Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
La jeunesse scolarisée a montré hier, en participant massivement aux manifestations, qu'elle n'accepte pas le Contrat Première Embauche. Malgré les vacances par zones, de plus en plus d'étudiants sont entraînés dans l'action au fil des semaines, De plus en plus de lycéens les ont rejoint.
Les étudiants et les lycéens ont raison. C'est la poursuite et l'amplification de l'action qui peuvent obliger le gouvernement à reculer et à retirer le CPE.
Malgré les mensonges officiels, le CPE ne créera pas un emploi de plus. Il permettrait, en revanche, à un patron d'embaucher des jeunes lorsqu'il en aurait besoin sous un contrat qui lui donne tous les droits. Le droit en particulier de licencier pendant deux ans sans explication et sans motif, avec, en prime, la suppression de la part patronale des charges sociales pendant trois ans.
Oui, la jeunesse scolarisée a raison de maintenir la pression. Oui, elle a raison de penser qu'une mauvaise loi, même déjà votée, peut et doit être retirée sous la pression de ceux qui risquent d'en être les victimes.
Mais, contrairement à ce que voudraient faire croire les porte-parole du gouvernement et les médias, ce n'est pas qu'une affaire de jeunes.
Les salariés ont plus de raisons encore de rejeter ce nouveau contrat. Le CPE n'est que la version pour jeunes du Contrat Nouvelles Embauches qui s'applique depuis plusieurs mois déjà.
Ceux qui subissent le CNE ne sont pas des jeunes que le gouvernement fait mine de défendre en prétendant qu'il vaut mieux qu'ils aient un emploi même précaire plutôt que rien du tout ! Non, il s'agit souvent de travailleurs de trente, quarante ans ou plus dont certains avec des années de CDI derrière eux mais qui, licenciés, ont été obligés de prendre ce qu'ils trouvaient. Combien d'entre eux ont été mis à la porte au bout d'un ou deux mois car leur patron n'avait besoin d'eux que pendant ce temps-là ? Combien d'entre eux en sont à leur deuxième ou troisième CNE en quelques mois ?
Aussi bien le CNE, limité aux entreprises de moins de 20 salariés, que le CPE, destiné aux jeunes de moins de 26 ans, sont des ballons d'essai. Ce que souhaite le grand patronat et ce que vise le gouvernement, c'est d'étendre ce type de contrat précaire à l'ensemble des travailleurs !
Le CPE donne d'ailleurs des idées à des margoulins de l'immobilier. L' « Union nationale de la propriété immobilière » vient de réclamer un contrat de location calqué sur le CPE, un « bail à l'essai », donnant aux propriétaires le droit de mettre à la porte leurs locataires plus facilement et sans justification, pendant deux ans. « Si les propriétaires pouvaient « tester » leurs locataires, il serait possible de mettre sur le marché au moins 300.000 logements », argumente le président de cette association de propriétaires. Et ces gens-là osent réclamer ce droit au moment où, la « trêve hivernale » terminée, les expulsions sont en train de reprendre. Avec la hausse spéculative des loyers, des centaines de milliers de salariés ont de plus en plus de mal à payer leurs loyers. Et que faire lorsqu'on a été licencié ? Que faire lorsqu'on est chômeur et qu'on ne retrouve pas de travail ? Le nombre de jugements d'expulsion, en croissance constante, dépasse depuis l'année dernière les cent mille. Cela ne suffit pas pour les bailleurs, ils veulent la précarité des locataires. C'est vraiment un monde de charognards !
Alors oui, il est juste, il est légitime, il est indispensable d'obliger le gouvernement à retirer le CPE comme le CNE !
Mais, même si le gouvernement supprimait ces deux contrats et, à plus forte raison, s'il retirait le seul CPE, cela ne mettrait pas fin à la précarité, cela n'en arrêterait même pas l'extension incessante. Qui peut énumérer tous les contrats précaires que tous les gouvernements successifs se sont évertués à inventer avec, à la clé chaque fois, des baisses de charges sociales ou des dégrèvements d'impôt pour les patrons ? Leurs noms sont variés, TUC, CES, SIVP, Emplois Jeunes, etc., leurs conditions d'application aussi. Mais ils ont tous en commun de priver une partie croissante du monde du travail même du peu de protection qu'offre le CDI. Et puis, les contrats en intérim et autres CDD constituent dans toutes les grandes entreprises, notamment de production, une part importante des effectifs. Cela fait longtemps que l'intérim et le CDD servent dans les grandes entreprises de période d'essai prolongé, même pour les travailleurs qui finissent par être embauchés en CDI. Cela fait longtemps, aussi, que les patrons s'assoient sur les lois censées limiter l'usage de l'intérim ou de CDD. Combien de travailleurs enchaînent, depuis des années, contrats précaires sur contrats précaires dans la même entreprise sans être embauchés ?
Oui, cela fait des années, sinon des décennies, que les patrons violent ouvertement le peu qui, dans les lois, protège les travailleurs. Et l'Etat lui-même recourt de plus en plus largement aux contractuels, aux auxiliaires, aux stagiaires, à toute une variété de contrats précaires aussi bien dans l'enseignement qu'à la Poste, dans les hôpitaux ou dans la Fonction publique.
L'Etat parvient même à faire plus fort que les entreprises privées : sur les quelque cinq millions de travailleurs du secteur public, 860 000 sont des contractuels, dont une petite fraction seulement peut espérer être embauchée définitivement un jour.
A l'occasion d'un procès récent, la télévision a rapporté le cas de cette employée de La Poste qui a été précaire pendant 19 ans et qui a enchaîné pendant cette période 574 contrats ! Mais combien de cas semblables à La Poste, dans les hôpitaux, dans les ministères ou à l'Education nationale.
Alors, il ne faut pas les laisser aller plus loin ! Il faut les arrêter avant qu'on revienne complètement à ces situations du passé, où on était embauché chaque matin pour la journée.
La multiplication des licenciements collectifs par de grandes entreprises, y compris celles qui font du profit, rappelle que les CDI eux-mêmes ne constituent qu'une protection relative. Tous les travailleurs sont des chômeurs et des précaires en puissance car ils sont tous sous la menace de licenciements collectifs. Et s'ils se retrouvent licenciés, ils ne retrouvent du travail - s'ils en retrouvent - qu'en CDD, en intérim ou en contrat précaire.
Voilà pourquoi l'interdiction des licenciements collectifs et l'embauche de tous les précaires sont devenus deux objectifs vitaux pour le monde du travail.
Oui, le combat contre la précarité concerne tous les travailleurs et tous les travailleurs sont concernés également par toutes les attaques qui visent une fraction du monde du travail quel qu'en soit le prétexte. Le projet de loi sur l'immigration de Sarkozy, par exemple, vise à affaiblir un peu plus encore la situation des travailleurs immigrés.
Il aggrave les conditions d'obtention de la carte de séjour, rend quasiment impossible pour un sans-papiers la régularisation de sa situation, interdit pratiquement le regroupement familial, fragilise la situation de tous les travailleurs immigrés.
Sarkozy et ses semblables savent que les chaînes de production des grandes entreprises ne peuvent pas se passer des travailleurs immigrés. Alors, ils parlent « d'immigration choisie » et de « sélectionner des immigrés en fonction des besoins de l'économie », c'est-à-dire en fonction des demandes du patronat. Les immigrés doivent être célibataires, en bonne santé, en bonne condition physique, exploitables à merci, sans les frais d'une famille ou de la maladie. Et il faudrait, en plus, qu'ils considèrent le droit de se faire exploiter ici comme un privilège, qu'ils se fassent tout petits et qu'ils acceptent tout.
