Texte intégral
Q - Un homme de gauche comme vous se réjouit-il des profits «historique» annoncés par Total cette semaine ?
R - Il est toujours bon, oui, que des entreprises qui ont leur siège en France fassent des bénéfices. Mais la logique économique et la morale voudraient que les profits, dont la source principale est l'augmentation du prix du baril, aillent en partie au développement des transports collectifs et des énergies renouvelables (biomasse, éolien, solaire). Dès l'automne dernier, j'avais demandé au Premier ministre d'introduire dans le budget une taxation exceptionnelle des superprofits pétroliers. Cette solution a été écartée et le gouvernement a laissé s'accumuler des rentes financières sur le dos des consommateurs.
Q - Mais il y a des profits exceptionnels ailleurs que chez les pétroliers !
R - La gauche n'est pas l'ennemi des entreprises, pour investir il faut des profits. Mais ces résultats n'existeraient pas sans l'effort de tous les salariés, il faut le rappeler sans cesse! Que seuls les dirigeants et actionnaires se les partagent n'est pas seulement une injustice, c'est un mauvais coup porté à toute l'économie dont le ressort principal reste la consommation des ménages. Je propose de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés selon l'affectation de leurs bénéfices, il sera diminué si ces derniers sont réinvestis dans l'entreprise, augmenté dans le cas contraire.
Q - Des «bénéfices historiques» et, en face, l'État français en faillite, qu'est-ce que cela vous inspire ?
R - La paupérisation de l'État n'est pas inéluctable. Elle vient précisément des largesses consenties aux plus favorisés avec les baisses d'impôt sur les revenus et aux entreprises via les exonérations de cotisations sociales. En outre, faute de croissance, malgré ces profits faramineux, les déficits se creusent. D'où ce sentiment de faillite et d'impuissance. La France n'est pas en déclin, elle est en de mauvaises mains.
Q - La mobilisation contre le CPE est mitigée alors que toutes les organisations de jeunes sont à gauche, cela ne vous fait-il pas douter de la justesse de la cause ?
R - Détrompez-vous la mobilisation est continue malgré les vacances scolaires. Le gouvernement qui avait imaginé brider l'expression des jeunes, en ayant recours à la procédure du 49.3 pour faire passer en force et pendant les vacances son projet à l'Assemblée, est en train de déchanter. L'information réelle est passée et si les jeunes avaient eu des doutes sur les dangers du CPE, ils n'en ont plus, les masques sont tombés. Derrière la nouveauté, le CNE et le CPE sont des contrats déséquilibrés en faveur du seul employeur qui peut y mettre fin à tout moment et sans motif. Liberté totale pour les uns, précarité absolue pour les autres. Il ne s'agit pas d'une marche en avant comme le dit le Premier ministre, mais bien d'une marche arrière. J'accuse le Premier ministre de détourner les mots de leur sens: ce qu'il appelle Mouvement n'est que Régression!
Q - Dans notre baromètre mensuel, Villepin chute de 9 points, qu'en pensez-vous ?
R - Profitant de l'impopularité record de son prédécesseur, il a multiplié annonces et promesses qui ont pu, un temps, créer l'illusion. Mais il fait la même politique avec, hélas, les mêmes résultats: creusement des inégalités et affaiblissement de la France. En huit mois, notre pays a connu une crise majeure dans les banlieues, une contestation rampante des jeunes sur le sort qu'on veut leur réserver et un fiasco sans précédent sur le plan international avec la folle équipée du Clemenceau. Villepin paie le prix de la fin du chiraquisme, mais c'est toute la droite qui est comptable de son bilan. Nul besoin d'imaginer comme Sarkozy «La France d'après», la France d'aujourd'hui suffit à convaincre du bien-fondé d'une alternance à gauche.
Q - Mais en déposant une motion de censure contre le gouvernement, le PS ne va-t-il pas une fois de plus montrer mardi qu'il ne sait que s'opposer ?
R - La vraie censure sera infligée par les électeurs, mais nous sommes d'ores et déjà dans l'alternative. Dès mardi, nous proposerons par exemple pour les jeunes de moins de 26 ans sans qualification un contrat de sécurité formation: tout employeur embauchant des jeunes sur un contrat à durée indéterminée verra le coût de leur formation entièrement pris en charge par l'État, soit par des subventions directes, soit par des allégements de charges. Pour l'encourager encore, il n'aura pas à payer de cotisations unedic les deux premières années. Pour financer ce processus nous recyclerons toutes les exonérations accordées sans contrepartie aux employeurs. Dans les prochains mois, nous ferons apparaître que face à la société de précarité qu'organise la droite jour après jour, il est possible de bâtir une société de sécurité, professionnelle, sociale, urbaine etc. C'est le rôle des pouvoirs publics de permettre, par des règles du jeu stables, d'organiser les transitions sociales et individuelles provoquées par les mutations économiques.
