Texte intégral
Q- L'annonce de la neuvième baisse consécutive du chômage en décembre dernier - 19.300 chômeurs en moins et un taux de chômage à 9,5 %, contre 9,6 en novembre - influera-t-elle sur le débat concernant le contrat "première embauche", qui commence aujourd'hui à l'Assemblée nationale, et sur les mobilisation syndicales et étudiantes d'ici au 7 février, première manifestation aujourd'hui ? Chômage en baisse, que dites-vous : dont acte ? Ou contestez-vous la méthode de comptage ?
R- Non, je ne conteste pas la méthode de comptage, mais tout le monde sait que le chômage va continuer à baisser. D'une certaine manière, M. Raffarin a eu raison trop tôt ! Rappelez vous, quand il disait que le chômage allait baisser ! Bon, il y a un décalage dans le temps. Tout simplement parce que c'était prévisible. Quand je dis que "c'était prévisible", c'est notamment dû aux phénomènes démographiques : le fait que les générations juste nées après-guerre, le Papy Boom, partent massivement en retraite - 200.000 de plus chaque année -, qu'elles ne sont pas toutes remplacées. Mais cela contribue et c'est cela qui explique que cela va continuer. Il y a aussi des radiations, même si c'est à peu près du même ordre qu'avant, et les premiers effets du plan sur la cohésion sociale. Ce sont les trois éléments qui expliquent la baisse du chômage. Le problème est qu'en contrepartie, il n'y a pas de créations d'emplois. C'est le problème de fond. Et à partir du moment où il n'y a pas de créations d'emplois, c'est parce qu'il n'y a pas de croissance assez dynamique, parce qu'il n'y a pas de consommation soutenue... C'est le problème aujourd'hui.
Q- Un sondage intéressant vient de paraître, réalisé par l'IFOP pour le Salon des entrepreneurs, la Caisse des dépôts et le ministère de l'emploi, qui dit qu'une majorité, 54 % des entreprises de moins de vingt salariés, créées il y a trois ans, ont embauché au moins un salarié depuis. C'est intéressant, quand même...
R- Il y a toujours des créations d'emplois ! Il y a toujours des emplois qui disparaissent et des créations d'emplois au cours de l'année. Que des petites entreprises, comme cela, aient créé, n'est pas surprenant, mais en même temps, je considère que ce n'est pas nouveau. On voit même, en ce moment, une accumulation de plans sociaux, tous les jours. Regardez la semaine dernière ou avant : il y a eu Seb, il a eu Goma [phon] en Bretagne ; j'ai été informé hier de Lexmark, filiale américaine, qui va supprimer 300 emplois. Donc le problème de fond, c'est que l'on est en période aussi de restructuration, de destructions d'emplois. D'une certaine manière, c'est la contradiction.
Q- Mais [il y a] la réalité des chiffres, encore une fois : le nombre d'emplois salariés ou non salariés est passé, sur la période concernée, les trois ans qui sont pris en compte dans l'enquête, de1,4 à 2,6 en moyenne. Là encore, n'y a-t-il pas, pour vous, un thème de réflexion intéressant ? Que se passe-t-il ? Le débat va s'ouvrir, à l'Assemblée, sur le CPE. Et beaucoup disent qu'il y a probablement des choses à critiquer ou à mettre en place, mais on a tellement essayé de choses qui n'ont pas marché, pourquoi ne pas regarder de ce côté-là aussi ?
R- Non, le CPE, on va y venir, mais c'est autre chose. Non, ce qu'il faut, c'est une croissance économique plus soutenue. Regardez dans la zone euro notamment : c'est la zone dans le monde, où la croissance est la plus faible. On ne crée pas artificiellement des emplois. Les emplois sont créés quand il y a de l'activité économique, cela veut dire quand il y a de la consommation ou quand il y a de la croissance. Après, le reste, ce sont des effets statistiques. Que des entreprises créent, mais il y a aussi des grosses entreprises qui font des suppressions d'emplois en ce moment. Le problème est le solde. Il n'y a eu apparemment que 60.000 créations d'emplois nouveaux nettes l'année dernière, ce qui n'est quand même pas beaucoup pour une économie comme la nôtre. C'est le problème de fond, il n'y a pas de dynamisme économique...
Q- Reste la question de fond, je vous la posais en commençant : n'imaginez-vous pas que ces chiffres, qui sont publiés ce matin, puissent influencer sur le débat à l'assemblée ?
