Texte intégral
S. Paoli - La contre-attaque du Parti socialiste : dépôt, demain, à l'Assemblée, d'une motion de censure contre le CPE, le contrat "première embauche", relancera-t-elle la mobilisation contre ce projet à l'horizon du 7 mars prochain ? Les universités de Rennes, Toulouse, Clermont-Ferrand, Nancy, Grenoble, Tours, n'ont pas attendu. Mais cette action suffit-elle à un programme ? Les Français ne le croient pas, qui considèrent à 53 % dans un sondage CSA en Une du Parisien ce matin, que le Parti socialiste n'a pas de projet efficace pour 2007... Et vous êtes arrivé à temps dans le studio, finalement. Les embouteillages...
R - Comme toujours, le Parti socialiste arrive toujours à temps.
Q - Voilà. Alors, dépôt demain, donc, à l'Assemblée, d'une motion de censure. Mais à quoi sert-elle, au fond, sachant à l'avance, qu'évidemment elle ne passera pas cette motion ?
R - Eh bien, elle sert d'abord à répondre à ce qu'a été une procédure de brutalité de la part du Premier ministre, c'est-à-dire le recours à l'article 49.3 qui a fait que le texte sur le CPE a été adopté sans vote. Il était donc légitime qu'il y ait une réponse et une réponse parlementaire, mais aussi pour alerter l'opinion sur ce qu'est ce texte et sur ce qu'est la méthode du Gouvernement. Le texte, même s'il a été branché, greffé, sur un projet sur l'égalité des chances, en fait, va être inégalitaire et ne va pas donner ses chances à la jeunesse. Ce texte, il va aboutir à ce que l'employeur, pour tout jeune de moins de 26 ans, propose un contrat qu'il pourra délibérément rompre à tout moment et sans motif. Et donc, rien que pour cela, il est important de donner cette information. Après, il sera trop tard, encore faudra-t-il attendre 2007, là où est le grand rendez-vous démocratique. Et, deuxièmement, la méthode du Premier ministre, parce qu'il n'y a eu ni négociation sociale, avec les partenaires, les syndicats, y compris même le patronat - c'eut été normal - il n'y a pas eu de véritable débat parlementaire, il y a eu la procédure d'urgence, ça se termine avec le 49.3, ça passe au Sénat toujours avec l'urgence, et donc on ne peut pas accepter cette brutalité et cette précarité.
Q - On va voir dans un instant les propositions alternatives, parce que, évidemment, c'est important, texte contre texte, mais s'agissant, encore une fois, de la mobilisation, qui est aujourd'hui à l'initiative de tout ça ? On a l'impression, au fond, que le Parti socialiste mobilise, mais que dans les universités il y a longtemps qu'ils sont mobilisés et qu'ils continuent. On a l'impression qu'ils ne vous ont pas tellement attendu, au fond.
R - Mais j'espère qu'ils nous ont pas attendu, nous ne sommes pas là pour donner l'impulsion, nous ne sommes pas un réseau, qui, à travers les militants du Parti socialiste, décide de mettre les universités en grève ou les jeunes dans la rue, et heureusement qu'il n'en est pas ainsi. Nous sommes dans une démocratie, où chacun doit prendre ses responsabilités. A nous, sur le plan parlementaire, nous avons combattu le texte, il va y avoir la motion de censure demain, et aux jeunes de dire, avec les formes qu'ils choisiront, leur refus d'une société de précarité. Et le Gouvernement a cru - et c'était là un calcul, à mon avis, tout à fait désagréable sur le plan démocratique - que pendant les vacances, il pouvait faire passer son texte, [qu'] il pouvait le faire passer d'autant plus facilement qu'il avait recouru à l'urgence, au 49.3 et que les jeunes, finalement, seraient pris ou par leurs partielles, ou par leurs examens, ou pas leurs vacances. Eh bien, finalement, c'est une leçon démocratique, les jeunes, quand on se préoccupe d'eux, ils se préoccupent aussi du Gouvernement qui leur fait un mauvais sort.
