Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les objectifs et les moyens du projet de loi de programme pour la recherche, Assemblée nationale le 28 février 2006.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de programme pour la recherche, à l'Assemblée nationale le 28 février 2006.

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J?ai l?honneur, avec François Goulard, de vous présenter aujourd?hui le projet de loi de programme pour la recherche.
Ce projet de loi, vous le savez, constitue le volet législatif du « Pacte pour la recherche » que le gouvernement propose à l?ensemble de la Nation.
Car il y va de l?avenir de nos enfants, de la prospérité de notre pays, du rayonnement de la France !
Pour se rendre à cette évidence, il a fallu que notre pays traverse une crise grave et profonde.
Les scientifiques, les chercheurs français ont eu le sentiment de ne plus être compris de la France, de ses pouvoirs publics, de sa société, de ne plus être reconnus dans le travail qu?ils accomplissent « pour la science, la gloire et la patrie », selon la belle devise de l?École polytechnique.
Cette crise a été salutaire , car elle a provoqué une prise de conscience collective.
Prise de conscience du rôle absolument capital de la recherche pour l?avenir de la France.
Pour son avenir intellectuel, pour son avenir économique, pour son avenir industriel.
Aujourd?hui, c?est désormais bien clair : l?avenir n?est pas au « tout commerce », au « tout service », au « tout finances ».
Tout le monde a désormais conscience que la science, la technologie et l?éducation sont les facteurs sinequa non d?une croissance durable et responsable.
La recherche est aussi une nécessité pour l?avenir de l?humanité sur notre planète.
Réchauffement climatique, tarissement des hydrocarbures, besoins croissants de la population mondiale (avec leurs conséquences sur l?eau, la faune et la flore), émergence de nouvelles maladies dont nous faisons aujourd?hui l?expérience avec le chikungunya et la grippe aviaire? Aucune de ces grandes questions ne sera réglée sans la science !
Sous la pression des réalités, sous la pression de l?évidence, les illusions anti-scientifiques ?un temps à la mode- se dissipent.
Les Français comprennent chaque jour davantage que ce n?est pas dans une fuite romantique hors de la modernité que nous trouverons le remède aux malheurs du monde, mais dans un surcroît d?investissement intellectuel !
La crise nous a aussi fait prendre conscience, à nous décideurs politiques, des défis que la recherche française doit absolument relever pour demeurer dans la course mondiale.
Cette crise, je crois pouvoir dire que nous l?avons surmontée.
Elle n?a pas été inutile, bien au contraire. Il fallait crever l?abcès.
Tout a été dit, et bien dit.
Grâce au dialogue entamé par nos prédécesseurs, grâce à la concertation qu?avec François Goulard, nous avons menée avec la communauté scientifique, mais aussi avec tous les hommes de bonne volonté que l?avenir de la recherche intéresse.
Je pense en particulier -et je veux lui rendre hommage- aux conseils précieux et judicieux que le Président Dubernard a su nous donner, dès notre arrivée au ministère. Je suis heureux de saluer aussi la contribution du Conseil économique et social et de son rapporteur, Monsieur Ailleret, qui a conduit à l?automne un travail très constructif ayant permis d?enrichir tant le projet initial du gouvernement, que ce projet de loi lors de son examen par le Sénat.
En rétablissant ce courant vital avec la communauté, nous avons dissipé de très nombreux malentendus, et constaté que nos intentions étaient les mêmes. Bref, nous avons restauré la confiance, indispensable pour bâtir un projet d?avenir, et construire ce « Pacte pour la recherche ».
Dans « Pacte », il y a « paix » ! Et c?est bien à une grande réconciliation nationale autour de la Recherche que nous assistons !
Ce projet a été salué par la communauté scientifique, par les forces vives de la Nation, - je pense par exemple à François Chérèque, le secrétaire général de la C.F.D.T.. Claude Allègre, l?un de mes prédécesseurs, a également apporté son soutien.
