Discours de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur la construction du programme électoral du parti pour une société conciliant égalité et excellence avec des priorités en matière d'éducation, d'accès à l'emploi et au logement, de lutte contre les discriminations, Bondy le 25 mars 2006.

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Circonstance : Etats Généraux du projet organisés par le parti socialiste sur la thématique - "La République pour tous" à Bondy le 25 mars 2006

Texte intégral

Chers Camarades,
Nous sommes dans un moment particulier. Pas simplement par la préparation d'une alternance -elle viendra à son heure, mais par les mouvements, par la jeunesse qui ne nous demande pas simplement un appui, un soutien dans la lutte qu'elle a engagée contre le CPE, contre le gouvernement, mais déjà des réponses pour que nous lui disions la place, l'avenir qui doivent être la sienne dans la décennie qui vient.
Il y a une autre interpellation qui nous est adressée : Est-ce que nous ferions différemment dans la démarche et dans la méthode ? Marquerions-nous nos différences dans la proposition ?
Nous avons déjà montré -modestement sûrement- dans cette première étape -Les Etats généraux du Projet- que nous étions à l'écoute, en dialogue, en consultation -y compris avec nous-mêmes, avec nos élus qui nous interpellent sur ce que nous aurions dû faire, sur l'urgence de ce qui nous attend et sur les exigences que ces élus placent en priorité. La gauche et le Parti socialiste doivent être exemplaires dans ce moment. Exemplaires, nous l'avons été dans la volonté qui a été la nôtre, lors de notre dernier congrès, de nous retrouver tous ensemble ; exemplaires, nous devons l'être encore dans notre démarche de rassemblement de la gauche -en ce moment même un Parti ami tient son congrès et s'interroge sur sa stratégie- car la gauche doit, avec nous, avec celle qui veut gouverner, prendre sa part et il n'y a pas d'autre alternative. On peut imaginer d'autres regroupements à la condition qu'ils finissent, à un moment, par grossir le flot de ceux qui ne veulent pas simplement refuser, repousser, mais construire et construire ensemble.
Nous ne bâtissons pas notre projet en partant de nulle part ; nous avons déjà fait la motion de synthèse au Congrès ; nous avons travaillé et la Commission nationale du projet s'y atèle depuis plusieurs mois ; et vous, militants, sympathisants et autres formations de gauche, vous nous apportez votre contribution.
Nous sommes à un moment où le projet doit prendre forme. Nous en connaissons les principes : il faut une société qui concilie l'égalité -sans laquelle rien n'est possible dans la République- et l'excellence -sans laquelle il n'y a pas de réussite individuelle et collective.
Nous considérons, parce que nous sommes socialistes, que c'est l'égalité qui permet la réussite et que la réussite doit être au service de l'égalité, qu'il ne peut pas y avoir d'un côté ceux qui tirent le plus grand profit de la production des richesses des autres et, de l'autre côté, une masse de citoyens qui doutent encore de leur sort même, de la stabilité de leur emploi et de l'avenir de leurs projets individuels ou familiaux. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas simplement fixer les fondements, mais offrir la perspective, donner du sens.
Aujourd'hui, toute la question qui est posée -pas simplement aux responsables politiques, ceux qui sont au gouvernement pour quelques mois encore ou ceux qui aspirent à y parvenir, mais aussi à l'ensemble des citoyens- est la suivante : avons-nous, de nouveau, confiance dans l'avenir ? Portons-nous un projet collectif ? Sommes-nous capables de nous rassembler au-delà de nos différences, de nos singularités, de nos écarts de richesse ? Sommes-nous capables de former une Nation qui porte en elle une ambition collective. C'est ce que nous devons dire avant l'échéance de 2007.
