Texte intégral
Messieurs les Ministres, Cher Michel Duffour, Cher Edmond Hervé,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux d'ouvrir avec vous cette journée de réflexion due à l'initiative de l'Institut des Villes, en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la cohésion sociale et de la parité. Je me félicite qu'au Sénat, les collectivités territoriales, les villes et leurs élus, aient rendez-vous avec les artistes, les créateurs, les animateurs culturels, pour repenser la place de la culture et de l'art dans la cité, pour continuer à défricher, à ouvrir de nouveaux territoires de l'art. L'art dont Malraux disait qu'il était une conquête, autant, sinon plus qu'un héritage. Sans doute avait-il, en créant les maisons de la culture, le dessein de bâtir de nouvelles cathédrales de l'art, de nouveaux lieux, de nouvelles institutions, pour servir la volonté républicaine de démocratiser, c'est-à-dire d'ouvrir largement l'accès à la culture, en s'inspirant de ce que Jules Ferry et les « hussards noirs » de la République avaient en leur temps, fait, avec l'école, pour l'éducation nationale, qui s'appelait alors l'instruction publique.
Aujourd'hui, quoiqu'on puisse dire, écrire ou lire, ça et là, l'ambition fondatrice de Malraux est atteinte, voire dépassée par près de quarante ans de politique culturelle et d'efforts conjugués de l'Etat, des collectivités territoriales, des artistes, des techniciens, des responsables des lieux et des festivals, de l'ensemble des acteurs de la culture, pour offrir à nos concitoyens un choix toujours plus large, multiple et ouvert de propositions artistiques et culturelles. Et si l'éducation artistique et culturelle demeure un enjeu essentiel, la culture fait parfois l'école buissonnière.
La démocratisation culturelle reste néanmoins, nous en sommes tous conscients, un objectif à atteindre, à parfaire, à pousser plus loin, au plus proche de nos concitoyens. Oui, il s'agit bien aujourd'hui de faire vivre la diversité culturelle, dans notre pays, dans nos régions, dans nos villes, dans notre société. La diversité culturelle, qui est devenue, l'an dernier, pour la première fois dans l'histoire, un principe de droit international, avec l'adoption de la convention de l'UNESCO. Vous savez la part qu'a prise la France dans ce progrès vers l'humanisation et la maîtrise de la mondialisation, qui est l'un des grands défis de notre temps.
La crise que nous avons connue à la fin de l'an dernier dans les banlieues a montré combien cette exigence de diversité culturelle doit aussi permettre à notre politique culturelle d'apporter toute sa part à la cohésion sociale. Si beaucoup de facteurs, notamment économiques, et, bien sûr le chômage des jeunes en premier lieu, mais aussi l'urbanisme et les conditions de logement, peuvent contribuer à expliquer les racines de ce malaise des banlieues, la crise pose aussi la question de l'identité culturelle.
C'est pourquoi le ministère de la culture et de la communication se donne comme objectif de promouvoir des pratiques culturelles qui fassent progresser la tolérance, le dialogue dans le respect des différences, seule façon de lutter contre toutes les formes d'exclusion et de ségrégation, et de susciter le désir de vivre et de créer ensemble.
L'action de l'Institut des Villes et des élus que vous rassemblez, en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication, en faveur du soutien en faveur des nouveaux territoires de l'art, ainsi qu'aux lieux et aux équipes qui s'engagent, dans vos communes, dans des pratiques culturelles innovantes, va dans ce sens.
A la source de ce travail, qui inspire votre colloque aujourd'hui, se trouvent autant de rencontres, entre les volontés politiques et les initiatives d'artistes, qui dessinent une nouvelle façon de penser la place et le rôle de la culture dans le développement urbain, social et économique des villes. En fonction des problématiques spécifiques de vos territoires, vous avez élaboré des propositions et des outils qui sont autant de pistes d'action, des « bonnes pratiques » qu'il me paraît particulièrement utile aujourd'hui d'échanger, de mutualiser, de penser ensemble.
Si votre colloque se déroule ici-même au Sénat, c'est que les collectivités territoriales ? et je suis comme beaucoup d'entre vous élu municipal ? sont, après les artistes eux-mêmes, les premières impliquées dans ces expérimentations qui émanent le plus souvent de collectifs d'artistes, qui veulent ainsi se situer tout à la fois en marge et au coeur de la cité.
