le deuxième objectif, c'était de faire un point, comme nous l'avons fait ce matin, sur l'état d'avancement de la coopération franco-tunisienne en matière de tourisme. Je rappelle qu'il s'agit d'une convention que j'ai eu l'honneur de signer en décembre 2003, en présence du président de la République Jacques Chirac, avec le prédécesseur de Monsieur Tijani Haddad.
Sur le séminaire, on peut dire qu'il s'agit d'un franc succès. Les bureaux d'études français et les bureaux d'études tunisiens ont travaillé ensemble et ont pu, par la complémentarité de leurs compétences, proposer des choses tout à fait intéressantes, notamment au niveau de la nouvelle stratégie que le gouvernement tunisien a choisie sur plusieurs plans et au sujet d'une première opération très importante qui est celle de la remise à niveau hôtelière.
A ce titre là, je rappelle ce que nous avons décidé : c'est une aide de l'Agence française de développement de 50 millions d'euros qui permettra de cibler un certain nombre d'hôtels pour commencer tout de suite. L'engagement que nous prenons, c'est de tout faire pour que cette enveloppe soit mise en oeuvre rapidement parce que nous avons bien senti qu'au niveau de la partie tunisienne il y a un élan, une initiative, un mouvement qui est amorcé. Il ne s'agit pas du tout de casser cet esprit dynamique. Bien entendu, à côté de l'aide de 50 millions d'euros, il y a aussi un don d'1 million d'euros qui permettra d'apporter l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour pouvoir mobiliser ces fonds dans de bonnes conditions.
S'agissant maintenant du bilan des accords depuis 2003 : la remise à niveau hôtelière, c'est un peu ce que nous avions déjà décidé à l'époque mais nous allons un peu plus loin et nous avons évoqué ce matin la possibilité de nous réunir, soit à Paris, soit en Tunisie, avec nos bureaux d'études, dans les deux ou trois mois qui viennent, pour qu'il y ait un suivi de ce séminaire. Parce qu'il ne suffit pas de se réunir, il s'agit aussi, une fois que nous avons réfléchi, de voir comment nous pouvons suivre effectivement tout ce qui a été décidé.
J'ai proposé qu'à côté de cet investissement matériel, il y ait aussi un investissement immatériel, c'est-à-dire tout ce qui vient dans les domaines de la formation, des services, de l'accueil et j'ai proposé à mon ami Tijani Haddad que nous puissions ? pourquoi pas ? trouver une application de ce que j'appelle le "plan qualité France".
Nous avons initié depuis un an et demi le "plan qualité France", c'est-à-dire une méthode qui consiste à forcer ? je dis bien forcer ? les grands hôteliers à respecter rigoureusement un certain nombre de critères tirant vers la qualité. Comme vous le savez, pour nous la qualité est vraiment un paramètre important puisque le domaine touristique est un domaine qui se développe énormément, dans le monde entier. L'économie mondiale la plus importante est celle du tourisme. Il y a des destinations qui se créent tous les jours et si nous voulons continuer à gagner des parts de marché, il faut proposer un produit de qualité. Les produits de qualité, on les obtient lorsqu'on est rigoureux. Et pour être rigoureux, il faut respecter scrupuleusement des plans. Donc, nous avons ce "plan qualité tourisme" que nous allons proposer à la partie tunisienne.
Ce sera aussi l'occasion de faire des rencontres avec la Fédération de l'hôtellerie, avec notamment le président André Daguin que tout le monde connaît, de façon à échanger pour aller beaucoup plus loin.
D'autres idées ont été émises, notamment par votre ministre du Tourisme qui, je le rappelle, est un homme que je connais depuis quelques mois mais dont j'ai découvert la grande perspicacité. Comme je l'ai dit devant votre Premier ministre ce matin, c'est un ministre redoutable parce qu'il fait tout pour développer le tourisme ici en Tunisie. Donc, nous avons certainement intérêt, entre la France et la Tunisie, à nous associer plutôt qu'à nous combattre, pour aller chercher ensemble des marchés extérieurs. C'est ainsi que l'idée d'une coopération triangulaire - une idée de Tijani Haddad - est tout à fait intéressante puisque nous pouvons trouver une bonne complémentarité entre nos compétences et pourquoi pas aller proposer ensemble un savoir-faire aux autres États.