Nous sommes confrontés à une actualité lourde. Au moment où nous concluons nos travaux sur cette première étape d'élaboration de notre projet, je ne peux occulter ce combat engagé depuis près de 3 mois par les jeunes et les grands syndicats salariés -du public comme du privé- contre le CPE. C'est vrai qu'il peut y avoir un doute après tant de force exprimée, tant d'engagement, tant de mobilisation et de voir autant de surdité de la part du pouvoir, autant de manoeuvre, de retardement, autant d'incapacité au dialogue. Nous devons dire que l'attitude du Premier ministre est grave ; pas simplement grave pour sa majorité -c'est son affaire, mais grave pour le pays. Nous sommes devant une situation insupportable, inacceptable, injustifiable, lorsque tant de forces rassemblées, de jeunes, de syndicalistes, de citoyens s'opposent à une mesure injuste -qu'au sein même de la majorité, beaucoup considèrent comme inutile et qu'au sein même du patronat, les plus éclairés considèrent qu'elle est même inefficace.
Comment comprendre cette obstination ? Comment comprendre cette manière d'agir ? Elle n'est d'ailleurs pas compréhensible? Tantôt on souffle le chaud, tantôt on souffle le froid ! Un jour, on ouvre la porte, le lendemain, on la referme ! Hier, le Premier ministre recevait les syndicats pour ne rien leur dire ; aujourd'hui, il ne reçoit pas les syndicats étudiants pour leur dire, paraît-il, quelque chose ! Hier, on nous dit que le CPE ne peut pas être retiré (toute la loi, rien que la loi), qu'en aucun cas, il est possible de changer quoi que ce soit à la loi sur le CPE et, aujourd'hui, on nous dit qu'il serait peut-être possible d'en modifier un certain nombre de principes? !
Le Premier ministre louvoie, tergiverse, biaise, comme s'il voulait gagner du temps, comme s'il voulait dresser une partie de la jeunesse contre une autre -c'est ce qui a été tenté ces derniers jours- en disant « Attention, les banlieues arrivent », sous-entendu des incidents sont possibles, comme s'il y avait plusieurs jeunesse, comme si la jeunesse des banlieues n'était pas elle-même confrontée à la précarité et opposée au CPE et à tout ce qui fait que le contrat de travail pourrait être déchiré du jour au lendemain. Il faut lutter contre tous les fauteurs de trouble et autres utilisateurs de la violence qui dénaturent un mouvement, qui le disqualifient. Mais, il faut aller plus loin car ces incidents servent ceux qui ne veulent rien changer dans le CPE pour passer d'un problème social majeur à un problème d'ordre public. Mais, si l'on ne veut pas qu'il y ait des problèmes d'ordre public -et nous ne le voulons pas, si l'on veut pas d'une jeunesse obligée de recourir à la rue pour exprimer ses droits, si l'on ne veut pas d'arrêts de travail et de salariés mécontents, il suffit de prendre une décision simple, claire : retirer le CPE et le plus vite sera le mieux.
Nous avons aussi à préparer l'avenir et c'est la raison de notre réunion. Nous avons à nous adresser d'abord, dans le cadre de la République pour tous, celle que nous voulons, à la jeunesse de notre pays, à celle qui a été profondément tourmentée au cours du mois de novembre par les actes de violence -dont elle a été elle-même victime, à cette jeunesse qui veut sa place dans la société, qui refuse les discriminations, qui n'accepte plus la relégation qui lui est réservée, qui ne veut plus des ghettos et qui demande à prendre toute sa part de la République et qui veut voit les devises de la République appliquées et pas seulement proclamée au fronton des monuments officiels. Cette jeunesse-là attend beaucoup de nous, les populations des quartiers attendent beaucoup de nous. Je veux d'ailleurs saluer le rôle des élus -souvent de gauche- qui, pendant ces derniers mois, ont fait tout ce qu'il était possible de faire pour éviter le pire. Mais le pire est là? Que constate-on ? Trois ou quatre mois après les événements, les promesses faites par le gouvernement n'ont pas été tenues et qu'il y a de nouveau tout à craindre, surtout si l'on veut attiser la braise.
