Texte intégral
Bonjour à tous,
Nous avions aujourd'hui quatre grands blocs de sujets : les affaires communautaires internes, les Balkans, le Moyen-Orient et une question que j'ai abordée sur les enfants soldats en Afrique.
Sur les affaires communautaires, nous avons parlé des perspectives financières 2007-2013 après l'accord de décembre et de la préparation du Conseil européen de printemps. A propos des perspectives financières 2007-2013, vous savez qu'un accord inter-institutionnel avec le Parlement est nécessaire pour mettre en oeuvre les décisions du Conseil européen de décembre. Pour ma part, je ne suis pas inquiet car tout le monde sait que l'accord de décembre a été très difficile à obtenir et qu'on ne pourra pas s'en écarter de manière significative. Il nous semble, à Catherine Colonna et à moi, que personne ne prendra la responsabilité, après le succès de décembre, de remettre en cause un accord qui a été un signe de la relance européenne et qui permet, je le rappelle, le financement équitable de l'Europe élargie, la mise en oeuvre des politiques communes, telle que la Politique agricole commune, et, contrairement à ce que disent certains, de très fortes augmentations par rapport au "paquet" précédent en matière de recherche et de croissance puisqu'il y aura une augmentation de plus de 36 % entre 2007 et 2013.
S'agissant du Conseil européen de printemps qui aura lieu les 23 et 24 mars à Bruxelles, la réunion, aujourd'hui, a été la première séance de travail consacrée à sa préparation. Nous avons essentiellement insisté sur la question de l'énergie. La crise du gaz russe du mois dernier a mis en évidence combien il est urgent d'avoir une action européenne sur la sécurité d'approvisionnement énergétique, c'est un sujet qui concerne tous les citoyens et pour lequel l'action au niveau de l'Union est indispensable.
Catherine Colonna a souligné que deux types d'actions européennes étaient nécessaires et urgentes pour améliorer notre sécurité énergétique collective. D'abord une action sur les capacités énergétiques manquantes au sein de l'Union : où faut-il plus de production électrique ? Où manque-t-on d'interconnexion électrique ou gazière ? Que peut faire l'Union pour aider les compagnies énergétiques à construire rapidement ces énergies manquantes ? Le deuxième type d'action est l'action vis-à-vis des pays tiers : comment avoir un dialogue énergétique plus efficace avec la Russie ? Comment l'Union peut-elle prendre sa place dans ces tractations mondiales en cours sur les réserves énergétiques d'Asie centrale ? La Russie, l'Asie centrale, ce sont deux questions majeures que nous souhaitons aborder pendant ce Conseil de printemps.
Je voudrais également aborder le problème des Balkans ; nous avons été très clairs, comme d'habitude, avec Catherine, sur ces sujets.
M. Rehn a fait le point sur la coopération des pays de la région avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, il a estimé que, si Belgrade ne coopérait pas, le rythme de la négociation de l'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie-et-Monténégro pourrait être affecté. Nous avons apporté un soutien total à sa démarche, nous pensons qu'il faut conditionner clairement la poursuite des négociations de cet accord à une coopération totale effective et, permettez-moi de le souligner devant vous, immédiate des autorités de ce pays avec le Tribunal pénal de l'ex-Yougoslavie. Mladic doit être arrêté et transféré à La Haye, Karadzic doit être arrêté et transféré à La Haye, il en va de l'avenir européen des pays de la région.
Sur le Monténégro, nous avons exprimé notre soutien à M. Lajcak, le représentant personnel de Javier Solana dans sa mission pour l'aider à mettre en place un referendum qui soit légitime et incontestable.
Et sur le Kosovo, je pense que l'Union européenne doit se préparer à y jouer un rôle important dans les mois et années à venir, quelle que soit d'ailleurs l'issue des négociations en cours, nous l'avons redit lorsque nous sommes allés à Belgrade et à Pristina, il faut que la réflexion à ce sujet progresse très rapidement.
S'agissant du Proche-Orient, pour ce qui concerne nos relations avec le futur gouvernement palestinien, nous avons rappelé notre attachement aux trois principes que nous avons fixés fin janvier et qui ont d'ailleurs été repris par le Quartet : renonciation explicite et publique à toute violence de la part du Hamas, reconnaissance de l'Etat d'Israël, reconnaissance des accords entre l'OLP et Israël.
Mais nous faisons face à deux échéances essentielles, la constitution du nouveau gouvernement palestinien et les futures élections législatives israéliennes le 28 mars. Notre objectif est la poursuite du Processus de paix, ce qui implique d'une part que nous devons encourager le Hamas à évoluer dans le cadre de ce processus qui est un processus politique et, d'autre part, parallèlement, nous devons demander au gouvernement israélien de s'abstenir de tout acte qui aurait pour résultat de remettre en cause le processus d'Oslo.
