Déclaration de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur les axes de la politique énergétique française en matière nucléaire, notamment fournir un approvisionnement sûr, maîtriser le prix pour les usagers, lutter contre l'effet de serre, Marcoule le 2 février 2006.

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Circonstance : Présentation de l'usine MELOX à Marcoule, le 2 février 2006

Texte intégral

Monsieur le Député,
Madame la Présidente,
Mesdames,
Messieurs,
L'industrie nucléaire est une des pièces importantes de notre politique énergétique à côté de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables pour la chaleur, les carburants et l'électricité. A l'heure du pétrole cher et de la lutte contre le réchauffement climatique, j'observe que nombreux sont les pays qui examinent avec intérêt les choix que nous avons fait et que nous faisons encore en la matière. Jusqu'au président des Etats-Unis qui l'évoquait avant-hier dans son discours sur l'Etat de l'Union. Comme toute source d'énergie, le nucléaire a ses avantages, qui sont nombreux, et ses inconvénients : je veux, moi aussi, en parler sans tabou.
Le traitement et le recyclage des matières nucléaires sont des maillons forts du cycle du combustible nucléaire. AREVA en est le leader mondial et nous pouvons en être fiers. Le recyclage des matières nucléaires, comme d'ailleurs le recyclage en général, a des intérêts économiques, énergétiques et écologiques. Ils ont pu être rappelés au cours du débat public sur les déchets radioactifs qui vient de s'achever.
C'est donc avec plaisir que je vous annonce que le Gouvernement a décidé de mettre à l'enquête publique le dossier déposé par COGEMA pour augmenter les capacités de l'usine MELOX de 145 tonnes par an à 195 tonnes par an.
Naturellement, les résultats de cette enquête publique et de l'instruction qui sera conduite par l'autorité de sûreté nucléaire seront déterminants avant que nous puissions délivrer l'autorisation effective en signant un nouveau décret d'autorisation pour l'installation.
Toutes les assurances devront nous être apportées sur le fait que cette opération se fera dans le respect des normes applicables en matière protection de la santé des personnes et de l'environnement. Mais au-delà de ces aspects, qui sont évidemment primordiaux, je veux souligner que cette demande répond à des objectifs tout à fait essentiels.
En premier lieu, le regroupement de toutes les capacités de production d'AREVA au sein de l'usine MELOX, installation des plus modernes, permettra d'optimiser le processus de production.
En second lieu, cette extension apparaît pleinement justifiée par les perspectives commerciales de fourniture de combustible MOX, qui alimenteront des centrales de production d'électricité. Je rappelle, pour ceux qui ne seraient pas des spécialistes du cycle du combustible nucléaire, que le combustible MOX est composé d'uranium et de plutonium, ce dernier étant extrait, grâce au procédé de traitement mis en oeuvre par COGEMA à la Hague, des combustibles qui sortent des centrales électriques. Tant d'un point de vue économique qu'en termes de non-prolifération, le traitement des combustibles usés est indissociable du recyclage des matières issues de ces opérations.
Une capacité accrue sur le site de MELOX permettrait ainsi non seulement de poursuivre les contrats correspondant aux besoins nationaux mais aussi de retourner dans les meilleurs délais les matières issues du traitement des combustibles étrangers.
Dernier point mais évidemment point important à mes yeux : l'extension des capacités de l'usine MELOX devrait avoir des retombées positives sur l'économie locale avec la création d'une centaine d'emplois et la passation de marchés importants avec les entreprises locales. Vous savez que l'emploi est notre priorité numéro 1 ; L'industrie, et les services à l'industrie, est et restera au coeur de l'emploi et de la croissance, sans lesquels il ne peut y avoir de développement économique et social.
D'une façon plus générale, cette mise à l'enquête publique intervient à une période d'intenses réflexions, tant au niveau international que national, sur le devenir de l'aval du cycle nucléaire.
Ainsi, au plan international, les coopérations nouées dans le cadre du Forum international Génération IV, qui regroupe non seulement les Etats-Unis, la France, le Japon, le Royaume-
Uni et le Canada, visent à développer les nouvelles générations de réacteurs nucléaires. Dans ce cadre, six concepts ont été retenus et cinq d'entre eux mettent en oeuvre des procédés de traitement des combustibles usés puis de recyclage des matières radioactives séparées. Plus
précisément, alors même qu'ils s'étaient farouchement opposés à cette option depuis les années 70, les Etats-Unis semblent de plus en plus intéressés par ces technologies, qui permettent de fait de réduire les stocks de matières potentiellement proliférantes. Je rappelle que, de notre côté, il a été annoncé par le Président de la République qu'un prototype de génération IV serait développé et mis en exploitation à l'horizon 2020.
Au plan national enfin, à la suite du débat organisé par la Commission nationale du débat public et après avoir reçu les rapports de toutes les instances évaluatrices, je m'apprête dans les prochaines semaines à présenter un projet de loi au Parlement permettant de prendre la suite des dispositions prévues dans le domaine des déchets radioactifs par la loi fondatrice du 30 décembre 1991, dite la loi Bataille.
Au travers de ce projet de loi, la volonté du Gouvernement sera d'avancer dans la définition et la mise en oeuvre de solutions de gestion définitives pour tous les types de déchets radioactifs, car nous n'avons pas le droit de reporter sur les générations suivantes la charge de ces déchets, de céder à la tentation de reporter à plus tard l'heure des choix nécessaires. Nous veillerons à ce que ces solutions soient mises en oeuvre de façon contrôlée, au plan technique et au plan politique. Ce projet de loi, qui devrait être soumis au Conseil des Ministres en mars, soulignera l'intérêt du traitement et du recyclage des matières nucléaires pour la gestion des déchets. En effet, ces technologies permettent de réduire la quantité et la nocivité des déchets radioactifs ultimes à entreposer et stocker. La séparation poussée et la transmutation devraient permettre d'aller encore plus loin dans cette voie pour les déchets du futur, sans réduire cependant à néant la quantité de déchets ultimes devant être pris en charge. J'aurais l'occasion de vous parler plus avant de ce projet dans les semaines à venir.
En conclusion, l'industrie nucléaire nous apporte une électricité à un prix compétitif ; elle réduit notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles ; elle crée des emplois et de la valeur en France ; elle n'émet pas de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Elle offre donc des avantages importants, dont chacun d'entre nous bénéficie et dont je veux parler sans tabous. Comme toute industrie, elle produit aussi des déchets, qu'il convient de gérer avec une grande rigueur compte tenu de leur caractère radioactif ; mais nous avons des solutions sûres pour ces déchets et nous devons aussi en parler en toute transparence.
La hausse du prix du pétrole et le réchauffement climatique nous montrent que nos aînés, en choisissant le nucléaire, ont fait un bon choix ; nous devons en être fiers et capitaliser notre avance pour rester les leaders mondiaux dans ce domaine.
Pour autant, et je voudrais conclure sur ce point, notre politique énergétique ne se réduit pas au nucléaire : avec la loi du 13 juillet 2005 sur l'énergie nous soutenons de façon massive le développement des énergies renouvelables, pour l'électricité mais aussi pour la chaleur et pour les carburants. Nous soutenons aussi fortement les économies d'énergie, avec des crédits d'impôts sur le revenu qui vont jusqu'à 50%. Le nucléaire n'est donc qu'un moyen de cette politique, dont les vrais objectifs sont :
- la sécurité d'approvisionnement et l'indépendance énergétique;
- la maîtrise du prix de l'énergie pour les ménages et les entreprises ;
- la protection de l'environnement, en particulier la lutte contre l'effet de serre.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 février 2006