Texte intégral
Monsieur l'ambassadeur, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs,
Je souhaite tout d'abord remercier la chambre de commerce franco argentine, et son président pour l'organisation de ce déjeuner. Le thème de l'intégration régionale face aux négociations commerciales multilatérales est tout à fait pertinent.
Les mouvements d'intégration régionale se multiplient et s'accélèrent, notamment en Amérique du sud. Ce processus s'inscrit dans le cadre plus large de l'ouverture des économies latino-américaines, pour lesquelles libéralisation et régionalisation sont allées de pair depuis le début de la décennie. Cette tendance a bien entendu un impact fort sur la stratégie d'implantation des entreprises dans cette zone.
Avant de donner un éclairage particulier à l'affirmation régionale de l'Amérique du sud, je souhaite vous faire part de quelques réflexions sur l'apparente opposition entre accords régionaux et accords multilatéraux. Certains considèrent qu'ils constituent des choix exclusifs l'un de l'autre, ou qu'il faut nécessairement privilégier un cadre par rapport à l'autre.
Je suis, pour ma part, persuadé de l'étroite complémentarité qui existe entre ces deux niveaux.
1. Certains observateurs redoutent que les négociations régionales ne paralysent les négociations multilatérales. A mes yeux, il n'est pas souhaitable que l'engagement dans des négociations régionales détourne les Etats concernés du processus multilatéral, qui seul peut assurer la régulation nécessaire à une mondialisation équitable. Mais je pense que, loin de freiner la dynamique multilatérale, les négociations régionales peuvent au contraire y contribuer.
Nombre d'exemples d'accords régionaux existants - qu'il s'agisse d'unions douanières ou de zones de libre échange - montrent que ces accords ont permis de mieux " enraciner " les engagements de réforme et de libéralisation. L'adhésion à des accords d'intégration économique limite les risques de " réversibilité " des législations et vient conforter les engagements pris dans le cadre multilatéral. Les opérateurs privés ne s'y sont pas trompés et ont significativement accru leurs flux d'investissements directs vers les grands zones d'intégration économique, au nombre desquelles figure le Mercosur.
Le partenariat régional doit, par ailleurs, être l'occasion de développer une concertation approfondie sur l'ensemble des questions multilatérales. Il convient en effet de dissiper tout malentendu multilatéral et régional.
2. D'autres observateurs craignent, au contraire, que le processus multilatéral ne vienne ralentir le déroulement des négociations régionales. Il est clair que les deux processus -régional et multilatéral- doivent s'articuler de façon cohérente.
La négociation commerciale entre l'Union européenne et le Mercosur (et le Chili) revêt une ampleur unique : il s'agit de la première négociation commerciale lancée entre deux unions douanières de cette dimension. Cette négociation possède une importance considérable, non seulement pour les parties en présence, mais aussi pour les pays tiers qui en surveillent très attentivement le déroulement. C'est pourquoi il est essentiel que cette négociation s'articule efficacement avec le processus multilatéral.
Comme vous le savez, l'Union européenne est favorable à un cycle large de négociations multilatérales, un cycle à la fois de libéralisation et de régulation, qui prenne aussi en compte les exigences exprimées par la société civile en matière environnementale et sociale. Vous pourriez me dire que l '" ambition " européenne est de nature à retarder les négociations. Je ne le crois pas : j'estime tout d'abord que seul un cycle large et global est à même d'assurer un équilibre entre les intérêts de tous les membres de l'OMC.
Ensuite, il ne faut pas craindre que les futures négociations s'éternisent, un peu comme pour le cycle de l'Uruguay, dont la longueur a tenu à la très grande nouveauté des domaines discutés : agriculture, services, propriété intellectuelle etc. Un cycle large exigera moins d'innovations mais devra, dans une très large mesure, s'inspirer de modèles existants.
S'agissant de la date de lancement de ce cycle, bien évidemment je suis conscient du retard provoqué par l'échec de Seattle. Néanmoins, je reste convaincu de la nécessité - et de la possibilité également - de lancer un cycle aussitôt que possible.
3. Des négociations régionales ambitieuses renforcent la complémentarité entre les processus régional et multilatéral.
A mon sens, les négociations régionales devraient permettre d'aller au-delà des disciplines multilatérales et de régler des questions laissées, à ce jour, en suspens dans le cadre multilatéral. A cet égard, il convient de relever que les questions non tarifaires - qu'il s'agisse des barrières techniques ou sanitaires au commerce, des appellations d'origine, des marchés publics, ou de la concurrence, sont souvent les " parents pauvres " des négociations commerciales. Il est vrai que ces sujets supposent une connaissance approfondie et une bonne compréhension des règles existantes de part et d'autre. De ce fait, ces thèmes sont parfois négligés, ce qui constitue une source de difficultés lors de la mise en uvre des accords régionaux.