Nous devons nous adresser à toute la jeunesse de France pour lui dire que nous avons le devoir de lui préparer un avenir.
L'EDUCATION
C'est pourquoi, la première priorité pour nous est l'Education qui doit permettre à chaque citoyen, chaque citoyenne d'??tre sûr de pouvoir accéder, à tout moment, au savoir et à la connaissance. Il n'est pas acceptable aujourd'hui que 120 000 jeunes sortent du système scolaire sans formation ; il n'est pas admissible que 42% seulement des enfants d'ouvriers accèdent au secondaire contre 90 % des enfants de cadres ; les inégalités scolaires sont au coeur des inégalités sociales et inversement.
Comment faire, alors ? Nous ouvrons des pistes. Elles seront discutées. Tout d'abord, tout enfant à partir de 3 ans doit être scolarisé ; il faut rappeler le principe de la scolarité obligatoire au plus tôt de la vie. Et si nous nous sommes opposés au projet de loi sur l'égalité des chances, lors des débats à l'Assemblée nationale ou au Sénat, c'est parce que nous trouvions inacceptable que l'on puisse réduire l'obligation scolaire et renvoyer beaucoup de jeunes, dès 14 ans, en apprentissage. De la même manière, nous n'avons pas accepté et nous n'accepterons jamais que l'on puisse réintroduire le travail de nuit pour les jeunes dès 15 ans, comme si c'était la perspective !
Obligation scolaire, oui ; mais aussi accompagnement individuel de tout élève du primaire car nous savons bien qu'aujourd'hui existe une marchandisation de l'école, qu'il y a la possibilité pour certaines catégories d'avoir l'appui nécessaire pour la première difficulté dans l'école quand d'autres n'ont aucun appui, aucun soutien. Là, se creusent encore de nouvelles inégalités. Il faut que chaque lycée, où qu'il soit, puisse permettre des parcours d'excellence. C'est pourquoi nous faisons la proposition suivante : que les meilleurs élèves de chaque lycée puisse accéder aux classes préparatoires et aux universités. Il faudra aussi, dans l'université, prévoir un rattrapage, un redressement ; il n'est pas acceptable que l'université française soit en retard par rapport à toutes les autres et qu'il y ait aussi peu de moyens accorder à chaque étudiant, aussi peu de soutien. Ce sont encore une nouvelle fois les enfants des classes moyennes et des classes populaires qui en sont les victimes.
Enfin, nous ouvrirons le droit à la formation tout au long de la vie qui doit permettre à ceux qui n'ont pas eu la formation initiale nécessaire de pouvoir avoir des droits à faire valoir tout au long de leur parcours professionnel.
L'EMPLOI
Nous devons garantir pour chacun l'accès à l'emploi. Là aussi, nous devons poser un principe : chaque jeune de moins de 26 ans doit être en parcours de formation ou en emploi pour ne pas se retrouver en situation de chômage permanent, structurel. Il n'est pas acceptable qu'un jeune puisse rester plus de 6 mois au chômage. Ce n'est pas seulement un problème d'allocation, de revenu que l'on peut régler par ailleurs. C'est un problème de dignité, de droits de citoyen de pouvoir obtenir un salaire en contrepartie d'un travail. Pour cela, nous faisons notamment la proposition d'une allocation d'insertion professionnelle pour permettre un « coup de main » dans l'accès à l'emploi plutôt que le « coup de pied » du CPE.
Nous voudrions que le CDI soit la règle pour entrée sur le marché du travail et qu'on en finisse avec ces formules précaires.
Une solution, parmi d'autres, pourrait être de relever les cotisations sociales sur les contrats précaires et d'abaisser, pour les employeurs, les cotisations sociales sur les contrats à durée indéterminée.