Cette loi est un coup contre tous les travailleurs. Car, si le gouvernement parvenait à rendre une fraction de la classe ouvrière plus malléable, c'est l'ensemble des travailleurs qui serait affaibli, qu'ils aient la carte d'identité française ou pas.
Mais je suis convaincue que, lorsque le monde du travail se mettra en branle pour se défendre, il n'y aura plus de différences en fonction des origines des uns et des autres. Il n'y aura que le combat d'une seule et même classe ouvrière.
L'autre façon, pour les patrons, de peser sur les salaires est de faire appel à des sous-traitants, voire à des sous-traitants de sous-traitants, qui font venir de la main-d'oeuvre notamment de l'est de l'Union européenne, en lui imposant des salaires minables.
L'actualité en a fourni, ces temps-ci, bien des exemples, des Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire à l'EDF.
Alors, bien sûr, les syndicats ont raison de mener la chasse à ce genre de pratique. Non pas en s'opposant à la venue de travailleurs de l'Est européen ou du tiers-monde mais, au contraire, en établissant avec eux des relations fraternelles et en imposant que, quel que soit leur pays d'origine ou celui du sous-traitant qui les emploie, les salaires soient les mêmes pour tous les travailleurs !
Pour les patrons, les travailleurs sont des marchandises qu'ils achètent, ici ou ailleurs, en fonction du profit qu'ils rapportent. Eh bien, il faut que leur calcul se retourne contre eux ! Oui, qu'ils mélangent donc, dans les mêmes entreprises, sur les mêmes chantiers, des travailleurs importés des quatre coins du monde ! Si le mouvement ouvrier est digne de ses traditions et agit en conséquence, c'est dans ce creuset, mis en place par les patrons eux-mêmes, que se formera la conscience de faire partie de la même classe ouvrière internationale !
Le soutien de l'Etat s'ajoute à l'aggravation de l'exploitation, pour permettre aux grandes entreprises de dégager des profits sans précédent, dans une période où pourtant leur économie est poussive.
Les chiffres d'augmentation des profits portant sur ce qu'ils appellent dans leur jargon le « CAC 40 », c'est-à-dire les 40 principales entreprises cotées en Bourse, sont proprement effarants. En 2004 déjà, les bénéfices avaient bondi de façon spectaculaire. Mais, en 2005, la progression est de 50 %, plus importante encore que l'année précédente ! Et les commentateurs de commenter que c'est une bonne nouvelle pour l'économie. Mais, en quoi ces profits colossaux, obtenus par la surexploitation des travailleurs, sont-ils utiles à la société ? En rien, absolument en rien ! Car ces bénéfices ne sont même pas investis dans la production, ils sont surtout distribués aux actionnaires.
L'aggravation de la pauvreté va de pair avec l'enrichissement de la minorité qui vit des revenus du capital.
Il y a quelques jours, a été rendu publique la liste des plus grandes fortunes du monde. Le nombre de milliardaires est passé de 691 à 793, 102 de plus. Si on additionne les montants des fortunes privées de ces 793 milliardaires, on aboutit au chiffre astronomique de 2.600 milliards de dollars, qui correspond au produit intérieur total d'un pays comme l'Inde avec son milliard cent millions d'habitants !
Des fortunes privées de ce montant, cela n'a même plus de sens. Même en accumulant jets privés, yachts, voitures et châteaux, leurs bénéficiaires ne peuvent même plus dilapider ces sommes gigantesques. Et c'est pourtant pour aboutir à cela que l'on use à mort les travailleurs sur les chaînes de production, qu'on grappille des minutes de pause, qu'on chipote pour augmenter de 1 % même les salaires les plus bas ! C'est pour permettre à une centaine d'individus de plus de se hisser au rang des milliardaires par la spéculation boursière ou immobilière, qu'on procède à des licenciements collectifs dont la seule annonce fait grimper le prix des actions ! Et on ose nous présenter cette économie, aussi injuste que folle, comme la meilleure possible !
Même la partie de profit que les entreprises ne distribuent pas aux actionnaires et qui ne se traduit pas par un gaspillage privé en produits de luxe, elles le gaspillent quand même. Car ces rachats d'entreprises les unes par les autres, à coups de milliards, ces OPA que des trusts lancent les uns contre les autres représentent, eux aussi, un immense gaspillage. Car les milliards engloutis ne contribuent en rien à augmenter la richesse sociale, à accroître la capacité de production, à améliorer la vie des hommes. Au contraire : toutes ces fusions se traduisent par des suppressions d'emplois.
L'actualité est pleine de nouvelles de ce monopoly entre grandes entreprises. Mittal Steel essaie de mettre la main sur Arcelor. Enel aurait voulu en faire autant sur Suez mais Gaz de France s'interpose, avec l'aide du gouvernement, qui essaie d'en profiter pour privatiser un peu plus Gaz de France. Et pendant que les entreprises jonglent avec les milliards et ne savent comment dépenser leurs profits, le gouvernement répète invariablement qu'il faut aider les entreprises. Il n'est jamais question d'aider les travailleurs victimes de leur économie. C'est toujours les entreprises qu'on aide, c'est-à-dire en réalité leurs propriétaires et leurs actionnaires.
Je ne prends qu'un exemple lié à l'actualité. La propagation de la grippe aviaire a frappé un certain nombre d'élevages de volailles. Que l'Etat aide les petits éleveurs vivant de leur travail et qui sont obligés de détruire leurs élevages, mettons ! Mais, si le gouvernement a débloqué 25 millions pour les éleveurs, il en a débloqué 30 pour les entreprises du secteur. L'entreprise Doux, numéro un de la volaille en Europe, a profité de la grippe aviaire pour imposer le chômage partiel à la majorité de ses effectifs, avec des pertes importantes sur des salaires déjà faibles, de l'ordre de 1.000 euros par mois. Elle se prépare à réduire ses effectifs et à supprimer des emplois et peut-être à fermer certaines de ses usines. Et c'est pourtant l'entreprise Doux qui récupérera l'argent débloqué par le gouvernement, pas celles et ceux qu'elle aura licenciés !
Ce n'est qu'un tout petit exemple parmi d'autres , innombrables, des aides de toutes sortes, des subventions, des baisses d'impôt et de cotisation sociale par lesquelles l'Etat soutien les entreprises, c'est-à-dire, participe aux revenus de leurs propriétaires et actionnaires.
Voilà de quelle façon on creuse le déficit de l'Etat ! Voilà pourquoi l'Etat n'a plus d'argent ensuite pour les services publics !
Voilà pourquoi il n'y a pas d'argent ni pour l'Education nationale où le nombre d'enseignants est insuffisant par rapport aux besoins, ni pour les hôpitaux où le manque de personnel est criant.
Voilà comment, l'argent économisé par l'Etat sur la majorité de la population, sur les travailleurs, les chômeurs, les retraités se transforme en subvention.
L'exploitation aggravée des travailleurs, que traduit la hausse spectaculaire des profits, arrose toute une classe de privilégiés, qui vivent bien. Ceux-là ont de solides raisons de considérer ce gouvernement comme le leur, à applaudir comme « courageuse » la politique qui diminue la part des travailleurs, car elle augment leur part, à eux.
Ce sont ceux-là, le ban et l'arrière-ban de la bourgeoise petite et grande, qui constituent la base électorale de la droite. C'est à elle que s'adressent les déclarations, les gestes politiques, de la droite au pouvoir.