En ce qui concerne l'aide européenne aux Territoires palestiniens, nous devrons à la fois veiller à ce que l'aide ne finisse pas dans les caisses d'un mouvement inscrit sur notre liste des mouvements terroristes mais de l'autre, éviter une asphyxie économique des Territoires palestiniens qui entraînerait bien évidemment un chaos social, économique, sécuritaire avec un regain de violence au sein des Territoires. La Commission devra débourser sa contribution comme l'ont fait les autres contributeurs du trust fund et comme l'a recommandé la Banque mondiale. Ces fonds sont nécessaires pour payer les salaires des fonctionnaires palestiniens du mois de février, assurer le fonctionnement des services essentiels aux populations, hôpitaux, écoles etc.
S'agissant de l'Irak, les derniers évènements sont excessivement inquiétants, j'ai indiqué que pour enrayer le cycle de la violence et contrer les forces qui poussent à la communautarisation du pays, il faut promouvoir une solution qui soit d'abord politique, c'est ce que nous disons depuis maintenant deux ans, il faut continuer d'encourager un processus politique véritablement inclusif : constitution d'un gouvernement pluraliste, révision de la Constitution, soutien à la proposition de la Ligue arabe d'organiser une conférence d'entente nationale rassemblant toutes les forces politiques irakiennes.
Concernant l'Iran et le nucléaire, nous devons constater à regret que les actes de Téhéran vont dans le mauvais sens. Reprise et accélération du programme de production de matière fissile, coopération insuffisante avec l'AIEA, non-application du protocole additionnel et peu de progrès, comme vous l'avez vu ce matin, sur les idées russes. Je crois que l'Iran et la communauté internationale sont maintenant à la croisée des chemins, notre objectif demeure inchangé, c'est la suspension des activités nucléaires sensibles iraniennes, toute autre solution dans le contexte actuel ne serait pas acceptable.
La communauté internationale doit désormais répondre de manière ferme, rapide et unie à la politique du fait accompli de l'Iran, et je salue à cet égard la position de la Russie et de la Chine sur ce dossier. Nous devons maintenir l'unité de la communauté internationale et nous avons engrangé c'est vrai, un succès important le 4 février dernier avec notre résolution votée à l'Agence à une large majorité, nous sommes bien aujourd'hui dans un processus qui engage l'ensemble de nos principaux partenaires.
L'Union européenne, quant à elle, doit entamer une réflexion approfondie sur sa relation d'ensemble avec l'Iran, comme nos chefs d'Etat et de gouvernement l'avaient conclu en décembre dernier et comme vous le savez, Javier Solana doit nous faire des propositions à cet égard. S'agissant des discussions entre la Russie et l'Iran, selon nos indications, elles n'ont pas abouti.
Je voudrais juste dire un mot sur ce que j'ai souhaité ajouter, j'ai souhaité porter l'attention sur le problème très douloureux des enfants soldats, en particulier en Afrique, et j'ai proposé que nous examinions plus en détail cette question au prochain Gymnich qui aura lieu à Salzbourg les 11 et 12 mars. Je viens de me rendre avec l'Unicef en Ouganda et au Burundi pour examiner le sort des enfants dans les conflits armés. Au nord de l'Ouganda j'ai constaté l'ampleur de la tragédie et il me semble que protéger ces enfants est une exigence morale. La France est, comme vous le savez, très engagée dans ce domaine puisqu'elle préside le groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sujet. Du côté de l'Union européenne c'est vrai que l'on dispose déjà d'un plan d'action qui avait été adopté à l'initiative de la présidence néerlandaise de l'Union européenne en 2004, mais il faut aller beaucoup plus loin en veillant à ce que toutes les politiques de l'Union européenne et les crédits du FED prennent en compte cette dimension. Il faut d'ailleurs que l'Union européenne et l'Unicef travaillent beaucoup plus ensemble sur cette question.
Catherine Colonna et moi-même sommes à votre disposition pour les questions.
Q - L'approche intégrée recommandée dans le mémorandum français sur l'énergie n'est-elle pas contredite par l'opération annoncée samedi entre Suez et Gaz de France ?
R - Comme vous le savez certainement, le rapprochement entre GDF et le groupe Suez faisait partie des projets de ces deux sociétés depuis de nombreux mois maintenant. Comme toute opération de ce type, l'annonce du rapprochement provoque des réactions, y compris bien sûr en France, mais ce rapprochement ne remet nullement en cause l'intérêt des différents partenaires européens à travailler ensemble dans le domaine énergétique, j'irai même plus loin, ne remet pas en cause l'intérêt de l'Italie et de la France à travailler ensemble. Certaines entreprises italiennes sont déjà très actives en France dans ce domaine et leurs perspectives de développement futures sont importantes. J'aurai l'occasion très prochainement de m'en entretenir avec mes collègues italiens.