Revenons plus précisément à la construction régionale en Amérique latine.
En Amérique latine, après des premières tentatives dans les années 1960, le phénomène de régionalisation commerciale s'est accéléré et approfondi depuis le début des années 1990. Le Mercosur et la Communauté andine sont les deux principaux exemples d'intégration régionale dans la région. Ces mouvements traduisent bien à quel point il est important, dans ce nouveau paysage économique mondial, de s'associer pour élargir les marchés domestiques et obtenir une taille critique permettant d'avoir un réel poids dans les négociations et l'économie internationales.
Le processus d'intégration régionale s'est en effet traduit par une hausse spectaculaire des échanges entre pays membres : entre 1991 et 1998, le total des échanges intra-Mercosur a été multiplié par 4 contre un facteur de 2,2 pour le commerce extra-zone.
Le sommet de Brasilia, les 31 août et 1er septembre derniers, a donné un nouvel élan à l'intégration régionale en Amérique du sud. La création d'une zone de libre-échange entre le Mercosur et la Communauté andine des nations avant le 1er janvier 2002 apparaît comme un objectif ambitieux. Cette intégration commerciale doit se doubler d'une intégration physique, l'insuffisance des infrastructures régionales limitant encore aujourd'hui les progrès de l'intégration économique. C'est tout l'objet du " plan d'action " préparé par la BID pour le développement de projets d'infrastructures régionaux.
Face à cette régionalisation, les entreprises qui investissent aujourd'hui dans un pays d'Amérique du sud ne visent plus seulement les marchés nationaux, mais de plus en plus souvent les ensembles régionaux.
Ainsi, les sociétés du secteur automobile par exemple ont une stratégie de complémentarité dans leurs implantations en Amérique du sud : les véhicules produits aujourd'hui par PSA ou Renault ne sont pas les mêmes dans les usines brésiliennes et argentines (pour PSA, le Partner et le Berlingo sont fabriqués en Argentine, tandis que la Xsara Picasso est produite au Brésil).
D'autres entreprises, comme Alstom, ont maintenant une stratégie régionale, exportant dans la zone à partir de leurs implantations locales.
Les projets de développement des infrastructures de transport lancés au sommet de Brasilia mobiliseront sans nul doute les entreprises françaises et européennes.
Enfin, la régionalisation doit s'accompagner d'un approfondissement des liens avec l'Europe et d'une poursuite des négociations multilatérales à l'OMC
Comme vous le savez, c'est après une initiative de la présidence française de 1995 que la Commission a proposé d'ouvrir des négociations commerciales avec les pays du Mercosur et le Chili. Les négociations, lancées après le sommet de Rio de juin 1999, ont d'abord donné l'impression de piétiner un peu. Mais la 3ème réunion du Comité UE-Mercosur, qui s'est tenue du 7 au 10 novembre 2000 à Brasilia, a été un tournant. La négociation du volet commercial est désormais lancée. Les négociations sont entrées dans une phase active, et concrète. A partir de juillet prochain, elles porteront sur les tarifs et la libéralisation des services. Notre objectif est d'aboutir à un accord complet et équilibré.
La concurrence parfois évoquée avec le processus de la ZLEA (ALCA) doit être relativisée, car il faut faire la part des effets d'annonce et des avancées concrètes.
A une plus grande échelle, l'amplification du phénomène de mondialisation appelle des réponses concertées et cohérentes de la part des Etats et des organisations internationales. Pour cette raison, les négociations dans le cadre de l'OMC restent essentielles.
Le processus de négociation régionale est donc réellement en marche. La France, qui, en 1997, a inspiré cette grande initiative contribuera pleinement à son succès. Elle reste très attachée à la fois à l'approfondissement et à l'élargissement du Mercosur, et appuie sans réserve le processus de négociation engagé avec l'Union européenne ; nous croyons cet enjeu trop important pour ne pas procéder sûrement et par étapes successives, afin de bâtir un édifice solide. Nous croyons que c'est en effet la seule façon de construire un monde ouvert et multipolaire.