Et ces gestes se multiplient maintenant que la vie politique tourne de plus en plus autour des élections à venir. Ces élections sont encore loin : la présidentielle dans près d'un an, les législatives dans la foulée, mais elles sont au centre des préoccupations aussi bien des milieux politiques que des médias.
La présidentielle conditionne les législatives. Et de ces législatives dépend la place des 577 députés, sans parler de tous ceux -et ils sont nombreux- qui tournent autour. Cela représente des milliers de sinécures, de places d'assistants, de conseillers en tout genre, et puis tous les services qu'on peut rendre à des amis.
Pour le moment, les grandes manoeuvres et les petites vacheries lancées aux concurrents se déroulent à l'intérieur de chacun des camps qui s'affronteront en 2007.
A droite, c'est peu dire que Sarkozy et Villepin sont en guerre permanente l'un contre l'autre.
Pour tout dire, la question de savoir qui de Sarkozy ou de Villepin parviendra à exécuter l'autre nous indiffère totalement. Du point de vue des travailleurs, ils se valent. Mais c'est une question ô combien essentielle pour les deux hommes. Car celui qui étranglera l'autre sera non seulement désigné candidat de l'UMP mais aura de grandes chances d'être le futur président de la République.
Dans la compétition à droite, Sarkozy, qui tient en main l'appareil de l'UMP, a choisi son créneau. Il cherche à s'adresser aux fantassins de la classe privilégiée, la petite bourgeoisie réactionnaire, hostile à la classe ouvrière et surtout à ses revendications. Sarkozy en reprend le conformisme, les préjugés, son mépris des pauvres, et les formule en termes à peine plus atténués que ne le fait Le Pen, dont il voudrait bien conquérir une partie de l'électorat. D'où ce ramassis de slogans, de gestes réactionnaires, du karcher à sa loi sur l'immigration, qu'il envoie tous azimuts en attendant que l'écho lui en revienne sous la forme de quelques points gagnés dans les sondages.
C'est cette compétition avec Sarkozy qui a poussé Villepin à proposer le CPE et à le faire passer en force au Parlement alors, pourtant, qu'il y dispose d'une majorité confortable. Outre le fait d'aller dans le sens de la précarisation souhaitée par le grand patronat, le CPE comme le CNE étaient censés plaire surtout aux nombreux patrons petits et moyens qui constituent la base électorale de l'UMP. En le faisant passer en force, Villepin a voulu aussi soigner son image d'homme d'action déterminé. Il ne l'emportera cependant pas au paradis des présidentiables si les manifestations l'obligent à reculer ou même si le Conseil constitutionnel, en annulant le CPE, lui trouve une porte de sortie sans reculade directe.
Mais c'est également pour des raisons électorales que le PS a choisi de participer à la contestation du CPE. Du CPE seul, d'ailleurs, car si les dirigeants du PS n'hésitent pas à rompre des lances sur le Contrat Première Embauche, ils sont muets sur le Contrat Nouvelles Embauches qu'ils semblent considérer comme établi. Dès la première rencontre, le 8 février, entre représentants de l'ex-Gauche plurielle, le PS s'est positionné en chef de file de l'opposition au gouvernement sur cette question. Une pétition-tract, élaborée par l'ensemble de l'ex-Gauche plurielle, promet que si elle « est portée par des centaines de milliers de citoyens, elle obligera le Parlement à (...) débattre de nouveau» du CPE.
Pour modérée qu'elle soit, la prise de position du PS a joué cependant son rôle dans l'évolution de l'opinion publique à l'égard du CPE et surtout dans la mobilisation du milieu estudiantin.
Les interventions des dirigeants du PS, dans les médias auxquels ils ont largement accès, la participation de militants socialistes à l'agitation contre le CPE, notamment à la tête des organisations de la jeunesse scolarisée, ont fait contrepoids à la débauche de propagande orchestrée par le gouvernement pour expliquer les charmes du CPE.
C'est tant mieux car cela renforce le mouvement pour le retrait du CPE. Mais il ne faut pas être dupe pour autant, ni de la démarche des dirigeants du PS, ni de leur objectif réel.
En reprenant à son compte le retrait du CPE, et du seul CPE, la direction du PS a trouvé la revendication limitée susceptible de lui permettre, espère-t-elle, de canaliser à son profit électoral le mécontentement suscité par la politique du gouvernement. Si Villepin recule, le PS se posera comme le principal artisan de la victoire. Si Villepin ne recule pas, l'agitation sur le CPE permettra au PS de concentrer sa critique de la politique anti-ouvrière du gouvernement sur ce seul point. Et d'avoir un thème de campagne électorale sur le terrain social, sans grand risque ni d'être débordé aujourd'hui ni d'avoir à se déjuger demain face à ceux qui se sont mobilisés pour le retrait du CPE.
Car le PS peut tout à fait s'engager, comme l'a fait Hollande au nom de son parti, à revenir sur le CPE si la gauche revient au pouvoir et tenir sa promesse. Le CPE n'est que le dernier en date de la multitude de contrats précaires déjà existants et, pour ne pas léser le patronat, le PS pourrait proposer d'autres contrats à la place, aussi avantageux, voire plus.
François Hollande a d'ailleurs déjà fait une proposition. Il l'appelle le « contrat de sécurité de formation ». Ce contrat serait un CDI, et ce serait bien sûr mieux pour le jeune embauché. Mais, pour montrer au patronat qu'il ne perdrait rien au change, il propose que l'Etat prenne en charge intégralement les frais de formation. C'est encore de l'argent pour les patrons, prélevé sur le budget de l'Etat ou sur les caisses de Sécurité sociale !
Un « emploi aidé » de plus, bien que seul le patron soit aidé, et pas du tout le salarié. Cette aide consiste à prendre en charge tout ou partie des cotisations sociales, de la fiscalité de l'entreprise, voire même telle ou telle proportion des salaires eux-mêmes. D'après une étude toute récente du Conseil d'Orientation de l'Emploi, il y aurait 2.500 formes différentes d'« emplois aidés ».
Leur coût global pour le budget est estimé à une somme colossale comprise entre 30 et 60 milliards d'euros ! On ne sait même pas combien au juste ! Pourtant, même la très officielle Cour des comptes exprime ses doutes sur l'efficacité de ce système coûteux. Mais si les « emplois aidés » sont totalement inefficaces pour réduire le chômage, ils sont en revanche efficaces pour contribuer aux profits des patrons car cette somme fantastique a bel et bien été empochée !
Même dans l'opposition, le PS ne s'engage sur rien qui pourrait coûter un seul centime au grand patronat.
Martine Aubry, elle, a présenté à la direction du PS un autre projet lumineux pour contrer le CPE. Ce projet s'appellerait « EVA » pour « Entrée dans la vie active ». Il s'agirait, en gros, de proposer aux 18-25 ans qui cherchent du travail une indemnisation mensuelle. Oh, si cela se réalisait, cela arrangerait les affaires de bien des jeunes, même si le montant de cette allocation est minime. Mais en quoi cela justifierait-il le nom pompeux « d'entrée dans la vie active » puisqu'il ne garantit en rien une embauche ? Il est plus facile d'inventer un RMI jeunes dont rien ne garantit ni le montant ni même l'existence, que d'obliger les patrons à embaucher !
Combattre la précarité, ce serait combattre pour que tous les contrats précaires soient transformés en CDI. Il n'en est évidemment pas question pour le PS car ce serait, alors, prendre le contre-pied du grand patronat. Comme il n'est pas question, pour le PS, de pousser à la grève dans les entreprises, c'est-à-dire contribuer à dresser les travailleurs contre le patronat, même sur la seule question du CPE. Le patronat ne pardonnerait pas au PS de jouer avec le feu -et les Hollande, Fabius, Strauss-Kahn, Royal sont trop responsables vis-à-vis de la bourgeoisie pour le faire.