Je suis convaincu que ces nouveaux territoires de l'art représentent une grande chance pour nous, pour trois raisons.
D'abord, parce que ces expérimentations sont porteuses d'une parole. Une parole qui traduit un profond désir d'ouverture, de relation, une parole qui tend à abolir les frontières entre les artistes et leurs publics, entre les modes d'expression, entre les hommes. C'est une parole collective, un désir de vivre, de travailler ensemble, dans le respect de chacun. C'est une parole précieuse, enthousiaste, civique, et nous devons l'écouter.
Cette parole, ensuite, s'exprime sur notre territoire urbain. Elle est protéiforme, mais elle est aussi omniprésente. De plus en plus de villes connaissent ce phénomène. Je suis convaincu que les friches peuvent jouer un rôle essentiel dans la décentralisation et l'aménagement culturels de notre territoire. Et je me réjouis que vous ayez inscrit à votre programme une réflexion sur la culture et l'attractivité des territoires.
Ces initiatives d'artistes, de tous horizons et de toutes disciplines, sont une chance formidable de renouveler ces lieux qui ne sont plus des marges, et de leur donner une nouvelle vie, en offrant une visibilité forte à un patrimoine, industriel par exemple, qui était parfois oublié, abandonné, relégué, et que nos concitoyens peuvent à présent, se ré-approprier.
Ce sont aussi des laboratoires de la création contemporaine sous toutes ses formes.
Pour toutes ces raisons, je pense que nous devons faire tout notre possible, quand émergent des projets de qualité, des projets qui contribuent véritablement à faire de la culture un nouveau facteur de lien social, dans un endroit où cela faisait cruellement défaut, pour les encourager, les soutenir et les aider à se développer. Mais, j'en ai parfaitement conscience, cela représente aussi un grand défi. Les nouveaux territoires de l'art se construisent souvent, ne nous le cachons pas, en réaction contre les pouvoirs publics ou du moins contre une certaine institutionnalisation de l'art. Le dialogue que chaque collectivité établit alors avec ces lieux émergents est un dialogue souvent fragile, qui oblige à inventer des solutions inédites et concrètes.
Reconnaissons et soyons fiers de ce que sont et de ce que font ces artistes, ces équipes, ces friches, dans le dialogue et avec le soutien des populations et des élus. Elaborons ensemble des partenariats, autour d'objectifs clairs, et l'Etat a naturellement un rôle à jouer dans cette reconnaissance et dans la définition de ces objectifs. Mais, gardons-nous des tentations d'institutionnaliser, d'officialiser, de bureaucratiser ces friches ! Ne nous hâtons pas de transformer ces jachères fécondes, où croissent les herbes folles, les fleurs sauvages, en jardins à la française !
Nous avons tous en mémoire l'exemple réussi d'Ariane Mnouchkine, de son équipe et de la Cartoucherie, qui était, à l'origine, une friche, une expérimentation, qui a vite rencontré d'abord la curiosité, puis la participation, l'adhésion et le succès d'un public croissant, qu'il était du devoir de l'Etat d'accompagner et de soutenir, bien sûr. Mais comme le dit Ariane Mnouchkine elle-même, il fallait d'abord oser chercher.
Examinons donc, car c'est aussi le rôle de l'Etat et des élus, chaque expérience au cas par cas. Car ces projets émergents peuvent répondre à une logique de proximité, de soutien et d'amélioration de la qualité de la vie dans les quartiers en difficultés, et entrer dans le cadre de la rénovation urbaine, portée aujourd'hui par la politique de la ville.
C'est pourquoi, avec Jean-Louis Borloo, je veux mobiliser des moyens nouveaux pour la culture, en faveur des jeunes et du lien entre les générations, essentiels à la cohésion de notre société, et je me réjouis que Catherine Vautrin clôture votre colloque. Je prépare, ainsi, dans les six départements où viennent d'être désignés des préfets délégués à l'égalité des chances, une action forte en faveur d'initiatives culturelles pour l'intégration. Je propose que 20% de l'enveloppe affectée aux préfets délégués, au titre des crédits de la politique de la ville, soient réservés à ces projets culturels, pour un total de 4 millions d'euros pour 2006. Ces actions comprennent le soutien aux pratiques artistiques émergentes, notamment dans les friches urbaines, dès lors que ces lieux créent une culture à partager.