C'est à vous, chefs d'entreprises qu'il appartient d'utiliser au mieux les nouvelles opportunités qu'offre l'intégration régionale en construction. Je serais heureux d'écouter vos réactions et de répondre à vos questions.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 19 février 2001)
Je souhaite tout d'abord remercier la chambre de commerce franco argentine, et son président pour l'organisation de ce déjeuner. Le thème de l'intégration régionale face aux négociations commerciales multilatérales est tout à fait pertinent.
Les mouvements d'intégration régionale se multiplient et s'accélèrent, notamment en Amérique du sud. Ce processus s'inscrit dans le cadre plus large de l'ouverture des économies latino-américaines, pour lesquelles libéralisation et régionalisation sont allées de pair depuis le début de la décennie. Cette tendance a bien entendu un impact fort sur la stratégie d'implantation des entreprises dans cette zone.
Avant de donner un éclairage particulier à l'affirmation régionale de l'Amérique du sud, je souhaite vous faire part de quelques réflexions sur l'apparente opposition entre accords régionaux et accords multilatéraux. Certains considèrent qu'ils constituent des choix exclusifs l'un de l'autre, ou qu'il faut nécessairement privilégier un cadre par rapport à l'autre.
Je suis, pour ma part, persuadé de l'étroite complémentarité qui existe entre ces deux niveaux.
1. Certains observateurs redoutent que les négociations régionales ne paralysent les négociations multilatérales. A mes yeux, il n'est pas souhaitable que l'engagement dans des négociations régionales détourne les Etats concernés du processus multilatéral, qui seul peut assurer la régulation nécessaire à une mondialisation équitable. Mais je pense que, loin de freiner la dynamique multilatérale, les négociations régionales peuvent au contraire y contribuer.
Nombre d'exemples d'accords régionaux existants - qu'il s'agisse d'unions douanières ou de zones de libre échange - montrent que ces accords ont permis de mieux " enraciner " les engagements de réforme et de libéralisation. L'adhésion à des accords d'intégration économique limite les risques de " réversibilité " des législations et vient conforter les engagements pris dans le cadre multilatéral. Les opérateurs privés ne s'y sont pas trompés et ont significativement accru leurs flux d'investissements directs vers les grands zones d'intégration économique, au nombre desquelles figure le Mercosur.
Le partenariat régional doit, par ailleurs, être l'occasion de développer une concertation approfondie sur l'ensemble des questions multilatérales. Il convient en effet de dissiper tout malentendu multilatéral et régional.
2. D'autres observateurs craignent, au contraire, que le processus multilatéral ne vienne ralentir le déroulement des négociations régionales. Il est clair que les deux processus -régional et multilatéral- doivent s'articuler de façon cohérente.
La négociation commerciale entre l'Union européenne et le Mercosur (et le Chili) revêt une ampleur unique : il s'agit de la première négociation commerciale lancée entre deux unions douanières de cette dimension. Cette négociation possède une importance considérable, non seulement pour les parties en présence, mais aussi pour les pays tiers qui en surveillent très attentivement le déroulement. C'est pourquoi il est essentiel que cette négociation s'articule efficacement avec le processus multilatéral.
Comme vous le savez, l'Union européenne est favorable à un cycle large de négociations multilatérales, un cycle à la fois de libéralisation et de régulation, qui prenne aussi en compte les exigences exprimées par la société civile en matière environnementale et sociale. Vous pourriez me dire que l '" ambition " européenne est de nature à retarder les négociations. Je ne le crois pas : j'estime tout d'abord que seul un cycle large et global est à même d'assurer un équilibre entre les intérêts de tous les membres de l'OMC.
Ensuite, il ne faut pas craindre que les futures négociations s'éternisent, un peu comme pour le cycle de l'Uruguay, dont la longueur a tenu à la très grande nouveauté des domaines discutés : agriculture, services, propriété intellectuelle etc. Un cycle large exigera moins d'innovations mais devra, dans une très large mesure, s'inspirer de modèles existants.
S'agissant de la date de lancement de ce cycle, bien évidemment je suis conscient du retard provoqué par l'échec de Seattle. Néanmoins, je reste convaincu de la nécessité - et de la possibilité également - de lancer un cycle aussitôt que possible.
3. Des négociations régionales ambitieuses renforcent la complémentarité entre les processus régional et multilatéral.
A mon sens, les négociations régionales devraient permettre d'aller au-delà des disciplines multilatérales et de régler des questions laissées, à ce jour, en suspens dans le cadre multilatéral. A cet égard, il convient de relever que les questions non tarifaires - qu'il s'agisse des barrières techniques ou sanitaires au commerce, des appellations d'origine, des marchés publics, ou de la concurrence, sont souvent les " parents pauvres " des négociations commerciales. Il est vrai que ces sujets supposent une connaissance approfondie et une bonne compréhension des règles existantes de part et d'autre. De ce fait, ces thèmes sont parfois négligés, ce qui constitue une source de difficultés lors de la mise en uvre des accords régionaux.