R- Non, pas tellement, dans la limite où ce n'est pas une dynamique économique. C'est un effet statistique. Je ne conteste pas l'analyse des chiffres, que l'on se comprenne bien. Mais je vous dis que le chômage va continuer à baisser, peut-être pas tous les mois, mais la tendance est à la baisse du chômage, notamment pour les raisons démographiques. Alors, le Gouvernement ne peut pas dire que c'est grâce à sa politique, c'est le problème de fond.
Q- C'étaient les questions des auditeurs, il y a quelques jours, dans Radio Com : "on a tout essayé s'agissant du chômage des jeunes, alors pourquoi pas regarder du côté du CPE ?".
R- Non, d'abord, sur le CPE, il y a deux problèmes de méthode. Un, il ne nous a pas consulté - moi, je l'ai appris deux heures avant. Deuxièmement, le Gouvernement ne respecte pas ses engagements : il avait dit qu'il ferait le bilan sur le CNE avant d'envisager toute autre chose. Là, il n'attend pas, parce que le bilan qu'il nous donne, personne n'y croit : ce sont des intentions d'embauche, on se base sur les sondages etc. Et troisièmement, il y a un problème de fond. C'est que pour la première fois depuis longtemps, un employeur va pouvoir licencier un salarié, sans justifier le motif du licenciement. Cela veut dire que c'est un contrat précaire, qu'on le veuille ou non. D'ailleurs, d'une certaine manière, j'ai trouvé, la semaine dernière, le Premier ministre sur la défensive. Si ce n'était pas un contrat précaire, pourquoi a-t-il besoin d'essayer d'intervenir auprès des banques, des assurances,des organismes de logement, pour leur démontrer le contraire ? Si c'était un contrat à durée indéterminée, il n'y aurait pas de problème, il n'aurait pas besoin d'intervenir. Et on joue sur les statistiques, y compris sur les statistiques du chômage des jeunes. Quand on nous dit 22,7 %, de quoi parle-t-on ? De la population active. Si on fait comme pour les autres classes d'âge, alors là, on n'est plus à 22,7, on est à 8,1 - ce sont les chiffres européens sur le chômage des jeunes en France. Donc il joue sur les chiffres, pour y compris justifier un contrat qui est un contrat précaire.
Q- Mais on voit bien à quel point le dossier pose des questions à tout le monde, y compris aux jeunes qui sont les premiers concernés. Il semble, là encore d'après un sondage, même s'il faut être prudent avec tous ces chiffres, qu'une majorité des jeunes, quand même, considère que cela vaut peut-être le coup de regarder et que c'est peut-être, en effet, porteur de créations d'emplois, qui pourraient leur permettre de mieux accéder au marché du travail. On voit bien qu'il y a une interrogation permanente, et d'abord chez les premiers concernés...
R- Que les jeunes - pas uniquement eux d'ailleurs -, aient souvent comme premiers contrats des CDD et des contrats précaires, ce qui n'est pas non plus notre revendication, bien entendu, mais là aussi, on parle un peu de tout et n'importe quoi. Quel est le véritable problème du chômage des jeunes dans notre pays ? Ce sont les jeunes qui sont sans qualification, ce que l'on appelait avant le BEPC, le Brevet aujourd'hui, ou qui sont sans diplôme. Ceux-là sont, cinq à dix ans après la fin de leurs études, effectivement à 30 % de chômage. Donc le vrai problème est là. C'est moins vrai dans le temps, pour ceux qui ont des diplômes. Est-ce que le contrat "première embauche" - moi, j'appelle ça le contrat "première embûche" ! - va, lui, concerner effectivement ces jeunes-là ? Pas du tout ! Ils ne sont pas plus concernés qu'ils ne l'étaient hier. Donc comme le Gouvernement bloque sur l'aspect économique, comme il bloque sur la consommation, il est en train de faire croire que plus de flexibilité et plus de précarité - c'est le modèle anglo-saxon -, cela va créer des emplois. Non, je suis désolé, les emplois sont créés quand il y a de l'activité. Je rajoute une contradiction : il nous a vendu, ou essayé de nous vendre le contrat "nouvelles embauches" en disant que c'est pour les entreprises de moins de 20 salariés, parce que là, il y a un problème, les patrons ne connaissent pas le code du travail, ne savent pas comment leur marché va évoluer. Alors pourquoi, là, il l'étend à toutes les entreprises ?! Les multinationales ont des DRH, elles savent comment le marché va évoluer. Il y a une vraie contradiction, et on est vent debout. Je signale qu'on a fait un recours, devant le Bureau international du travail, contre le contrat "nouvelles embauches" et l'on vient de compléter notre recours - le BIT a accepté notre recours ? avec le contrat "première embauche".