Alors, si le PS participe à la lutte pour le retrait du CPE pour regagner du crédit dans l'électorat de gauche, déçu, découragé, démotivé par cinq ans de gouvernement Jospin, cela n'en ferait pas un parti gouvernant dans l'intérêt des travailleurs.
Contrairement à ce qu'on nous reproche bien souvent, nous ne disons pas que les partis de droite et les partis de gauche sont identiques. Ce que nous disons, c'est que les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois, car ni les uns ni les autres ne veulent toucher à l'ordre social existant mais, au contraire, le gérer tel qu'il est, avec son économie de marché aveugle, sa classe capitaliste rapace, ses injustices sociales criantes.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les partis de gauche ont cependant pris quelques mesures progressistes. Mitterrand a aboli la peine de mort, ce qui est certainement un pas en avant du point de vue tout simplement humain. C'est encore un gouvernement socialiste qui a décidé le PACS ou la CMU. Mais l'une comme l'autre de ces mesures avaient l'avantage pour le PS de ne pas toucher aux intérêts du patronat, et ne pouvaient en rien changer la situation des salariés.
Quant au PC, il mène campagne autour du thème « Battre la droite et réussir à gauche ». Il dit bien des choses fort justes lorsqu'il critique les mesures anti-ouvrières du gouvernement. Plus on s'éloigne de 2002, plus il lui arrive même de mettre en cause certains aspects politiques du gouvernement Jospin. Dans les forums qu'ils organisent, les dirigeants du PCF parlent même de luttes mais en insistant sur le « débouché politique » que devraient avoir ces luttes. Mais ce « débouché politique », c'est encore et toujours une variante de ce qu'ont été en leur temps l'Union de la gauche ou la Gauche plurielle, dont les travailleurs ont pu constater, sous les quatorze ans de présidence de Mitterrand ou sous les cinq de gouvernement de Jospin, qu'elle ne défendait en rien les intérêts des travailleurs face au patronat.
Le PCF, qui avait la présence que l'on sait dans la classe ouvrière, a usé tout son crédit auprès des travailleurs pour les détourner de la lutte de classe et pour les convaincre depuis trente ans que la seule perspective pour les travailleurs, le seul débouché politique possible, était un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. Mais, malgré la présence de ses ministres au gouvernement pendant trois ans sous Mitterrand, pendant cinq ans avec Jospin, le PCF, jamais en situation de peser sur la politique menée, n'a fait que la cautionner devant les travailleurs, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
C'est à cause de cette politique que le PCF a perdu une grande partie de ses militants et une grande partie de son influence dans la classe ouvrière.
Alors oui, nous, Lutte ouvrière, serons présents dans ces campagnes électorales pour nous adresser au monde du travail. Nous y défendrons les intérêts vitaux de tous ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre, ouvriers, employés, cheminots, enseignants, postiers, personnel des hôpitaux et des services publics. Nous y défendrons aussi les chômeurs et ceux qui, aujourd'hui à la retraite après une vie de travail, n'ont qu'une pension dérisoire.
Et, puisque les campagnes électorales, et plus particulièrement l'élection présidentielle, sont les seules occasions qui nous sont données de nous faire entendre de l'ensemble des classes populaires de ce pays, nous saisirons bien sûr cette occasion pour le faire.
Mais d'ici les élections, il y a encore quatorze mois, et j'espère, je souhaite que les travailleurs fassent irruption dans les préparatifs électoraux.
Comme d'habitude, les confédérations syndicales en général, et aucune d'entre elles en particulier, n'ont prévu et annoncé une suite à la journée d'action nationale de demain. Mais une participation très importante des travailleurs aux manifestations est le meilleur moyen de les obliger à envisager une suite, de façon à ce que le 18 mars ne soit pas la fin de l'action, mais une de ses étapes !
Il est indispensable que les travailleurs retrouvent confiance en leur force pour faire revenir le gouvernement sur toutes les mesures anti-ouvrières de ces dernières années, contre les retraites, contre l'assurance maladie, contre les droits des chômeurs. C'est indispensable pour imposer les revendications de l'ensemble du monde du travail contre les licenciements et le chômage, et pour l'augmentation générale des salaires !
Gagner l'épreuve de force déclenchée par le gouvernement, imposer le retrait du CPE et du CNE, ne serait pas encore automatiquement l'amorce de cette contre-offensive, mais cela montrerait que les travailleurs ont la capacité de faire reculer ce gouvernement, non pas en attendant 2007, non pas au Parlement, mais par leurs propres moyens de classe.
Cela fait bien des années que nous avons commencé à développer, sous le nom de « plan d'urgence », un ensemble de revendications qui n'ont rien perdu de leur actualité. Bien au contraire.
- Il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits, et imposer le maintien de tous les emplois en prenant sur ces profits.
- Il faut que les salariés, les consommateurs et la population aient accès à toute la comptabilité des grandes entreprises. Il faut éclairer les circuits de l'argent, voir d'où il vient, par où il passe, où il va et à qui il va. Il faut connaître et rendre publics, à l'avance, les projets des grandes sociétés. La gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration, en fonction de la seule rentabilité financière, montre jour après jour à quel point elle est nuisible pour la collectivité.
- Il faut une augmentation générale du Smic et de tous les bas salaires d'au moins 300 euros.
- Il faut mettre fin aux contrats précaires, à commencer par le CNE et le CPE. Il faut supprimer le temps partiel imposé. Il faut des salaires en aucun cas inférieurs au Smic augmenté, quel qu'en soit le prétexte invoqué : âge, stage...
- Il faut imposer la construction par l'Etat, et non par les municipalités, d'habitats sociaux dans toutes les villes, en réquisitionnant les terrains nécessaires.
- Il faut embaucher des enseignants en nombre suffisant dans les quartiers populaires ! Il faut que, dans les quartiers les plus défavorisés, tous les enfants, et en particulier ceux issus de l'immigration et qui maîtrisent mal le français, trouvent des classes maternelles en nombre suffisant ! Il faut que les effectifs de ces classes permettent aux enseignants de transmettre à ces enfants les connaissances élémentaires que leurs familles sont dans l'incapacité de leur transmettre.
- Il faut en conséquence contraindre l'Etat à prendre sur la classe riche, sur ses revenus et, au besoin, sur sa fortune, de quoi faire face à ces obligations. En commençant d'abord par arrêter toute subvention ouverte ou déguisée aux entreprises, et tout cadeau aux riches particuliers et par augmenter l'impôt sur les bénéfices !
Pour imposer tout cela, il faut une lutte déterminée et radicale du monde du travail. Si dur que cela paraisse aujourd'hui, c'est moins utopique qu'espérer que les élections de 2007, quels qu'en soient les résultats, changent en quoi que ce soit le sort des travailleurs.
Voilà, amis et camarades, les revendications que nous aurons à populariser pendant la période qui vient, car elles correspondent aux intérêts vitaux du monde du travail. Nous le ferons autour de nous, dans nos entreprises comme en dehors, avec nos moyens qui sont certes limités, mais nous le ferons avec détermination. Nous le ferons pendant la campagne électorale, avec les moyens plus larges dont nous disposerons peut-être.
Et j'espère, je souhaite, que tous ceux qui sympathisent avec nos idées ou qui, simplement, se retrouvent dans les objectifs que je viens d'énumérer, nous rejoignent pour mener ce combat, avant comme pendant la campagne électorale !