Le mouvement actuel de concentration des entreprises énergétiques est de toute façon une nécessité en Europe si nous voulons peser dans le monde. Ce mouvement industriel ne suffira pas, il faut aussi une politique européenne de l'énergie, comme je l'ai dit tout à l'heure, en travaillant sur trois volets, la sécurité, la compétitivité et la "soutenabilité".
Q - Va-t-on vers la création d'un mastodonte franco-français, une sorte de "Gazprom français" ?
R - Vous ne pouvez pas en vouloir à deux sociétés qui parlent depuis de nombreux mois de se regrouper. Vous vous doutez quand même que cela ne se passe pas en quelques heures. Ces deux sociétés travaillent depuis longtemps. Il y a des rapprochements tous les mois dans le monde dans ce domaine comme dans d'autres d'ailleurs, alors pourquoi pas en France ?
Q - Ce rapprochement intervient au moment où Enel a fait une offre sur Suez.
R - Enel a présenté une offre très récemment, vous vous doutez qu'il n'y a pas une possibilité de fusionner en l'espace de quelques heures, encore une fois je vous donne l'information qu'il y avait, depuis de nombreux mois, dans l'actualité de ces sociétés, une fusion possible.
Q - M. Fini a parlé d'approche protectionniste.
R - Comme vous le savez, dans notre droit, ce sont les sociétés qui décident, il y a une société privée qui s'appelle Suez et une société GDF qui ont décidé de se regrouper. Il ne faut pas attendre des hommes politiques français d'être malheureux que notre pays réussisse à faire des grands groupes mondiaux. Ca, c'est normal, je pense que c'est la même chose en Italie, en Angleterre, en Inde ou au Luxembourg. En France comme ailleurs, nous aimons les victoires, la compétitivité, gagner et conquérir des marchés. S'il y a la possibilité pour la France d'avoir un grand groupe, vous ne pouvez pas attendre des hommes politiques français qu'ils le regrettent. Mais il y a des groupes étrangers qui arrivent en permanence en France. La France, comme l'Italie ou l'Espagne ou d'autres pays, en voit arriver tous les jours. Le système du marché est un système qui a ses propres lois ; on a beaucoup parlé de Mittal...
Q - Sauf que GDF est détenu à 80 % par l'Etat et que son président est l'ancien conseiller économique du président de la République.
R - Si vous permettez, cela n'a strictement rien à voir, il y a ce qu'on dit et il y a la vérité du marché. Aujourd'hui dans une société, surtout lorsqu'il y a une OPA possible, il n'y a pas de loi qui empêche une société d'en absorber une autre, cela n'existe pas. Est-ce que la France fait tout pour qu'il y ait un grand groupe français ? La réponse est oui, il faut s'attendre à ce que les hommes politiques français fassent tout pour qu'il y ait des champions français et personne ne le leur reprochera. Est-ce qu'il y a une sorte de règle du jeu un peu faussée ? C'est impossible, elles sont claires pour tout le monde. Il y a des entrepreneurs, des OPA et une règle du marché, il y a ceux qui peuvent acheter des sociétés et ceux qui ne peuvent pas les acheter mais ce n'est pas l'homme politique français ou italien qui décide, c'est le marché.
Q - Sur la Serbie, avez-vous fixé une échéance ?
R - Non, je n'ai pas donné de dead line. Nous avons dit qu'il est excessivement important d'avoir l'assurance de la part du Tribunal pénal international d'ex-Yougoslavie qu'il y ait une détermination très clairement affichée des autorités serbes pour arrêter MM. Mladic et Karadzic. Il y a quelques jours, j'ai entendu des rumeurs disant que M. Mladic était arrêté, ce n'était pas vrai. Nous disons très clairement que, pour nous, l'avenir européen de ces pays là est évidemment mis en jeu directement par cette détermination et cette motivation. Cette détermination affichée doit être immédiate.
Q ? (Sur l'Iran)
R - Je pense que sur le sujet iranien il y a une nouveauté, c'est la fermeté avec laquelle la communauté internationale s'est montrée très unie puisqu'en dehors du Venezuela, de la Syrie et de Cuba, la résolution du 4 février a été votée à l'Agence. Cette résolution dit très clairement que l'on demande à M. El Baradei, le directeur de l'Agence internationale de l'Energie atomique, de faire rapport, non seulement à l'Agence mais aussi au Conseil de sécurité des Nations unies, pour faire un point exact à la fois sur les activités de conversion qui ont repris début août 2005 à Ispahan et sur les activités d'enrichissement de l'uranium qui ont repris il y a un mois, d'après ce que les Iraniens ont dit, à Natanz.