Q- On mesure à quel point la voie de passage est difficile à trouve rentre la précarité, malheureusement, et la flexibilité. Dans le sondage Ifop auquel je faisais référence tout à l'heure, on voit aussi que la moitié des dirigeants qui ont été interrogés, disent qu'ils sont, à 46 %, prêts à vouloir augmenter les emplois dans leur entreprise, et en tout cas, au minimum, à les stabiliser, mais en tout cas, pas à diminuer l'emploi. Il s'agit là de petites et moyennes entreprises. Est-ce qu'il n'y a pas là une volonté, non seulement d'embaucher, mais de stabiliser l'emploi, et peut-être, à terme, de l'augmenter ? Donc, cette période de deux ans, est-ce qu'elle n'a pas à vos yeux une valeur de...
R- Non, dans la limite où le salarié - je ne dis pas "tous les chefs d'entreprise, qu'on se comprenne bien -, ou le fait d'être pendant deux ans dans une période de pression permanente possible de la part de l'entreprise... C'est ce qui se passe en Angleterre avec la durée du travail : les Anglais ont une dérogation à la durée hebdomadaire maximale européenne, 48 heures, soi-disant, à la demande du salarié. Quand le salarié postule sur un poste et que l'employeur lui demande de remplir un papier comme quoi il accepte de travailler 48 heures, s'il ne veut pas, il n'est pas pris. Là, il va y avoir une possibilité de pressions permanente pendant deux ans. Je passe sur tous les éléments annexes évoqués ce matin sur votre antenne - le problème du logement, de l'autonomie, etc.
Q- Période d'essai pour le logement aussi pour les jeunes, vous l'avez entendu, au moins deux ans.
R- Bien sûr ! Tout ça, c'est lié. Le système dit Loca-Pass est un système
insuffisant, ce n'est pas ce qui va permettre aux jeunes d'accéder à
l'emploi et au logement, c'est évident.
Q- Les syndicats européens se réunissent demain, à propos de l'affaire Mittal Arcelor, que peuvent-ils opposer à ce qui se passe en ce moment ?
R- C'est le problème de la nature de la construction européenne, avec insuffisamment de droits aujourd'hui. On voit d'ailleurs que tant du côté de la Commission, qui a un discours assez libéral - on a vu ses déclarations hier - que du côté des gouvernements y compris le Gouvernement français, ils sont un peu dépourvus. Le problème dans ce genre d'affaires, c'est qu'on vit dans un monde où les règles sont insuffisantes, tant au niveau européen qu'au niveau international, et que de tels types d'opérations, cela va coûter cher. Quand je dis que cela va coûter cher, c'est par exemple, si Arcelor est conduit à racheter ses titres, c'est de l'argent qui va être consacré à cela au lieu de faire des investissements. Il y a donc, effectivement, un problème de fond. Mais d'une certaine manière, je ne veux pas faire des rapprochements osés, mais quand Mittal se projette et annonce qu'il veut racheter Arcelor de manière brutale, sans concertation, c'est un peu ce que fait le Premier ministre sur le contrat "première embauche" : il ne consulte pas, il annonce brutalement. C'est la même chose.
Q- Vous avez raison de dire que le rapprochement est brutal. Juste un point encore : la TVA. Décidément, l'union à 25, c'est plus que compliqué, cela ne marche pas !
