Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames et Messieurs,
Le tourisme est l'une des rares activités dont la croissance, régulière, tranche avec les soubresauts que connaissent la plupart des autres activités. On a compté, en 2005, 800 millions de touristes internationaux et l'Organisation mondiale du tourisme prévoit, d'ici 2020, un doublement de ce chiffre. Les flux monétaires apportés par le tourisme international aux pays en développement représentent trois fois plus que l'ensemble de l'aide au développement versée par les pays membres de l'OCDE. Trois fois plus, j'insiste.
Pour autant, pouvons-nous afficher que dans le tourisme tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Non, assurément. Chacun d'entre nous connaît les méfaits provoqués par un tourisme mal contrôlé. Destruction de l'environnement, problèmes d'aménagement du territoire, atteintes aux cultures locales. C'est donc notre rôle à nous, gouvernants, responsables associatifs, professionnels du tourisme? d'être particulièrement vigilants sur les retombées du tourisme que nous mettons en oeuvre.
Pour autant je ne crois pas que nous devions opposer un tourisme de masse qui serait par nature destructeur à un tourisme solidaire qui serait paré de toutes les vertus.
Le tourisme est d'abord une activité économique, dont la fonction est de générer de la richesse. A nous de nous interroger sans cesse sur les effets de chaque forme de tourisme, sur chaque segment d'activité. A nous de veiller au meilleur partage possible de cette richesse tout en protégeant notre capital humain, naturel et culturel. A nous de veiller à ce que les populations locales soient au coeur du développement touristique.
La France est la première destination touristique mondiale, avec 75 millions de touristes chaque année. C'est peut-être pour cela que nous avons pris conscience, très tôt, il y a près de 50 ans, que le tourisme n'était pas seulement l'affaire de Paris ou de la Côte d'Azur. Le tourisme pouvait jouer un rôle important dans le développement économique de nos campagnes. Sachant que notre agriculture avait de moins en moins besoin d'emplois, il fallait trouver des compléments de revenus à cette population rurale, voire de nouvelles activités.
A travers le concept de gîte rural qui s'est largement développé depuis, les visiteurs sont accueillis dans des hébergements ruraux, le plus souvent des exploitations agricoles, pour partager une partie de la vie des populations locales. Aujourd'hui, la formule est un tel succès que la fédération des gîtes ruraux compte plus 56 000 hébergements.
C'était une forme première de tourisme solidaire, même si le concept n'existait pas à l'époque. Il y manquait, d'ailleurs, la notion de prise en charge de son destin par une communauté, l'accent étant plutôt mis sur le développement individuel.
Plus récemment, une mine de charbon du Nord de la France a été reconvertie en site touristique. D'un côté, les anciens mineurs et leur famille y trouvent un complément de revenu non négligeable. D'un autre côté, les nombreux visiteurs comprennent ce qu'était la vie au fond de la mine. Au total, deux mondes qui, jusqu'alors, vivaient très éloignés finissent par se rencontrer, permettant la survie économique d'une petite région qui avait vu disparaître tous ses emplois. Cet exemple montre bien que le tourisme solidaire n'est pas seulement une idée pour les pays en développement mais qu'il intéresse tout le monde.
Face à cette vocation, le tourisme solidaire prend désormais des formes de plus en plus élaborées. Très récemment, je suis allé près d'Agadir, dans le sud du Maroc, pour évaluer les projets menés par l'ONG franco-marocaine Migrations et développement. Créée par des émigrés marocains vivant en France, elle monte des projets de développement durable dans leur village d'origine, avec des financements très différents. L'un de leurs contributeurs les plus originaux est l'association française Tourism for Development dont les ressources proviennent essentiellement des professionnels du tourisme.
Migrations et développement a su parfaitement intégrer, dès le départ, les communautés de villages dans la définition et la mise en oeuvre de projets aussi différents que le creusement de puits permettant une scolarisation des enfants qui n'ont plus à transporter l'eau, la création de petits ateliers de transformation agricole ou bien encore la construction de petits hébergements touristiques dans les villages.
Depuis l'envol du tourisme durable, il y a une dizaine d'années, les projets comme celui-ci se sont multipliés sur tous les continents.
Aujourd'hui quel est l'enjeu ? c'est de passer d'une phase d'échange d'expériences à une phase de mise en réseau, de diffusion et surtout de valorisation économique de ces projets.
Il me semble que le secteur est mûr pour passer à une phase de promotion sur des bases plus professionnelles, pour amplifier l'impact sur le développement économique des communautés concernées. Nous avons des outils, nous avons des expériences, nous avons de la demande. A nous de mettre toutes les composantes ensemble pour en tirer des projets de substance !