Il nous paraît important de dire que l'Agence non seulement n'est pas soustraite à l'action mais qu'elle est au contraire soutenue politiquement par ce passage du rapport de son directeur devant le Conseil de sécurité, et là nous attendons. Je vous rappelle que M. El Baradei nous a dit qu'il n'y avait pas d'objectif civil expliquant le programme nucléaire iranien actuel. Notre souhait c'est la négociation avec l'Iran et son peuple, il s'agit de dire : "si vous voulez négocier, il faut suspendre les activités nucléaires sensibles". C'est une règle de base que nous mettons à la négociation. Evidemment les Iraniens ont droit à l'activité nucléaire civile, ils ont signé le traité de non-prolifération, il est tout à fait normal d'avoir une discussion avec eux sur les plans technologique, commercial et industriel. Les négociations vont avoir lieu à condition qu'il n'y ait plus d'activité nucléaire sensible. J'ai vu hier avec regret ce qui s'est passé lors de la discussion avec les Russes.
Q ? (Sur l'affaire des caricatures)
R - Il y aura une déclaration sur ce sujet. Il nous paraît excessivement important de rappeler ce que nous avons dit, c'est-à-dire à la fois la liberté d'expression et en même temps la condamnation de toute forme de violence dans cette affaire. Face à cette crise, je crois qu'il n'y a qu'une seule voie possible, celle du dialogue et c'est tout le sens du déplacement récent au Moyen-Orient de M. Javier Solana qui a rencontré de très nombreuses autorités du monde musulman. Chacun doit respecter les opinions, les convictions, les croyances des autres, qu'elles soient religieuses, intellectuelles, politiques ou autres. Les gouvernements de nos Etats doivent veiller à ce que ce respect soit effectif et prendre, si nécessaire, les dispositions, y compris judiciaires, pour empêcher des atteintes portées à ce respect. Je pense que la pire chose qui pourrait arriver serait de tomber dans une guerre des civilisations, de faire croire qu'il y aurait, d'un côté, un monde musulman, de l'autre un Occident - il y a beaucoup d'Européens qui sont musulmans, il faut le rappeler -, la pire chose serait de faire croire comme cela a pu être dit que musulman égale terrorisme, ce qui serait horrible.
Q ? (A propos de l'OPA Suez ? GDF)
R - Je crois qu'il y a deux choses. Il y a, d'une part, en terme stratégique, une réflexion qui est tout à fait nécessaire au niveau européen, on l'a vu au moment de la crise russo-ukrainienne, il y a les nouvelles énergies, ça c'est stratégique.
A côté de cela, il y a toute une Europe sociale avec des emplois, des familles qui travaillent dans les entreprises et il est normal que les hommes politiques français, comme les hommes politiques italiens ou anglais, se battent pour que leurs entreprises soient parmi les meilleures du monde. Nous avons un taux de chômage important dans notre pays, il baisse grâce au travail du gouvernement et nous avons intérêt à ne pas le remettre en cause par des concentrations qui ne seraient pas positives pour la plupart en France.
Q - (A propos du déblocage de fonds pour l'Autorité palestinienne et de la non-reconnaissance d'Israël par le Hamas)
R - C'est un sujet qui est très important car nous sommes, comme je l'ai dit tout à l'heure, à un moment très précis où le gouvernement palestinien n'est pas encore connu, il peut être "1/3, 2/3, 3/5 Hamas", je ne le sais pas. Je me permettrais de faire une différence entre l'Autorité palestinienne et le gouvernement, il y aura un gouvernement transitoire puis un autre gouvernement. Je crois qu'il n'y aurait rien de pire que de ne pas donner notre contribution à l'Autorité palestinienne, d'abord parce que si nous ne donnons pas, d'autres pourront donner et, deuxièmement, parce que si nous ne donnons pas, il y aura très rapidement un chaos social, économique et, in fine, sécuritaire avec la reprise des violences. Je crois qu'à l'inverse il est évident que nous n'allons pas rencontrer le gouvernement puisqu'il n'y a pas de gouvernement, il n'y a pas de rencontre avec le mouvement inscrit sur la liste terroriste de l'Union européenne, tant que le Hamas n'aura pas reconnu Israël et tant qu'il n'y aura pas reconnaissance des Accords d'Oslo et de la renonciation explicite et publique à la violence, il ne peut pas y avoir d'action.
Je pars du principe que la seule solution dans cet endroit du monde c'est le processus politique. Il y a des élus, le Hamas s'est présenté aux élections, il faut assumer et assurer le pouvoir et entrer dans un processus politique et donc dans une capacité à reconnaître internationalement le voisin Israël.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 mars 2006
Nous avions aujourd'hui quatre grands blocs de sujets : les affaires communautaires internes, les Balkans, le Moyen-Orient et une question que j'ai abordée sur les enfants soldats en Afrique.
