Texte intégral
Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, cher Peter, si je peux me permettre.
Je suis très heureux de venir ici au Canada, à Ottawa. C'est un pays que j'aime profondément. C'est un pays où j'ai vécu. C'est un pays où j'ai passé plus d'un an et demi, pratiquement deux ans. Je venais souvent à Ottawa mais j'habitais à Montréal et je faisais ma thèse en sciences à Montréal et j'ai gardé un souvenir des Canadiens merveilleux, comme un peuple très chaleureux, très moderne, très ouvert et amis de mon pays de France. Et quand récemment un journal français a posé la question aux Français, "quel est le pays que vous préférez ?", ils ont répondu que c'était le Canada.
Et donc je suis heureux d'être ici. Votre équipe est nouvelle, elle vient d'arriver. Je sais que le président Chirac a appelé Stephen Harper au téléphone dès son élection. Nous nous sommes appelés aussi et nous voulons évidemment vous dire et notre amitié et notre volonté de développer le dialogue politique entre nos deux pays.
Je voudrais aussi dire que le Premier ministre, mon Premier ministre, Dominique de Villepin, qui a été, comme nous, ministre des Affaires étrangères, devait venir au mois de novembre au Canada ; et, pour des raisons purement françaises, il n'a pas pu le faire à ce moment-là mais il voudra revenir, je tiens à vous le dire. Et pour lui ce sera aussi un très grand plaisir de se rendre au Canada pour parler avec le Premier ministre et bien sûr pour parler avec son équipe.
Je suis venu ici avec une délégation de députés, M. Bruno Bourg-Broc et M. Pierre Lequiller qui devraient rencontrer des parlementaires canadiens. Nous avons tout simplement envie de dire que nous partageons avec vous la même vision de la politique internationale, c'est-à-dire la justice internationale, le multilatéralisme. Il n'y a pas un pays plus fort qu'un autre. Nous partageons mutuellement nos décisions. Nous avons en particulier la même vision de la diversité culturelle ; c'est une bataille menée ensemble, côte à côte. A l'UNESCO, une grande victoire a récemment été gagnée ensemble ; et puis, bien sûr, pour le Conseil des Droits de l'Homme : chaque fois que nous devons être présents côte à côte, nous le sommes.
Nous aimerions qu'en plus de ce dialogue politique nous ayons une convergence économique encore plus forte. Nous sommes aujourd'hui le troisième investisseur au Canada. Nous avons parlé, et je vous remercie beaucoup de la manière dont nous en avons parlé, des investissements français au Canada et des Canadiens en France.
Je souhaite donc vous dire combien nous sommes heureux d'être à vos côtés ici aujourd'hui et que nous espérons une chose, Peter, que vous veniez à Paris à votre tour.
Q - (A propos de l'éventualité d'un référendum sur l'avenir du Québec)
R - Cela ne m'a pas échappé.
Q - Qu'en pensez-vous ?
Q - (A propos du dialogue politique avec le nouveau gouvernement)
R - D'abord je ne me permettrai pas d'entrer dans la vie politique canadienne. La vie politique française me suffit.
D'autre part nous voyons avec plaisir que le dialogue politique a toujours existé entre nos deux pays. La démocratie est un des magnifiques héritages de nos histoires respectives. Nous sommes très attachés à la démocratie. Vous êtes attachés à la démocratie. Laissons-nous parler et donc je suis sûr qu'avec cette nouvelle majorité nous arriverons à développer bien sûr des relations politiques très fortes et, d'ailleurs, le début de l'entretien que j'ai eu avec mon collègue et ami, Peter, le prouve.
Q - (A propos de l'élargissement de l'Union européenne)
Q - Faut-il plus de pédagogie ?
R - Sur l'Union européenne je vais vous expliquer pourquoi il y a eu cette réaction. Peut-être que, vu de loin, on peut se poser la question de la période que vit l'Union européenne aujourd'hui puisqu'il y a eu deux référendums sur la Constitution, deux référendums négatifs ? l'un en France le 29 mai dernier et l'autre au Pays-Bas. Pour notre pays sachez que les Français n'ont pas dit "non" à l'Union européenne mais simplement ils disent "oui" à une Union européenne plus proche des citoyens, ce qui m'a fait dire qu'il fallait mieux expliquer ce qu'était la Constitution européenne.