De la même manière, le Service Civique Obligatoire n'est pas simplement une contrainte que l'on imposerait aux jeunes au prétexte d'être citoyen. Cela doit être une chance pour chaque jeune, fille ou garçon, d'offrir d'abord le meilleur de lui-même à la collectivité ; cela doit aussi être un moyen de s'insérer, un moyen d'être utile et d'aller vers l'emploi. C'est un grand défi, mais c'est une mesure essentielle si l'on veut donner de la cohésion, de la force et aussi de la solidarité entre jeunes. Combien de jeunes pourraient ainsi offrir leur service dans le cadre de l'accompagnement scolaire dans les quartiers les plus difficiles ! Combien de jeunes, à travers ce soutien à l'emploi, pourraient à beaucoup de ceux qui sont sans qualification de rechercher du travail ! Combien pourraient lutter efficacement contre les discriminations en accompagnant les jeunes pour empêcher les procédures infamantes puisque discriminantes !
LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Nous fixons tous le principe de l'égalité, mais nous commençons par nous méfier parce que nous ne voulons pas nous payer de mots, parce que l'attitude du pouvoir depuis 2002 -et Jacques Chirac était un spécialiste, il a trouvé des successeurs en cette matière- est de prendre tous les mots qui existent, même les plus beaux « égalité, République, démocratie, laïcité? » pour les détourner de leur sens. On le voit bien à travers la lutte contre les discriminations. Il ne s'agit pas de faire une « haute autorité », une de plus ! il ne s'agit pas simplement de fixer des principes ; il s'agit d'être effectif. C'est pourquoi, nous voulons qu'il y ait, dans toutes les entreprises, un « plan diversité » susceptible d'être vérifié régulièrement, chaque année, et que l'on regarde si chaque entreprise, même la plus petite, a fait l'effort d'accorder à chacun les mêmes droits dans l'emploi.
Il nous faudra aussi, au-delà du CV anonyme, vérifier que les demandes d'emploi sont traitées de manière équitable.
Il faudra que nous ayons des dispositifs beaucoup plus incitatifs et que, par exemple, si nous avons à revenir sur les emplois jeunes -nous aurons à le faire, nous aurons à les concrétiser prioritairement dans les quartiers difficiles où le taux de chômage est plus élevé qu'ailleurs. C'est là qu'il faut faire l'effort. Il ne s'agit pas de discrimination positive ; il s'agit simplement de rétablissement des droits, de l'égalité et de la République qui, à chaque fois qu'elle a été confrontée à des problèmes de cette ampleur, a su utiliser les moyens de l'égalité républicaine pour atteindre ses objectifs. Elle n'a pas été obligée de faire des dérogations ou d'avoir recours à des contournements, elle a été la République tout simplement.
Nous aurons aussi à faire en sorte que les jeunes de ces quartiers puissent être encouragés à être employés dans les entreprises ou que les créateurs venant de ces quartiers puissent bénéficier d'un accompagnement particulier.
LE LOGEMENT
Il n'y a pas de politique républicaine sans droit au logement. Il n'y a pas de politique de la ville sans mixité sociale. Il n'y a pas de politique d'égalité, sans la capacité donnée à chacun -et notamment aux plus jeunes- de pouvoir accéder, au moment où on construit sa vie, à un logement de qualité. Il faudra des mesures énergiques sans doute. La première, si l'on veut casser les ghettos, il faudra bien que l'on détruise en ayant pris soin d'avoir créer les logements nécessaires à l'accueil des familles concernées avant. Si l'on veut qu'il y ait une mixité sociale, il faut faire un effort d'appropriation foncière, et notamment dans les villes où l'on ne veut pas construire. Il faudra aussi qu'il y ait une mixité véritablement contrôlée, notamment par des mesures visant à augmenter les pénalités pour toutes les communes qui ne font pas l'effort des 20 % de logements sociaux ; les pénalités les plus lourdes possible devront être introduites dans la loi.