Vous le savez, ces projets artistiques et culturels sont en évolution, et parfois en révolution permanentes. Chaque expérience est singulière et inscrite sur un territoire.
Le ministère de la culture et de la communication a reconnu le caractère novateur de nombre de ces projets. Aujourd'hui, le ministère, sur les crédits déconcentrés des DRAC, finance plusieurs de ces équipements, je pense en particulier à la Friche la Belle-de-Mai à Marseille, TNT à Bordeaux, Mix Art Myrys à Toulouse, La Casa Musicale à Perpignan, l'Antre-Peaux à Bourges, Mains d'oeuvres à Saint-Ouen, Gare au théâtre, à Vitry-sur-Seine, où je suis allé le 20 novembre dernier, La halle Verrière à Meisenthal en Lorraine, l'usine à Tournefeuille dans l'agglomération du Grand Toulouse, Culture Commune à Loos-en-Gohelle, Le Boulon à Vieux-Condé, l'atelier 231 à Sotteville les Rouen, le Collectif 12 à Mantes la jolie, Là Hors De dans le quartier de la Duchère à Lyon, entre autres exemples.
La relocalisation du projet Mix Art Myrys, dont l'équipe, après dix années d'existence dans des conditions d'occupation illégales des locaux, situés au centre de Toulouse, illustre de manière exemplaire la concertation menée entre les pouvoirs publics, puisqu'elle a mobilisé les services de l'Etat (DRAC et préfecture), la Ville de Toulouse, la communauté de l'Agglomération du Grand Toulouse, le Conseil Général de la Haute-Garonne et le Conseil Régional de Midi-Pyrénées et les porteurs de projets.
J'insiste sur ce point, l'Etat ne se désengage pas. Il n'est pas le grand absent de ce nouveau souffle. Il y participe largement, d'autant que ces expériences se multiplient sur l'ensemble du territoire national. Mais l'Etat n'est pas nécessairement requis d'intervenir partout et doit aussi laisser la place à la spontanéité de ce foisonnement artistique.
Ainsi, parallèlement à la reconduction interministérielle du GIP Institut des Villes, la signature d'une convention triennale avec celui-ci a confirmé notre volonté réciproque de continuer à travailler ensemble sur des objectifs communs, en nous appuyant sur les compétences de la Mission Nouveaux Territoires de l'Art de cet Institut.
Par ailleurs, j'ai souhaité qu'un groupe de travail national, co-piloté par la Délégation au développement et aux affaires internationales de mon ministère et la mission « Nouveaux Territoires de l'Art », soit mis en place afin d'observer et d'être à l'écoute de ces démarches. Il est constitué principalement de représentants des Directions régionales des affaires culturelles, de l'association des Directeurs des affaires culturelles des grandes villes et agglomérations de France, et du réseau Autre parts de l'association Hors les Murs, regroupant des opérateurs culturels.
La Fédération nationale des Collectivités territoriales pour la Culture (FNCC) et l'Observatoire des politiques culturelles de Grenoble sont associés à ces travaux.
J'attire également votre attention sur les réflexions résumées dans le dernier numéro de la revue Culture et Recherche, édité par le ministère, qui fait état des savoirs et des réflexions sur les liens actuels entre la démocratisation culturelle, la diversité culturelle et la cohésion sociale. J'ai demandé à ce qu'un exemplaire de cette revue, qui vient de paraître, vous soit distribué. Je compte sur vos échanges et vos travaux d'aujourd'hui pour faire encore progresser notre réflexion collective et notre action dans ce domaine. Je salue la parution des actes du fameux colloque de la Belle de Mai sur les Nouveaux territoires de l'art, cher Michel Duffour . Mais, je tiens à dissiper certaines présentations caricaturales. Je vous l'ai dit, l'Etat ne se désengage pas, il continue à agir, à reconnaître, à faire connaître et à adapter son rôle d'intervention, d'animation, de coordination des politiques culturelles face aux nouvelles pratiques émergentes.
Car les nouveaux espaces de projets artistiques et culturels ne sont pas seulement des outils de valorisation urbaine au service de la cohésion sociale, ils sont aussi les vecteurs d'autres modes de production et de diffusion de l'art.
