Déclaration de M. Henri Cuq, ministre délégué aux Relations avec le Parlement, sur le rôle du Conseil économique et social au sein des institutions, Paris le 22 février 2006.

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Circonstance : Présentation du rapport d'activité 2005 du Conseil économique et social, à Paris le 22 février 2006

Texte intégral

(principaux passages)
« Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, Messieurs les parlementaires, c'est avec un grand plaisir que j'ai répondu à votre invitation. Je suis très heureux de me trouver pour la première fois devant votre assemblée à l'occasion de l'examen de votre rapport annuel. Je le suis d'autant plus que vous avez eu la délicatesse, monsieur le Président, de me faire accueillir par d'anciens amis que je retrouve sur ces bancs et auxquels me lient des sentiments sincères et fraternels. J'ai été très sensible à cette attention.
Lors du cinquantième anniversaire de la constitutionnalisation du Conseil économique et social, le 29 octobre 1996, le Président de la République indiquait que « dernière née de nos trois assemblées constitutionnelles, le Conseil économique et social a su trouver sa place dans l'organisation des pouvoirs publics ». Il rappelait aussi que votre assemblée n'était pas seulement dépositaire d'un riche héritage, mais qu'elle était porteuse d'un projet de démocratie sociale fondée sur le dialogue et la participation de toutes les forces de la nation à l'édification de notre avenir commun.
Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 21 avril 2005, rappelé le rôle irremplaçable du Conseil économique et social. Vous avez émis en 2005 pas moins de 26 avis, sur des sujets aussi variés que « Le logement de demain, pour une meilleure qualité de vie », « Le droit des femmes dans le partenariat euro-méditerranéen », « L'hôpital public en France : bilan et perspective », ou « L'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur ».
Le Conseil économique et social est ainsi, à côté du Parlement, la troisième assemblée constitutionnelle, mais la seule assemblée consultative de la République : il vous appartient, en vertu de la Constitution, de conseiller les pouvoirs publics - par vos avis, vos rapports ou vos études - dans les domaines économiques et sociaux, qui sont particulièrement vastes et où les sujets sont sans cesse renouvelés et de plus en plus complexes.
Enfin, votre rôle ne se limite pas à fournir au gouvernement les avis ou les études que celui-ci vous demande : vous avez aussi la faculté, comme le prévoit expressément l'ordonnance organique, « d'examiner et de suggérer les adaptations économiques ou sociales rendues nécessaires » et, à cette fin, d'appeler de votre propre initiative « l'attention du gouvernement sur les réformes qui vous paraissent favoriser de telles adaptations ».
Cette mission prend toute son ampleur en raison de la nature et de la composition particulière de votre assemblée : à la différence des assemblées parlementaires, qui ont vocation à représenter la société politique, c'est-à-dire les diverses tendances de l'opinion publique, vos deux cent trente et un membres, répartis en dix-huit groupes, représentent les principales activités économiques et sociales de la nation, mais aussi les citoyens d'Outre-mer et les Français établis hors de France.
Vous assurez ainsi la représentation de la société civile dans toute sa diversité, dans ses aspects les plus concrets. Votre hémicycle constitue une enceinte privilégiée où, dans un climat de respect des différences, de mutuelle écoute et de tolérance et d'humanisme, s'établit un dialogue entre les principaux acteurs économiques et sociaux de la nation. Vous vous exprimez sans a priori sur les questions de société, de manière à la fois dépassionnée, pragmatique et hors des idéologies. Vous suggérez des pistes de réformes et d'adaptations législatives et réglementaires constructives, qui peuvent recueillir un large consensus. En prononçant ces mots, je me prends à rêver et à me demander si, un jour, l'Assemblée nationale et le Sénat ne pourraient s'inspirer de la sagesse de vos travaux. (Applaudissements) .
Nous avons tous en mémoire l'excellente réflexion menée par Mme Antonioz-De Gaulle, qui a débouché sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et qui a constitué une étape majeure dans la sensibilisation à la situation de nos concitoyens les plus en difficulté.
C'est dire, à quel point votre assemblée est essentielle au fonctionnement harmonieux et efficace des pouvoirs publics, et plus généralement à la bonne gouvernance de la nation. Car si le dernier mot appartient - légitimement - au Parlement, le Conseil économique et social est, comme votre président aime le dire, l'assemblée du premier mot, ce qui souligne un rôle consultatif et non décisionnaire et privilégie son rôle d'éclaireur. Grâce à l'expérience professionnelle de chacun, votre assemblée, qui exprime quotidiennement le dialogue social et est ainsi en mesure, grâce à des constats partagés, de faire des propositions réalistes, de déminer les difficultés et d'imaginer utilement l'avenir. Le Président de la République rappelait, lors de ses voeux à votre bureau, le rôle éminent que vous jouez dans l'animation du débat public, au service du dynamisme de notre économie et en faveur de la modernisation de la nation.
A ce titre, le gouvernement attache la plus grande attention à vos travaux.
Permettez-moi d'évoquer d'abord ceux de vos avis qui, en 2005, ont répondu à une saisine gouvernementale. Parmi ceux-ci, il importe d'en citer ceux qui ont porté sur deux textes d'importance majeure : le projet de loi d'orientation agricole, adopté définitivement en fin d'année, et le projet de loi de programme pour la recherche, qui sera prochainement examiné par l'Assemblée nationale à la suite de son adoption par le Sénat. Dans l'un et l'autre cas, votre rapporteur a présenté en séance publique votre avis devant les députés ou les sénateurs.