L'idéal européen, c'est avant tout des valeurs communes, des valeurs universelles. C'est la paix. Mais au-delà, l'idéal européen ce n'est pas un simple espace économique. L'Union européenne est une union politique avec un souhait d'avoir une politique de défense commune, une politique étrangère commune, une réflexion sur la sécurité intérieure, la sécurité extérieure. Et cela n'a peut-être, en effet, pas été suffisamment bien expliqué.
Les Européens ont, aujourd'hui, l'impression que leurs dirigeants ne leur parlent de l'Union européenne que pour l'élargir, avec toujours un nouveau pays. Il faut peut-être le faire, peut-être pas. Par exemple, le chef de l'Etat en France, le président Chirac, a décidé que les prochains élargissements se feraient après référendum.
Mais le débat n'est pas uniquement sur l'élargissement. Le débat est sur le sens que l'on veut donner : est-ce que, oui ou non, à côté de l'ALENA, de l'ASEAN, du Mercosur, est-ce que nous voulons, oui ou non, construire une force qui est une force économique, c'est évident, mais aussi une force politique comparable - pas supérieure mais comparable - à ces grandes puissances, qui sont en réalité des pôles.
Le monde est multipolaire. Et donc l'Union européenne doit être un pôle économique mais aussi politique, porteur de valeurs dans le monde. Ça c'est de la pédagogie. On ne l'a pas suffisamment spécifié.
Q - (A propos du référendum organisé sur l'avenir du Monténégro et notamment du seuil de 55 % de "oui", nécessaire pour l'indépendance ; à propos du parallèle entre des consultations sur l'avenir du Québec et de celui du Monténégro)
R - Comme vous le savez, une décision a été prise, que l'accord institutionnel entre la Serbie et le Monténégro permet, et qui est l'organisation d'un référendum au Monténégro. J'ai d'ailleurs reçu le Premier ministre monténégrin à Paris, au Quai d'Orsay. J'étais allé le voir à l'époque lorsque j'étais à Belgrade. Il était venu à l'ambassade française à Belgrade. Je le connais bien.
La résolution adoptée prévoit d'organiser, le 21 mai, un référendum au Monténégro. La condition sine qua non pour organiser ce référendum était que les deux parties l'acceptent, à la fois ceux qui voulaient un référendum mais aussi ceux qui ne le voulaient pas, l'opposition. Et l'opposition monténégrine a accepté l'idée du référendum dans la mesure où ce seuil a été adopté. Très franchement, c'est de la politique intérieure à la Serbie-et-Monténégro.
Sur la question que vous posez, c'est une question intérieure au Canada et à ses provinces, et donc vous comprendrez bien que je ne peux pas, moi, donner mon avis sur une quelconque vision de politique intérieure canadienne.
Q - (A propos du prochain gouvernement formé par le Hamas et à propos de l'aide financière aux Palestiniens)
R - Nous avons pris une décision lors du dernier Conseil Affaires générales et Relations extérieures à Bruxelles. Nous avons décidé qu'il n'y aurait aucun contact, à aucun moment, avec le Hamas, tant que ce dernier ne reconnaîtrait pas l'Etat d'Israël, tant que le Hamas ne reconnaîtrait pas les accords passés entre l'OLP et Israël et en particulier les Accords Oslo et tant que le Hamas n'aurait pas renoncé publiquement et explicitement à la violence.
Par ailleurs, la deuxième question qui nous a été posée concerne l'aide financière apportée aux Palestiniens. Il nous est apparu essentiel, en attendant les élections législatives israéliennes et la composition du gouvernement palestinien qui doit être connue aux alentours du 28 ou du 29 mars, de ne pas entraîner la population palestinienne dans le chaos économique, dans le chaos social et donc dans le chaos sécuritaire avec une reprise des violences. Il nous est donc apparu essentiel de continuer à aider l'Autorité palestinienne - je dis bien l'Autorité palestinienne, non pas le Hamas qui est un mouvement qui est inscrit sur la liste des mouvements terroristes pour l'Union européenne - et de redire notre confiance en M. Mahmoud Abbas.
L'idée, c'est de donner un soutien financier aux écoles pour l'éducation, aux hôpitaux pour les salaires des médecins, des infirmières, aux tribunaux pour les salaires des juges pour la lutte anti-corruption et donc de tout faire pour aider les Palestiniens et non pas un mouvement politique.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mars 2006