Alors, camarades, bon courage et à bientôt !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 23 mars 2006
La jeunesse scolarisée a montré hier, en participant massivement aux manifestations, qu'elle n'accepte pas le Contrat Première Embauche. Malgré les vacances par zones, de plus en plus d'étudiants sont entraînés dans l'action au fil des semaines, De plus en plus de lycéens les ont rejoint.
Les étudiants et les lycéens ont raison. C'est la poursuite et l'amplification de l'action qui peuvent obliger le gouvernement à reculer et à retirer le CPE.
Malgré les mensonges officiels, le CPE ne créera pas un emploi de plus. Il permettrait, en revanche, à un patron d'embaucher des jeunes lorsqu'il en aurait besoin sous un contrat qui lui donne tous les droits. Le droit en particulier de licencier pendant deux ans sans explication et sans motif, avec, en prime, la suppression de la part patronale des charges sociales pendant trois ans.
Oui, la jeunesse scolarisée a raison de maintenir la pression. Oui, elle a raison de penser qu'une mauvaise loi, même déjà votée, peut et doit être retirée sous la pression de ceux qui risquent d'en être les victimes.
Mais, contrairement à ce que voudraient faire croire les porte-parole du gouvernement et les médias, ce n'est pas qu'une affaire de jeunes.
Les salariés ont plus de raisons encore de rejeter ce nouveau contrat. Le CPE n'est que la version pour jeunes du Contrat Nouvelles Embauches qui s'applique depuis plusieurs mois déjà.
Ceux qui subissent le CNE ne sont pas des jeunes que le gouvernement fait mine de défendre en prétendant qu'il vaut mieux qu'ils aient un emploi même précaire plutôt que rien du tout ! Non, il s'agit souvent de travailleurs de trente, quarante ans ou plus dont certains avec des années de CDI derrière eux mais qui, licenciés, ont été obligés de prendre ce qu'ils trouvaient. Combien d'entre eux ont été mis à la porte au bout d'un ou deux mois car leur patron n'avait besoin d'eux que pendant ce temps-là ? Combien d'entre eux en sont à leur deuxième ou troisième CNE en quelques mois ?
Aussi bien le CNE, limité aux entreprises de moins de 20 salariés, que le CPE, destiné aux jeunes de moins de 26 ans, sont des ballons d'essai. Ce que souhaite le grand patronat et ce que vise le gouvernement, c'est d'étendre ce type de contrat précaire à l'ensemble des travailleurs !
Le CPE donne d'ailleurs des idées à des margoulins de l'immobilier. L' « Union nationale de la propriété immobilière » vient de réclamer un contrat de location calqué sur le CPE, un « bail à l'essai », donnant aux propriétaires le droit de mettre à la porte leurs locataires plus facilement et sans justification, pendant deux ans. « Si les propriétaires pouvaient « tester » leurs locataires, il serait possible de mettre sur le marché au moins 300.000 logements », argumente le président de cette association de propriétaires. Et ces gens-là osent réclamer ce droit au moment où, la « trêve hivernale » terminée, les expulsions sont en train de reprendre. Avec la hausse spéculative des loyers, des centaines de milliers de salariés ont de plus en plus de mal à payer leurs loyers. Et que faire lorsqu'on a été licencié ? Que faire lorsqu'on est chômeur et qu'on ne retrouve pas de travail ? Le nombre de jugements d'expulsion, en croissance constante, dépasse depuis l'année dernière les cent mille. Cela ne suffit pas pour les bailleurs, ils veulent la précarité des locataires. C'est vraiment un monde de charognards !
Alors oui, il est juste, il est légitime, il est indispensable d'obliger le gouvernement à retirer le CPE comme le CNE !
Mais, même si le gouvernement supprimait ces deux contrats et, à plus forte raison, s'il retirait le seul CPE, cela ne mettrait pas fin à la précarité, cela n'en arrêterait même pas l'extension incessante. Qui peut énumérer tous les contrats précaires que tous les gouvernements successifs se sont évertués à inventer avec, à la clé chaque fois, des baisses de charges sociales ou des dégrèvements d'impôt pour les patrons ? Leurs noms sont variés, TUC, CES, SIVP, Emplois Jeunes, etc., leurs conditions d'application aussi. Mais ils ont tous en commun de priver une partie croissante du monde du travail même du peu de protection qu'offre le CDI. Et puis, les contrats en intérim et autres CDD constituent dans toutes les grandes entreprises, notamment de production, une part importante des effectifs. Cela fait longtemps que l'intérim et le CDD servent dans les grandes entreprises de période d'essai prolongé, même pour les travailleurs qui finissent par être embauchés en CDI. Cela fait longtemps, aussi, que les patrons s'assoient sur les lois censées limiter l'usage de l'intérim ou de CDD. Combien de travailleurs enchaînent, depuis des années, contrats précaires sur contrats précaires dans la même entreprise sans être embauchés ?
Oui, cela fait des années, sinon des décennies, que les patrons violent ouvertement le peu qui, dans les lois, protège les travailleurs. Et l'Etat lui-même recourt de plus en plus largement aux contractuels, aux auxiliaires, aux stagiaires, à toute une variété de contrats précaires aussi bien dans l'enseignement qu'à la Poste, dans les hôpitaux ou dans la Fonction publique.
L'Etat parvient même à faire plus fort que les entreprises privées : sur les quelque cinq millions de travailleurs du secteur public, 860 000 sont des contractuels, dont une petite fraction seulement peut espérer être embauchée définitivement un jour.
A l'occasion d'un procès récent, la télévision a rapporté le cas de cette employée de La Poste qui a été précaire pendant 19 ans et qui a enchaîné pendant cette période 574 contrats ! Mais combien de cas semblables à La Poste, dans les hôpitaux, dans les ministères ou à l'Education nationale.
Alors, il ne faut pas les laisser aller plus loin ! Il faut les arrêter avant qu'on revienne complètement à ces situations du passé, où on était embauché chaque matin pour la journée.
La multiplication des licenciements collectifs par de grandes entreprises, y compris celles qui font du profit, rappelle que les CDI eux-mêmes ne constituent qu'une protection relative. Tous les travailleurs sont des chômeurs et des précaires en puissance car ils sont tous sous la menace de licenciements collectifs. Et s'ils se retrouvent licenciés, ils ne retrouvent du travail - s'ils en retrouvent - qu'en CDD, en intérim ou en contrat précaire.
Voilà pourquoi l'interdiction des licenciements collectifs et l'embauche de tous les précaires sont devenus deux objectifs vitaux pour le monde du travail.
Oui, le combat contre la précarité concerne tous les travailleurs et tous les travailleurs sont concernés également par toutes les attaques qui visent une fraction du monde du travail quel qu'en soit le prétexte. Le projet de loi sur l'immigration de Sarkozy, par exemple, vise à affaiblir un peu plus encore la situation des travailleurs immigrés.
Il aggrave les conditions d'obtention de la carte de séjour, rend quasiment impossible pour un sans-papiers la régularisation de sa situation, interdit pratiquement le regroupement familial, fragilise la situation de tous les travailleurs immigrés.
Sarkozy et ses semblables savent que les chaînes de production des grandes entreprises ne peuvent pas se passer des travailleurs immigrés. Alors, ils parlent « d'immigration choisie » et de « sélectionner des immigrés en fonction des besoins de l'économie », c'est-à-dire en fonction des demandes du patronat. Les immigrés doivent être célibataires, en bonne santé, en bonne condition physique, exploitables à merci, sans les frais d'une famille ou de la maladie. Et il faudrait, en plus, qu'ils considèrent le droit de se faire exploiter ici comme un privilège, qu'ils se fassent tout petits et qu'ils acceptent tout.