Il y a ce qui relève des logements sociaux -et nous avons pris des engagements sur cette question ; il y aussi une proposition importante car elle est indissociable du reste : une politique de transports publics entre quartiers, entre villes et entre capitale et banlieue, sinon cette égalité de ne veut plus rien dire puisqu'on laisserait des ghettos séparés du reste.
Il y a tout ce qui doit être fait en direction des logements pour les jeunes, et pas simplement pour les étudiants, mais pour tous ceux qui ont à chercher un travail.
Mais, ne laissons pas mettre en cause la politique de la ville, au prétexte qu'elle n'aurait pas été suffisante. C'est vrai, d'autres politiques ne sont pas venues en accompagnement ; et s'il y a un reproche que l'on peut se faire, c'est de ne pas avoir donné plus de moyens aux villes concernées par les problèmes de pauvreté, de précarité, de logements sociaux. Et s'il y a une décision que nous avons à prendre, elle n'est pas facile, c'est de changer le système de dotation de l'Etat aux collectivités locales. Ce ne sera pas facile entre socialistes eux-mêmes qui, comme tous les Français, aiment l'égalité jusqu'à un certain point. Car, ce n'est pas parce que l'on est maire d'une commune socialiste que l'on est prioritaire ! Il n'est pas vrai qu'il y ait des communes du secteur rural plus en difficulté que dans le secteur urbain. Certes il y a d'autres problèmes dans les zones rurales (désertification, dépopulation, perte de services publics), mais les problèmes ne sont pas les mêmes dans les zones urbaines : accueil des élèves dans les écoles, sécurité, lutte contre la pauvreté?
Il faut donc avoir ce principe de solidarité entre villes si nous voulons être, jusqu'au bout, nous-mêmes.
LE CIVISME ET LA REPUBLIQUE
Nous l'avons toujours affirmé : nous défendons une laïcité qui respecte la liberté de croyance, la liberté de conscience mais qui vise, en même temps, à ce que le communautarisme ne soit pas le mode d'entrée dans la vie sociale. S'il y a un reproche à faire, et il faut le faire avec sévérité, au Ministre de l'Intérieur, ce n'est pas d'avoir créé le Conseil Français du Culte Musulman -Jean-Pierre Chevènement et Daniel Vaillant en avaient posé les fondements, c'est d'avoir considéré que ce Conseil pouvait être le moyen de s'adresser aux musulmans de France. Nous sommes, dans notre République, d'abord des citoyens ; ensuite, nous avons notre liberté de conscience. On ne fait pas de politique avec les représentants des cultes, surtout quand, au sein de ce Conseil, le Ministre de l'Intérieur voudrait privilégier les uns par rapport aux autres en fonction d'intérêts électoraux supposés !
La laïcité, c'est aussi -selon nous, un travail de mémoire qu'il ne faut pas craindre mais qu'il faut exercer jusqu'au bout. Un travail de mémoire qui n'est pas simplement l'expression d'une mauvaise conscience, mais la reconnaissance de ce qu'a été l'Histoire de la France, avec sa grandeur et ses douleurs. Et, sur la question du fait colonial, il n'y a rien à craindre pour notre unité nationale en reconnaissant ce qui s'est produit pour faire en sorte que celles et ceux qui ont souffert de ce fait colonial par le passé soient reconnus par la République.
De la même manière, le Service Civil Obligatoire doit être un service civique. On sert la République, on n'attend pas tout d'elle. On dit « La République pour tous », soit, c'est notre objectif, mais « tous pour la République ». Il faut avoir cette vertu républicaine. On est au service d'un ensemble, d'un collectif au travers de valeurs, de principes.
Il faut lutter contre le racisme, il faut lutter contre l'antisémitisme. Mais avec la même vigueur, sans distinguer les actes. Il faut être intransigeants à l'égard de ce qui s'est passé pour Ilan, mais aussi intransigeants à l'égard de ce qui s'est passé pour Chaïb à Oullins (acte raciste) et ne rien oublier de ce qui s'est passé à Clichy-Sous-Bois où deux jeunes sont morts dans des conditions atroces, sans qu'il y ait eu, là aussi, la reconnaissance par la République.