Il ne s'agit pas d'opposer certaines pratiques à d'autres, le champ de l'institution au champ "non-institutionnel", l'art "officiel" à la création indépendante, mais au contraire, d'imaginer comment des liens nouveaux peuvent se tisser entre toutes les composantes de la vie artistique et culturelle. Je suis conscient des défis que l'évolution du paysage artistique, culturel, social, pose à cette mission essentielle, réconciliatrice, médiatrice, stratégique de l'Etat aujourd'hui, face à nos concitoyens, à notre société, à notre monde.
Je vois des motifs d'espoir, de confiance, d'optimisme dans les nombreux exemples d'artistes, reconnus internationalement, issus des démarches artistiques et culturelles qui font l'objet de votre colloque. Je pense notamment à la compagnie Komplex Kapharnaum de la Friche en cours à Villeurbanne qui, après avoir participé au festival d'Aurillac et à des manifestations dans de nombreux pays européens, a ouvert le festival d'Avignon en 2004.
Pour les musiques actuelles, je pense aussi, par exemple, au groupe de rap IAM qui a travaillé dans les locaux de répétition de la friche de la Belle de Mai ou à la formation musicale Herman Düne dans ceux de Mains d'oeuvres à Saint-Ouen, qui se produit aujourd'hui au niveau international.
De la même manière que des artistes issus de ces lieux acquièrent une notoriété nationale ou internationale, des artistes reconnus par les institutions rejoignent aussi parfois ces lieux. Je pense par exemple, aux interventions de Daniel Buren ou de Claude Lévêque à la friche l'Antre-Peaux à Bourges ou à la compagnie de danse Käfig, sous la direction de Mourad Merzouki, qui envisage un travail à long terme dans l'agglomération du Grand Lyon dans le quartier prioritaire de Bron-Parilly accompagnée par l'Agence Nationale du Renouvellement Urbain (ANRU).
Je tiens enfin à vous dire combien le ministère de la culture et de la communication s'engage dans ces réflexions et je suis convaincu que votre colloque nous permettra d'ouvrir de nouvelles pistes, pour agir ensemble au service de la culture et de la cité.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 8 février 2006
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux d'ouvrir avec vous cette journée de réflexion due à l'initiative de l'Institut des Villes, en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la cohésion sociale et de la parité. Je me félicite qu'au Sénat, les collectivités territoriales, les villes et leurs élus, aient rendez-vous avec les artistes, les créateurs, les animateurs culturels, pour repenser la place de la culture et de l'art dans la cité, pour continuer à défricher, à ouvrir de nouveaux territoires de l'art. L'art dont Malraux disait qu'il était une conquête, autant, sinon plus qu'un héritage. Sans doute avait-il, en créant les maisons de la culture, le dessein de bâtir de nouvelles cathédrales de l'art, de nouveaux lieux, de nouvelles institutions, pour servir la volonté républicaine de démocratiser, c'est-à-dire d'ouvrir largement l'accès à la culture, en s'inspirant de ce que Jules Ferry et les « hussards noirs » de la République avaient en leur temps, fait, avec l'école, pour l'éducation nationale, qui s'appelait alors l'instruction publique.
Aujourd'hui, quoiqu'on puisse dire, écrire ou lire, ça et là, l'ambition fondatrice de Malraux est atteinte, voire dépassée par près de quarante ans de politique culturelle et d'efforts conjugués de l'Etat, des collectivités territoriales, des artistes, des techniciens, des responsables des lieux et des festivals, de l'ensemble des acteurs de la culture, pour offrir à nos concitoyens un choix toujours plus large, multiple et ouvert de propositions artistiques et culturelles. Et si l'éducation artistique et culturelle demeure un enjeu essentiel, la culture fait parfois l'école buissonnière.
La démocratisation culturelle reste néanmoins, nous en sommes tous conscients, un objectif à atteindre, à parfaire, à pousser plus loin, au plus proche de nos concitoyens. Oui, il s'agit bien aujourd'hui de faire vivre la diversité culturelle, dans notre pays, dans nos régions, dans nos villes, dans notre société. La diversité culturelle, qui est devenue, l'an dernier, pour la première fois dans l'histoire, un principe de droit international, avec l'adoption de la convention de l'UNESCO. Vous savez la part qu'a prise la France dans ce progrès vers l'humanisation et la maîtrise de la mondialisation, qui est l'un des grands défis de notre temps.