Q - Alors, venons-en là où se trouve vraiment l'importance, c'est-à-dire proposition contre proposition. Au CPE, vous opposez ou en tout cas vous proposez le contrat "sécurité formation". Qu'est-ce que c'est que le contrat "sécurité formation" ? Qu'est-ce que vous voulez défendre ?
R - D'abord, je voudrais que les choses soient bien claires pour nos auditeurs. Les jeunes, contrairement à ce qu'a dit le Premier ministre, ils finissent par rentrer sur le marché du travail avec un CDI. Un jeune sur trois est embauché, c'est encore trop peu, comme premier emploi, avec un CDI, c'est-à-dire un contrat à durée indéterminée. Et puis, au bout de trois ans, deux jeunes sur trois, c'est encore trop peu, sont embauchés, et donc sont dans l'emploi, avec un CDI. Alors, le CPE, c'est quoi ? C'est une formule précaire, je l'ai décrite tout à l'heure, qui va s'appliquer à tous les jeunes, y compris ceux qui, jusqu'à présent, rentraient avec un CDI. Mais il y a un vrai problème, quand même, dans la jeunesse, c'est celle qui est sans qualification, sans formation et qui, elle n'arrive pas à rentrer sur le marché du travail. D'où notre proposition d'un contrat "sécurité formation". Pour les 20 % de jeunes qui sont loin du marché du travail, qu'est-ce que nous proposons ? Un contrat durable, qui permettra une embauche, mais il est normal que l'employeur qui fera cet effort de formation, de requalification d'un jeune, bénéficie d'une subvention, d'une aide, d'un soutien, et c'est pour ça que c'est un accord, si je puis dire, donnant/donnant, gagnant/gagnant. L'employeur a un jeune qu'il peut qualifier, qu'il peut former à l'emploi, et l'Etat, et c'est normal, donne une subvention, exonère de cotisations sociales, l'employeur qui justement fait cet effort, et le jeune lui-même se forme dans l'emploi. Voilà ce que je crois être la bonne proposition. On répond à la demande qui est celle d'une jeunesse qui n'a pas la qualification pour rentrer dans l'emploi ; mais on ne fait pas une aide sans contrepartie et on donne la formation, celle qui est souhaitée par tous.
Q - Alors, proposition contre proposition, certains diront "enfin"... Comment réagissez-vous au sondage que publie Le Parisien en Une ce matin qui considère, tout de même, 53 % des Français interrogés par l'Institut CSA, qui jugent que vous n'avez pas de proposition crédible pour la période 2007, pour la prochaine présidentielle.
R - A nous de démontrer pendant les...
Q - Mais comment expliquez-vous ça, cette absence de...