On croit souvent - j'en profite pour le dire devant vous les journalistes ? que lorsqu'on exporte un savoir-faire à l'extérieur, on se prive de moyens. Mais lorsque vous exportez un savoir-faire français ou franco-tunisien vers d'autres pays, vous créez en même temps des opportunités, des occasions pour vos chefs d'entreprise, pour des marchés que vous allez pouvoir vous-mêmes développer et dont vous bénéficierez par la suite.
C'est donc tout ce travail que nous avons l'intention de faire ensemble. Voilà ce que je voulais vous dire. Pour terminer, je rappellerais que ce matin nous avons été reçus par votre Premier ministre qui est un homme remarquable avec une vision très réaliste et économique des choses. Je repars avec une idée supplémentaire : jusqu'à présent, on disait "lorsque le bâtiment va, tout va". Lui dit "lorsque le tourisme va, tout va" et je crois qu'il a tout à fait raison. Il a bien compris que le tourisme est un lanceur de croissance et, grâce à cette vision très moderne des choses, je pense que la Tunisie est sur une bonne voie.
D'ailleurs quand on regarde les chiffres ? Monsieur le Ministre, vous les avez rappelés tout à l'heure ? depuis 2001, beaucoup de progrès ont été faits. Je me souviens que lorsque je suis venu en 2003, les choses étaient plus ou moins moroses. Les recettes touristiques ont augmenté de pratiquement 21 % depuis, ce qui montre bien que vous êtes dans la bonne voie. Mais être dans la bonne voie dans le domaine touristique suppose d'être sans cesse réactif, c'est-à-dire toujours s'ajuster par rapport à un secteur qui est volatile, qui réagit en fonction du moment. Il ne faut pas hésiter à s'adapter progressivement. C'est ce que vous faites aujourd'hui et l'on ne peut que s'en féliciter.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Bien entendu, j'ai dû oublier beaucoup de choses mais nous sommes à votre disposition, aussi bien Tijani Haddad que moi-même, pour répondre aux questions que vous souhaiteriez nous poser.
Q - La convention de coopération de 2003 a-t-elle réalisé ses objectifs ? Ma deuxième question préoccupe un peu les professionnels : la mise à niveau intégrale et la montée en gamme du produit touristique tunisien peuvent-elles aller de pair avec le tourisme de masse ? Autrement dit, des investissements de plus en plus élevés et des prix de plus en plus bas, concurrence oblige. Est-ce que cela ne nous fait pas courir un danger à plus ou moins long terme ?
R - Sur la première question, nous avons fait un point qui montre bien que les accords que nous avons signés en 2003 ont porté leurs fruits. Aujourd'hui, le séminaire en constitue le prolongement. Par exemple, la mise à niveau hôtelière était une idée de l'époque. Je n'ai pas évoqué tout à l'heure la thalassothérapie mais un travail important a été fait là aussi. La mise en situation touristique du site de Dougga est un chantier bien avancé. Il y a quelques instants, nous avons eu l'occasion de voir la présentation du rapport d'une société française, qui s'appelle "Créocéan", sur le schéma de développement de la plaisance en Tunisie. Là aussi, ce sont des choses concrètes. Donc, nous voyons bien que ces accords ont été suivis d'effets mais en plus, il y a des choses nouvelles qui se font parce que le séminaire organisé par Tijani Haddad n'était pas prévu. Il vient conforter la démarche dans laquelle nous étions.
Concernant la deuxième observation que vous faites, il n'y a pas d'antinomie. Vous savez, on a intérêt, dans cette grande concurrence mondiale du tourisme, à être lisibles parce que de nouvelles destinations se créent tous les jours, dans les pays de l'Est, dans la Caraïbe? Tous les pays qui, jusqu'à présent, ne s'intéressaient pas au tourisme, ont remarqué que c'est une façon de pouvoir créer l'activité rapidement. Ils se mettent au tourisme ; ils créent des équipements neufs et, tout de suite, ils attirent la clientèle parce qu'ils sont nouveaux. On aime toujours ce qui est nouveau, on se précipite, on est curieux. En plus, comme ce sont des pays qui ont un niveau de vie différent de ceux qui sont déjà plus avancés, ils peuvent proposer des choses à des prix défiant toute concurrence.