La crise que nous avons connue à la fin de l'an dernier dans les banlieues a montré combien cette exigence de diversité culturelle doit aussi permettre à notre politique culturelle d'apporter toute sa part à la cohésion sociale. Si beaucoup de facteurs, notamment économiques, et, bien sûr le chômage des jeunes en premier lieu, mais aussi l'urbanisme et les conditions de logement, peuvent contribuer à expliquer les racines de ce malaise des banlieues, la crise pose aussi la question de l'identité culturelle.
C'est pourquoi le ministère de la culture et de la communication se donne comme objectif de promouvoir des pratiques culturelles qui fassent progresser la tolérance, le dialogue dans le respect des différences, seule façon de lutter contre toutes les formes d'exclusion et de ségrégation, et de susciter le désir de vivre et de créer ensemble.
L'action de l'Institut des Villes et des élus que vous rassemblez, en partenariat avec le ministère de la culture et de la communication, en faveur du soutien en faveur des nouveaux territoires de l'art, ainsi qu'aux lieux et aux équipes qui s'engagent, dans vos communes, dans des pratiques culturelles innovantes, va dans ce sens.
A la source de ce travail, qui inspire votre colloque aujourd'hui, se trouvent autant de rencontres, entre les volontés politiques et les initiatives d'artistes, qui dessinent une nouvelle façon de penser la place et le rôle de la culture dans le développement urbain, social et économique des villes. En fonction des problématiques spécifiques de vos territoires, vous avez élaboré des propositions et des outils qui sont autant de pistes d'action, des « bonnes pratiques » qu'il me paraît particulièrement utile aujourd'hui d'échanger, de mutualiser, de penser ensemble.
Si votre colloque se déroule ici-même au Sénat, c'est que les collectivités territoriales ? et je suis comme beaucoup d'entre vous élu municipal ? sont, après les artistes eux-mêmes, les premières impliquées dans ces expérimentations qui émanent le plus souvent de collectifs d'artistes, qui veulent ainsi se situer tout à la fois en marge et au coeur de la cité.
Je suis convaincu que ces nouveaux territoires de l'art représentent une grande chance pour nous, pour trois raisons.
D'abord, parce que ces expérimentations sont porteuses d'une parole. Une parole qui traduit un profond désir d'ouverture, de relation, une parole qui tend à abolir les frontières entre les artistes et leurs publics, entre les modes d'expression, entre les hommes. C'est une parole collective, un désir de vivre, de travailler ensemble, dans le respect de chacun. C'est une parole précieuse, enthousiaste, civique, et nous devons l'écouter.
Cette parole, ensuite, s'exprime sur notre territoire urbain. Elle est protéiforme, mais elle est aussi omniprésente. De plus en plus de villes connaissent ce phénomène. Je suis convaincu que les friches peuvent jouer un rôle essentiel dans la décentralisation et l'aménagement culturels de notre territoire. Et je me réjouis que vous ayez inscrit à votre programme une réflexion sur la culture et l'attractivité des territoires.
Ces initiatives d'artistes, de tous horizons et de toutes disciplines, sont une chance formidable de renouveler ces lieux qui ne sont plus des marges, et de leur donner une nouvelle vie, en offrant une visibilité forte à un patrimoine, industriel par exemple, qui était parfois oublié, abandonné, relégué, et que nos concitoyens peuvent à présent, se ré-approprier.
Ce sont aussi des laboratoires de la création contemporaine sous toutes ses formes.
Pour toutes ces raisons, je pense que nous devons faire tout notre possible, quand émergent des projets de qualité, des projets qui contribuent véritablement à faire de la culture un nouveau facteur de lien social, dans un endroit où cela faisait cruellement défaut, pour les encourager, les soutenir et les aider à se développer. Mais, j'en ai parfaitement conscience, cela représente aussi un grand défi. Les nouveaux territoires de l'art se construisent souvent, ne nous le cachons pas, en réaction contre les pouvoirs publics ou du moins contre une certaine institutionnalisation de l'art. Le dialogue que chaque collectivité établit alors avec ces lieux émergents est un dialogue souvent fragile, qui oblige à inventer des solutions inédites et concrètes.
