Texte intégral
Q- On ne peut pas dire que le Gouvernement ne fasse rien pour lutter contre le chômage. C'est un dispositif, d'un bout à l'autre, de la courbe démographique en quelque sorte.
R- Je ne sais pas si cela sera efficace. Il y a quelque chose qui est complètement occulté, c'est la politique économique menée par le Gouvernement. Je rappelle que la semaine dernière, le Premier ministre a tenu une conférence des finances publiques où il a annoncé un tour de vis budgétaire. Or ce qui crée de l'emploi, c'est d'abord l'activité économique. Et pour créer de l'activité économique aujourd'hui, donc de la croissance, il y a notamment pour nous une nécessité, c'est de soutenir le pouvoir d'achat. Or le Gouvernement est en train de faire tout le contraire dans le domaine du pouvoir d'achat. Regardez le ministre de l'Economie et des Finances, la semaine dernière, il a parlé des soldes : le pouvoir d'achat des gens n'augmente pas, donc il faut que les prix soient moins chers, donc il faut multiplier les soldes ou alors des prêts hypothécaires. Mais en tous les cas, sur le chômage, ce ne sont pas les bonnes réponses.
Q- Mais on soutient aussi le pouvoir d'achat, en donnant des salaires à ceux qui aujourd'hui sont au chômage.
R- Ca, c'est le pouvoir d'achat en masse, mais encore faut-il que ce soit de vraies créations d'emplois. Regardez le contrat "première embauche". Au passage, ce n'est même pas une première embauche...
Q- ... Celui qui concerne les jeunes et qui a été annoncé hier.
R- ... Parce que si vous avez eu un CDD dans l'entreprise, vous pouvez passer d'un CDD à un contrat "première embauche", donc c'est déjà une deuxième embauche. Cela montre bien qu'il y a une volonté de précariser les jeunes, les moins de 26, avec ce type de contrat de travail. Quand on regarde ce genre de chose, qu'est-ce que cela veut dire, infine ? Pour les jeunes de moins de 26 ans, ce contrat "première embauche" risque de devenir la règle. Or c'est très proche du CNE, le contrat "nouvelles embauches", qui concerne tous les âges mais dans les entreprises de moins de 20 salariés, tandis que là, ce sont les moins de 26 ans dans toutes les entreprises. Même les grandes entreprises n'étaient pas demandeuses ! Le Medef n'était pas demandeur de ce type de mesures ! Ce matin, il [le Medef] dit qu'il va l'utiliser. Bien entendu, c'est un contrat précaire nouveau ! La période d'essai peut durer deux ans. J'ai toujours expliqué, sur le contrat "nouvelles embauches" comme sur le contrat "première embauche" que si un employeur a besoin de deux ans pour savoir si le salarié est bon, c'est le patron qui n'est pas bon, ce n'est pas le salarié.
Q- Pendant ces deux ans, le patron peut licencier son salarié, sans préavis, ou en tout cas, sans contraintes fortes. Et, au bout de ces deux ans-là, tout de même, il y a un CDI, c'est-à-dire un contrat à durée indéterminée à la clef. Et cela, c'est quand même ce que souhaitent en général les gens qui sont au chômage.
R- Bien sûr, c'est l'objectif de tout le monde. Mais pourquoi attendre deux ans ? Le Premier ministre avait pris un engagement, vu les réactions au moment du contrat "nouvelles embauches" ; l'engagement, c'était qu'il allait faire une évaluation du contrat "nouvelles embauches" et après, il regarderait, parce que certains disaient déjà que (inaud)...
Q- ... On va regarder si cela marche, en quelque sorte.
R- Voilà. On n'a pas cette évaluation.
Q- Si, 280.000 est le chiffre annoncé !
