Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la politique de la France en matière d'immigration et d'aide au développement, notamment à travers le co-développement, à Paris le 1er mars 2006.

Prononcé le 1er mars 2006

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de Paris "Solidarité et mondialisation : financements innovants pour le développement et contre les pandémies"-atelier de travail "Co-développement et facilitation des transferts des migrants", à Paris le 1er mars 2006

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Encourager et faciliter les transferts financiers des migrants vers leurs pays d'origine est assurément une démarche essentielle. Il est par conséquent tout à fait indispensable de réduire le coût de ces transferts et de faire en sorte qu'ils s'opèrent dans un environnement financier sécurisé.
Je voudrais cependant insister devant vous sur l'importance qu'il y a également à intégrer nos actions en faveur du développement dans une démarche plus globale, portant sur tous les aspects de la relation qui existe entre le développement et les migrations.
Cette relation est loin d'être évidente et il faut bien reconnaître que nous disposons, aujourd'hui, de peu d'études sur un sujet dont beaucoup disent pourtant que son impact économique est très supérieur à celui de la libéralisation commerciale.
La France considère quant à elle que les liens entre les migrations et le développement sont importants et c'est la raison pour laquelle elle met en oeuvre, dans le cadre de la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement, une stratégie visant à :
- améliorer les conditions de vie des zones d'émigration,
- renforcer les échanges et la formation,
- promouvoir, avec les migrants de France, un co-développement en faveur de leurs pays d'origine.
Premier axe de notre stratégie, l'amélioration des conditions de vie des zones d'émigration.
Les causes profondes des mouvements de population sont connues : pauvreté, crises alimentaires, insécurité, perspectives limitées, dégradation des zones d'habitat et de l'environnement, enclavement. Les départs des migrants - qui résultent d'un choix difficile et souvent subi - sont motivés par l'espoir de meilleures conditions de vie à l'étranger. Il est donc possible d'agir en amont et de concentrer nos actions sur les causes d'émigration.
Il est en outre assez aisé d'identifier les régions, généralement en nombre réduit dans chaque pays, d'où est issue cette émigration.
Aussi, la politique française d'aide publique au développement est-elle attentive à la création d'activité dans les zones sources d'émigration.
Deuxième axe de notre stratégie, le renforcement des échanges et de la formation.
Les pays du Nord comme du Sud ont besoin des flux de compétences. Au Nord, le vieillissement de la population va créer un fort besoin de main d'oeuvre. Au Sud, l'explosion démographique va nécessiter un investissement accru dans la formation d'hommes et de femmes aptes à gérer les économies. On voit bien qu'il y a là de quoi bâtir un réseau d'échanges, encore insuffisamment développé, dans lequel les ressortissants du Sud acquièrent des compétences au Nord, tant académiques que professionnelles, et en font, en retour, bénéficier leur pays d'origine.
Ainsi, par une politique adaptée, nous pouvons aider les pays les plus pauvres à exploiter ce potentiel des flux migratoires et éviter ce que l'on a coutume d'appeler la "fuite des cerveaux". Je voudrais à cet égard citer deux exemples d'actions que la France finance dans cette perspective :
- Le programme "INTER PARES" pour faciliter les échanges entre personnels qualifiés du Nord et du Sud. Il consiste à créer des doubles chaires permettant à des universitaires du Sud et de la diaspora installée en France de travailler alternativement sur la même chaire en France et en Afrique.
- Le soutien que nous apportons au projet de création d'Institut africain des sciences et technologies pour renforcer les compétences régionales. Cette initiative devra s'appuyer, au Nord, sur des partenariats scientifiques et industriels français, et au Sud sur des établissements régionaux d'excellence fonctionnant en complémentarité.
Le troisième axe de la stratégie française consiste à travailler avec les migrants de France en faveur du développement économique de leur pays d'origine. C'est ce que nous appelons le co-développement.
Dans ce cadre, nous soutenons les initiatives des migrants installés dans notre pays, principalement de deux manières :
- premièrement, en aidant les migrants qui le souhaitent à se réinsérer dans leur pays d'origine. Notre soutien prend la forme d'aide à la création d'activité productive. Le dispositif que nous avons ainsi mis en place met tout particulièrement l'accent sur l'accompagnement, condition indispensable au succès du projet du migrant ;
- deuxièmement, en permettant aux migrants de faire bénéficier leur pays d'origine de leur épargne, au travers de petits investissements productifs. Ainsi, un projet du Crédit mutuel et de l'Agence française de développement qui démarre au Sénégal et au Mali, permettra prochainement aux caisses de micro-crédit associées de consentir des prêts plus importants que ceux qu'elles sont actuellement en mesure de réaliser.
La France finance des projets de co-développement économique au Mali, au Sénégal, au Maroc et aux Comores. La réussite de ces projets repose sur la mobilisation de nombreux partenaires, en France et dans le pays bénéficiaire : les Etats, les collectivités territoriales, les entreprises, les associations, ainsi que les organisations multilatérales.
Le co-développement est, vous le constatez, une démarche qui lie étroitement compétences des migrants et flux financiers. C'est par cette association en effet que l'on peut espérer tirer le meilleur parti pour le développement des sommes que ceux-ci envoient chaque année dans leurs pays d'origine.
Pour conclure, je voudrais, Mesdames et Messieurs, vous redire la conviction qui est la nôtre que les mouvements de population sont indissociables du développement. Cette question ne peut être abordée que dans un contexte global et régional. Ce n'est qu'ainsi que les politiques de développement des pays du Nord en faveur des pays du Sud gagneront en efficacité.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 mars 2006