Reconnaissons et soyons fiers de ce que sont et de ce que font ces artistes, ces équipes, ces friches, dans le dialogue et avec le soutien des populations et des élus. Elaborons ensemble des partenariats, autour d'objectifs clairs, et l'Etat a naturellement un rôle à jouer dans cette reconnaissance et dans la définition de ces objectifs. Mais, gardons-nous des tentations d'institutionnaliser, d'officialiser, de bureaucratiser ces friches ! Ne nous hâtons pas de transformer ces jachères fécondes, où croissent les herbes folles, les fleurs sauvages, en jardins à la française !
Nous avons tous en mémoire l'exemple réussi d'Ariane Mnouchkine, de son équipe et de la Cartoucherie, qui était, à l'origine, une friche, une expérimentation, qui a vite rencontré d'abord la curiosité, puis la participation, l'adhésion et le succès d'un public croissant, qu'il était du devoir de l'Etat d'accompagner et de soutenir, bien sûr. Mais comme le dit Ariane Mnouchkine elle-même, il fallait d'abord oser chercher.
Examinons donc, car c'est aussi le rôle de l'Etat et des élus, chaque expérience au cas par cas. Car ces projets émergents peuvent répondre à une logique de proximité, de soutien et d'amélioration de la qualité de la vie dans les quartiers en difficultés, et entrer dans le cadre de la rénovation urbaine, portée aujourd'hui par la politique de la ville.
C'est pourquoi, avec Jean-Louis Borloo, je veux mobiliser des moyens nouveaux pour la culture, en faveur des jeunes et du lien entre les générations, essentiels à la cohésion de notre société, et je me réjouis que Catherine Vautrin clôture votre colloque. Je prépare, ainsi, dans les six départements où viennent d'être désignés des préfets délégués à l'égalité des chances, une action forte en faveur d'initiatives culturelles pour l'intégration. Je propose que 20% de l'enveloppe affectée aux préfets délégués, au titre des crédits de la politique de la ville, soient réservés à ces projets culturels, pour un total de 4 millions d'euros pour 2006. Ces actions comprennent le soutien aux pratiques artistiques émergentes, notamment dans les friches urbaines, dès lors que ces lieux créent une culture à partager.
Vous le savez, ces projets artistiques et culturels sont en évolution, et parfois en révolution permanentes. Chaque expérience est singulière et inscrite sur un territoire.
Le ministère de la culture et de la communication a reconnu le caractère novateur de nombre de ces projets. Aujourd'hui, le ministère, sur les crédits déconcentrés des DRAC, finance plusieurs de ces équipements, je pense en particulier à la Friche la Belle-de-Mai à Marseille, TNT à Bordeaux, Mix Art Myrys à Toulouse, La Casa Musicale à Perpignan, l'Antre-Peaux à Bourges, Mains d'oeuvres à Saint-Ouen, Gare au théâtre, à Vitry-sur-Seine, où je suis allé le 20 novembre dernier, La halle Verrière à Meisenthal en Lorraine, l'usine à Tournefeuille dans l'agglomération du Grand Toulouse, Culture Commune à Loos-en-Gohelle, Le Boulon à Vieux-Condé, l'atelier 231 à Sotteville les Rouen, le Collectif 12 à Mantes la jolie, Là Hors De dans le quartier de la Duchère à Lyon, entre autres exemples.
La relocalisation du projet Mix Art Myrys, dont l'équipe, après dix années d'existence dans des conditions d'occupation illégales des locaux, situés au centre de Toulouse, illustre de manière exemplaire la concertation menée entre les pouvoirs publics, puisqu'elle a mobilisé les services de l'Etat (DRAC et préfecture), la Ville de Toulouse, la communauté de l'Agglomération du Grand Toulouse, le Conseil Général de la Haute-Garonne et le Conseil Régional de Midi-Pyrénées et les porteurs de projets.
J'insiste sur ce point, l'Etat ne se désengage pas. Il n'est pas le grand absent de ce nouveau souffle. Il y participe largement, d'autant que ces expériences se multiplient sur l'ensemble du territoire national. Mais l'Etat n'est pas nécessairement requis d'intervenir partout et doit aussi laisser la place à la spontanéité de ce foisonnement artistique.