Sur les affaires communautaires, nous avons parlé des perspectives financières 2007-2013 après l'accord de décembre et de la préparation du Conseil européen de printemps. A propos des perspectives financières 2007-2013, vous savez qu'un accord inter-institutionnel avec le Parlement est nécessaire pour mettre en oeuvre les décisions du Conseil européen de décembre. Pour ma part, je ne suis pas inquiet car tout le monde sait que l'accord de décembre a été très difficile à obtenir et qu'on ne pourra pas s'en écarter de manière significative. Il nous semble, à Catherine Colonna et à moi, que personne ne prendra la responsabilité, après le succès de décembre, de remettre en cause un accord qui a été un signe de la relance européenne et qui permet, je le rappelle, le financement équitable de l'Europe élargie, la mise en oeuvre des politiques communes, telle que la Politique agricole commune, et, contrairement à ce que disent certains, de très fortes augmentations par rapport au "paquet" précédent en matière de recherche et de croissance puisqu'il y aura une augmentation de plus de 36 % entre 2007 et 2013.
S'agissant du Conseil européen de printemps qui aura lieu les 23 et 24 mars à Bruxelles, la réunion, aujourd'hui, a été la première séance de travail consacrée à sa préparation. Nous avons essentiellement insisté sur la question de l'énergie. La crise du gaz russe du mois dernier a mis en évidence combien il est urgent d'avoir une action européenne sur la sécurité d'approvisionnement énergétique, c'est un sujet qui concerne tous les citoyens et pour lequel l'action au niveau de l'Union est indispensable.
Catherine Colonna a souligné que deux types d'actions européennes étaient nécessaires et urgentes pour améliorer notre sécurité énergétique collective. D'abord une action sur les capacités énergétiques manquantes au sein de l'Union : où faut-il plus de production électrique ? Où manque-t-on d'interconnexion électrique ou gazière ? Que peut faire l'Union pour aider les compagnies énergétiques à construire rapidement ces énergies manquantes ? Le deuxième type d'action est l'action vis-à-vis des pays tiers : comment avoir un dialogue énergétique plus efficace avec la Russie ? Comment l'Union peut-elle prendre sa place dans ces tractations mondiales en cours sur les réserves énergétiques d'Asie centrale ? La Russie, l'Asie centrale, ce sont deux questions majeures que nous souhaitons aborder pendant ce Conseil de printemps.
Je voudrais également aborder le problème des Balkans ; nous avons été très clairs, comme d'habitude, avec Catherine, sur ces sujets.
M. Rehn a fait le point sur la coopération des pays de la région avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, il a estimé que, si Belgrade ne coopérait pas, le rythme de la négociation de l'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie-et-Monténégro pourrait être affecté. Nous avons apporté un soutien total à sa démarche, nous pensons qu'il faut conditionner clairement la poursuite des négociations de cet accord à une coopération totale effective et, permettez-moi de le souligner devant vous, immédiate des autorités de ce pays avec le Tribunal pénal de l'ex-Yougoslavie. Mladic doit être arrêté et transféré à La Haye, Karadzic doit être arrêté et transféré à La Haye, il en va de l'avenir européen des pays de la région.
Sur le Monténégro, nous avons exprimé notre soutien à M. Lajcak, le représentant personnel de Javier Solana dans sa mission pour l'aider à mettre en place un referendum qui soit légitime et incontestable.
Et sur le Kosovo, je pense que l'Union européenne doit se préparer à y jouer un rôle important dans les mois et années à venir, quelle que soit d'ailleurs l'issue des négociations en cours, nous l'avons redit lorsque nous sommes allés à Belgrade et à Pristina, il faut que la réflexion à ce sujet progresse très rapidement.
S'agissant du Proche-Orient, pour ce qui concerne nos relations avec le futur gouvernement palestinien, nous avons rappelé notre attachement aux trois principes que nous avons fixés fin janvier et qui ont d'ailleurs été repris par le Quartet : renonciation explicite et publique à toute violence de la part du Hamas, reconnaissance de l'Etat d'Israël, reconnaissance des accords entre l'OLP et Israël.
Mais nous faisons face à deux échéances essentielles, la constitution du nouveau gouvernement palestinien et les futures élections législatives israéliennes le 28 mars. Notre objectif est la poursuite du Processus de paix, ce qui implique d'une part que nous devons encourager le Hamas à évoluer dans le cadre de ce processus qui est un processus politique et, d'autre part, parallèlement, nous devons demander au gouvernement israélien de s'abstenir de tout acte qui aurait pour résultat de remettre en cause le processus d'Oslo.