Q - Finalement, la principale référence de la gauche aujourd'hui est encore le «quinquennat» de Lionel Jospin. Cela ne plaide-il pas pour son retour ?
R - Les années Jospin sont une référence en effet : équilibre des comptes de la sécurité sociale, deux millions d'emplois crées, endettement réduit etc. Je veille toujours à le rappeler. Mais 2007 ne se fera pas bilan contre bilan, ce sera projet contre projet. Quant au choix du candidat, il se fera sur ses capacités à rassembler la gauche, à gagner l'élection et à diriger le pays. Les Français ont sans aucun doute soif de nouveauté et de changement, mais ils ne sont pas dans la mode ou l'humeur, ils veulent une démarche authentique et cohérente. Ce n'est pas une affaire d'âge, d'expérience ou d'allure, mais de projet collectif. Qui le portera ? La question comptera bien sûr, mais le moment venu, pas avant l'automne.
Pour ce qui me concerne, je me déterminerai à cette date librement mais avec comme seul critère le succès de la gauche.
Q - 63% de bonnes intentions pour Ségolène Royal, est-ce une bonne nouvelle pour vous ?
R - C'est une bonne nouvelle pour le premier secrétaire. Chaque fois que l'un, ou l'une, d'entre nous est apprécié par les Français, c'est une chance de plus pour les socialistes en 2007.
Q - Et pour le compagnon de Ségolène ?
R - Il sait distinguer sa vie privée et sa responsabilité publique.
Q - Vous choisirez «en couple» entre vous deux ?
R - Non, les adhérents socialistes auront seuls la parole et je souhaite d'ailleurs que tous ceux qui veulent participer au choix rejoignent dès à présent le PS.
Q - Des militants ont occupé hier le siège du PS pour réclamer une condamnation officielle des injures de Georges Frêche à l'égard des harkis.
R - Georges Frêche a retiré ses propos et s'en est excusé, c'était indispensable. Je veux dire aux harkis notre solidarité et notre devoir de reconnaissance.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 22 février 2006
R - Il est toujours bon, oui, que des entreprises qui ont leur siège en France fassent des bénéfices. Mais la logique économique et la morale voudraient que les profits, dont la source principale est l'augmentation du prix du baril, aillent en partie au développement des transports collectifs et des énergies renouvelables (biomasse, éolien, solaire). Dès l'automne dernier, j'avais demandé au Premier ministre d'introduire dans le budget une taxation exceptionnelle des superprofits pétroliers. Cette solution a été écartée et le gouvernement a laissé s'accumuler des rentes financières sur le dos des consommateurs.
Q - Mais il y a des profits exceptionnels ailleurs que chez les pétroliers !
R - La gauche n'est pas l'ennemi des entreprises, pour investir il faut des profits. Mais ces résultats n'existeraient pas sans l'effort de tous les salariés, il faut le rappeler sans cesse! Que seuls les dirigeants et actionnaires se les partagent n'est pas seulement une injustice, c'est un mauvais coup porté à toute l'économie dont le ressort principal reste la consommation des ménages. Je propose de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés selon l'affectation de leurs bénéfices, il sera diminué si ces derniers sont réinvestis dans l'entreprise, augmenté dans le cas contraire.
Q - Des «bénéfices historiques» et, en face, l'État français en faillite, qu'est-ce que cela vous inspire ?
R - La paupérisation de l'État n'est pas inéluctable. Elle vient précisément des largesses consenties aux plus favorisés avec les baisses d'impôt sur les revenus et aux entreprises via les exonérations de cotisations sociales. En outre, faute de croissance, malgré ces profits faramineux, les déficits se creusent. D'où ce sentiment de faillite et d'impuissance. La France n'est pas en déclin, elle est en de mauvaises mains.
Q - La mobilisation contre le CPE est mitigée alors que toutes les organisations de jeunes sont à gauche, cela ne vous fait-il pas douter de la justesse de la cause ?