R- C'est du pipeau, pardonnez-moi. C'est du pipeau dans en ce sens où personne ne sait. Ce sont des intentions d'embauche. La seule étude qui existe a été faite par un cabinet privé : c'est un sondage sur 300 entreprises ; même le Premier ministre fait référence à ce sondage, y compris pour des raisons statistiques ; l'Insee couvre mal les entreprises de moins de 10 salariés par exemple, en termes statistiques. Comment voulez-vous qu'on appréhende correctement les effets du contrat "nouvelles embauches" ? Combien y a-t-il eu de substitutions de CDI à un contrat "nouvelles embauches" ? Donc on n'a pas l'évaluation. Le Premier ministre n'a pas attendu l'évaluation et il étend le contrat "nouvelles embauches" aux jeunes de moins de 26 ans. Au passage, c'est encore une discrimination sur l'âge.
Q- A la suite de ce qui s'est passé dans les banlieues à l'automne dernier, il fallait quand même donner des garanties aux jeunes, il fallait quand même rassurer ces populations de jeunes que l'on a vu, de façon encore plus spectaculaire qu'auparavant, précarisés, mis à l'écart et en mal d'emploi, plus en mal de logement, également.
R- Je ne suis pas persuadé que le contrat "première embauche" va changer quelque chose en la matière pour ces jeunes-là. Je ne suis pas du tout persuadé de cela.
Q- Faut-il mettre tous les jeunes dans le même sac ? Effectivement, on parle des moins de 26 ans, mais il y a des profils très différents, entre les jeunes qui font des études et qui essayent de travailler et ceux que l'on a vu en difficulté d'insertion.
R- Bien sûr, mais à tous les âges, il n'y a pas un modèle unique, fort heureusement d'ailleurs. Mais si vous prenez le problème des banlieues, il y a d'abord un premier problème qui est celui de l'école. C'est celui du recul des services publics. C'est aussi cela qui génère les problèmes dans les banlieues. C'est vrai qu'il y a de taux de chômage beaucoup plus importants pour les jeunes dans les banlieues mais ce n'est pas avec un contrat de ce type que cela va changer quelque chose. Encore faut-il qu'il y ait de l'activité économique, c'est celui-là le problème de fond. Quand il y a de l'activité économique, les entreprises embauchent, quelle que soit la nature du contrat de travail. Le problème, c'est quand il n'y a pas d'activité économique. Et à partir de là, on cherche à trouver des substituts. Le contrat "première embauche" ne crée pas un nouvel emploi, cela donne une possibilité à l'employeur d'avoir un contrat flexible. Cela veut dire que le salarié, pendant deux ans, peut subir la pression de son employeur, qui, du jour au lendemain peut le renvoyer par simple lettre recommandée. C'est ça que cela signifie. Ce genre de chose est choquante, y compris en termes de dignité pour le salarié.
Q- Vous dites "relancer l'activité économique", mais comment ? Tout à l'heure, vous disiez également relancer le pouvoir d'achat, mais très concrètement alors ?
R- Concrètement, cela passe à la fois par des négociations de salaire correctes, concernant l'Etat patron, vis-à-vis de ces fonctionnaires. Le Gouvernement envisage 1,8 d'inflation pour 2006, et il en est à proposer 0,5 % aux fonctionnaires. Cela ne peut pas marcher. Cela explique qu'il y ait un mouvement de grève à l'appel de l'ensemble des syndicats le 2 février dans la fonction publique.
Q- Mais où va-t-il aller chercher l'argent ?