En ce qui concerne l'aide européenne aux Territoires palestiniens, nous devrons à la fois veiller à ce que l'aide ne finisse pas dans les caisses d'un mouvement inscrit sur notre liste des mouvements terroristes mais de l'autre, éviter une asphyxie économique des Territoires palestiniens qui entraînerait bien évidemment un chaos social, économique, sécuritaire avec un regain de violence au sein des Territoires. La Commission devra débourser sa contribution comme l'ont fait les autres contributeurs du trust fund et comme l'a recommandé la Banque mondiale. Ces fonds sont nécessaires pour payer les salaires des fonctionnaires palestiniens du mois de février, assurer le fonctionnement des services essentiels aux populations, hôpitaux, écoles etc.
S'agissant de l'Irak, les derniers évènements sont excessivement inquiétants, j'ai indiqué que pour enrayer le cycle de la violence et contrer les forces qui poussent à la communautarisation du pays, il faut promouvoir une solution qui soit d'abord politique, c'est ce que nous disons depuis maintenant deux ans, il faut continuer d'encourager un processus politique véritablement inclusif : constitution d'un gouvernement pluraliste, révision de la Constitution, soutien à la proposition de la Ligue arabe d'organiser une conférence d'entente nationale rassemblant toutes les forces politiques irakiennes.
Concernant l'Iran et le nucléaire, nous devons constater à regret que les actes de Téhéran vont dans le mauvais sens. Reprise et accélération du programme de production de matière fissile, coopération insuffisante avec l'AIEA, non-application du protocole additionnel et peu de progrès, comme vous l'avez vu ce matin, sur les idées russes. Je crois que l'Iran et la communauté internationale sont maintenant à la croisée des chemins, notre objectif demeure inchangé, c'est la suspension des activités nucléaires sensibles iraniennes, toute autre solution dans le contexte actuel ne serait pas acceptable.
La communauté internationale doit désormais répondre de manière ferme, rapide et unie à la politique du fait accompli de l'Iran, et je salue à cet égard la position de la Russie et de la Chine sur ce dossier. Nous devons maintenir l'unité de la communauté internationale et nous avons engrangé c'est vrai, un succès important le 4 février dernier avec notre résolution votée à l'Agence à une large majorité, nous sommes bien aujourd'hui dans un processus qui engage l'ensemble de nos principaux partenaires.
L'Union européenne, quant à elle, doit entamer une réflexion approfondie sur sa relation d'ensemble avec l'Iran, comme nos chefs d'Etat et de gouvernement l'avaient conclu en décembre dernier et comme vous le savez, Javier Solana doit nous faire des propositions à cet égard. S'agissant des discussions entre la Russie et l'Iran, selon nos indications, elles n'ont pas abouti.
Je voudrais juste dire un mot sur ce que j'ai souhaité ajouter, j'ai souhaité porter l'attention sur le problème très douloureux des enfants soldats, en particulier en Afrique, et j'ai proposé que nous examinions plus en détail cette question au prochain Gymnich qui aura lieu à Salzbourg les 11 et 12 mars. Je viens de me rendre avec l'Unicef en Ouganda et au Burundi pour examiner le sort des enfants dans les conflits armés. Au nord de l'Ouganda j'ai constaté l'ampleur de la tragédie et il me semble que protéger ces enfants est une exigence morale. La France est, comme vous le savez, très engagée dans ce domaine puisqu'elle préside le groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sujet. Du côté de l'Union européenne c'est vrai que l'on dispose déjà d'un plan d'action qui avait été adopté à l'initiative de la présidence néerlandaise de l'Union européenne en 2004, mais il faut aller beaucoup plus loin en veillant à ce que toutes les politiques de l'Union européenne et les crédits du FED prennent en compte cette dimension. Il faut d'ailleurs que l'Union européenne et l'Unicef travaillent beaucoup plus ensemble sur cette question.
Catherine Colonna et moi-même sommes à votre disposition pour les questions.
Q - L'approche intégrée recommandée dans le mémorandum français sur l'énergie n'est-elle pas contredite par l'opération annoncée samedi entre Suez et Gaz de France ?
R - Comme vous le savez certainement, le rapprochement entre GDF et le groupe Suez faisait partie des projets de ces deux sociétés depuis de nombreux mois maintenant. Comme toute opération de ce type, l'annonce du rapprochement provoque des réactions, y compris bien sûr en France, mais ce rapprochement ne remet nullement en cause l'intérêt des différents partenaires européens à travailler ensemble dans le domaine énergétique, j'irai même plus loin, ne remet pas en cause l'intérêt de l'Italie et de la France à travailler ensemble. Certaines entreprises italiennes sont déjà très actives en France dans ce domaine et leurs perspectives de développement futures sont importantes. J'aurai l'occasion très prochainement de m'en entretenir avec mes collègues italiens.