R- Cela montre bien en tous les cas qu'on a une politique monétaire commune avec l'euro, on a une BCE qui a trop de pouvoir et on a des pouvoirs publics, des gouvernements qui sont un peu anesthésiés, qui n'ont plus les marges de manoeuvre nécessaires. Même si c'est difficile quand on est au gouvernement, de dire "attention, je n'ai plus de pouvoir", mais c'est la réalité, on le voit bien sur le dossier de la TVA. Même si la Pologne fait de la résistance d'une certaine manière, parce qu'elle veut obtenir autre chose, mais on voit très bien le manque de puissance des Etats nations, par rapport à une construction européenne qui est complètement déséquilibrée et qui donne beaucoup trop de part au libéralisme économique. Je rappelle d'ailleurs que le 14 février, nous et d'autres, manifestons à Strasbourg contre la directive qui ne s'appelle plus "Bolkestein", puisqu'il n'est plus commissaire, mais sur "la libéralisation des services".Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er février 2006
R- Non, je ne conteste pas la méthode de comptage, mais tout le monde sait que le chômage va continuer à baisser. D'une certaine manière, M. Raffarin a eu raison trop tôt ! Rappelez vous, quand il disait que le chômage allait baisser ! Bon, il y a un décalage dans le temps. Tout simplement parce que c'était prévisible. Quand je dis que "c'était prévisible", c'est notamment dû aux phénomènes démographiques : le fait que les générations juste nées après-guerre, le Papy Boom, partent massivement en retraite - 200.000 de plus chaque année -, qu'elles ne sont pas toutes remplacées. Mais cela contribue et c'est cela qui explique que cela va continuer. Il y a aussi des radiations, même si c'est à peu près du même ordre qu'avant, et les premiers effets du plan sur la cohésion sociale. Ce sont les trois éléments qui expliquent la baisse du chômage. Le problème est qu'en contrepartie, il n'y a pas de créations d'emplois. C'est le problème de fond. Et à partir du moment où il n'y a pas de créations d'emplois, c'est parce qu'il n'y a pas de croissance assez dynamique, parce qu'il n'y a pas de consommation soutenue... C'est le problème aujourd'hui.
Q- Un sondage intéressant vient de paraître, réalisé par l'IFOP pour le Salon des entrepreneurs, la Caisse des dépôts et le ministère de l'emploi, qui dit qu'une majorité, 54 % des entreprises de moins de vingt salariés, créées il y a trois ans, ont embauché au moins un salarié depuis. C'est intéressant, quand même...
R- Il y a toujours des créations d'emplois ! Il y a toujours des emplois qui disparaissent et des créations d'emplois au cours de l'année. Que des petites entreprises, comme cela, aient créé, n'est pas surprenant, mais en même temps, je considère que ce n'est pas nouveau. On voit même, en ce moment, une accumulation de plans sociaux, tous les jours. Regardez la semaine dernière ou avant : il y a eu Seb, il a eu Goma [phon] en Bretagne ; j'ai été informé hier de Lexmark, filiale américaine, qui va supprimer 300 emplois. Donc le problème de fond, c'est que l'on est en période aussi de restructuration, de destructions d'emplois. D'une certaine manière, c'est la contradiction.
Q- Mais [il y a] la réalité des chiffres, encore une fois : le nombre d'emplois salariés ou non salariés est passé, sur la période concernée, les trois ans qui sont pris en compte dans l'enquête, de1,4 à 2,6 en moyenne. Là encore, n'y a-t-il pas, pour vous, un thème de réflexion intéressant ? Que se passe-t-il ? Le débat va s'ouvrir, à l'Assemblée, sur le CPE. Et beaucoup disent qu'il y a probablement des choses à critiquer ou à mettre en place, mais on a tellement essayé de choses qui n'ont pas marché, pourquoi ne pas regarder de ce côté-là aussi ?
R- Non, le CPE, on va y venir, mais c'est autre chose. Non, ce qu'il faut, c'est une croissance économique plus soutenue. Regardez dans la zone euro notamment : c'est la zone dans le monde, où la croissance est la plus faible. On ne crée pas artificiellement des emplois. Les emplois sont créés quand il y a de l'activité économique, cela veut dire quand il y a de la consommation ou quand il y a de la croissance. Après, le reste, ce sont des effets statistiques. Que des entreprises créent, mais il y a aussi des grosses entreprises qui font des suppressions d'emplois en ce moment. Le problème est le solde. Il n'y a eu apparemment que 60.000 créations d'emplois nouveaux nettes l'année dernière, ce qui n'est quand même pas beaucoup pour une économie comme la nôtre. C'est le problème de fond, il n'y a pas de dynamisme économique...
Q- Reste la question de fond, je vous la posais en commençant : n'imaginez-vous pas que ces chiffres, qui sont publiés ce matin, puissent influencer sur le débat à l'assemblée ?
R- Non, pas tellement, dans la limite où ce n'est pas une dynamique économique. C'est un effet statistique. Je ne conteste pas l'analyse des chiffres, que l'on se comprenne bien. Mais je vous dis que le chômage va continuer à baisser, peut-être pas tous les mois, mais la tendance est à la baisse du chômage, notamment pour les raisons démographiques. Alors, le Gouvernement ne peut pas dire que c'est grâce à sa politique, c'est le problème de fond.