R- Quand il a accordé 1,5 milliards d'euros aux restaurateurs l'année dernière en allégements de charges, il a bien trouvé l'argent ! Et il les reconduit cette année, dans le budget 2006, pour la même profession, y compris quand elle ne respecte pas ses engagements. Donc, il y a toujours une disponibilité pour l'argent. Nous ne sommes pas pour la dette de manière systématique mais je voudrais rappeler un truc tout bête : quand on parle de déficit budgétaire, c'est un quotient, c'est un ratio, c'est une division ; en dessous, il y a la croissance. On peut très bien diminuer le déficit budgétaire en augmentant la croissance. Tandis que là, on est entrain de serrer la vis partout. Tous les emplois qui vont être supprimés dans le service public, ce sont autant de jeunes qui ne trouveront pas de boulot, qui se trouveront en situation de précarité. Après, il y a le pouvoir d'achat dans le privé et là, ce n'est pas le Gouvernement qui décide, bien entendu, c'est par des négociations salariales. Mais il peut - cela fait des mois qu'on l'explique - inciter ou obliger les employeurs à avoir de véritables négociations de salaires dans les entreprises. Mais c'est quasiment un sujet tabou, le pouvoir d'achat n'est pas la priorité du Gouvernement ; le reste, c'est plus de précarité, pour les jeunes comme pour les vieux d'ailleurs.
Q- Tout à l'heure, vous avez dit "volonté de précariser", pensez-vous qu'il y ait une réelle volonté politique de précariser aujourd'hui ?
R- Oui.
Q- N'est-ce pas une volonté de flexibilité ?
R- Les deux. Les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, d'une certaine manière, se trouvent contraints dans des normes : des normes comptables, des normes arrêtées au niveau européen, acceptées par les Gouvernements successifs : les fameux 3 % de déficit budgétaire, 60 % d'endettement public. Et il faut absolument respecter ces normes. Là, il n'y a plus de marge de manoeuvre. Et à partir de là, toute la flexibilité, toute la souplesse se fait sur le travail et ne se fait plus sur les règles économiques. C'est le problème de fond, mais tout le monde évacue ce dossier. Il y a eu le référendum le 29 mai, mais parle-t-on encore de l'Europe aujourd'hui ? On fait comme s'il ne s'était rien passé et les débats de fond n'ont toujours pas lieu. Une manifestation va avoir lieu à l'appel de la Confédération européenne des syndicats - nous y serons -, le 14 février à Strasbourg, contre la directive sur les services dont on nous avait dit qu'elle était enterrée... Tout cela, ce sont des problèmes de fond auxquels nous sommes confrontés, et les gouvernements sont comme anesthésiés sur le plan économique, donc ils cherchent à faire de la communication et de la politique pour montrer qu'ils s'occupent des jeunes. J'appelle cela du jeunisme, je n'appelle pas cela répondre aux problèmes.
Q- La réforme du contrat de travail est à l'étude ; est-ce quelque chose
qui vous inquiète ?
R- Oui, c'est bien le prolongement du contrat "première embauche". Cela signifie, y compris pour des raisons politiques, y compris à l'intérieur de la majorité, certains disent qu'il ne faudrait qu'un seul contrat de travail, qui pourrait être le contrat "nouvelles embauches" étendu à tous, par exemple. Le fait que le Premier ministre annonce une réforme possible du contrat de travail montre bien que ce qui est dans la ligne de mire, c'est le CDI. Ce n'est pas un contrat rigide, on peut licencier, malheureusement, je dirais, des gens qui sont en contrat à durée indéterminée. Mais le CDI, dans le secteur privé, c'est ce qui permet aux salariés d'avoir des garanties, d'être respecté et de pouvoir vivre avec un minimum de tranquillité. C'est tout le contraire des contrats précaires.
Q- Le CDI, tel qu'il est conçu aujourd'hui, correspond-il à une réalité économique, notamment, je pense aux différents métiers que l'on va être obligés de faire. On ne peut plus rester toute une vie sur un poste, un métier, dans une entreprise.
R- Le CDI n'empêche pas les évolutions. Le CDO, comme son nom l'indique, est indéterminé dans le temps, il peut être rompu à n'importe quel moment, avec certaines règles. Le code du travail, c'est quoi ? C'est rééquilibrer le pouvoir de l'employeur en accordant des droits aux salariés pour qu'il n'y ait pas d'abus. Et avec la précarité, c'est ce qu'on est en train de remettre en question.