Premièrement, nous nous sommes tous retrouvés sur les grands équilibres :
- L?équilibre indispensable entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée : l?opposition entre les deux est absurde ; les applications de demain et d?après-demain résident dans la recherche fondamentale d?aujourd?hui, comme l?explique très justement M. Birraux dans son rapport. Les plus grands scientifiques de notre temps le rappellent régulièrement, comme encore Pierre-Gilles de Gennes il y a quelques semaines.
- L?équilibre entre la recherche publique et la recherche privée, en reconnaissant que c?est sur le développement de la recherche privée que nous avons le plus de progrès à faire, et que ce développement ne peut se faire qu?en renforçant l?attractivité et la visibilité de la recherche française et en particulier de la recherche publique. Car, comme toujours, les chercheurs travaillent en partenariat ; et pour nouer des partenariats, deux « vérités de Lapalisse » s?imposent :
1. il faut pouvoir trouver ses partenaires ;
2. il faut savoir pourquoi on veut travailler avec eux, c?est-à-dire connaître leurs points forts.
- L?équilibre entre la recherche et les préoccupations légitimes de nos sociétés contemporaines, un sujet développé dans l?avis du Conseil économique et social : c?est important pour éviter les phénomènes irrationnels de rejet de la science, qui menacent toujours les opinions publiques ! Mais pour éviter aussi que l?on s?emballe trop vite pour une découverte qui apparaîtrait comme une solution miracle. La prudence est de mise dans les deux sens !
Cet équilibre est particulièrement nécessaire dans notre société de l?information immédiate où une simple rumeur a vite fait d?enfler pour devenir la « vérité absolue ». Le cas récent de ce scientifique coréen adulé puis désavoué par la communauté nous le rappelle ?hélas- encore une fois.
Deuxièmement, nous nous sommes retrouvés sur les objectifs que nous nous donnons pour réellement « changer de braquet » et relever les défis qui nous attendent. Je vous rappelle rapidement ces cinq objectifs, François Goulard y reviendra.
Premier objectif : renforcer nos capacités d?orientation stratégique et de définition des priorités.
Nous clarifions les responsabilités. C?est au Gouvernement de déterminer la politique de recherche. Le « pilotage automatique » en matière de recherche n?est pas une bonne méthode ; dans le monde complexe où nous vivons, un arbitrage est nécessaire entre les aspirations des scientifiques, les intérêts économiques et les préoccupations des citoyens. Des choix sont nécessaires, des orientations doivent être prises et tenues sur le long terme, comme le rappelle
M. Fourgous dans son rapport.
Ce sont des choix complexes mais forts d?enjeux et de conséquences.
C?est le rôle du politique de faire et d?assumer ces choix.
C?est pourquoi nous voulons mettre en place un Haut Conseil de la Science et de la Technologie qui sera chargé d?éclairer les décisions du pouvoir politique. Cette disposition figure désormais dans le texte de la loi. Le Sénat a en effet donné une base législative à ce Haut Conseil. Je sais que le Président Dubernard a des propositions pertinentes à son sujet -et notamment sur son mode de fonctionnement.
Deuxième objectif : bâtir un système d?évaluation de la recherche unifié, cohérent et transparent.
Car la communauté scientifique a besoin de savoir où elle en est, ce qu?elle vaut scientifiquement. L?évaluation objective, systématique, transparente et rigoureuse est la contrepartie nécessaire de la liberté de la recherche. Sans liberté, c?est le dirigisme, sans évaluation, c?est le laxisme.
C?est la nouvelle Agence d?évaluation de la recherche et de l?enseignement supérieur (A.E.R.E.S.) qui jouera ce rôle. Le Sénat a étendu ses compétences à l?ensemble de l?enseignement supérieur.
Cette extension scelle le lien entre la recherche et l?enseignement supérieur, avec une approche cohérente et homogène de l?évaluation de l?ensemble.