R - C'est souvent vrai quand on s'oppose. Vous savez, quand on s'oppose, ça commence de la manière suivante : ? On ne s'oppose pas assez ? ; pendant trois ans, j'ai entendu ce refrain : ? Alors là, où est le Parti socialiste ? Il ne s'oppose pas assez ?. Et maintenant, on nous dirait ? Vous vous opposez trop, pas assez de propositions ?. Alors, nous sommes depuis plusieurs mois dans l'élaboration de nos propositions, nous avons même tenu un congrès pour ça, mais les Français, pour l'instant, ne sont pas à cette écoute-là ; alors, moi, je vais le faire, avec tous les amis socialistes, sur chaque sujet nous allons faire une contreproposition. Je vais prendre un exemple. Aujourd'hui, il y a les annonces des super profits de Total. Que fait-on ? Le Gouvernement dit : ? surtout rien, parce que ce serait mettre en cause une grande entreprise française ?. C'est une grande entreprise française, et c'est bien, je le dis, qu'elle fasse des bénéfices. Mais une partie de ces bénéfices doit retourner dans la préparation des énergies d'avenir, renouvelables notamment, et dans le transport collectif. Donc, proposition : nous pourrions créer une taxation exceptionnelle sur les super profits des entreprises pétrolières. Autre proposition : aujourd'hui, on dit, c'est vrai qu'il n'y a pas de répartition des profits et qu'il y a un problème de consommation, de pouvoir d'achat dans notre pays. Et moi je suis attentif à la fois à l'effort que doivent faire les entreprises pour investir, pour répondre à la mondialisation, et en même temps, à ce besoin de pouvoir d'achat. D'où la proposition que nous faisons : taxons davantage les bénéfices lorsqu'ils sont distribués aux actionnaires, mais taxons-les moins lorsqu'ils sont réinvestis dans l'entreprise ou redistribués. Je crois qu'il y a là des propositions qui peuvent permettre de comprendre que face à une société de précarité que propose la droite, la gauche, dans son ensemble, d'ailleurs, doit proposer une société de sécurité collective : sécurité professionnelle pour les transitions, lorsque l'on perd son emploi, sécurité sociale, parce qu'il y a les aléas de la vie, sécurité éducative, parce que c'est la le premier investissement, sécurité urbaine, parce que l'on voit bien la montée des violences. Donc, face à une société de la peur et qui justifie de cette peur pour faire de la précarité, nous devons donne des sécurités mais dire la vérité, parce que vous dites ? il faut faire des propositions ?, oui, bien sûr, mais il faut dire la vérité. Moi, je ne vais pas faire des propositions pour faire plaisir, je vais dire les propositions qui nous paraissent justes et qui nous paraissent pertinentes. Il y a le grand enjeu aujourd'hui, c'est l'excellence et l'égalité, il faut être à la fois les meilleurs et les plus justes, c'est comme ça que la France pourra peser dans la mondialisation.
Q - Mais alors, dire la vérité, est-ce que ce n'est pas dire aussi aujourd'hui que la gauche française a du mal à trouver un projet alternatif face à quelque chose qui existe, qui est l'économie de marché mondialisé et que pour l'instant, il n'y a pas de programme commun envisagé à gauche face à une telle réalité ?
R - Deux remarques. D'abord, bien sûr que c'est difficile de maîtriser le capitalisme à l'échelle du monde, mais ça l'a toujours été, et donc être socialiste, être de gauche, c'est plus compliqué qu'être de droite, parce qu'il faut proposer des solutions, parce qu'il faut maîtriser un certain nombre de données, mais il ne faut pas être non plus dans le fatalisme et dans la résignation.
Q - Non, mais, regardez un T. Blair ou une madame Merkel, aujourd'hui, ont des discours là-dessus, avec des projets.
R - Mais il y a aussi de la volonté politique. Dans chaque pays il doit y avoir une volonté politique et donc le rôle de la gauche française, c'est de proposer ce qui peut, dans un contexte que l'on connaît, qui est celui du marché, justement permettre des régulations, permettre des contreparties chaque fois qu'il y a soutien public, permettre qu'il y ait de la redistribution. Et puis, deuxièmement, bien sûr qu'il faut que la gauche se rassemble. Le Parti socialiste c'est le grand parti de la gauche, mais il ne veut pas gouverner seul, je l'ai souvent dit, et notamment à votre micro : ? nous, nous devons rassembler toute la gauche, parce que changer une société, proposer des réformes, faire, ce que je disais, l'excellence et l'égalité, ça suppose qu'il y ait une société elle-même mobilisée, et donc une gauche qui doit prendre ses responsabilités ?. Et moi je mets en cause une partie de cette gauche qui voudrait regarder le spectacle, qui voudrait critiquer sans cesse ceux qui se mettent aux responsabilités et qui, eux-mêmes, restent de côté.