Revenons plus précisément à la construction régionale en Amérique latine.
En Amérique latine, après des premières tentatives dans les années 1960, le phénomène de régionalisation commerciale s'est accéléré et approfondi depuis le début des années 1990. Le Mercosur et la Communauté andine sont les deux principaux exemples d'intégration régionale dans la région. Ces mouvements traduisent bien à quel point il est important, dans ce nouveau paysage économique mondial, de s'associer pour élargir les marchés domestiques et obtenir une taille critique permettant d'avoir un réel poids dans les négociations et l'économie internationales.
Le processus d'intégration régionale s'est en effet traduit par une hausse spectaculaire des échanges entre pays membres : entre 1991 et 1998, le total des échanges intra-Mercosur a été multiplié par 4 contre un facteur de 2,2 pour le commerce extra-zone.
Le sommet de Brasilia, les 31 août et 1er septembre derniers, a donné un nouvel élan à l'intégration régionale en Amérique du sud. La création d'une zone de libre-échange entre le Mercosur et la Communauté andine des nations avant le 1er janvier 2002 apparaît comme un objectif ambitieux. Cette intégration commerciale doit se doubler d'une intégration physique, l'insuffisance des infrastructures régionales limitant encore aujourd'hui les progrès de l'intégration économique. C'est tout l'objet du " plan d'action " préparé par la BID pour le développement de projets d'infrastructures régionaux.
Face à cette régionalisation, les entreprises qui investissent aujourd'hui dans un pays d'Amérique du sud ne visent plus seulement les marchés nationaux, mais de plus en plus souvent les ensembles régionaux.
Ainsi, les sociétés du secteur automobile par exemple ont une stratégie de complémentarité dans leurs implantations en Amérique du sud : les véhicules produits aujourd'hui par PSA ou Renault ne sont pas les mêmes dans les usines brésiliennes et argentines (pour PSA, le Partner et le Berlingo sont fabriqués en Argentine, tandis que la Xsara Picasso est produite au Brésil).
D'autres entreprises, comme Alstom, ont maintenant une stratégie régionale, exportant dans la zone à partir de leurs implantations locales.
Les projets de développement des infrastructures de transport lancés au sommet de Brasilia mobiliseront sans nul doute les entreprises françaises et européennes.
Enfin, la régionalisation doit s'accompagner d'un approfondissement des liens avec l'Europe et d'une poursuite des négociations multilatérales à l'OMC
Comme vous le savez, c'est après une initiative de la présidence française de 1995 que la Commission a proposé d'ouvrir des négociations commerciales avec les pays du Mercosur et le Chili. Les négociations, lancées après le sommet de Rio de juin 1999, ont d'abord donné l'impression de piétiner un peu. Mais la 3ème réunion du Comité UE-Mercosur, qui s'est tenue du 7 au 10 novembre 2000 à Brasilia, a été un tournant. La négociation du volet commercial est désormais lancée. Les négociations sont entrées dans une phase active, et concrète. A partir de juillet prochain, elles porteront sur les tarifs et la libéralisation des services. Notre objectif est d'aboutir à un accord complet et équilibré.
La concurrence parfois évoquée avec le processus de la ZLEA (ALCA) doit être relativisée, car il faut faire la part des effets d'annonce et des avancées concrètes.
A une plus grande échelle, l'amplification du phénomène de mondialisation appelle des réponses concertées et cohérentes de la part des Etats et des organisations internationales. Pour cette raison, les négociations dans le cadre de l'OMC restent essentielles.
Le processus de négociation régionale est donc réellement en marche. La France, qui, en 1997, a inspiré cette grande initiative contribuera pleinement à son succès. Elle reste très attachée à la fois à l'approfondissement et à l'élargissement du Mercosur, et appuie sans réserve le processus de négociation engagé avec l'Union européenne ; nous croyons cet enjeu trop important pour ne pas procéder sûrement et par étapes successives, afin de bâtir un édifice solide. Nous croyons que c'est en effet la seule façon de construire un monde ouvert et multipolaire.
C'est à vous, chefs d'entreprises qu'il appartient d'utiliser au mieux les nouvelles opportunités qu'offre l'intégration régionale en construction. Je serais heureux d'écouter vos réactions et de répondre à vos questions.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 19 février 2001)