Mais que cela soit clair. Il ne s'agit pas de briser sur l'autel de la rentabilité l'élan de générosité qui anime nombre de promoteurs de ces projets. Il ne s'agit pas de créer des multinationales du tourisme solidaire. Il s'agit seulement de valoriser, au mieux, les projets de tourisme solidaire sans en altérer l'esprit et les spécificités.
Ce qui me rend confiant dans ce mouvement, c'est que, de plus en plus, nous pouvons compter sur les touristes eux-mêmes. Une étude menée très récemment par le ministère français des Affaires étrangères et l'Union nationale des associations de tourisme montre que 66 % des personnes interrogées se sont montrées intéressées par le concept de tourisme solidaire, lorsqu'il leur était expliqué, et que 7 % seraient prêtes à partir en vacances dans ce cadre.
En vérité ces résultats ne sont pas étonnants. Nous sentons bien monter un sentiment fort chez un nombre croissant de touristes. L'idée de ne pas bronzer idiot ?pardonnez-moi cette expression très française-, l'idée que partir à l'étranger c'est découvrir une autre culture et manifester une solidarité des riches vers les moins riches. Il ne s'agit pas de renoncer au repos, aux loisirs, mais simplement de tenir compte de l'Autre quand on se rend chez lui.
Cette évolution, nous la mesurons aussi dans le domaine du commerce équitable. Là aussi, il nous faut quitter le domaine confidentiel des produits de niche pour aller vers des circuits de distribution "normaux". Pour cela, il est essentiel d'offrir au consommateur des garanties, en contrepartie de leur engagement à payer les produits équitables plus cher.
C'est la raison pour laquelle la France s'est résolument engagée dans une démarche de normalisation pour rattraper le retard qu'elle a dans le développement du commerce équitable par rapport à d'autres pays européens. Mon collègue en charge du commerce, il s'agissait à l'époque de Christian Jacob, est venu ici, au Mexique, en février 2005, pour visiter la coopération du Père Francisco Van der Hoff, le fondateur du concept de commerce équitable, et en est revenu avec des convictions renforcées.
C'est ainsi qu'une commission réunissant toutes les parties concernées établira un référentiel pour tout organisme se réclamant du commerce équitable et s'inspirera des standards et des pratiques existant au niveau international. Parallèlement, nous mettons en place un système d'agrément des organismes qui certifieront que la démarche du commerce équitable a été respectée.
En même temps, notre ministère des Affaires étrangères continuera à soutenir financièrement les organismes de commerce équitable. Il met ainsi en place un projet de 5 millions d'euros visant à ouvrir le marché français par un renforcement des circuits de distribution, l'introduction de nouveaux produits et l'appui à des projets montés dans les pays du Sud.
A partir de là, on voit bien apparaître le rôle respectif des Etats et des acteurs du tourisme durable ou du commerce équitable. Premièrement les Etats sont là pour soutenir ces activités par le minimum de règles nécessaires, par des appuis financiers au démarrage. Sur ce dernier point, j'insisterais sur l'importance de la finance solidaire.
Une des évolutions de l'aide au développement qu'il faut encourager, c'est le recours au micro-crédit. Non pas en intervenant directement dans les prêts mais en appuyant les institutions financières locales à la fois par des crédits qui leur permettent d'accroître leurs ressources disponibles, par de l'assistance technique pour que leur intervention soit la plus professionnelle possible et par des échanges d'expériences. L'Agence française de développement s'est clairement engagée dans cette voie et son action dans le tourisme solidaire pourra désormais être renforcée par l'expertise du pôle ingénierie publique du ministère du Tourisme.
Deuxième rôle des Etats, contribuer faire évoluer les idées et à donner une nouvelle dimension à certains projets. Ainsi, pendant trop longtemps la réflexion sur le développement des pays les moins riches s'est concentrée sur le niveau de l'aide apportée par les pays les plus riches. C'est important, certes, mais ce n'est pas suffisant. Il y a d'abord un aspect quantitatif, c'est-à-dire la difficulté qu'ont les pays riches, confrontés à des problèmes budgétaires croissants, à dégager les ressources nécessaires.
De là l'initiative du président Jacques Chirac de proposer le recours à des financements innovants. La taxation des billets d'avion qui sera lancée en France, le 1er juillet prochain, devrait rapporter 200 millions d'euros par an pour financer la lutte contre les grandes maladies dans les pays les plus pauvres. C'est là une forme particulière de tourisme solidaire puisque ce sont essentiellement les touristes qui paieront la taxe, à travers leurs voyages. Nous espérons que la dizaine de pays qui ont récemment décidé de suivre la même voie seront suivis par tous ceux qui, aux Nations Unies, ont annoncé leur soutien.