Troisième objectif : permettre aux énergies de se rassembler et faciliter les coopérations entre les acteurs de la recherche . C?est une question d?efficacité, de visibilité, d?attractivité pour les étudiants et pour les scientifiques. Vous le savez, nos forces de recherche ne travaillent pas assez en synergie ; elles peinent de ce fait à atteindre la « taille critique » nécessaire. Les deux problèmes sont liés. Pour y remédier, ce projet de loi prévoit la création de nouvelles formes de coopérations entre acteurs ; il s?agit d?une véritable « boîte à outils » qui leur permettra de rassembler leurs énergies. J?y reviendrai dans quelques instants.
Quatrième objectif : offrir des carrières scientifiques attractives et évolutives.
Là aussi, le problème est connu : nous n?offrons pas assez de perspectives à nos chercheurs.
Or un manque de perspectives entraîne un double effet : incitation à choisir d?autres filières, ou bien à choisir la filière mais à partir à l?étranger !
Cela ne peut plus durer !
Nous devons susciter des vocations et permettre à nos jeunes scientifiques de réaliser leurs ambitions ! Pour cela nous devons leur offrir des carrières plus flexibles et moins cloisonnées, plus attractives aussi. Dans le monde d?aujourd?hui, ces carrières sont internationales par essence. Ne dissuadons pas nos cerveaux de se développer, créons pour eux les conditions de leur épanouissement. C?est ce qu?apporte ce pacte.
Cinquième objectif : tisser des liens plus étroits entre la recherche publique et la recherche privée.
C?est impératif, si nous voulons que nos découvertes scientifiques génèrent des richesses et de l?emploi sur notre territoire, plutôt qu?ailleurs. Et je sais que votre commission, ainsi que la commission des affaires économiques et la commission des finances ont travaillé à de nombreuses propositions.
Voilà les cinq objectifs que nous retenons.
Nous convergeons donc sur les grands équilibres et les objectifs.
Nous nous sommes retrouvés, avec la communauté scientifique, sur les moyens massifs que nous vous proposons d?engager au service de ces objectifs :
19,4 milliards d?euros supplémentaires sur 2005-2010, soit une hausse de 27% en 5 ans du budget annuel de la recherche ;
3 000 emplois scientifiques créés en 2006 : un effort de cette ampleur et sur cette durée est unique.
Cet effort est sans précédent depuis 30 ans. Il est d?autant plus considérable, qu?il ne s?agit plus de dépenser, mais d?investir pour l?avenir. Dans un système plus offensif, plus attractif, plus réactif, capable de faire atteindre à nos centres de recherche la masse critique nécessaire. Dans un système qui permette à nos chercheurs, qui sont parmi les meilleurs du monde, de déployer en France leurs talents et d?être reconnus sur la scène internationale.
Car investir dans un système qui n?utiliserait pas au mieux chaque euro, ce serait tout simplement du gaspillage !
C?est vous dire à quel point les enjeux sont majeurs. Et sur ce point, les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont tenus, malgré le contexte budgétaire difficile que vous connaissez : une mobilisation totale, des moyens au rendez-vous, une mise en ?uvre qui a déjà commencé.
C?est cela, les tenants de ce Pacte pour la recherche :
Une Nation rassemblée autour de sa recherche,
Rassemblée parce qu?elle a confiance en elle,
Confiance dans sa capacité à répondre aux aspirations de la société, à relever les défis de la concurrence, à entraîner, par ses retombées, des créations d?emplois,
Confiance enfin dans sa capacité à assurer le rayonnement de la France !
C?est désormais dans la sérénité, mais avec un grand et légitime sentiment d?urgence, que la communauté scientifique attend la promulgation de la loi que vous examinez !
Nous attendons beaucoup de vos travaux, de vos propositions d?amendement pour qu?apparaisse le nouveau visage de la recherche française.
Le président Dubernard -professeur Dubernard devrais-je dire !- est lui-même un acteur de la science. Il s?est beaucoup mobilisé sur le sujet, en particulier en allant observer ce qui se fait ailleurs ; certains d?entre vous sous la conduite de Jean-Pierre Door aviez déjà beaucoup travaillé le sujet également. Vous apporterez, sûrement, comme les sénateurs l?ont fait, des améliorations, des précisions, des perfectionnements. Nous savons, avec François Goulard, que vous y tenez. Et je tiens ici à rendre hommage au remarquable travail des rapporteurs, qui, avec méthode et minutie, ont préparé, discuté, élaboré des propositions constructives et pertinentes à vous soumettre.