Donc, nous avons intérêt à être lisibles dans le monde. Et pour être lisible dans le monde, il n'y a pas trente-six solutions : c'est la qualité. La qualité permet d'attirer la clientèle et il faut se débrouiller, une fois que la clientèle arrive ici, pour inventer d'autres filières. C'est ce que vous faites actuellement. Ce matin, je suis passé à côté d'un grand projet de tourisme golfique. Le site de Dougga représente aussi une façon de rechercher une autre sorte de clientèle. Donc, on attire par la qualité et ensuite on se débrouille pour diffuser ce tourisme qui va chercher, suivant les régions, le produit qui l'intéresse. Ce n'est donc pas du tout antinomique. On peut avoir un tourisme de masse et dans ce tourisme de masse un tourisme de niche. En général, le tourisme de niche est celui que nous recherchons parce qu'il apporte plus de contribution financière et ce que nous voulons, c'est le plus possible de touristes mais avec le plus possible de moyens financiers, parce que ce qui est important, c'est la recette que l'on fait entrer dans le pays. Car ce sont ces recettes qui permettent de relancer l'activité et de créer des emplois.
Q - Vous avez parlé, Monsieur le Ministre de 50 millions d'euros accordés par l'AFD. Peut-on savoir sous quelle forme ? Un crédit, un don ?
R - C'est un prêt concessionnel. A côté, il y a un don d'un million d'euros. Je dois ajouter, concernant les activités financières de l'AFD, que la Tunisie est un modèle parce que c'est là que nous avons le plus gros prêt dans le domaine du tourisme. Ce qui veut dire que là aussi c'est une avant-première.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, l'un des produits émergents de la Tunisie est le tourisme médical ou tourisme de santé. Hier, beaucoup de professionnels se plaignaient du fait que le ministère français de la Santé mettait en garde les Français qui souhaitent aller se soigner à l'extérieur du pays. Peut-on connaître les raisons de ces mises en garde et peut-on contourner ce petit blocage ?
Vous avez parlé hier dans votre discours du tourisme solidaire. Peut-on avoir un aperçu sur l'expérience de la France dans ce domaine - je pense à la taxe Chirac ? et comment peut-on décliner ce concept sur le modèle tunisien ?
R - Sur la première question, il est vrai que nous avons eu une circulaire de Xavier Bertrand avec une mise en garde concernant le tourisme médical mais je crois que c'était surtout dans un souci de clarifier les responsabilités des uns et des autres. Parce que, la plupart du temps, lorsque le tour opérateur se lançait dans de telles démarches, lorsqu'il y avait un problème, on ne savait pas à qui s'adresser, au médecin ou au tour opérateur. C'était donc une démarche dans le but de clarifier les responsabilités des uns et des autres et uniquement dans ce sens. Cela aussi participe d'un souci de qualité. Quand on vient pour du tourisme médical, il est bon de savoir où s'adresser en cas de problème et comment. Il faut être transparent jusqu'au bout dans l'information. Donc, de ce côté, on ne peut pas parler d'opposition. C'est une clarification et c'est comme cela qu'il faut le prendre.
Sur le tourisme solidaire, effectivement la France est très engagée dans cette forme de tourisme. J'ai eu moi-même l'occasion de participer à plusieurs séminaires à ce sujet. Je partirai d'ailleurs dans quelques semaines en Amérique centrale, au Chiapas, où se déroule une deuxième grande rencontre internationale.
