Eléments de discours de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur le constat et les raisons d'une faible présence des femmes dans l'industrie, sur les mesures prises par l'Etat let les acteurs économiques pour une meilleure égalité entre hommes et femmes des rémunérations et des carrières, Paris le 8 mars 2006.

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Mesdames, Chères amies,
Je suis particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui, en cette journée du 8 mars, des femmes qui travaillent et qui réussissent dans l'industrie, et je les remercie d'avoir répondu à mon invitation de venir témoigner de leur parcours et de leur expérience.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes, les femmes sont peu nombreuses dans l'industrie.
- Si elles représentent en France un peu plus de 45 % de l'ensemble des emplois, les femmes occupent seulement 28 % des emplois industriels en 2004 . Traditionnellement, la nature de l'activité, comme les conditions de travail, les ont tenues écartées des filières industrielles : aujourd'hui encore, plus de la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans dix familles professionnelles qui n'appartiennent pas à la sphère industrielle . Dans l'industrie, les femmes sont majoritaires dans les secteurs du textile habillement cuir et de la pharmacie parfumerie entretien. Elles sont d'abord ouvrières, le plus souvent qualifiées ; arrivent ensuite les employées et les professions intermédiaires, puis les cadres.
- Néanmoins, les femmes commencent à investir les métiers techniques, et les métiers de cadre se féminisent. Même dans les industries de la métallurgie qui sont de loin les moins féminisées ; quatre salariés sur cinq sont des hommes ; la part des femmes ingénieurs et cadres n'a cessé d'augmenter au cours des vingt dernières années, passant de 5,2 % en 1981 à 16,5 % en 2003. Il reste qu'à peine plus de 20 % des chercheurs présents dans les entreprises industrielles sont des femmes. C'est mieux qu'en Allemagne, où elles représentent 10 % des chercheurs en entreprise , mais c'est encore insuffisant.
- De même, les jeunes filles sont encore trop peu nombreuses à choisir les filières de formation conduisant aux métiers de l'industrie, et plus généralement les filières scientifiques. Arrêtons-nous un moment sur les chiffres, qui reflètent une véritable hégémonie masculine ; et c'est une tendance longue ; dans les métiers de la production et les technologies industrielles :
. au lycée, les différences entre filles et garçons sont peu sensibles dans la série S de la voie générale (46 % de filles pour 54 % de garçons) ; elles sont très marquées en revanche pour les jeunes préparant un baccalauréat technologique : 92 % des jeunes inscrits dans une section « sciences et technologies industrielles » sont des garçons, alors qu'une majorité écrasante des demandes d'orientation en sciences médico-sociales sont exprimées par des filles (96 %).
. dans la voie professionnelle, 88 % des filles entrant en BEP choisissent des spécialités de services (secrétariat, bureautique, vente, comptabilité gestion...), les garçons se prononçant à 77 % pour les domaines de la production avec une préférence marquée pour les secteurs de la mécanique, de l'électricité et de l'électronique .
. dans le supérieur, l'itinéraire des filles est également très marqué : si elles sont aussi nombreuses que les garçons à être reçues au bac S, elles s'orientent beaucoup moins vers une filière sélective (classes préparatoires aux grandes écoles, IUT), et une sur dix seulement envisage de travailler dans l'industrie ou l'informatique ; enfin, elles ne représentent que 25 % des élèves des écoles d'ingénieurs.
Or, en délaissant les filières scientifiques et technologiques qui sont traditionnellement « masculines », les filles se condamnent à des emplois moins qualifiés, moins rémunérés et plus précaires : les jeunes filles qui ont choisi une orientation atypique et qui ont suivi une formation traditionnellement masculine réussissent mieux que leurs consoeurs des autres filières ; elles accèdent plus souvent à des emplois de cadres ou aux professions intermédiaires, et leurs salaires sont plus élevés .
- Autre particularité : les femmes investissent peu les conseils d'administration. Elles représentent une part infime des dirigeants d'entreprises, et elles sont d'autant plus rares dans les états-majors que les entreprises sont grandes : elles occuperaient 7 à 12 % des fonctions dirigeantes dans les entreprises, cette fourchette moyenne recouvrant des situations assez diverses ; 13% dans les entreprises du luxe et de l'habillement, 12 % dans la pharmacie et les cosmétiques, et 3 à 4 % seulement dans le BTP, ou dans les secteurs de la construction navale, aéronautique et automobile. Ces données remontent à la fin des années 1990 , mais la rareté des femmes dans la sphère de direction des entreprises ; ce que l'on appelle le « plafond de verre » - est toujours une réalité.
- Plus généralement, même si votre présence, Mesdames, montre que la situation évolue, l'entrepreneuriat est encore une valeur essentiellement masculine : les femmes sont moins nombreuses que les hommes à exercer une profession non salariée (une femme sur dix contre un homme sur sept) , elles sont minoritaires parmi les créateurs d'entreprises (28 %), elles fréquentent peu les incubateurs, elles accèdent moins facilement aux financements dans la phase de démarrage comme dans la phase de croissance de leur entreprise.