Cette loi est un coup contre tous les travailleurs. Car, si le gouvernement parvenait à rendre une fraction de la classe ouvrière plus malléable, c'est l'ensemble des travailleurs qui serait affaibli, qu'ils aient la carte d'identité française ou pas.
Mais je suis convaincue que, lorsque le monde du travail se mettra en branle pour se défendre, il n'y aura plus de différences en fonction des origines des uns et des autres. Il n'y aura que le combat d'une seule et même classe ouvrière.
L'autre façon, pour les patrons, de peser sur les salaires est de faire appel à des sous-traitants, voire à des sous-traitants de sous-traitants, qui font venir de la main-d'oeuvre notamment de l'est de l'Union européenne, en lui imposant des salaires minables.
L'actualité en a fourni, ces temps-ci, bien des exemples, des Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire à l'EDF.
Alors, bien sûr, les syndicats ont raison de mener la chasse à ce genre de pratique. Non pas en s'opposant à la venue de travailleurs de l'Est européen ou du tiers-monde mais, au contraire, en établissant avec eux des relations fraternelles et en imposant que, quel que soit leur pays d'origine ou celui du sous-traitant qui les emploie, les salaires soient les mêmes pour tous les travailleurs !
Pour les patrons, les travailleurs sont des marchandises qu'ils achètent, ici ou ailleurs, en fonction du profit qu'ils rapportent. Eh bien, il faut que leur calcul se retourne contre eux ! Oui, qu'ils mélangent donc, dans les mêmes entreprises, sur les mêmes chantiers, des travailleurs importés des quatre coins du monde ! Si le mouvement ouvrier est digne de ses traditions et agit en conséquence, c'est dans ce creuset, mis en place par les patrons eux-mêmes, que se formera la conscience de faire partie de la même classe ouvrière internationale !
Le soutien de l'Etat s'ajoute à l'aggravation de l'exploitation, pour permettre aux grandes entreprises de dégager des profits sans précédent, dans une période où pourtant leur économie est poussive.
Les chiffres d'augmentation des profits portant sur ce qu'ils appellent dans leur jargon le « CAC 40 », c'est-à-dire les 40 principales entreprises cotées en Bourse, sont proprement effarants. En 2004 déjà, les bénéfices avaient bondi de façon spectaculaire. Mais, en 2005, la progression est de 50 %, plus importante encore que l'année précédente ! Et les commentateurs de commenter que c'est une bonne nouvelle pour l'économie. Mais, en quoi ces profits colossaux, obtenus par la surexploitation des travailleurs, sont-ils utiles à la société ? En rien, absolument en rien ! Car ces bénéfices ne sont même pas investis dans la production, ils sont surtout distribués aux actionnaires.
L'aggravation de la pauvreté va de pair avec l'enrichissement de la minorité qui vit des revenus du capital.
Il y a quelques jours, a été rendu publique la liste des plus grandes fortunes du monde. Le nombre de milliardaires est passé de 691 à 793, 102 de plus. Si on additionne les montants des fortunes privées de ces 793 milliardaires, on aboutit au chiffre astronomique de 2.600 milliards de dollars, qui correspond au produit intérieur total d'un pays comme l'Inde avec son milliard cent millions d'habitants !
Des fortunes privées de ce montant, cela n'a même plus de sens. Même en accumulant jets privés, yachts, voitures et châteaux, leurs bénéficiaires ne peuvent même plus dilapider ces sommes gigantesques. Et c'est pourtant pour aboutir à cela que l'on use à mort les travailleurs sur les chaînes de production, qu'on grappille des minutes de pause, qu'on chipote pour augmenter de 1 % même les salaires les plus bas ! C'est pour permettre à une centaine d'individus de plus de se hisser au rang des milliardaires par la spéculation boursière ou immobilière, qu'on procède à des licenciements collectifs dont la seule annonce fait grimper le prix des actions ! Et on ose nous présenter cette économie, aussi injuste que folle, comme la meilleure possible !
Même la partie de profit que les entreprises ne distribuent pas aux actionnaires et qui ne se traduit pas par un gaspillage privé en produits de luxe, elles le gaspillent quand même. Car ces rachats d'entreprises les unes par les autres, à coups de milliards, ces OPA que des trusts lancent les uns contre les autres représentent, eux aussi, un immense gaspillage. Car les milliards engloutis ne contribuent en rien à augmenter la richesse sociale, à accroître la capacité de production, à améliorer la vie des hommes. Au contraire : toutes ces fusions se traduisent par des suppressions d'emplois.
L'actualité est pleine de nouvelles de ce monopoly entre grandes entreprises. Mittal Steel essaie de mettre la main sur Arcelor. Enel aurait voulu en faire autant sur Suez mais Gaz de France s'interpose, avec l'aide du gouvernement, qui essaie d'en profiter pour privatiser un peu plus Gaz de France. Et pendant que les entreprises jonglent avec les milliards et ne savent comment dépenser leurs profits, le gouvernement répète invariablement qu'il faut aider les entreprises. Il n'est jamais question d'aider les travailleurs victimes de leur économie. C'est toujours les entreprises qu'on aide, c'est-à-dire en réalité leurs propriétaires et leurs actionnaires.
Je ne prends qu'un exemple lié à l'actualité. La propagation de la grippe aviaire a frappé un certain nombre d'élevages de volailles. Que l'Etat aide les petits éleveurs vivant de leur travail et qui sont obligés de détruire leurs élevages, mettons ! Mais, si le gouvernement a débloqué 25 millions pour les éleveurs, il en a débloqué 30 pour les entreprises du secteur. L'entreprise Doux, numéro un de la volaille en Europe, a profité de la grippe aviaire pour imposer le chômage partiel à la majorité de ses effectifs, avec des pertes importantes sur des salaires déjà faibles, de l'ordre de 1.000 euros par mois. Elle se prépare à réduire ses effectifs et à supprimer des emplois et peut-être à fermer certaines de ses usines. Et c'est pourtant l'entreprise Doux qui récupérera l'argent débloqué par le gouvernement, pas celles et ceux qu'elle aura licenciés !
Ce n'est qu'un tout petit exemple parmi d'autres , innombrables, des aides de toutes sortes, des subventions, des baisses d'impôt et de cotisation sociale par lesquelles l'Etat soutien les entreprises, c'est-à-dire, participe aux revenus de leurs propriétaires et actionnaires.
Voilà de quelle façon on creuse le déficit de l'Etat ! Voilà pourquoi l'Etat n'a plus d'argent ensuite pour les services publics !
Voilà pourquoi il n'y a pas d'argent ni pour l'Education nationale où le nombre d'enseignants est insuffisant par rapport aux besoins, ni pour les hôpitaux où le manque de personnel est criant.
Voilà comment, l'argent économisé par l'Etat sur la majorité de la population, sur les travailleurs, les chômeurs, les retraités se transforme en subvention.
L'exploitation aggravée des travailleurs, que traduit la hausse spectaculaire des profits, arrose toute une classe de privilégiés, qui vivent bien. Ceux-là ont de solides raisons de considérer ce gouvernement comme le leur, à applaudir comme « courageuse » la politique qui diminue la part des travailleurs, car elle augment leur part, à eux.
Ce sont ceux-là, le ban et l'arrière-ban de la bourgeoise petite et grande, qui constituent la base électorale de la droite. C'est à elle que s'adressent les déclarations, les gestes politiques, de la droite au pouvoir.