Le mouvement actuel de concentration des entreprises énergétiques est de toute façon une nécessité en Europe si nous voulons peser dans le monde. Ce mouvement industriel ne suffira pas, il faut aussi une politique européenne de l'énergie, comme je l'ai dit tout à l'heure, en travaillant sur trois volets, la sécurité, la compétitivité et la "soutenabilité".
Q - Va-t-on vers la création d'un mastodonte franco-français, une sorte de "Gazprom français" ?
R - Vous ne pouvez pas en vouloir à deux sociétés qui parlent depuis de nombreux mois de se regrouper. Vous vous doutez quand même que cela ne se passe pas en quelques heures. Ces deux sociétés travaillent depuis longtemps. Il y a des rapprochements tous les mois dans le monde dans ce domaine comme dans d'autres d'ailleurs, alors pourquoi pas en France ?
Q - Ce rapprochement intervient au moment où Enel a fait une offre sur Suez.
R - Enel a présenté une offre très récemment, vous vous doutez qu'il n'y a pas une possibilité de fusionner en l'espace de quelques heures, encore une fois je vous donne l'information qu'il y avait, depuis de nombreux mois, dans l'actualité de ces sociétés, une fusion possible.
Q - M. Fini a parlé d'approche protectionniste.
R - Comme vous le savez, dans notre droit, ce sont les sociétés qui décident, il y a une société privée qui s'appelle Suez et une société GDF qui ont décidé de se regrouper. Il ne faut pas attendre des hommes politiques français d'être malheureux que notre pays réussisse à faire des grands groupes mondiaux. Ca, c'est normal, je pense que c'est la même chose en Italie, en Angleterre, en Inde ou au Luxembourg. En France comme ailleurs, nous aimons les victoires, la compétitivité, gagner et conquérir des marchés. S'il y a la possibilité pour la France d'avoir un grand groupe, vous ne pouvez pas attendre des hommes politiques français qu'ils le regrettent. Mais il y a des groupes étrangers qui arrivent en permanence en France. La France, comme l'Italie ou l'Espagne ou d'autres pays, en voit arriver tous les jours. Le système du marché est un système qui a ses propres lois ; on a beaucoup parlé de Mittal...
Q - Sauf que GDF est détenu à 80 % par l'Etat et que son président est l'ancien conseiller économique du président de la République.
R - Si vous permettez, cela n'a strictement rien à voir, il y a ce qu'on dit et il y a la vérité du marché. Aujourd'hui dans une société, surtout lorsqu'il y a une OPA possible, il n'y a pas de loi qui empêche une société d'en absorber une autre, cela n'existe pas. Est-ce que la France fait tout pour qu'il y ait un grand groupe français ? La réponse est oui, il faut s'attendre à ce que les hommes politiques français fassent tout pour qu'il y ait des champions français et personne ne le leur reprochera. Est-ce qu'il y a une sorte de règle du jeu un peu faussée ? C'est impossible, elles sont claires pour tout le monde. Il y a des entrepreneurs, des OPA et une règle du marché, il y a ceux qui peuvent acheter des sociétés et ceux qui ne peuvent pas les acheter mais ce n'est pas l'homme politique français ou italien qui décide, c'est le marché.
Q - Sur la Serbie, avez-vous fixé une échéance ?
R - Non, je n'ai pas donné de dead line. Nous avons dit qu'il est excessivement important d'avoir l'assurance de la part du Tribunal pénal international d'ex-Yougoslavie qu'il y ait une détermination très clairement affichée des autorités serbes pour arrêter MM. Mladic et Karadzic. Il y a quelques jours, j'ai entendu des rumeurs disant que M. Mladic était arrêté, ce n'était pas vrai. Nous disons très clairement que, pour nous, l'avenir européen de ces pays là est évidemment mis en jeu directement par cette détermination et cette motivation. Cette détermination affichée doit être immédiate.
Q ? (Sur l'Iran)
R - Je pense que sur le sujet iranien il y a une nouveauté, c'est la fermeté avec laquelle la communauté internationale s'est montrée très unie puisqu'en dehors du Venezuela, de la Syrie et de Cuba, la résolution du 4 février a été votée à l'Agence. Cette résolution dit très clairement que l'on demande à M. El Baradei, le directeur de l'Agence internationale de l'Energie atomique, de faire rapport, non seulement à l'Agence mais aussi au Conseil de sécurité des Nations unies, pour faire un point exact à la fois sur les activités de conversion qui ont repris début août 2005 à Ispahan et sur les activités d'enrichissement de l'uranium qui ont repris il y a un mois, d'après ce que les Iraniens ont dit, à Natanz.