Q- On pourrait le réformer en faisant autrement ?
R- Bien sûr !Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 janvier 2006
R- Je ne sais pas si cela sera efficace. Il y a quelque chose qui est complètement occulté, c'est la politique économique menée par le Gouvernement. Je rappelle que la semaine dernière, le Premier ministre a tenu une conférence des finances publiques où il a annoncé un tour de vis budgétaire. Or ce qui crée de l'emploi, c'est d'abord l'activité économique. Et pour créer de l'activité économique aujourd'hui, donc de la croissance, il y a notamment pour nous une nécessité, c'est de soutenir le pouvoir d'achat. Or le Gouvernement est en train de faire tout le contraire dans le domaine du pouvoir d'achat. Regardez le ministre de l'Economie et des Finances, la semaine dernière, il a parlé des soldes : le pouvoir d'achat des gens n'augmente pas, donc il faut que les prix soient moins chers, donc il faut multiplier les soldes ou alors des prêts hypothécaires. Mais en tous les cas, sur le chômage, ce ne sont pas les bonnes réponses.
Q- Mais on soutient aussi le pouvoir d'achat, en donnant des salaires à ceux qui aujourd'hui sont au chômage.
R- Ca, c'est le pouvoir d'achat en masse, mais encore faut-il que ce soit de vraies créations d'emplois. Regardez le contrat "première embauche". Au passage, ce n'est même pas une première embauche...
Q- ... Celui qui concerne les jeunes et qui a été annoncé hier.
R- ... Parce que si vous avez eu un CDD dans l'entreprise, vous pouvez passer d'un CDD à un contrat "première embauche", donc c'est déjà une deuxième embauche. Cela montre bien qu'il y a une volonté de précariser les jeunes, les moins de 26, avec ce type de contrat de travail. Quand on regarde ce genre de chose, qu'est-ce que cela veut dire, infine ? Pour les jeunes de moins de 26 ans, ce contrat "première embauche" risque de devenir la règle. Or c'est très proche du CNE, le contrat "nouvelles embauches", qui concerne tous les âges mais dans les entreprises de moins de 20 salariés, tandis que là, ce sont les moins de 26 ans dans toutes les entreprises. Même les grandes entreprises n'étaient pas demandeuses ! Le Medef n'était pas demandeur de ce type de mesures ! Ce matin, il [le Medef] dit qu'il va l'utiliser. Bien entendu, c'est un contrat précaire nouveau ! La période d'essai peut durer deux ans. J'ai toujours expliqué, sur le contrat "nouvelles embauches" comme sur le contrat "première embauche" que si un employeur a besoin de deux ans pour savoir si le salarié est bon, c'est le patron qui n'est pas bon, ce n'est pas le salarié.
Q- Pendant ces deux ans, le patron peut licencier son salarié, sans préavis, ou en tout cas, sans contraintes fortes. Et, au bout de ces deux ans-là, tout de même, il y a un CDI, c'est-à-dire un contrat à durée indéterminée à la clef. Et cela, c'est quand même ce que souhaitent en général les gens qui sont au chômage.
R- Bien sûr, c'est l'objectif de tout le monde. Mais pourquoi attendre deux ans ? Le Premier ministre avait pris un engagement, vu les réactions au moment du contrat "nouvelles embauches" ; l'engagement, c'était qu'il allait faire une évaluation du contrat "nouvelles embauches" et après, il regarderait, parce que certains disaient déjà que (inaud)...
Q- ... On va regarder si cela marche, en quelque sorte.
R- Voilà. On n'a pas cette évaluation.
Q- Si, 280.000 est le chiffre annoncé !