Je voudrais à présent développer quelques points qui me paraissent fondamentaux, et dont je sais qu?ils suscitent quelques interrogations parmi vous.
D?abord la question des structures.
À nouveau défi, nouvelles structures
La recherche bouge et évolue en permanence. Et ces évolutions ont été particulièrement intenses et massives au 20ème siècle.
Créée pour rattraper les États-Unis, notre recherche doit à présent concurrencer l?ensemble des grandes nations scientifiques -qu?il s?agisse des Etats-Unis mais aussi de tous les autres leaders comme le Japon, l?Allemagne ou le Royaume-Uni et désormais la Chine ou l?Inde.
Il faut bien mesurer la différence ! La réalité aujourd?hui, c?est une âpre compétition mondiale pour la connaissance. Et ce n?est pas le Président Dubernard (qui s?est beaucoup penché sur le sujet dans son rapport) qui me contredira !
Il nous faut franchir ce cap du 21ème siècle. Le but ne peut plus être de constituer en France une « mini-Amérique », à usage interne, capable de tout faire dans tous les domaines? Non ! Dans un monde d?intense compétition pour la connaissance, le but est de devancer les Etats-Unis, ou n?importe quel autre pays, sur des secteurs déterminés comme étant nos points forts ! Bref, de tout mettre sur nos avantages comparatifs, et de nous en créer d?autres, comme le dit fort bien M. Fourgous dans son rapport..
Il ne faut plus ambitionner d?être bon ou moyen partout ; il faut être les premiers dans quelques domaines !
Dans cette bataille, la France a des troupes, la France a des armes. Mais elle a besoin d?une doctrine d?emploi efficace. C?est ce que nous mettons au point avec le Pacte pour la recherche. Les troupes, les forces, ne doivent pas se disperser : il faut les concentrer pour faire la différence, le moment venu, sur des points stratégiques !
Pour cela, nous avons fait des choix, car il ne suffit pas simplement de mobiliser des moyens additionnels, fussent-ils exceptionnels :
- le choix de l?évolution plutôt que de la révolution
- le choix de la liberté et de l?initiative ;
- le choix de la jeunesse
- et le choix de l?Europe.
Premièrement, le choix de l?évolution plutôt que de la révolution.
Que ce soit le C.N.R.S., le C.E.A., les universités ou les grandes écoles, ces institutions ont un formidable potentiel humain et intellectuel, qui ne demande qu?à être mobilisé, encore faut-il leur en donner l?opportunité et les moyens. On ne peut faire table rase du passé, car comme le dit très bien le rapporteur, c?est une tradition que nous respectons depuis?1530, date de la création du Collège de France par François 1er !
Deuxièmement, nous faisons le choix de la liberté et de l?initiative comme énergie mobilisatrice de ce potentiel. Les scientifiques savent comment s?organiser : leur métier est par essence international et créatif. Les pôles de recherche et d?enseignement supérieur et les « Campus » que le Sénat a décidé d?appeler les réseaux thématiques de recherche avancée qu?ils créeront leur permettront d?accroître leur masse critique.
Cette boîte à outils, principale novation de la loi, est indispensable pour affronter la compétition internationale
Les P.R.E.S. sont des rapprochements essentiellement géographiques, qui remédieront au morcellement actuel de la recherche, souvent dans une même ville, ou un même département. Nous voulons donc inciter les acteurs qui travaillent sur un même territoire à se regrouper pour renforcer l?efficacité de leurs actions et accroître leur reconnaissance internationale. Et, le président DUBERNARD qui connaît bien la situation, notamment de Lyon, sait bien de quoi je parle. Dans ce cadre, nous devons donner leur chance à tous les établissements d'enseignement supérieur, y compris les plus modestes.
