Interview de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, à RTL le 16 février 2006, sur le désamiantage du "Clémenceau" et sur les mesures contre la sécheresse.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Nelly Olin.
Nelly Olin : Bonjour.
Q- C'est un fiasco ! Voilà, cela résume l'épopée du Clemenceau, parti
de Toulon, le 30 décembre, qui sera de retour à Brest, dans trois mois.
Un fiasco, Nelly Olin !
R- Ce n'est pas une situation facile, c'est évident. Mais, comme l'a
dit Alain Duhamel, la France voulait se montrer exemplaire.
Q- Ce n'est pas réussi !
R- C'est, le premier pays, en tout cas, au monde qui a procédé à un
désamiantage d'un bateau. Elle avait la possibilité de faire comme les
Etats-Unis : de le couler. Elle a voulu faire quelque chose de plus
intelligent, de plus conforme à l'esprit de l'environnement. Je crois
que, effectivement, les choses ne se sont peut-être pas bien passées.
Q- Pourquoi ?
R- Je ne crois pas que l'on puisse tirer à boulet rouge, quand même,
sur une telle affaire. Je crois que l'Association "Robin des Bois" a
pris un positionnement qui me semble intelligent, en disant qu'elle
avait quand même voulu, cette France, faire quelque chose d'intelligent
sur un chantier au demeurant - et dont on a rappelé qu'il était aux
normes - et sur lequel on avait envoyé des français pour les préparer,
pour les instruire. On a envoyé du matériel. Alors, tout cela,
effectivement, c'est une affaire difficile et délicate. Mais je crois
qu'il ne faut vraiment pas tirer à boulet rouge comme cela.
Q- Ce que l'on a beaucoup reproché au gouvernement, c'est de ne pas
avoir su faire la transparence sur la quantité d'amiante, présente dans
le Clemenceau. Nelly Olin, vous êtes ministre de l'Ecologie, savez-
vous, ce matin, combien de tonnes d'amiante il y avait ?
R- Non.
Q- Comment cela se fait ?
R- Si je vous disais "oui", je ne vous dirais pas la vérité. Je crois
qu'aujourd'hui on s'était appuyé sur une société qui a fait le travail,
et c'est pour cela que le président de la république a demandé une
contre-expertise, pour savoir, effectivement, quel travail a été
effectué.
Q- Mais la société que vous citez, c'est Technopure, dit depuis le
début : "Mais il n'y a pas 45 tonnes comme le dit aujourd'hui Michèle
Alliot-Marie : il y en a peut-être 500 !". Depuis le début, elle le
dit.
R- Je ne sais pas si elle l'a dit. Personnellement, la société, je ne
l'ai jamais entendue dire quoi que ce soit.
Q- Si, si, elle a beaucoup parlé. Son président a beaucoup parlé.
R- Sincèrement, depuis peu, parce que je ne l'ai pas entendue.
Q- Non, non.
R- En tout cas, on leur avait confié un travail. Maintenant, reste à
l'expertise de savoir quel a été le travail fait, par rapport à la
réalité. C'est une affaire difficile, c'est une affaire malheureuse
mais, en tout cas, je pense que la France, en ayant voulu désamianter
une partie de ce bateau, a quand même montré l'exemple d'une volonté,
en tout cas, de préserver le développement durable. Et surtout,
l'environnement. Faisons la part des choses et, quand l'opposition
monte au créneau : l'opposition, aujourd'hui, s'est contentée de ne
rien faire pendant des années. Alors, je crois qu'un peu de décence,
dans ce domaine-là, serait bien.
Q- On a entendu le maire de Brest, dans le journal de 7h30. Socialiste,
d'ailleurs, François Cuillandre, qui dit : "Pourquoi Brest ? Le port
d'attache du Clemenceau, c'est Toulon ! Pourquoi on nous le ramène ?"
Le savez-vous, vous, Nelly Olin ?
R- Je ne le sais pas ce matin. Je n'ai pas été, cette nuit, travailler
sur le Clémenceau. Donc, je ne sais pas et je n'ai pas d'information
dans ce domaine.
Q- La ministre de l'Ecologie est tenue à l'écart de tous ces dossiers.
C'est une affaire réservée à la défense ?
R- Je crois qu'aujourd'hui, l'annonce du premier ministre de créer un
groupe de travail, avec le ministère de l'écologie, des transports et
de la défense permettra que ce genre de chose ne se passe plus jamais.
Q- A partir d'aujourd'hui. Cela veut dire que vous regrettez de ne pas
avoir été associée avant au traitement de cette question, concernant le
Clemenceau ?
R- C'était un dossier "défense". Effectivement, cela fait partie de la
sphère qui est toujours frappée de certains secrets. Mais je pense que,
de toute affaire difficile, on en tire toujours des enseignements.
Donc, je crois qu'aujourd'hui, les choses se passeront différemment.
Mais je crois qu'on ne peut pas montrer du doigt, sans arrêt, la France
qui a essayé quand même de faire un certain travail.
Q- On comprendra vos propos à cet instant sur RTL, Nelly Olin, comme
une forme de critiques ou de regrets de ne pas avoir été associée plus
tôt.