Il y a aussi un aspect qualitatif dans les politiques de développement. Je prendrais comme exemple un autre aspect du tourisme durable, la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme. 3 millions d'enfants en sont encore les victimes, malgré les efforts menés par beaucoup d'Etats, par l'Organisation mondiale du Tourisme et par l'Union européenne. Depuis quatre ans que je suis ministre du Tourisme, j'ai fait travailler ensemble les six ministères concernés, pour développer la prévention à travers notre système éducatif, accroître la répression en favoriser les poursuites contre les Français agissant à l'étranger et mettre en place une coopération internationale et européenne.
Pour conclure, j'insisterai sur quatre idées :
- le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, c'est une idée moderne. Il ne s'agit pas de revenir à une situation passée et dépassée. Comme signe de modernité, je mentionnerais les promesses d'Internet, en tant que véhicule de promotion des produits solidaires. C'est l'une des meilleurs manières de surmonter les obstacles des réseaux de distribution.
- Le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, constitue une nouvelle forme d'échanges, fondés non pas sur la concurrence mais sur la complémentarité et la mise en réseau. Dans ces réseaux, on trouve tous les acteurs d'un filière, les producteurs aussi bien que les distributeurs et les consommateurs.
- Le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, apporte une part de réponse à ceux qui craignent la mondialisation des économies. Des communautés, des régions longtemps tenues à l'écart du développement économique se trouvent ainsi insérées dans un réseau mondial générateur de nouvelles ressources
- Le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, doit être l'occasion de nouvelles relations entre pays riches et pays moins riches, en matière de développement, à travers la mise en oeuvre commune de projets. En Amérique centrale, la mise en valeur des sites parmi les plus prestigieux de la planète est menée conjointement par la direction du tourisme du système d'intégration centre-américain, l'Unesco, la coopération française, en association étroite avec les populations locales.
A partir de là, je formulerai tout simplement le voeu que nous soyons solidaires dans nos rêves, solidaires dans nos ambitions, solidaires dans nos engagements.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mars 2006
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames et Messieurs,
Le tourisme est l'une des rares activités dont la croissance, régulière, tranche avec les soubresauts que connaissent la plupart des autres activités. On a compté, en 2005, 800 millions de touristes internationaux et l'Organisation mondiale du tourisme prévoit, d'ici 2020, un doublement de ce chiffre. Les flux monétaires apportés par le tourisme international aux pays en développement représentent trois fois plus que l'ensemble de l'aide au développement versée par les pays membres de l'OCDE. Trois fois plus, j'insiste.
Pour autant, pouvons-nous afficher que dans le tourisme tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Non, assurément. Chacun d'entre nous connaît les méfaits provoqués par un tourisme mal contrôlé. Destruction de l'environnement, problèmes d'aménagement du territoire, atteintes aux cultures locales. C'est donc notre rôle à nous, gouvernants, responsables associatifs, professionnels du tourisme? d'être particulièrement vigilants sur les retombées du tourisme que nous mettons en oeuvre.
Pour autant je ne crois pas que nous devions opposer un tourisme de masse qui serait par nature destructeur à un tourisme solidaire qui serait paré de toutes les vertus.
Le tourisme est d'abord une activité économique, dont la fonction est de générer de la richesse. A nous de nous interroger sans cesse sur les effets de chaque forme de tourisme, sur chaque segment d'activité. A nous de veiller au meilleur partage possible de cette richesse tout en protégeant notre capital humain, naturel et culturel. A nous de veiller à ce que les populations locales soient au coeur du développement touristique.
La France est la première destination touristique mondiale, avec 75 millions de touristes chaque année. C'est peut-être pour cela que nous avons pris conscience, très tôt, il y a près de 50 ans, que le tourisme n'était pas seulement l'affaire de Paris ou de la Côte d'Azur. Le tourisme pouvait jouer un rôle important dans le développement économique de nos campagnes. Sachant que notre agriculture avait de moins en moins besoin d'emplois, il fallait trouver des compléments de revenus à cette population rurale, voire de nouvelles activités.
A travers le concept de gîte rural qui s'est largement développé depuis, les visiteurs sont accueillis dans des hébergements ruraux, le plus souvent des exploitations agricoles, pour partager une partie de la vie des populations locales. Aujourd'hui, la formule est un tel succès que la fédération des gîtes ruraux compte plus 56 000 hébergements.