Q - Pour terminer, tout de même, ce qui d'ailleurs, probablement, vous a fait le plus de tort, pléthore de candidats pour pas beaucoup de programme. Eh bien, une fois de plus, voilà, on a la liste, mais ... et une fois de plus, d'ailleurs, S. Royal en tête, en tout cas, à gauche. Les partisans du Parti socialiste la mettent assez largement en tête devant L. Jospin, et d'ailleurs une majorité de Français trouvent qu'elle ferait une assez bonne candidate. Et, simplement, juste un petit mot là-dessus, parce que, après tout, ça ne mérite pas tellement beaucoup plus que ça...
R - Eh bien non, si ça ne mérite pas plus que ça, on peut arrêter là... Il y a un projet qui doit être préparé, qui est préparé par le Parti socialiste, toutes les personnalités socialistes sont dans une commission du projet, les militants sont mobilisés, nous allons faire des dialogues à travers les états généraux du projet que va animer H. Emmanuelli, pour justement construire ensemble un certain nombre de propositions, j'en ai évoqué plusieurs. Et puis il y aura le choix d'un candidat ou d'une candidate en novembre prochain. Quand c'est en novembre, on ne va pas régler le problème au mois de février. Si vous voulez, moi je ne me plaints pas qu'il y ait plusieurs personnalités, il y a notamment une qui aujourd'hui a la faveur des Français, c'est bien, mais ce n'est pas le moment.
Q - Simplement, juste un tout petit point de détail, parce qu'il est important aussi. S. Royal disait, s'agissant d'elle et vous, ? ce sera entre nous que l'on décidera qui sera celui ou celle qui ira ?. Vous, répondez : "non, non, pas du tout, ce sont les militants". Alors, ce sera qui, finalement ?
R - Ecoutez, qu'elle m'en parle, ça viendra, j'imagine, le moment venu, et moi aussi, nous nous parlons, les uns les autres, d'ailleurs. Mais ce seront les militants socialistes qui choisiront, et puis que j'ai l'occasion de le dire : ? venez adhérer au Parti socialiste, ceux qui m'écoutez, vous voulez choisir le projet, LE PROJET. Vous pouvez justement participer à cette élaboration, vous voulez choisir le candidat ou la candidate, vous avez vos préférences, venez adhérer au Parti socialiste, vous pourrez décider. Pas simplement moi, et d'autres ?.
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2006
R - Comme toujours, le Parti socialiste arrive toujours à temps.
Q - Voilà. Alors, dépôt demain, donc, à l'Assemblée, d'une motion de censure. Mais à quoi sert-elle, au fond, sachant à l'avance, qu'évidemment elle ne passera pas cette motion ?
R - Eh bien, elle sert d'abord à répondre à ce qu'a été une procédure de brutalité de la part du Premier ministre, c'est-à-dire le recours à l'article 49.3 qui a fait que le texte sur le CPE a été adopté sans vote. Il était donc légitime qu'il y ait une réponse et une réponse parlementaire, mais aussi pour alerter l'opinion sur ce qu'est ce texte et sur ce qu'est la méthode du Gouvernement. Le texte, même s'il a été branché, greffé, sur un projet sur l'égalité des chances, en fait, va être inégalitaire et ne va pas donner ses chances à la jeunesse. Ce texte, il va aboutir à ce que l'employeur, pour tout jeune de moins de 26 ans, propose un contrat qu'il pourra délibérément rompre à tout moment et sans motif. Et donc, rien que pour cela, il est important de donner cette information. Après, il sera trop tard, encore faudra-t-il attendre 2007, là où est le grand rendez-vous démocratique. Et, deuxièmement, la méthode du Premier ministre, parce qu'il n'y a eu ni négociation sociale, avec les partenaires, les syndicats, y compris même le patronat - c'eut été normal - il n'y a pas eu de véritable débat parlementaire, il y a eu la procédure d'urgence, ça se termine avec le 49.3, ça passe au Sénat toujours avec l'urgence, et donc on ne peut pas accepter cette brutalité et cette précarité.