R- Non, je pense qu'il n'y a pas de critiques. Je ne me permettrai,
d'ailleurs, de ne pas en faire parce que je n'ai pas à en faire. Au
contraire, parce que je dis que la France n'a pas à rougir de ce
qu'elle a fait.
Q- La sécheresse : nous menace-t-elle vraiment, Nelly Olin ?
R- La sécheresse nous menace réellement. Parce que, déjà, nous cumulons
trois années de sécheresse : 2003, 2004, 2005. Cet automne, la
pluviométrie est en déficit : entre 50% et voire, dans certains
territoires, 70%. Les nappes phréatiques, à part le sud de la France,
sont au plus bas. Les barrages sont très peu remplis, et donc, nous
avons de vives inquiétudes.
Et ce qui s'ajoute aux inquiétudes tout à fait prégnantes, c'est que,
cette fois-ci, les cours d'eau, les fleuves notamment, sont aussi très
bas. Et avec "Voies Navigables de France", hier, il n'est pas
impossible, si la situation ne se rétablit pas quelque peu, qu'il y ait
des interdictions de naviguer sur certains fleuves. Donc, on voit quand
même que, là, on va traverser une période extrêmement difficile.
Alors, il est vrai que, l'année dernière, je crois que les informations
bien en amont, les arrêtés "cadre" pris par les préfets : il y a eu un
certain civisme, je dirais même beaucoup. Et, aujourd'hui, on le voit
notamment vis-à-vis de la culture du maïs qui a reculé. Entre l'année
dernière et cette année, cela fera à peu près 17 à 18%.
Q- Est-ce suffisant pour nous faire passer cet été sans problème ?
R- Je pense que les efforts sont faits. Alors, je ne dis pas qu'on le
passera sans problème - ce n'est pas possible - parce que je ne compte
pas, même s'il pleuvait beaucoup jusqu'au mois de mai, que les nappes
puissent se remplir. Elles arriveraient, peut-être, à faire un petit
peu plus. Mais nous avons une situation difficile, et nous devons
prendre les mesures nécessaires.
Q- A quel type de problème peut-on être confronté ? Des coupures d'eau
potable seront-elles envisagées cet été ?
R- Non, je pense que sur l'eau potable - en tout cas, c'est la
priorité. Et jusqu'à maintenant, à part des épiphénomènes tels que les
communes qui ne sont pas inter-connectées - il y en a très peu, ce sont
des petites communes, et des travaux vont être faits dans ce sens-là -
il n'y aura pas, je ne pense pas, de coupures d'eau potable. A
condition, aussi, que tout le monde fasse un geste.
Q- Qui c'est "tout le monde" ? Les agriculteurs ?
R- La campagne porte sur les agriculteurs, elle porte sur les
industriels, elle porte sur les citoyens et elle porte sur les
collectivités : les collectivités locales. Moi, en tant qu'ancien maire
et premier adjoint, aujourd'hui, on utilise beaucoup d'eau. Les
arrosages des pelouses, les arrosages des fleurs : beaucoup d'eau.
Chacun devra faire un effort.
Q- Il n'y aura plus de plantes et de verdure dans votre ville, alors ?
Cet ét??, tout va être gris !
R- Non, ce n'est pas cela. Mais je pense que, arroser, par exemple,
comme certains le font à midi, cela ne sert à rien. Il faut arroser le
matin ou arroser le soir.
Q- Le gros problème, ce sont les agriculteurs, tout de même, Nelly Olin
?
R- Les agriculteurs ont fait des efforts. Il faut arrêter de les
montrer du doigt : 20% de recul du maïs, en deux ans. Je pense que
c'est un effort significatif.
Q- Mais c'est encore à eux que vous demandez des efforts, là, pour la
période qui s'annonce ?
R- Non. On va leur envoyer une lettre, avec Dominique Bussereau, pour
bien les sensibiliser, mais ils le sont largement. Et, d'autre part,
nous les avons prévenus bien en amont, au moment où, justement, ils
achetaient leurs semences. Pourquoi on a commencé à prendre des
dispositions dès janvier, et non pas en mars, comme l'année dernière :
parce qu'on sait que le monde de l'agriculture est un monde qui
travaille, ce n'est pas un monde facile non plus. Et donc, il fallait
leur dire : "Il va y avoir la sécheresse. Attention à l'achat de vos
semences !"
Q- Vous disiez, c'est le quatrième été de sécheresse !
R- Depuis 2003, cela fait quand même beaucoup.
Q- Alors, maintenant, ce qu'il faudrait, c'est de la pluie, et cela
personne n'en est maître ! Le gouvernement ne peut rien.
R- Je n'aime pas trop la pluie mais, quand il pleut le matin, je me dis
: "Enfin, il pleut !"
Q- Et le gouvernement ne peut rien, là ! Ce n'est pas la faute du
gouvernement.
R- Là-dessus, non.
Nelly Olin, qui confesse que tout n'est pas la faute du gouvernement,
était l'invitée de RTL, ce matin. Bonne journée !

Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 février 2006