Il y a enfin, sur les questions de civisme, toute la question de la représentation sur les listes électorales de la diversité de notre société. Il faut qu'il y ait l'inscription de tous sur les listes électorales. Il faut le redire car, à un moment, nous avons laissé penser que les jeunes étaient inscrits automatiquement sur les listes électorales. Ce n'est pas vrai.
Il faut donc que le Parti socialiste -et pas seulement le Parti socialiste- fasse un effort tout au long de l'année 2006 pour inscrire les jeunes sur les listes électorales, pour vérifier que chacun pourra bien voter en 2007. Je ne voudrais pas que l'on se réveille le 1er janvier 2007 en ayant oublié de faire son acte premier de civisme qui est de pouvoir voter avant d'aller voter. Il faudra néanmoins aller voter et voter en 2007 car ce sera un enjeu pas simplement de partis, pas simplement un enjeu d'alternance, mais un enjeu de société. Il y aura deux projets pour la France. C'est la force de la politique précisément de fixer les choix et les options. Et, si l'on veut qu'il y ait un vote clair, il faut qu'il y ait l'inscription sur les listes.
Mais, rien ne va de soi. Si l'on demande aux jeunes de s'inscrire sur les listes électorales, la moindre des choses est de permettre à leurs parents de pouvoir voter aussi aux élections. Nous avons longtemps posé ce principe, avancer cette proposition. Pendant des années -et cela n'était pas faux- François Mitterrand le disait, nous ne pouvions faire voter cette mesure par le Parlement, il fallait aller devant le peuple qui n'était sans doute pas prêt. Ensuite, nous étions en cohabitation et ne pouvions engager cette procédure référendaire, alors que le peuple pouvait y être davantage prêt. Si nous gagnons en 2007, nous aurons nécessairement la présidence de la République, puis une majorité à l'Assemblée nationale, nous n'aurons toujours pas un majorité au Sénat, il faudra faire voter par l'Assemblée nationale ce texte, puis ensuite transmettre au Sénat. On nous dit qu'ils ont peut-être changé d'avis ; on nous dit que le Président de l'UMP aurait lui-même pris cette position? Nous le verrons ; il sera dans l'opposition à ce moment-là, nous verrons quelles sont sa constance et sa sincérité. Si nous n'y parvenons pas dans le cadre parlementaire, alors, il faudra procéder à un référendum institutionnel. Voilà l'engagement que je prends ici.
Enfin, il y a ce qui relève de notre Parti : la représentation sur nos listes d'hommes et de femmes issus de la diversité de la société française. Il faudra qu'ils soient visibles sur les listes aux prochaines élections législatives et municipales.
CONCLUSION
Si nous voulons la « République pour tous », il faut être capable de comprendre ce qu'est notre pays, de comprendre ce qui a considérablement changé ces 50 dernières années, d'écouter les demandes qui nous sont adressées. Il faut être capable de faire droit à certaines et d'en refuser d'autres, de fixer les rythmes dans le temps, de ne pas laisser penser que tout sera possible, d'éviter que la gauche -une nouvelle fois- soit confrontée à l'obligation de faire en 5 ans tout son programme. La démocratie exige le temps, exige aussi qu'on tienne les engagements.
Nous avons un défi à relever : redonner confiance dans la jeunesse. Elle nous a donné une formidable leçon ces derniers mois : elle que l'on jugeait résignée, fataliste, abandonnée aux règles du marché, nous a montré qu'elle était capable de s'engager, de militer pour une grande cause ; elle a montré qu'elle était capable, en tant que génération, de lutter pour d'autres -et notamment les plus anciennes. Soyons dignes de cette génération, ne la décevons pas.
La « République pour tous », c'est d'abord une République qui prépare l'avenir.Source http://www.parti-socialiste.fr, le 29 mars 2006