C'était une forme première de tourisme solidaire, même si le concept n'existait pas à l'époque. Il y manquait, d'ailleurs, la notion de prise en charge de son destin par une communauté, l'accent étant plutôt mis sur le développement individuel.
Plus récemment, une mine de charbon du Nord de la France a été reconvertie en site touristique. D'un côté, les anciens mineurs et leur famille y trouvent un complément de revenu non négligeable. D'un autre côté, les nombreux visiteurs comprennent ce qu'était la vie au fond de la mine. Au total, deux mondes qui, jusqu'alors, vivaient très éloignés finissent par se rencontrer, permettant la survie économique d'une petite région qui avait vu disparaître tous ses emplois. Cet exemple montre bien que le tourisme solidaire n'est pas seulement une idée pour les pays en développement mais qu'il intéresse tout le monde.
Face à cette vocation, le tourisme solidaire prend désormais des formes de plus en plus élaborées. Très récemment, je suis allé près d'Agadir, dans le sud du Maroc, pour évaluer les projets menés par l'ONG franco-marocaine Migrations et développement. Créée par des émigrés marocains vivant en France, elle monte des projets de développement durable dans leur village d'origine, avec des financements très différents. L'un de leurs contributeurs les plus originaux est l'association française Tourism for Development dont les ressources proviennent essentiellement des professionnels du tourisme.
Migrations et développement a su parfaitement intégrer, dès le départ, les communautés de villages dans la définition et la mise en oeuvre de projets aussi différents que le creusement de puits permettant une scolarisation des enfants qui n'ont plus à transporter l'eau, la création de petits ateliers de transformation agricole ou bien encore la construction de petits hébergements touristiques dans les villages.
Depuis l'envol du tourisme durable, il y a une dizaine d'années, les projets comme celui-ci se sont multipliés sur tous les continents.
Aujourd'hui quel est l'enjeu ? c'est de passer d'une phase d'échange d'expériences à une phase de mise en réseau, de diffusion et surtout de valorisation économique de ces projets.
Il me semble que le secteur est mûr pour passer à une phase de promotion sur des bases plus professionnelles, pour amplifier l'impact sur le développement économique des communautés concernées. Nous avons des outils, nous avons des expériences, nous avons de la demande. A nous de mettre toutes les composantes ensemble pour en tirer des projets de substance !
Mais que cela soit clair. Il ne s'agit pas de briser sur l'autel de la rentabilité l'élan de générosité qui anime nombre de promoteurs de ces projets. Il ne s'agit pas de créer des multinationales du tourisme solidaire. Il s'agit seulement de valoriser, au mieux, les projets de tourisme solidaire sans en altérer l'esprit et les spécificités.
Ce qui me rend confiant dans ce mouvement, c'est que, de plus en plus, nous pouvons compter sur les touristes eux-mêmes. Une étude menée très récemment par le ministère français des Affaires étrangères et l'Union nationale des associations de tourisme montre que 66 % des personnes interrogées se sont montrées intéressées par le concept de tourisme solidaire, lorsqu'il leur était expliqué, et que 7 % seraient prêtes à partir en vacances dans ce cadre.
En vérité ces résultats ne sont pas étonnants. Nous sentons bien monter un sentiment fort chez un nombre croissant de touristes. L'idée de ne pas bronzer idiot ?pardonnez-moi cette expression très française-, l'idée que partir à l'étranger c'est découvrir une autre culture et manifester une solidarité des riches vers les moins riches. Il ne s'agit pas de renoncer au repos, aux loisirs, mais simplement de tenir compte de l'Autre quand on se rend chez lui.
Cette évolution, nous la mesurons aussi dans le domaine du commerce équitable. Là aussi, il nous faut quitter le domaine confidentiel des produits de niche pour aller vers des circuits de distribution "normaux". Pour cela, il est essentiel d'offrir au consommateur des garanties, en contrepartie de leur engagement à payer les produits équitables plus cher.
C'est la raison pour laquelle la France s'est résolument engagée dans une démarche de normalisation pour rattraper le retard qu'elle a dans le développement du commerce équitable par rapport à d'autres pays européens. Mon collègue en charge du commerce, il s'agissait à l'époque de Christian Jacob, est venu ici, au Mexique, en février 2005, pour visiter la coopération du Père Francisco Van der Hoff, le fondateur du concept de commerce équitable, et en est revenu avec des convictions renforcées.