Q - On va voir dans un instant les propositions alternatives, parce que, évidemment, c'est important, texte contre texte, mais s'agissant, encore une fois, de la mobilisation, qui est aujourd'hui à l'initiative de tout ça ? On a l'impression, au fond, que le Parti socialiste mobilise, mais que dans les universités il y a longtemps qu'ils sont mobilisés et qu'ils continuent. On a l'impression qu'ils ne vous ont pas tellement attendu, au fond.
R - Mais j'espère qu'ils nous ont pas attendu, nous ne sommes pas là pour donner l'impulsion, nous ne sommes pas un réseau, qui, à travers les militants du Parti socialiste, décide de mettre les universités en grève ou les jeunes dans la rue, et heureusement qu'il n'en est pas ainsi. Nous sommes dans une démocratie, où chacun doit prendre ses responsabilités. A nous, sur le plan parlementaire, nous avons combattu le texte, il va y avoir la motion de censure demain, et aux jeunes de dire, avec les formes qu'ils choisiront, leur refus d'une société de précarité. Et le Gouvernement a cru - et c'était là un calcul, à mon avis, tout à fait désagréable sur le plan démocratique - que pendant les vacances, il pouvait faire passer son texte, [qu'] il pouvait le faire passer d'autant plus facilement qu'il avait recouru à l'urgence, au 49.3 et que les jeunes, finalement, seraient pris ou par leurs partielles, ou par leurs examens, ou pas leurs vacances. Eh bien, finalement, c'est une leçon démocratique, les jeunes, quand on se préoccupe d'eux, ils se préoccupent aussi du Gouvernement qui leur fait un mauvais sort.
Q - Alors, venons-en là où se trouve vraiment l'importance, c'est-à-dire proposition contre proposition. Au CPE, vous opposez ou en tout cas vous proposez le contrat "sécurité formation". Qu'est-ce que c'est que le contrat "sécurité formation" ? Qu'est-ce que vous voulez défendre ?
R - D'abord, je voudrais que les choses soient bien claires pour nos auditeurs. Les jeunes, contrairement à ce qu'a dit le Premier ministre, ils finissent par rentrer sur le marché du travail avec un CDI. Un jeune sur trois est embauché, c'est encore trop peu, comme premier emploi, avec un CDI, c'est-à-dire un contrat à durée indéterminée. Et puis, au bout de trois ans, deux jeunes sur trois, c'est encore trop peu, sont embauchés, et donc sont dans l'emploi, avec un CDI. Alors, le CPE, c'est quoi ? C'est une formule précaire, je l'ai décrite tout à l'heure, qui va s'appliquer à tous les jeunes, y compris ceux qui, jusqu'à présent, rentraient avec un CDI. Mais il y a un vrai problème, quand même, dans la jeunesse, c'est celle qui est sans qualification, sans formation et qui, elle n'arrive pas à rentrer sur le marché du travail. D'où notre proposition d'un contrat "sécurité formation". Pour les 20 % de jeunes qui sont loin du marché du travail, qu'est-ce que nous proposons ? Un contrat durable, qui permettra une embauche, mais il est normal que l'employeur qui fera cet effort de formation, de requalification d'un jeune, bénéficie d'une subvention, d'une aide, d'un soutien, et c'est pour ça que c'est un accord, si je puis dire, donnant/donnant, gagnant/gagnant. L'employeur a un jeune qu'il peut qualifier, qu'il peut former à l'emploi, et l'Etat, et c'est normal, donne une subvention, exonère de cotisations sociales, l'employeur qui justement fait cet effort, et le jeune lui-même se forme dans l'emploi. Voilà ce que je crois être la bonne proposition. On répond à la demande qui est celle d'une jeunesse qui n'a pas la qualification pour rentrer dans l'emploi ; mais on ne fait pas une aide sans contrepartie et on donne la formation, celle qui est souhaitée par tous.