Les réseaux thématiques de recherche avancée, de leur côté, sont des rapprochements thématiques. Il s?agit de rassembler dans une structure souple et réactive des centres de recherche parfois éloignés les uns des autres dans l?espace, mais très proches par la nature de leurs travaux, afin de constituer une « force de frappe scientifique ».
Je sais que le Président Dubernard a des idées très intéressantes pour compléter cette boîte à outils, dans un domaine qui lui est cher, la recherche biomédicale.
Dans un cas comme dans l?autre, il s'agit de mutualiser des forces, de les rapprocher et non de déposséder qui que ce soit.
Ce ne sont pas des paroles creuses. La réalité aujourd?hui, c?est que les laboratoires coopèrent, bien sûr, mais travaillent les uns à côté des autres, découpant leur projet commun en tranches à se répartir. Mais dans le domaine de la connaissance, quel frein à la liberté que de fixer par avance le taux de participation du laboratoire à un projet collectif !
Certains craignent que ces structures conduisent à déposséder les acteurs de leurs meilleurs éléments. Ce n?est pas raisonnable. Simplement parce que ces structures sont créées et contrôlées de plein gré par les universités et organismes qui décident d?y participer. Libres à eux de s?organiser comme bon leur semble ! La loi n'impose rien, elle propose des outils.
Ce qu?on en attend, c?est tout simplement une nouvelle organisation de la recherche française.
- Plus libre et plus efficace pour les scientifiques.
- Plus simple et plus attractive pour les chercheurs et les doctorants. Plus attractive pour les étudiants dont beaucoup me disent être découragés par la confusion du système !
- Plus performante aussi sur le plan de la compétitivité économique.
Cette nouvelle organisation est attendue. La meilleure preuve, c?est que la greffe ?si le président Dubernard m?autorise cette expression !- prend déjà. Il suffit d?observer l?effervescence dans toutes les universités et les laboratoires : ils veulent être prêts dès la promulgation de la loi !
Troisième choix que nous faisons, la jeunesse : l?attention aux scientifiques, en particulier par la lutte contre la précarité des jeunes chercheurs. Ils sont le sel de la recherche de demain. Des engagements ambitieux et courageux sont pris pour la première fois pour pallier cette dérive sur le début de carrières scientifiques. Nous avons déjà augmenté les allocations des doctorants de 8% au 1er janvier 2006, pour les porter à 1 410 euros bruts. Tous en verront les effets aujourd?hui sur leur fiche de paye de février.
Nous voulons ainsi permettre aux plus jeunes de mener leurs études doctorales, les aider à choisir leurs filières, à s?orienter à l?issue du doctorat, encourager les plus talentueux avec des bourses.
Et surtout consolider les périodes post-doctorales, qui sont déterminantes pour l?ensemble de la carrière scientifique en facilitant insertion dans la vie active, - qu?il s?agisse d?une carrière dans la recherche publique ou en entreprise. François Goulard est attaché à ce sujet qu?il développera tout à l?heure.
Quatrième choix que nous faisons, et j?en terminerai par là, celui de l?Europe de la recherche.
Je sais que c?est une de vos grandes préoccupations, et je partage totalement votre point de vue, d?abord en tant qu? « Européen » convaincu, ensuite parce qu?il y a de réelles justifications objectives.
Certains d?entre vous le rappellent régulièrement : la France c?est un peu moins grand que la Californie. Dans la compétition mondiale pour la connaissance qui se dessine entre les grands « blocs » Etats-Unis, Japon, Chine, Inde, le rayonnement de notre science ?pour ne pas dire notre existence scientifique même- passe par l?Europe.
L?Europe de la recherche ce n?est donc pas une option, c?est une nécessité ; nous en sommes tous convaincus.
Pourtant il y a un paradoxe, car cette Europe de la recherche ne parvient pas à décoller malgré les cris d?alarme du Conseil européen de Lisbonne en 2000. La raison est simple : c?est parce que nous voulons construire le 3ème étage de la fusée avant d?avoir mis au point le 1er.