Il nous paraît important de dire que l'Agence non seulement n'est pas soustraite à l'action mais qu'elle est au contraire soutenue politiquement par ce passage du rapport de son directeur devant le Conseil de sécurité, et là nous attendons. Je vous rappelle que M. El Baradei nous a dit qu'il n'y avait pas d'objectif civil expliquant le programme nucléaire iranien actuel. Notre souhait c'est la négociation avec l'Iran et son peuple, il s'agit de dire : "si vous voulez négocier, il faut suspendre les activités nucléaires sensibles". C'est une règle de base que nous mettons à la négociation. Evidemment les Iraniens ont droit à l'activité nucléaire civile, ils ont signé le traité de non-prolifération, il est tout à fait normal d'avoir une discussion avec eux sur les plans technologique, commercial et industriel. Les négociations vont avoir lieu à condition qu'il n'y ait plus d'activité nucléaire sensible. J'ai vu hier avec regret ce qui s'est passé lors de la discussion avec les Russes.
Q ? (Sur l'affaire des caricatures)
R - Il y aura une déclaration sur ce sujet. Il nous paraît excessivement important de rappeler ce que nous avons dit, c'est-à-dire à la fois la liberté d'expression et en même temps la condamnation de toute forme de violence dans cette affaire. Face à cette crise, je crois qu'il n'y a qu'une seule voie possible, celle du dialogue et c'est tout le sens du déplacement récent au Moyen-Orient de M. Javier Solana qui a rencontré de très nombreuses autorités du monde musulman. Chacun doit respecter les opinions, les convictions, les croyances des autres, qu'elles soient religieuses, intellectuelles, politiques ou autres. Les gouvernements de nos Etats doivent veiller à ce que ce respect soit effectif et prendre, si nécessaire, les dispositions, y compris judiciaires, pour empêcher des atteintes portées à ce respect. Je pense que la pire chose qui pourrait arriver serait de tomber dans une guerre des civilisations, de faire croire qu'il y aurait, d'un côté, un monde musulman, de l'autre un Occident - il y a beaucoup d'Européens qui sont musulmans, il faut le rappeler -, la pire chose serait de faire croire comme cela a pu être dit que musulman égale terrorisme, ce qui serait horrible.
Q ? (A propos de l'OPA Suez ? GDF)
R - Je crois qu'il y a deux choses. Il y a, d'une part, en terme stratégique, une réflexion qui est tout à fait nécessaire au niveau européen, on l'a vu au moment de la crise russo-ukrainienne, il y a les nouvelles énergies, ça c'est stratégique.
A côté de cela, il y a toute une Europe sociale avec des emplois, des familles qui travaillent dans les entreprises et il est normal que les hommes politiques français, comme les hommes politiques italiens ou anglais, se battent pour que leurs entreprises soient parmi les meilleures du monde. Nous avons un taux de chômage important dans notre pays, il baisse grâce au travail du gouvernement et nous avons intérêt à ne pas le remettre en cause par des concentrations qui ne seraient pas positives pour la plupart en France.
Q - (A propos du déblocage de fonds pour l'Autorité palestinienne et de la non-reconnaissance d'Israël par le Hamas)
R - C'est un sujet qui est très important car nous sommes, comme je l'ai dit tout à l'heure, à un moment très précis où le gouvernement palestinien n'est pas encore connu, il peut être "1/3, 2/3, 3/5 Hamas", je ne le sais pas. Je me permettrais de faire une différence entre l'Autorité palestinienne et le gouvernement, il y aura un gouvernement transitoire puis un autre gouvernement. Je crois qu'il n'y aurait rien de pire que de ne pas donner notre contribution à l'Autorité palestinienne, d'abord parce que si nous ne donnons pas, d'autres pourront donner et, deuxièmement, parce que si nous ne donnons pas, il y aura très rapidement un chaos social, économique et, in fine, sécuritaire avec la reprise des violences. Je crois qu'à l'inverse il est évident que nous n'allons pas rencontrer le gouvernement puisqu'il n'y a pas de gouvernement, il n'y a pas de rencontre avec le mouvement inscrit sur la liste terroriste de l'Union européenne, tant que le Hamas n'aura pas reconnu Israël et tant qu'il n'y aura pas reconnaissance des Accords d'Oslo et de la renonciation explicite et publique à la violence, il ne peut pas y avoir d'action.
Je pars du principe que la seule solution dans cet endroit du monde c'est le processus politique. Il y a des élus, le Hamas s'est présenté aux élections, il faut assumer et assurer le pouvoir et entrer dans un processus politique et donc dans une capacité à reconnaître internationalement le voisin Israël.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 mars 2006