Q - Alors, proposition contre proposition, certains diront "enfin"... Comment réagissez-vous au sondage que publie Le Parisien en Une ce matin qui considère, tout de même, 53 % des Français interrogés par l'Institut CSA, qui jugent que vous n'avez pas de proposition crédible pour la période 2007, pour la prochaine présidentielle.
R - A nous de démontrer pendant les...
Q - Mais comment expliquez-vous ça, cette absence de...
R - C'est souvent vrai quand on s'oppose. Vous savez, quand on s'oppose, ça commence de la manière suivante : ? On ne s'oppose pas assez ? ; pendant trois ans, j'ai entendu ce refrain : ? Alors là, où est le Parti socialiste ? Il ne s'oppose pas assez ?. Et maintenant, on nous dirait ? Vous vous opposez trop, pas assez de propositions ?. Alors, nous sommes depuis plusieurs mois dans l'élaboration de nos propositions, nous avons même tenu un congrès pour ça, mais les Français, pour l'instant, ne sont pas à cette écoute-là ; alors, moi, je vais le faire, avec tous les amis socialistes, sur chaque sujet nous allons faire une contreproposition. Je vais prendre un exemple. Aujourd'hui, il y a les annonces des super profits de Total. Que fait-on ? Le Gouvernement dit : ? surtout rien, parce que ce serait mettre en cause une grande entreprise française ?. C'est une grande entreprise française, et c'est bien, je le dis, qu'elle fasse des bénéfices. Mais une partie de ces bénéfices doit retourner dans la préparation des énergies d'avenir, renouvelables notamment, et dans le transport collectif. Donc, proposition : nous pourrions créer une taxation exceptionnelle sur les super profits des entreprises pétrolières. Autre proposition : aujourd'hui, on dit, c'est vrai qu'il n'y a pas de répartition des profits et qu'il y a un problème de consommation, de pouvoir d'achat dans notre pays. Et moi je suis attentif à la fois à l'effort que doivent faire les entreprises pour investir, pour répondre à la mondialisation, et en même temps, à ce besoin de pouvoir d'achat. D'où la proposition que nous faisons : taxons davantage les bénéfices lorsqu'ils sont distribués aux actionnaires, mais taxons-les moins lorsqu'ils sont réinvestis dans l'entreprise ou redistribués. Je crois qu'il y a là des propositions qui peuvent permettre de comprendre que face à une société de précarité que propose la droite, la gauche, dans son ensemble, d'ailleurs, doit proposer une société de sécurité collective : sécurité professionnelle pour les transitions, lorsque l'on perd son emploi, sécurité sociale, parce qu'il y a les aléas de la vie, sécurité éducative, parce que c'est la le premier investissement, sécurité urbaine, parce que l'on voit bien la montée des violences. Donc, face à une société de la peur et qui justifie de cette peur pour faire de la précarité, nous devons donne des sécurités mais dire la vérité, parce que vous dites ? il faut faire des propositions ?, oui, bien sûr, mais il faut dire la vérité. Moi, je ne vais pas faire des propositions pour faire plaisir, je vais dire les propositions qui nous paraissent justes et qui nous paraissent pertinentes. Il y a le grand enjeu aujourd'hui, c'est l'excellence et l'égalité, il faut être à la fois les meilleurs et les plus justes, c'est comme ça que la France pourra peser dans la mondialisation.
Q - Mais alors, dire la vérité, est-ce que ce n'est pas dire aussi aujourd'hui que la gauche française a du mal à trouver un projet alternatif face à quelque chose qui existe, qui est l'économie de marché mondialisé et que pour l'instant, il n'y a pas de programme commun envisagé à gauche face à une telle réalité ?