Et j'étais au Maroc pour aller voir jusqu'au bout de la chaîne une démarche que je soutiens depuis quelque temps au travers d'une association qui s'appelle TFD, ce qui veut dire "Tourism for Development", le tourisme pour le développement. Nous avons été vraiment très satisfaits de constater que cette association qui s'appuyait sur des ONG - l'ONG en question s'appelle "Migration et développement" - était en mesure de réaliser sur le terrain des choses intéressantes. Nous avons rencontré des populations dans des villages, notamment dans le village de Aït Youssef, dans la région de Taroudannt, où on a pu grâce à cette action apporter de l'eau potable à des villageois, mettre aussi l'assainissement, dégageant donc les enfants - qui normalement portent l'eau - de ces contraintes pour leur permettre d'aller à l'école.
La partie la plus intéressante, pour moi, c'est qu'il y a un partenariat global. En plus des ONG, de TFD, de l'action que nous menons nous-mêmes en tant que ministère français du Tourisme, nous avons eu la présence de responsables de différentes administrations marocaines. Il y avait l'ONEP qui est l'Organisation nationale de l'eau potable. Nous avons vu aussi les responsables de l'Éducation nationale qui, une fois les structures mises en place, ont pris l'engagement de prendre le relais pour assurer la pérennité de leur fonctionnement.
Là, c'était vraiment pour moi quelque chose d'intéressant parce qu'on voit bien, comme on l'a dit ce matin devant le Premier ministre de la Tunisie, que le tourisme est un facteur humain extraordinaire. J'irais même beaucoup plus loin et je l'ai dit hier devant les professionnels français et tunisiens : si on arrive à bien expliquer qu'un touriste qui sait, lorsqu'il achète un forfait, qu'un ou deux euros peuvent aller changer positivement la vie des gens dans le pays qu'il va visiter, sans pour cela atténuer son séjour - il va toujours s'amuser dans de bonnes conditions, etc. - ; s'il sait que l'argent qu'il donne sert à améliorer la vie des gens, il est clair que ce touriste va choisir les tours opérateurs qui auront le courage ou même l'intelligence de proposer un tel label.
C'est pour cela que je l'ai évoqué hier. Je croyais que c'était un discours mais j'ai vu la réalité du terrain. Ce que j'ai envie de dire aussi, c'est que beaucoup pourraient croire qu'il s'agit d'un tout petit projet perdu quelque part. Mais la plupart du temps, le micro-projet provoque chez les habitants un esprit de reconquête, une dynamique, un mouvement. Si les gens croient en quelque chose, tout de suite, cela leur donne de la volonté, de la détermination pour pouvoir se lancer vers d'autres opérations. C'est comme si, quelque part, on allumait une toute petite flamme qui grandit, qui devient un feu et qui devient ensuite un mouvement important permettant de lutter contre la pauvreté.
Q - La concurrence sur le pourtour méditerranéen se renforce chaque jour. Comment peut-on favoriser les rapprochements entre bureaux d'études tunisiens et étrangers, notamment français, et quelles sont les actions à entreprendre au niveau des tours opérateurs ?
R - C'est ce que nous faisons. Nous l'avons démontré par exemple, ce matin lorsque la société "Créocéan" nous a présenté le rapport sur le schéma de développement des ports de plaisance de la Tunisie. C'est un travail qui a été réalisé en commun entre les bureaux d'études français et les bureaux d'études tunisiens. Il y a déjà un certain travail en cours et je répondais ce matin à un journaliste en lui disant que la France ne vient pas comme un grand frère qui vient sceller de façon pédagogique un enseignement en direction de ses petits frères tunisiens qui ne savent pas grand chose sur l'expertise à apporter. Chacun a quelque chose à donner et ce qui me frappe ici, c'est l'esprit de challenge, de modernité, de créativité que vous avez. On peut trouver une bonne complémentarité entre les différentes missions et c'est ce qui permet de sortir des choses intéressantes. C'est ce qui se fait notamment avec le travail entre les bureaux d'études.
Pour toute la partie des agences de voyage, des hôteliers, des restaurateurs que nous allons rencontrer dans le prolongement du séminaire, nous allons travailler dans le même état d'esprit. Chacun a quelque chose à apporter, surtout dans le domaine du tourisme.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez évoqué tout à l'heure la coopération triangulaire. Quelles sont les caractéristiques de cette coopération ?
R - C'est une idée de votre ministre et c'est une très bonne idée. Alors je le laisse la développer. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2006