R- C'est du pipeau, pardonnez-moi. C'est du pipeau dans en ce sens où personne ne sait. Ce sont des intentions d'embauche. La seule étude qui existe a été faite par un cabinet privé : c'est un sondage sur 300 entreprises ; même le Premier ministre fait référence à ce sondage, y compris pour des raisons statistiques ; l'Insee couvre mal les entreprises de moins de 10 salariés par exemple, en termes statistiques. Comment voulez-vous qu'on appréhende correctement les effets du contrat "nouvelles embauches" ? Combien y a-t-il eu de substitutions de CDI à un contrat "nouvelles embauches" ? Donc on n'a pas l'évaluation. Le Premier ministre n'a pas attendu l'évaluation et il étend le contrat "nouvelles embauches" aux jeunes de moins de 26 ans. Au passage, c'est encore une discrimination sur l'âge.
Q- A la suite de ce qui s'est passé dans les banlieues à l'automne dernier, il fallait quand même donner des garanties aux jeunes, il fallait quand même rassurer ces populations de jeunes que l'on a vu, de façon encore plus spectaculaire qu'auparavant, précarisés, mis à l'écart et en mal d'emploi, plus en mal de logement, également.
R- Je ne suis pas persuadé que le contrat "première embauche" va changer quelque chose en la matière pour ces jeunes-là. Je ne suis pas du tout persuadé de cela.
Q- Faut-il mettre tous les jeunes dans le même sac ? Effectivement, on parle des moins de 26 ans, mais il y a des profils très différents, entre les jeunes qui font des études et qui essayent de travailler et ceux que l'on a vu en difficulté d'insertion.
R- Bien sûr, mais à tous les âges, il n'y a pas un modèle unique, fort heureusement d'ailleurs. Mais si vous prenez le problème des banlieues, il y a d'abord un premier problème qui est celui de l'école. C'est celui du recul des services publics. C'est aussi cela qui génère les problèmes dans les banlieues. C'est vrai qu'il y a de taux de chômage beaucoup plus importants pour les jeunes dans les banlieues mais ce n'est pas avec un contrat de ce type que cela va changer quelque chose. Encore faut-il qu'il y ait de l'activité économique, c'est celui-là le problème de fond. Quand il y a de l'activité économique, les entreprises embauchent, quelle que soit la nature du contrat de travail. Le problème, c'est quand il n'y a pas d'activité économique. Et à partir de là, on cherche à trouver des substituts. Le contrat "première embauche" ne crée pas un nouvel emploi, cela donne une possibilité à l'employeur d'avoir un contrat flexible. Cela veut dire que le salarié, pendant deux ans, peut subir la pression de son employeur, qui, du jour au lendemain peut le renvoyer par simple lettre recommandée. C'est ça que cela signifie. Ce genre de chose est choquante, y compris en termes de dignité pour le salarié.
Q- Vous dites "relancer l'activité économique", mais comment ? Tout à l'heure, vous disiez également relancer le pouvoir d'achat, mais très concrètement alors ?
R- Concrètement, cela passe à la fois par des négociations de salaire correctes, concernant l'Etat patron, vis-à-vis de ces fonctionnaires. Le Gouvernement envisage 1,8 d'inflation pour 2006, et il en est à proposer 0,5 % aux fonctionnaires. Cela ne peut pas marcher. Cela explique qu'il y ait un mouvement de grève à l'appel de l'ensemble des syndicats le 2 février dans la fonction publique.
Q- Mais où va-t-il aller chercher l'argent ?