R - Deux remarques. D'abord, bien sûr que c'est difficile de maîtriser le capitalisme à l'échelle du monde, mais ça l'a toujours été, et donc être socialiste, être de gauche, c'est plus compliqué qu'être de droite, parce qu'il faut proposer des solutions, parce qu'il faut maîtriser un certain nombre de données, mais il ne faut pas être non plus dans le fatalisme et dans la résignation.
Q - Non, mais, regardez un T. Blair ou une madame Merkel, aujourd'hui, ont des discours là-dessus, avec des projets.
R - Mais il y a aussi de la volonté politique. Dans chaque pays il doit y avoir une volonté politique et donc le rôle de la gauche française, c'est de proposer ce qui peut, dans un contexte que l'on connaît, qui est celui du marché, justement permettre des régulations, permettre des contreparties chaque fois qu'il y a soutien public, permettre qu'il y ait de la redistribution. Et puis, deuxièmement, bien sûr qu'il faut que la gauche se rassemble. Le Parti socialiste c'est le grand parti de la gauche, mais il ne veut pas gouverner seul, je l'ai souvent dit, et notamment à votre micro : ? nous, nous devons rassembler toute la gauche, parce que changer une société, proposer des réformes, faire, ce que je disais, l'excellence et l'égalité, ça suppose qu'il y ait une société elle-même mobilisée, et donc une gauche qui doit prendre ses responsabilités ?. Et moi je mets en cause une partie de cette gauche qui voudrait regarder le spectacle, qui voudrait critiquer sans cesse ceux qui se mettent aux responsabilités et qui, eux-mêmes, restent de côté.
Q - Pour terminer, tout de même, ce qui d'ailleurs, probablement, vous a fait le plus de tort, pléthore de candidats pour pas beaucoup de programme. Eh bien, une fois de plus, voilà, on a la liste, mais ... et une fois de plus, d'ailleurs, S. Royal en tête, en tout cas, à gauche. Les partisans du Parti socialiste la mettent assez largement en tête devant L. Jospin, et d'ailleurs une majorité de Français trouvent qu'elle ferait une assez bonne candidate. Et, simplement, juste un petit mot là-dessus, parce que, après tout, ça ne mérite pas tellement beaucoup plus que ça...
R - Eh bien non, si ça ne mérite pas plus que ça, on peut arrêter là... Il y a un projet qui doit être préparé, qui est préparé par le Parti socialiste, toutes les personnalités socialistes sont dans une commission du projet, les militants sont mobilisés, nous allons faire des dialogues à travers les états généraux du projet que va animer H. Emmanuelli, pour justement construire ensemble un certain nombre de propositions, j'en ai évoqué plusieurs. Et puis il y aura le choix d'un candidat ou d'une candidate en novembre prochain. Quand c'est en novembre, on ne va pas régler le problème au mois de février. Si vous voulez, moi je ne me plaints pas qu'il y ait plusieurs personnalités, il y a notamment une qui aujourd'hui a la faveur des Français, c'est bien, mais ce n'est pas le moment.
Q - Simplement, juste un tout petit point de détail, parce qu'il est important aussi. S. Royal disait, s'agissant d'elle et vous, ? ce sera entre nous que l'on décidera qui sera celui ou celle qui ira ?. Vous, répondez : "non, non, pas du tout, ce sont les militants". Alors, ce sera qui, finalement ?
R - Ecoutez, qu'elle m'en parle, ça viendra, j'imagine, le moment venu, et moi aussi, nous nous parlons, les uns les autres, d'ailleurs. Mais ce seront les militants socialistes qui choisiront, et puis que j'ai l'occasion de le dire : ? venez adhérer au Parti socialiste, ceux qui m'écoutez, vous voulez choisir le projet, LE PROJET. Vous pouvez justement participer à cette élaboration, vous voulez choisir le candidat ou la candidate, vous avez vos préférences, venez adhérer au Parti socialiste, vous pourrez décider. Pas simplement moi, et d'autres ?.
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2006