Aujourd'hui, favoriser l'entrée des femmes dans l'industrie est à la fois un véritable enjeu et une opportunité. Un enjeu, car la diversité issue de la mixité stimule la performance : loin d'être une faveur faite aux femmes, la mixité est une condition de la compétitivité des entreprises. Une opportunité, car les prochains départs à la retraite des générations d'après-guerre vont conduire les entreprises à recruter dans les prochaines années, et les entreprises industrielles ne feront pas exception.
Mais si l'on veut que les entreprises trouvent dans l'emploi féminin toutes les ressources qu'elles en attendent, il faut que ce mouvement s'accompagne d'efforts, pour assurer une meilleure égalité des rémunérations et des carrières.
Un certain nombre d'entreprises ont d'ores et déjà franchis le pas, et se sont dotées de moyens négociés pour parvenir à un meilleur équilibre : elles ont compris que la question de l'égalité professionnelle fait partie de leur responsabilité sociale et sociétale, que l'excellence exige de la diversité, et que la mixité contribue à leur performance économique globale. Des entreprises comme EADS, PSA Automobile, EDF et Gaz de France, pour ne citer que quelques unes d'entre elles, se sont ainsi inscrites dans une logique d'actions positives en direction des femmes.
D'autres initiatives - plusieurs d'entre vous pourront en témoigner - visent à pallier un autre frein important à la carrière des femmes et à l'entrepreneuriat féminin : le déficit de participation des femmes à des réseaux. Parmi ces initiatives, il y en a qui ont pour objet de faciliter l'accès des femmes aux incubateurs - c'est l'objectif de Paris Pionnières, premier incubateur féminin créé par Frédérique Clavel - et d'autres qui tendent à favoriser les mécanismes de mises en réseau et de tutorat, et à encourager les femmes à devenir investisseurs de capital-risque, comme le fait depuis trois ans l'association Femmes Business Angels dont la présidente, Béatrice Jauffrineau, est présente parmi nous aujourd'hui.
L'Etat s'est lui aussi mobilisé aux côtés des acteurs économiques :
- en 2004, nous avons mis en place un label égalité pour les entreprises qui favorisent l'égalité professionnelle, un accès égalitaire à la formation professionnelle continue, et la prise en compte de la parentalité dans le cadre professionnel. Je constate avec satisfaction que la moitié des entreprises labellisées relèvent des secteurs industriels et de services à l'industrie !
- la loi sur l'égalité salariale entre hommes et femmes, défendue par ma collègue Catherine Vautrin et adoptée il y a deux semaines par le Parlement, constituera pour toutes les entreprises un encouragement à prendre pleinement conscience de la nécessité d'accorder aux femmes la place et les responsabilités qu'elles sont en mesure d'assurer. L'enjeu est de taille, puisqu'il s'agit de supprimer progressivement les écarts de rémunération - les salaires des femmes sont aujourd'hui encore globalement inférieurs de 21 % à ceux des hommes - de mieux concilier parentalité et vie professionnelle, de favoriser l'accès des femmes aux fonctions dirigeantes, ainsi qu'à la formation professionnelle .
- enfin, j'ai initié en concertation étroite avec les fédérations industrielles une campagne destinée à valoriser l'image des métiers de l'industrie. Cette campagne, qui s'adresse aux jeunes à tous les paliers d'orientation, se base notamment :
. sur une série de films courts, diffusés à la télévision et mettant en avant le témoignage de jeunes professionnels qui s'épanouissent dans le secteur de l'industrie.
. sur un jeu interactif, qui rencontre beaucoup de succès auprès des jeunes, en leur permettant de se mettre dans la peau de professionnels de l'industrie pour concevoir et lancer des produits innovants.
- devant l'intérêt que cette campagne a suscité auprès des jeunes, nous avons décidé d'y associer les enseignants afin de rapprocher l'école de l'entreprise. Cela permet aux jeunes de prendre en compte les possibilités offertes par l'industrie dans leurs choix d'orientation.
Nous avons été particulièrement attentifs à la situation des jeunes filles, dont je rappelais tout à l'heure qu'elles s'orientent peu vers les filières industrielles, alors que des métiers très divers pourraient répondre à leurs attentes et leur offrir des possibilités de carrière intéressantes. Nous avons veillé à ce que les témoignages de la série TV « C'est moi qui l'ai fait » leur accorde la place qui convient, et mettent en avant les parcours réussis de jeunes filles travaillant dans des secteurs innovants et des métiers d'avenir. Plusieurs d'entre elles nous font le plaisir d'être là.
C'est quelques uns de ces films que je vous invite maintenant à regarder.
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 9 mars 2006