Mais le gouvernement vous a également soumis des sujets pour le traitement desquels votre expertise lui a paru particulièrement nécessaire : ainsi avez-vous été appelés à faire des recommandations relatives aux simplifications administratives ou à faire le point sur l'insertion professionnelle des jeunes issus de l'enseignement supérieur. Dans ces travaux, vous avez cherché avant tout, selon la méthode éprouvée qui est la vôtre, à apporter des réponses pragmatiques aux difficultés constatées.
Comme je le rappelais tout à l'heure, votre réflexion ne se limite pas aux questions que vous soumet le gouvernement. Les nombreux thèmes dont vous vous êtes saisis montrent la variété de vos centres d'intérêt et de vos préoccupations. Je citerai des sujets aussi importants que la garantie du pluralisme et de l'indépendance de la presse quotidienne, l'économie de la connaissance dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, ou encore les conséquences sur l'emploi et le travail des stratégies d'externalisation d'activités. Leur diversité et leur ampleur reflètent sans nul doute celles de vos expériences et des milieux que vous représentez. Cette spécificité, je l'affirme solennellement, est particulièrement utile à notre République.
Surtout, vous manifestez dans le cadre de l'autosaisine une très grande perspicacité pour détecter, souvent les premiers et avant qu'elles ne soient dans l'actualité politique, les questions essentielles qui vont surgir et exiger une réflexion et un traitement par les pouvoirs publics. A cet égard, je citerai à titre d'exemple, votre contribution en 2004 sur les droits d'auteur, qui fait l'objet du projet de loi en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
En signalant au gouvernement, souvent très en amont, telle ou telle question avant même qu'elle ne fasse débat dans l'opinion publique, vous jouez le rôle essentiel de vigie, d'avertisseur. C'est également ainsi que vous vous êtes saisis très tôt, dès 2004, de la proposition de directive du Parlement et du Conseil européens relative aux services dans le marché intérieur. Votre avis rendu en janvier 2005 a précédé de plusieurs semaines la polémique, née à l'occasion de la campagne référendaire, sur ce texte qui est encore aujourd'hui sous les feux de l'actualité européenne. Votre avis très précoce, équilibré et critique, ne faisait d'ailleurs pas qu'anticiper ce débat : il le cadrait fort bien, puisque s'il approuvait le principe d'un texte, il s'interrogeait déjà sur la pertinence de la mise en oeuvre du principe du pays d'origine.
De même, vous vous êtes saisis dès le début de l'année 2005 de la question des perspectives financières de l'Union européenne, question délicate qui n'a pu recueillir un accord qu'à la fin de l'année 2005.
Conformément aux dispositions de l'ordonnance organique de 1958, le Premier ministre tient régulièrement informé le Conseil économique et social des suites données à vos avis. Les ministres, comme vous l'avez indiqué, s'attachent à en accuser réception et à en souligner les aspects utiles pour l'action du gouvernement. De plus, le dialogue avec votre assemblée a été constant et s'est heureusement matérialisé par la présence et l'intervention des ministres lors de la présentation de vos avis en séance plénière.
Votre assemblée est dépositaire d'un modèle, fondé pour une large part sur un consensus qui contribue à assurer la cohésion de notre société. Elle permet aux partenaires sociaux de nouer un dialogue serein. Elle prend le temps d'aller au fond des choses. Elle participe de la délibération fondée sur l'écoute de l'autre et sur la recherche du compromis. Enfin, votre assemblée, témoignage de sa vitalité et de son utilité, rayonne non seulement en Europe, mais aussi dans le monde. En Europe, à travers vos liens avec le Comité économique et social européen qui joue le rôle de « forum » de l'Union européenne ; mais aussi par les liens étroits que vous entretenez avec les vingt conseils homologues des autres Etats-membres de l'Union européenne. Dans le monde aussi : je sais la part que vous avez prise, Monsieur le président, à la création dans de nombreux pays de Conseils économiques et sociaux à la française, fédérant les sociétés civiles, qui sont désormais au nombre de soixante cinq dans le monde. Et dans cette chaîne, votre assemblée constitue incontestablement le modèle, la matrice.
C'est d'ailleurs dans ce contexte nouveau que vous avez favorisé la création de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires - AICESIS -, dont vous assurez le secrétariat général, et aussi, plus récemment, la création de l'Union des Conseils économiques et sociaux de la Francophonie, nouvelle contribution au dialogue des cultures et à une mondialisation équilibrée.
Le rapport annuel qui vient d'être présenté confirme une nouvelle fois la qualité de vos travaux, l'intérêt de votre réflexion et la pertinence de vos propositions dont le gouvernement et le Parlement savent régulièrement s'inspirer dans la préparation de la loi. D'ailleurs, ainsi que l'a rappelé le Président de la République au début de cette année, votre assemblée est « la mieux placée pour éclairer les pouvoirs publics dans cette voie indispensable au développement et à l'approfondissement du dialogue social dans notre pays ».
Pour l'ensemble de ces raisons, le gouvernement est et reste attentif à vos travaux. Votre contribution est essentielle pour éclairer l'action gouvernementale et au nom du Premier ministre, Dominique de Villepin, je tiens à vous en remercier ». (Applaudissements)
source http://www.ces.fr, le 2 mars 2006