R- Quand il a accordé 1,5 milliards d'euros aux restaurateurs l'année dernière en allégements de charges, il a bien trouvé l'argent ! Et il les reconduit cette année, dans le budget 2006, pour la même profession, y compris quand elle ne respecte pas ses engagements. Donc, il y a toujours une disponibilité pour l'argent. Nous ne sommes pas pour la dette de manière systématique mais je voudrais rappeler un truc tout bête : quand on parle de déficit budgétaire, c'est un quotient, c'est un ratio, c'est une division ; en dessous, il y a la croissance. On peut très bien diminuer le déficit budgétaire en augmentant la croissance. Tandis que là, on est entrain de serrer la vis partout. Tous les emplois qui vont être supprimés dans le service public, ce sont autant de jeunes qui ne trouveront pas de boulot, qui se trouveront en situation de précarité. Après, il y a le pouvoir d'achat dans le privé et là, ce n'est pas le Gouvernement qui décide, bien entendu, c'est par des négociations salariales. Mais il peut - cela fait des mois qu'on l'explique - inciter ou obliger les employeurs à avoir de véritables négociations de salaires dans les entreprises. Mais c'est quasiment un sujet tabou, le pouvoir d'achat n'est pas la priorité du Gouvernement ; le reste, c'est plus de précarité, pour les jeunes comme pour les vieux d'ailleurs.
Q- Tout à l'heure, vous avez dit "volonté de précariser", pensez-vous qu'il y ait une réelle volonté politique de précariser aujourd'hui ?
R- Oui.
Q- N'est-ce pas une volonté de flexibilité ?
R- Les deux. Les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, d'une certaine manière, se trouvent contraints dans des normes : des normes comptables, des normes arrêtées au niveau européen, acceptées par les Gouvernements successifs : les fameux 3 % de déficit budgétaire, 60 % d'endettement public. Et il faut absolument respecter ces normes. Là, il n'y a plus de marge de manoeuvre. Et à partir de là, toute la flexibilité, toute la souplesse se fait sur le travail et ne se fait plus sur les règles économiques. C'est le problème de fond, mais tout le monde évacue ce dossier. Il y a eu le référendum le 29 mai, mais parle-t-on encore de l'Europe aujourd'hui ? On fait comme s'il ne s'était rien passé et les débats de fond n'ont toujours pas lieu. Une manifestation va avoir lieu à l'appel de la Confédération européenne des syndicats - nous y serons -, le 14 février à Strasbourg, contre la directive sur les services dont on nous avait dit qu'elle était enterrée... Tout cela, ce sont des problèmes de fond auxquels nous sommes confrontés, et les gouvernements sont comme anesthésiés sur le plan économique, donc ils cherchent à faire de la communication et de la politique pour montrer qu'ils s'occupent des jeunes. J'appelle cela du jeunisme, je n'appelle pas cela répondre aux problèmes.
Q- La réforme du contrat de travail est à l'étude ; est-ce quelque chose
qui vous inquiète ?
R- Oui, c'est bien le prolongement du contrat "première embauche". Cela signifie, y compris pour des raisons politiques, y compris à l'intérieur de la majorité, certains disent qu'il ne faudrait qu'un seul contrat de travail, qui pourrait être le contrat "nouvelles embauches" étendu à tous, par exemple. Le fait que le Premier ministre annonce une réforme possible du contrat de travail montre bien que ce qui est dans la ligne de mire, c'est le CDI. Ce n'est pas un contrat rigide, on peut licencier, malheureusement, je dirais, des gens qui sont en contrat à durée indéterminée. Mais le CDI, dans le secteur privé, c'est ce qui permet aux salariés d'avoir des garanties, d'être respecté et de pouvoir vivre avec un minimum de tranquillité. C'est tout le contraire des contrats précaires.
Q- Le CDI, tel qu'il est conçu aujourd'hui, correspond-il à une réalité économique, notamment, je pense aux différents métiers que l'on va être obligés de faire. On ne peut plus rester toute une vie sur un poste, un métier, dans une entreprise.
R- Le CDI n'empêche pas les évolutions. Le CDO, comme son nom l'indique, est indéterminé dans le temps, il peut être rompu à n'importe quel moment, avec certaines règles. Le code du travail, c'est quoi ? C'est rééquilibrer le pouvoir de l'employeur en accordant des droits aux salariés pour qu'il n'y ait pas d'abus. Et avec la précarité, c'est ce qu'on est en train de remettre en question.
Q- On pourrait le réformer en faisant autrement ?
R- Bien sûr !Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 janvier 2006