C'est ainsi qu'une commission réunissant toutes les parties concernées établira un référentiel pour tout organisme se réclamant du commerce équitable et s'inspirera des standards et des pratiques existant au niveau international. Parallèlement, nous mettons en place un système d'agrément des organismes qui certifieront que la démarche du commerce équitable a été respectée.
En même temps, notre ministère des Affaires étrangères continuera à soutenir financièrement les organismes de commerce équitable. Il met ainsi en place un projet de 5 millions d'euros visant à ouvrir le marché français par un renforcement des circuits de distribution, l'introduction de nouveaux produits et l'appui à des projets montés dans les pays du Sud.
A partir de là, on voit bien apparaître le rôle respectif des Etats et des acteurs du tourisme durable ou du commerce équitable. Premièrement les Etats sont là pour soutenir ces activités par le minimum de règles nécessaires, par des appuis financiers au démarrage. Sur ce dernier point, j'insisterais sur l'importance de la finance solidaire.
Une des évolutions de l'aide au développement qu'il faut encourager, c'est le recours au micro-crédit. Non pas en intervenant directement dans les prêts mais en appuyant les institutions financières locales à la fois par des crédits qui leur permettent d'accroître leurs ressources disponibles, par de l'assistance technique pour que leur intervention soit la plus professionnelle possible et par des échanges d'expériences. L'Agence française de développement s'est clairement engagée dans cette voie et son action dans le tourisme solidaire pourra désormais être renforcée par l'expertise du pôle ingénierie publique du ministère du Tourisme.
Deuxième rôle des Etats, contribuer faire évoluer les idées et à donner une nouvelle dimension à certains projets. Ainsi, pendant trop longtemps la réflexion sur le développement des pays les moins riches s'est concentrée sur le niveau de l'aide apportée par les pays les plus riches. C'est important, certes, mais ce n'est pas suffisant. Il y a d'abord un aspect quantitatif, c'est-à-dire la difficulté qu'ont les pays riches, confrontés à des problèmes budgétaires croissants, à dégager les ressources nécessaires.
De là l'initiative du président Jacques Chirac de proposer le recours à des financements innovants. La taxation des billets d'avion qui sera lancée en France, le 1er juillet prochain, devrait rapporter 200 millions d'euros par an pour financer la lutte contre les grandes maladies dans les pays les plus pauvres. C'est là une forme particulière de tourisme solidaire puisque ce sont essentiellement les touristes qui paieront la taxe, à travers leurs voyages. Nous espérons que la dizaine de pays qui ont récemment décidé de suivre la même voie seront suivis par tous ceux qui, aux Nations Unies, ont annoncé leur soutien.
Il y a aussi un aspect qualitatif dans les politiques de développement. Je prendrais comme exemple un autre aspect du tourisme durable, la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme. 3 millions d'enfants en sont encore les victimes, malgré les efforts menés par beaucoup d'Etats, par l'Organisation mondiale du Tourisme et par l'Union européenne. Depuis quatre ans que je suis ministre du Tourisme, j'ai fait travailler ensemble les six ministères concernés, pour développer la prévention à travers notre système éducatif, accroître la répression en favoriser les poursuites contre les Français agissant à l'étranger et mettre en place une coopération internationale et européenne.
Pour conclure, j'insisterai sur quatre idées :
- le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, c'est une idée moderne. Il ne s'agit pas de revenir à une situation passée et dépassée. Comme signe de modernité, je mentionnerais les promesses d'Internet, en tant que véhicule de promotion des produits solidaires. C'est l'une des meilleurs manières de surmonter les obstacles des réseaux de distribution.
- Le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, constitue une nouvelle forme d'échanges, fondés non pas sur la concurrence mais sur la complémentarité et la mise en réseau. Dans ces réseaux, on trouve tous les acteurs d'un filière, les producteurs aussi bien que les distributeurs et les consommateurs.
- Le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, apporte une part de réponse à ceux qui craignent la mondialisation des économies. Des communautés, des régions longtemps tenues à l'écart du développement économique se trouvent ainsi insérées dans un réseau mondial générateur de nouvelles ressources
- Le tourisme solidaire, comme le commerce équitable, doit être l'occasion de nouvelles relations entre pays riches et pays moins riches, en matière de développement, à travers la mise en oeuvre commune de projets. En Amérique centrale, la mise en valeur des sites parmi les plus prestigieux de la planète est menée conjointement par la direction du tourisme du système d'intégration centre-américain, l'Unesco, la coopération française, en association étroite avec les populations locales.
A partir de là, je formulerai tout simplement le voeu que nous soyons solidaires dans nos rêves, solidaires dans nos ambitions, solidaires dans nos engagements.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mars 2006