Les constats que nous faisons en France sur nos structures, leur insuffisance de taille critique, les difficultés à orienter notre politique de recherche etc., quasiment tous nos partenaires européens la font également chez eux.
Le classement de Shanghai, qui vaut ce qu?il vaut, illustre cela parfaitement : la première université allemande est 51ème, la première italienne 91 ème et la première espagnole 153ème. Seuls les Anglais font exception : 5 universités anglaises sont classées avant la première française (46ème), dont une au 2ème rang !
La première étape est donc à mes yeux de nous mettre en ordre de marche, ce que permettent les outils du Pacte pour la recherche. C?est d?ailleurs ce que font aussi les principaux pays européens de la recherche : l?Italie, l?Allemagne ou l?Espagne qui a aussi une réelle dynamique de recherche. De mes échanges, je constate tout de même que nous avons de bonnes chances d?être les premiers à mettre en place une telle évolution de nos structures.
Cette première étape est indispensable. Faute de quoi on a - et on continuera à avoir - des réactions du type de celles qu?on a pu entendre à Bruxelles ? et qui nous ont bien déçus : il faut prendre telle université et la marier avec telle autre d?Allemagne.
Comme je le disais, on fait de bons partenariats sur nos points forts, et les P.R.E.S. et R.T.R.A., permettent de renforcer nos points forts, à maturité pour tisser des partenariats européens.
Cela nous met évidemment à la meilleure place pour être aux avant-postes de la construction de l?Europe de la recherche. Pour cela nous devons anticiper cette construction.
Anticiper la construction de la recherche européenne, c?est ce que nous faisons à Bruxelles. L?Europe fait des choix judicieux. Elle met l?accent sur les dynamiques d?innovation, qui ont un réel sens à l?échelle du marché européen, avec l?initiative technologique conjointe, ou la facilité financière de la B.E.I., deux outils dotés de plusieurs milliards d?euros.
Grâce à l?action de la France, elle a également développé un équivalent européen de notre agence nationale de la recherche -le Conseil européen de la recherche- qui se concentrera sur la recherche fondamentale, dans une logique d?excellence et sur la base d?appels à projets !
Et elle réfléchit aujourd?hui à une organisation capable d?atteindre la taille critique à l?échelle européenne.
Anticiper la construction de la recherche européenne, c?est ce que nous faisons aussi dans ce projet de loi. Ainsi, le gouvernement a accepté l?explicitation du fait que les partenaires d?un PRES ou d?un Campus pourront être européens. Avec ces formes d?organisation, nos acteurs seront en mesure d?être moteurs à l?échelle européenne, comme par exemple sur l?Institut européen de technologie sont les contours nous ont été présentés la semaine dernière lors du Conseil éducation.
C?est toujours dans cette logique d?anticipation que - sur le plan réglementaire - nous fixons à l?A.N.R. l?objectif suivant : qu?à l?horizon 2010, 20% de ses financements soient attribués en partenariat avec ses homologues européens. Enfin, avec l?Agence d?évaluation, nous souhaitons donner à notre pays les moyens de devenir une référence européenne en matière d?évaluation.
Et je sais que le président Dubernard a d?autres idées très intéressantes dans ce domaine.
C?est avec cette double approche, - mettre nos structures en état de marche / anticiper les dispositions - que nous participerons activement à la construction de l?Europe de la recherche.
Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le monde scientifique est prêt à franchir le cap du 21ème siècle.
Il attend pour cela que cette loi lui apporte la liberté dont il besoin, qu?elle éclaircisse les perspectives pour ses acteurs, qu?elle lui donne les moyens de construire l?Europe de la recherche.
Ce Pacte pour la recherche n?est pas le terme d?un travail, il ouvre au contraire un nouveau chapitre de la science française. Il prépare l?avenir de notre pays et répond aux préoccupations de notre temps. C?est un grand projet pour la Nation qui vous est soumis aujourd?hui.
Je vous remercie.
Source http://www.education.gouv.fr, le 13 mars