Et ces gestes se multiplient maintenant que la vie politique tourne de plus en plus autour des élections à venir. Ces élections sont encore loin : la présidentielle dans près d'un an, les législatives dans la foulée, mais elles sont au centre des préoccupations aussi bien des milieux politiques que des médias.
La présidentielle conditionne les législatives. Et de ces législatives dépend la place des 577 députés, sans parler de tous ceux -et ils sont nombreux- qui tournent autour. Cela représente des milliers de sinécures, de places d'assistants, de conseillers en tout genre, et puis tous les services qu'on peut rendre à des amis.
Pour le moment, les grandes manoeuvres et les petites vacheries lancées aux concurrents se déroulent à l'intérieur de chacun des camps qui s'affronteront en 2007.
A droite, c'est peu dire que Sarkozy et Villepin sont en guerre permanente l'un contre l'autre.
Pour tout dire, la question de savoir qui de Sarkozy ou de Villepin parviendra à exécuter l'autre nous indiffère totalement. Du point de vue des travailleurs, ils se valent. Mais c'est une question ô combien essentielle pour les deux hommes. Car celui qui étranglera l'autre sera non seulement désigné candidat de l'UMP mais aura de grandes chances d'être le futur président de la République.
Dans la compétition à droite, Sarkozy, qui tient en main l'appareil de l'UMP, a choisi son créneau. Il cherche à s'adresser aux fantassins de la classe privilégiée, la petite bourgeoisie réactionnaire, hostile à la classe ouvrière et surtout à ses revendications. Sarkozy en reprend le conformisme, les préjugés, son mépris des pauvres, et les formule en termes à peine plus atténués que ne le fait Le Pen, dont il voudrait bien conquérir une partie de l'électorat. D'où ce ramassis de slogans, de gestes réactionnaires, du karcher à sa loi sur l'immigration, qu'il envoie tous azimuts en attendant que l'écho lui en revienne sous la forme de quelques points gagnés dans les sondages.
C'est cette compétition avec Sarkozy qui a poussé Villepin à proposer le CPE et à le faire passer en force au Parlement alors, pourtant, qu'il y dispose d'une majorité confortable. Outre le fait d'aller dans le sens de la précarisation souhaitée par le grand patronat, le CPE comme le CNE étaient censés plaire surtout aux nombreux patrons petits et moyens qui constituent la base électorale de l'UMP. En le faisant passer en force, Villepin a voulu aussi soigner son image d'homme d'action déterminé. Il ne l'emportera cependant pas au paradis des présidentiables si les manifestations l'obligent à reculer ou même si le Conseil constitutionnel, en annulant le CPE, lui trouve une porte de sortie sans reculade directe.
Mais c'est également pour des raisons électorales que le PS a choisi de participer à la contestation du CPE. Du CPE seul, d'ailleurs, car si les dirigeants du PS n'hésitent pas à rompre des lances sur le Contrat Première Embauche, ils sont muets sur le Contrat Nouvelles Embauches qu'ils semblent considérer comme établi. Dès la première rencontre, le 8 février, entre représentants de l'ex-Gauche plurielle, le PS s'est positionné en chef de file de l'opposition au gouvernement sur cette question. Une pétition-tract, élaborée par l'ensemble de l'ex-Gauche plurielle, promet que si elle « est portée par des centaines de milliers de citoyens, elle obligera le Parlement à (...) débattre de nouveau» du CPE.
Pour modérée qu'elle soit, la prise de position du PS a joué cependant son rôle dans l'évolution de l'opinion publique à l'égard du CPE et surtout dans la mobilisation du milieu estudiantin.
Les interventions des dirigeants du PS, dans les médias auxquels ils ont largement accès, la participation de militants socialistes à l'agitation contre le CPE, notamment à la tête des organisations de la jeunesse scolarisée, ont fait contrepoids à la débauche de propagande orchestrée par le gouvernement pour expliquer les charmes du CPE.
C'est tant mieux car cela renforce le mouvement pour le retrait du CPE. Mais il ne faut pas être dupe pour autant, ni de la démarche des dirigeants du PS, ni de leur objectif réel.
En reprenant à son compte le retrait du CPE, et du seul CPE, la direction du PS a trouvé la revendication limitée susceptible de lui permettre, espère-t-elle, de canaliser à son profit électoral le mécontentement suscité par la politique du gouvernement. Si Villepin recule, le PS se posera comme le principal artisan de la victoire. Si Villepin ne recule pas, l'agitation sur le CPE permettra au PS de concentrer sa critique de la politique anti-ouvrière du gouvernement sur ce seul point. Et d'avoir un thème de campagne électorale sur le terrain social, sans grand risque ni d'être débordé aujourd'hui ni d'avoir à se déjuger demain face à ceux qui se sont mobilisés pour le retrait du CPE.
Car le PS peut tout à fait s'engager, comme l'a fait Hollande au nom de son parti, à revenir sur le CPE si la gauche revient au pouvoir et tenir sa promesse. Le CPE n'est que le dernier en date de la multitude de contrats précaires déjà existants et, pour ne pas léser le patronat, le PS pourrait proposer d'autres contrats à la place, aussi avantageux, voire plus.
François Hollande a d'ailleurs déjà fait une proposition. Il l'appelle le « contrat de sécurité de formation ». Ce contrat serait un CDI, et ce serait bien sûr mieux pour le jeune embauché. Mais, pour montrer au patronat qu'il ne perdrait rien au change, il propose que l'Etat prenne en charge intégralement les frais de formation. C'est encore de l'argent pour les patrons, prélevé sur le budget de l'Etat ou sur les caisses de Sécurité sociale !
Un « emploi aidé » de plus, bien que seul le patron soit aidé, et pas du tout le salarié. Cette aide consiste à prendre en charge tout ou partie des cotisations sociales, de la fiscalité de l'entreprise, voire même telle ou telle proportion des salaires eux-mêmes. D'après une étude toute récente du Conseil d'Orientation de l'Emploi, il y aurait 2.500 formes différentes d'« emplois aidés ».
Leur coût global pour le budget est estimé à une somme colossale comprise entre 30 et 60 milliards d'euros ! On ne sait même pas combien au juste ! Pourtant, même la très officielle Cour des comptes exprime ses doutes sur l'efficacité de ce système coûteux. Mais si les « emplois aidés » sont totalement inefficaces pour réduire le chômage, ils sont en revanche efficaces pour contribuer aux profits des patrons car cette somme fantastique a bel et bien été empochée !
Même dans l'opposition, le PS ne s'engage sur rien qui pourrait coûter un seul centime au grand patronat.
Martine Aubry, elle, a présenté à la direction du PS un autre projet lumineux pour contrer le CPE. Ce projet s'appellerait « EVA » pour « Entrée dans la vie active ». Il s'agirait, en gros, de proposer aux 18-25 ans qui cherchent du travail une indemnisation mensuelle. Oh, si cela se réalisait, cela arrangerait les affaires de bien des jeunes, même si le montant de cette allocation est minime. Mais en quoi cela justifierait-il le nom pompeux « d'entrée dans la vie active » puisqu'il ne garantit en rien une embauche ? Il est plus facile d'inventer un RMI jeunes dont rien ne garantit ni le montant ni même l'existence, que d'obliger les patrons à embaucher !
Combattre la précarité, ce serait combattre pour que tous les contrats précaires soient transformés en CDI. Il n'en est évidemment pas question pour le PS car ce serait, alors, prendre le contre-pied du grand patronat. Comme il n'est pas question, pour le PS, de pousser à la grève dans les entreprises, c'est-à-dire contribuer à dresser les travailleurs contre le patronat, même sur la seule question du CPE. Le patronat ne pardonnerait pas au PS de jouer avec le feu -et les Hollande, Fabius, Strauss-Kahn, Royal sont trop responsables vis-à-vis de la bourgeoisie pour le faire.