R - Détrompez-vous la mobilisation est continue malgré les vacances scolaires. Le gouvernement qui avait imaginé brider l'expression des jeunes, en ayant recours à la procédure du 49.3 pour faire passer en force et pendant les vacances son projet à l'Assemblée, est en train de déchanter. L'information réelle est passée et si les jeunes avaient eu des doutes sur les dangers du CPE, ils n'en ont plus, les masques sont tombés. Derrière la nouveauté, le CNE et le CPE sont des contrats déséquilibrés en faveur du seul employeur qui peut y mettre fin à tout moment et sans motif. Liberté totale pour les uns, précarité absolue pour les autres. Il ne s'agit pas d'une marche en avant comme le dit le Premier ministre, mais bien d'une marche arrière. J'accuse le Premier ministre de détourner les mots de leur sens: ce qu'il appelle Mouvement n'est que Régression!
Q - Dans notre baromètre mensuel, Villepin chute de 9 points, qu'en pensez-vous ?
R - Profitant de l'impopularité record de son prédécesseur, il a multiplié annonces et promesses qui ont pu, un temps, créer l'illusion. Mais il fait la même politique avec, hélas, les mêmes résultats: creusement des inégalités et affaiblissement de la France. En huit mois, notre pays a connu une crise majeure dans les banlieues, une contestation rampante des jeunes sur le sort qu'on veut leur réserver et un fiasco sans précédent sur le plan international avec la folle équipée du Clemenceau. Villepin paie le prix de la fin du chiraquisme, mais c'est toute la droite qui est comptable de son bilan. Nul besoin d'imaginer comme Sarkozy «La France d'après», la France d'aujourd'hui suffit à convaincre du bien-fondé d'une alternance à gauche.
Q - Mais en déposant une motion de censure contre le gouvernement, le PS ne va-t-il pas une fois de plus montrer mardi qu'il ne sait que s'opposer ?
R - La vraie censure sera infligée par les électeurs, mais nous sommes d'ores et déjà dans l'alternative. Dès mardi, nous proposerons par exemple pour les jeunes de moins de 26 ans sans qualification un contrat de sécurité formation: tout employeur embauchant des jeunes sur un contrat à durée indéterminée verra le coût de leur formation entièrement pris en charge par l'État, soit par des subventions directes, soit par des allégements de charges. Pour l'encourager encore, il n'aura pas à payer de cotisations unedic les deux premières années. Pour financer ce processus nous recyclerons toutes les exonérations accordées sans contrepartie aux employeurs. Dans les prochains mois, nous ferons apparaître que face à la société de précarité qu'organise la droite jour après jour, il est possible de bâtir une société de sécurité, professionnelle, sociale, urbaine etc. C'est le rôle des pouvoirs publics de permettre, par des règles du jeu stables, d'organiser les transitions sociales et individuelles provoquées par les mutations économiques.
Q - Finalement, la principale référence de la gauche aujourd'hui est encore le «quinquennat» de Lionel Jospin. Cela ne plaide-il pas pour son retour ?
R - Les années Jospin sont une référence en effet : équilibre des comptes de la sécurité sociale, deux millions d'emplois crées, endettement réduit etc. Je veille toujours à le rappeler. Mais 2007 ne se fera pas bilan contre bilan, ce sera projet contre projet. Quant au choix du candidat, il se fera sur ses capacités à rassembler la gauche, à gagner l'élection et à diriger le pays. Les Français ont sans aucun doute soif de nouveauté et de changement, mais ils ne sont pas dans la mode ou l'humeur, ils veulent une démarche authentique et cohérente. Ce n'est pas une affaire d'âge, d'expérience ou d'allure, mais de projet collectif. Qui le portera ? La question comptera bien sûr, mais le moment venu, pas avant l'automne.
Pour ce qui me concerne, je me déterminerai à cette date librement mais avec comme seul critère le succès de la gauche.
Q - 63% de bonnes intentions pour Ségolène Royal, est-ce une bonne nouvelle pour vous ?
R - C'est une bonne nouvelle pour le premier secrétaire. Chaque fois que l'un, ou l'une, d'entre nous est apprécié par les Français, c'est une chance de plus pour les socialistes en 2007.
Q - Et pour le compagnon de Ségolène ?
R - Il sait distinguer sa vie privée et sa responsabilité publique.
Q - Vous choisirez «en couple» entre vous deux ?
R - Non, les adhérents socialistes auront seuls la parole et je souhaite d'ailleurs que tous ceux qui veulent participer au choix rejoignent dès à présent le PS.
Q - Des militants ont occupé hier le siège du PS pour réclamer une condamnation officielle des injures de Georges Frêche à l'égard des harkis.
R - Georges Frêche a retiré ses propos et s'en est excusé, c'était indispensable. Je veux dire aux harkis notre solidarité et notre devoir de reconnaissance.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 22 février 2006