Q- C'étaient les questions des auditeurs, il y a quelques jours, dans Radio Com : "on a tout essayé s'agissant du chômage des jeunes, alors pourquoi pas regarder du côté du CPE ?".
R- Non, d'abord, sur le CPE, il y a deux problèmes de méthode. Un, il ne nous a pas consulté - moi, je l'ai appris deux heures avant. Deuxièmement, le Gouvernement ne respecte pas ses engagements : il avait dit qu'il ferait le bilan sur le CNE avant d'envisager toute autre chose. Là, il n'attend pas, parce que le bilan qu'il nous donne, personne n'y croit : ce sont des intentions d'embauche, on se base sur les sondages etc. Et troisièmement, il y a un problème de fond. C'est que pour la première fois depuis longtemps, un employeur va pouvoir licencier un salarié, sans justifier le motif du licenciement. Cela veut dire que c'est un contrat précaire, qu'on le veuille ou non. D'ailleurs, d'une certaine manière, j'ai trouvé, la semaine dernière, le Premier ministre sur la défensive. Si ce n'était pas un contrat précaire, pourquoi a-t-il besoin d'essayer d'intervenir auprès des banques, des assurances,des organismes de logement, pour leur démontrer le contraire ? Si c'était un contrat à durée indéterminée, il n'y aurait pas de problème, il n'aurait pas besoin d'intervenir. Et on joue sur les statistiques, y compris sur les statistiques du chômage des jeunes. Quand on nous dit 22,7 %, de quoi parle-t-on ? De la population active. Si on fait comme pour les autres classes d'âge, alors là, on n'est plus à 22,7, on est à 8,1 - ce sont les chiffres européens sur le chômage des jeunes en France. Donc il joue sur les chiffres, pour y compris justifier un contrat qui est un contrat précaire.
Q- Mais on voit bien à quel point le dossier pose des questions à tout le monde, y compris aux jeunes qui sont les premiers concernés. Il semble, là encore d'après un sondage, même s'il faut être prudent avec tous ces chiffres, qu'une majorité des jeunes, quand même, considère que cela vaut peut-être le coup de regarder et que c'est peut-être, en effet, porteur de créations d'emplois, qui pourraient leur permettre de mieux accéder au marché du travail. On voit bien qu'il y a une interrogation permanente, et d'abord chez les premiers concernés...
R- Que les jeunes - pas uniquement eux d'ailleurs -, aient souvent comme premiers contrats des CDD et des contrats précaires, ce qui n'est pas non plus notre revendication, bien entendu, mais là aussi, on parle un peu de tout et n'importe quoi. Quel est le véritable problème du chômage des jeunes dans notre pays ? Ce sont les jeunes qui sont sans qualification, ce que l'on appelait avant le BEPC, le Brevet aujourd'hui, ou qui sont sans diplôme. Ceux-là sont, cinq à dix ans après la fin de leurs études, effectivement à 30 % de chômage. Donc le vrai problème est là. C'est moins vrai dans le temps, pour ceux qui ont des diplômes. Est-ce que le contrat "première embauche" - moi, j'appelle ça le contrat "première embûche" ! - va, lui, concerner effectivement ces jeunes-là ? Pas du tout ! Ils ne sont pas plus concernés qu'ils ne l'étaient hier. Donc comme le Gouvernement bloque sur l'aspect économique, comme il bloque sur la consommation, il est en train de faire croire que plus de flexibilité et plus de précarité - c'est le modèle anglo-saxon -, cela va créer des emplois. Non, je suis désolé, les emplois sont créés quand il y a de l'activité. Je rajoute une contradiction : il nous a vendu, ou essayé de nous vendre le contrat "nouvelles embauches" en disant que c'est pour les entreprises de moins de 20 salariés, parce que là, il y a un problème, les patrons ne connaissent pas le code du travail, ne savent pas comment leur marché va évoluer. Alors pourquoi, là, il l'étend à toutes les entreprises ?! Les multinationales ont des DRH, elles savent comment le marché va évoluer. Il y a une vraie contradiction, et on est vent debout. Je signale qu'on a fait un recours, devant le Bureau international du travail, contre le contrat "nouvelles embauches" et l'on vient de compléter notre recours - le BIT a accepté notre recours ? avec le contrat "première embauche".