Alors, si le PS participe à la lutte pour le retrait du CPE pour regagner du crédit dans l'électorat de gauche, déçu, découragé, démotivé par cinq ans de gouvernement Jospin, cela n'en ferait pas un parti gouvernant dans l'intérêt des travailleurs.
Contrairement à ce qu'on nous reproche bien souvent, nous ne disons pas que les partis de droite et les partis de gauche sont identiques. Ce que nous disons, c'est que les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois, car ni les uns ni les autres ne veulent toucher à l'ordre social existant mais, au contraire, le gérer tel qu'il est, avec son économie de marché aveugle, sa classe capitaliste rapace, ses injustices sociales criantes.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les partis de gauche ont cependant pris quelques mesures progressistes. Mitterrand a aboli la peine de mort, ce qui est certainement un pas en avant du point de vue tout simplement humain. C'est encore un gouvernement socialiste qui a décidé le PACS ou la CMU. Mais l'une comme l'autre de ces mesures avaient l'avantage pour le PS de ne pas toucher aux intérêts du patronat, et ne pouvaient en rien changer la situation des salariés.
Quant au PC, il mène campagne autour du thème « Battre la droite et réussir à gauche ». Il dit bien des choses fort justes lorsqu'il critique les mesures anti-ouvrières du gouvernement. Plus on s'éloigne de 2002, plus il lui arrive même de mettre en cause certains aspects politiques du gouvernement Jospin. Dans les forums qu'ils organisent, les dirigeants du PCF parlent même de luttes mais en insistant sur le « débouché politique » que devraient avoir ces luttes. Mais ce « débouché politique », c'est encore et toujours une variante de ce qu'ont été en leur temps l'Union de la gauche ou la Gauche plurielle, dont les travailleurs ont pu constater, sous les quatorze ans de présidence de Mitterrand ou sous les cinq de gouvernement de Jospin, qu'elle ne défendait en rien les intérêts des travailleurs face au patronat.
Le PCF, qui avait la présence que l'on sait dans la classe ouvrière, a usé tout son crédit auprès des travailleurs pour les détourner de la lutte de classe et pour les convaincre depuis trente ans que la seule perspective pour les travailleurs, le seul débouché politique possible, était un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. Mais, malgré la présence de ses ministres au gouvernement pendant trois ans sous Mitterrand, pendant cinq ans avec Jospin, le PCF, jamais en situation de peser sur la politique menée, n'a fait que la cautionner devant les travailleurs, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
C'est à cause de cette politique que le PCF a perdu une grande partie de ses militants et une grande partie de son influence dans la classe ouvrière.
Alors oui, nous, Lutte ouvrière, serons présents dans ces campagnes électorales pour nous adresser au monde du travail. Nous y défendrons les intérêts vitaux de tous ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre, ouvriers, employés, cheminots, enseignants, postiers, personnel des hôpitaux et des services publics. Nous y défendrons aussi les chômeurs et ceux qui, aujourd'hui à la retraite après une vie de travail, n'ont qu'une pension dérisoire.
Et, puisque les campagnes électorales, et plus particulièrement l'élection présidentielle, sont les seules occasions qui nous sont données de nous faire entendre de l'ensemble des classes populaires de ce pays, nous saisirons bien sûr cette occasion pour le faire.
Mais d'ici les élections, il y a encore quatorze mois, et j'espère, je souhaite que les travailleurs fassent irruption dans les préparatifs électoraux.
Comme d'habitude, les confédérations syndicales en général, et aucune d'entre elles en particulier, n'ont prévu et annoncé une suite à la journée d'action nationale de demain. Mais une participation très importante des travailleurs aux manifestations est le meilleur moyen de les obliger à envisager une suite, de façon à ce que le 18 mars ne soit pas la fin de l'action, mais une de ses étapes !
Il est indispensable que les travailleurs retrouvent confiance en leur force pour faire revenir le gouvernement sur toutes les mesures anti-ouvrières de ces dernières années, contre les retraites, contre l'assurance maladie, contre les droits des chômeurs. C'est indispensable pour imposer les revendications de l'ensemble du monde du travail contre les licenciements et le chômage, et pour l'augmentation générale des salaires !
Gagner l'épreuve de force déclenchée par le gouvernement, imposer le retrait du CPE et du CNE, ne serait pas encore automatiquement l'amorce de cette contre-offensive, mais cela montrerait que les travailleurs ont la capacité de faire reculer ce gouvernement, non pas en attendant 2007, non pas au Parlement, mais par leurs propres moyens de classe.
Cela fait bien des années que nous avons commencé à développer, sous le nom de « plan d'urgence », un ensemble de revendications qui n'ont rien perdu de leur actualité. Bien au contraire.
- Il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits, et imposer le maintien de tous les emplois en prenant sur ces profits.
- Il faut que les salariés, les consommateurs et la population aient accès à toute la comptabilité des grandes entreprises. Il faut éclairer les circuits de l'argent, voir d'où il vient, par où il passe, où il va et à qui il va. Il faut connaître et rendre publics, à l'avance, les projets des grandes sociétés. La gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration, en fonction de la seule rentabilité financière, montre jour après jour à quel point elle est nuisible pour la collectivité.
- Il faut une augmentation générale du Smic et de tous les bas salaires d'au moins 300 euros.
- Il faut mettre fin aux contrats précaires, à commencer par le CNE et le CPE. Il faut supprimer le temps partiel imposé. Il faut des salaires en aucun cas inférieurs au Smic augmenté, quel qu'en soit le prétexte invoqué : âge, stage...
- Il faut imposer la construction par l'Etat, et non par les municipalités, d'habitats sociaux dans toutes les villes, en réquisitionnant les terrains nécessaires.
- Il faut embaucher des enseignants en nombre suffisant dans les quartiers populaires ! Il faut que, dans les quartiers les plus défavorisés, tous les enfants, et en particulier ceux issus de l'immigration et qui maîtrisent mal le français, trouvent des classes maternelles en nombre suffisant ! Il faut que les effectifs de ces classes permettent aux enseignants de transmettre à ces enfants les connaissances élémentaires que leurs familles sont dans l'incapacité de leur transmettre.
- Il faut en conséquence contraindre l'Etat à prendre sur la classe riche, sur ses revenus et, au besoin, sur sa fortune, de quoi faire face à ces obligations. En commençant d'abord par arrêter toute subvention ouverte ou déguisée aux entreprises, et tout cadeau aux riches particuliers et par augmenter l'impôt sur les bénéfices !
Pour imposer tout cela, il faut une lutte déterminée et radicale du monde du travail. Si dur que cela paraisse aujourd'hui, c'est moins utopique qu'espérer que les élections de 2007, quels qu'en soient les résultats, changent en quoi que ce soit le sort des travailleurs.
Voilà, amis et camarades, les revendications que nous aurons à populariser pendant la période qui vient, car elles correspondent aux intérêts vitaux du monde du travail. Nous le ferons autour de nous, dans nos entreprises comme en dehors, avec nos moyens qui sont certes limités, mais nous le ferons avec détermination. Nous le ferons pendant la campagne électorale, avec les moyens plus larges dont nous disposerons peut-être.
Et j'espère, je souhaite, que tous ceux qui sympathisent avec nos idées ou qui, simplement, se retrouvent dans les objectifs que je viens d'énumérer, nous rejoignent pour mener ce combat, avant comme pendant la campagne électorale !
Alors, camarades, bon courage et à bientôt !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 23 mars 2006