Ainsi, parallèlement à la reconduction interministérielle du GIP Institut des Villes, la signature d'une convention triennale avec celui-ci a confirmé notre volonté réciproque de continuer à travailler ensemble sur des objectifs communs, en nous appuyant sur les compétences de la Mission Nouveaux Territoires de l'Art de cet Institut.
Par ailleurs, j'ai souhaité qu'un groupe de travail national, co-piloté par la Délégation au développement et aux affaires internationales de mon ministère et la mission « Nouveaux Territoires de l'Art », soit mis en place afin d'observer et d'être à l'écoute de ces démarches. Il est constitué principalement de représentants des Directions régionales des affaires culturelles, de l'association des Directeurs des affaires culturelles des grandes villes et agglomérations de France, et du réseau Autre parts de l'association Hors les Murs, regroupant des opérateurs culturels.
La Fédération nationale des Collectivités territoriales pour la Culture (FNCC) et l'Observatoire des politiques culturelles de Grenoble sont associés à ces travaux.
J'attire également votre attention sur les réflexions résumées dans le dernier numéro de la revue Culture et Recherche, édité par le ministère, qui fait état des savoirs et des réflexions sur les liens actuels entre la démocratisation culturelle, la diversité culturelle et la cohésion sociale. J'ai demandé à ce qu'un exemplaire de cette revue, qui vient de paraître, vous soit distribué. Je compte sur vos échanges et vos travaux d'aujourd'hui pour faire encore progresser notre réflexion collective et notre action dans ce domaine. Je salue la parution des actes du fameux colloque de la Belle de Mai sur les Nouveaux territoires de l'art, cher Michel Duffour . Mais, je tiens à dissiper certaines présentations caricaturales. Je vous l'ai dit, l'Etat ne se désengage pas, il continue à agir, à reconnaître, à faire connaître et à adapter son rôle d'intervention, d'animation, de coordination des politiques culturelles face aux nouvelles pratiques émergentes.
Car les nouveaux espaces de projets artistiques et culturels ne sont pas seulement des outils de valorisation urbaine au service de la cohésion sociale, ils sont aussi les vecteurs d'autres modes de production et de diffusion de l'art.
Il ne s'agit pas d'opposer certaines pratiques à d'autres, le champ de l'institution au champ "non-institutionnel", l'art "officiel" à la création indépendante, mais au contraire, d'imaginer comment des liens nouveaux peuvent se tisser entre toutes les composantes de la vie artistique et culturelle. Je suis conscient des défis que l'évolution du paysage artistique, culturel, social, pose à cette mission essentielle, réconciliatrice, médiatrice, stratégique de l'Etat aujourd'hui, face à nos concitoyens, à notre société, à notre monde.
Je vois des motifs d'espoir, de confiance, d'optimisme dans les nombreux exemples d'artistes, reconnus internationalement, issus des démarches artistiques et culturelles qui font l'objet de votre colloque. Je pense notamment à la compagnie Komplex Kapharnaum de la Friche en cours à Villeurbanne qui, après avoir participé au festival d'Aurillac et à des manifestations dans de nombreux pays européens, a ouvert le festival d'Avignon en 2004.
Pour les musiques actuelles, je pense aussi, par exemple, au groupe de rap IAM qui a travaillé dans les locaux de répétition de la friche de la Belle de Mai ou à la formation musicale Herman Düne dans ceux de Mains d'oeuvres à Saint-Ouen, qui se produit aujourd'hui au niveau international.
De la même manière que des artistes issus de ces lieux acquièrent une notoriété nationale ou internationale, des artistes reconnus par les institutions rejoignent aussi parfois ces lieux. Je pense par exemple, aux interventions de Daniel Buren ou de Claude Lévêque à la friche l'Antre-Peaux à Bourges ou à la compagnie de danse Käfig, sous la direction de Mourad Merzouki, qui envisage un travail à long terme dans l'agglomération du Grand Lyon dans le quartier prioritaire de Bron-Parilly accompagnée par l'Agence Nationale du Renouvellement Urbain (ANRU).
Je tiens enfin à vous dire combien le ministère de la culture et de la communication s'engage dans ces réflexions et je suis convaincu que votre colloque nous permettra d'ouvrir de nouvelles pistes, pour agir ensemble au service de la culture et de la cité.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 8 février 2006