Q- On mesure à quel point la voie de passage est difficile à trouve rentre la précarité, malheureusement, et la flexibilité. Dans le sondage Ifop auquel je faisais référence tout à l'heure, on voit aussi que la moitié des dirigeants qui ont été interrogés, disent qu'ils sont, à 46 %, prêts à vouloir augmenter les emplois dans leur entreprise, et en tout cas, au minimum, à les stabiliser, mais en tout cas, pas à diminuer l'emploi. Il s'agit là de petites et moyennes entreprises. Est-ce qu'il n'y a pas là une volonté, non seulement d'embaucher, mais de stabiliser l'emploi, et peut-être, à terme, de l'augmenter ? Donc, cette période de deux ans, est-ce qu'elle n'a pas à vos yeux une valeur de...
R- Non, dans la limite où le salarié - je ne dis pas "tous les chefs d'entreprise, qu'on se comprenne bien -, ou le fait d'être pendant deux ans dans une période de pression permanente possible de la part de l'entreprise... C'est ce qui se passe en Angleterre avec la durée du travail : les Anglais ont une dérogation à la durée hebdomadaire maximale européenne, 48 heures, soi-disant, à la demande du salarié. Quand le salarié postule sur un poste et que l'employeur lui demande de remplir un papier comme quoi il accepte de travailler 48 heures, s'il ne veut pas, il n'est pas pris. Là, il va y avoir une possibilité de pressions permanente pendant deux ans. Je passe sur tous les éléments annexes évoqués ce matin sur votre antenne - le problème du logement, de l'autonomie, etc.
Q- Période d'essai pour le logement aussi pour les jeunes, vous l'avez entendu, au moins deux ans.
R- Bien sûr ! Tout ça, c'est lié. Le système dit Loca-Pass est un système
insuffisant, ce n'est pas ce qui va permettre aux jeunes d'accéder à
l'emploi et au logement, c'est évident.
Q- Les syndicats européens se réunissent demain, à propos de l'affaire Mittal Arcelor, que peuvent-ils opposer à ce qui se passe en ce moment ?
R- C'est le problème de la nature de la construction européenne, avec insuffisamment de droits aujourd'hui. On voit d'ailleurs que tant du côté de la Commission, qui a un discours assez libéral - on a vu ses déclarations hier - que du côté des gouvernements y compris le Gouvernement français, ils sont un peu dépourvus. Le problème dans ce genre d'affaires, c'est qu'on vit dans un monde où les règles sont insuffisantes, tant au niveau européen qu'au niveau international, et que de tels types d'opérations, cela va coûter cher. Quand je dis que cela va coûter cher, c'est par exemple, si Arcelor est conduit à racheter ses titres, c'est de l'argent qui va être consacré à cela au lieu de faire des investissements. Il y a donc, effectivement, un problème de fond. Mais d'une certaine manière, je ne veux pas faire des rapprochements osés, mais quand Mittal se projette et annonce qu'il veut racheter Arcelor de manière brutale, sans concertation, c'est un peu ce que fait le Premier ministre sur le contrat "première embauche" : il ne consulte pas, il annonce brutalement. C'est la même chose.
Q- Vous avez raison de dire que le rapprochement est brutal. Juste un point encore : la TVA. Décidément, l'union à 25, c'est plus que compliqué, cela ne marche pas !
R- Cela montre bien en tous les cas qu'on a une politique monétaire commune avec l'euro, on a une BCE qui a trop de pouvoir et on a des pouvoirs publics, des gouvernements qui sont un peu anesthésiés, qui n'ont plus les marges de manoeuvre nécessaires. Même si c'est difficile quand on est au gouvernement, de dire "attention, je n'ai plus de pouvoir", mais c'est la réalité, on le voit bien sur le dossier de la TVA. Même si la Pologne fait de la résistance d'une certaine manière, parce qu'elle veut obtenir autre chose, mais on voit très bien le manque de puissance des Etats nations, par rapport à une construction européenne qui est complètement déséquilibrée et qui donne beaucoup trop de part au libéralisme économique. Je rappelle d'ailleurs que le 14 février, nous et d'autres, manifestons à Strasbourg contre la directive qui ne s'appelle plus "Bolkestein", puisqu'il n'est plus commissaire, mais sur "la libéralisation des services".Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er février 2006