Texte intégral
Q - Qu'est-ce que vous pensez de l'affaire Clearstream que vient d'évoquer Alain Duhamel ?
R - Qu'il faudra que la lumière soit faite. Je n'ai pas d'informations.
Q - Personne n'a d'informations, mais cela fait désordre, quand même !
R - Je souhaite en effet que toute la lumière soit faite, mais les tenants et les aboutissants de cette affaire ne sont pas, aujourd'hui, connus.
Q - Ils sont brumeux pour tout le monde, même pour vous ?
R - Et pour la presse, je le constate !
Q - Ah la presse ! Elle en sait moins que d'autres, c'est évident, dans ce genre d'histoire. L'Union européenne ne veut pas financer le gouvernement de l'Autorité palestinienne que dirige le Hamas, qu'elle tient pour une organisation terroriste. Elle a donc suspendu son aide le 10 avril dernier, et M. Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, sera en France ce soir. Il voit Jacques Chirac demain et lui dit qu'il faut rétablir cette aide parce que le chaos menace dans son pays. Faut-il lui donner satisfaction, Catherine Colonna ?
R - La situation est la suivante : l'Union européenne maintient, aujourd'hui, son aide humanitaire aux Palestiniens, qui représente une grosse moitié de l'aide totale qu'elle donne - et même un très grosse moitié. Mais elle a suspendu son aide budgétaire directe au nouveau gouvernement palestinien dirigé par le Hamas.
Q - Et du coup, 130.000 fonctionnaires ne sont pas payés sur le terrain, mais cela menace l'économie de la Palestine.
R - Pourquoi l'a-t-elle fait ? Parce qu'on ne peut pas financer un gouvernement qui ne reconnaît pas les accords de paix, qui ne reconnaît pas non plus l'Etat d'Israël, et qui n'a pas clairement renoncé à la violence. Alors, il faut, bien sûr, assurer les besoins vitaux des populations. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a maintenu son aide humanitaire et cherche à faire passer le plus d'aide possible, selon des modalités qu'il faudra trouver, de façon à ce que l'aide parvienne à ceux qui en ont besoin, sans passer par le gouvernement. C'est de cela que le président de la République et le président Mahmoud Abbas parleront demain : comment faire passer l'aide à ceux qui en ont besoin, sans passer par le gouvernement ?
Q - En tout cas, tant que le Hamas ne reconnaît pas par exemple l'Etat d'Israël, l'Union européenne ne fera pas de financement de son gouvernement ou par l'intermédiaire du gouvernement. C'est une position maintenue ?
R - Pas de financement direct, c'est la décision qui a été prise le 10 avril, qui est une décision de suspension. Suspension, cela signifie que c'est une mesure qui peut évoluer, qui peut être revue si le gouvernement palestinien évolue lui-même et donne quelques manifestations de sa volonté de respecter les trois principes qui ont été rappelés par la communauté internationale. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Q - Donc, M. Abbas va essuyer un refus, demain, auprès de Jacques Chirac. On ne peut pas faire grand-chose de plus que ce qui se fait actuellement ?
R - Non. Je crois, au contraire, que toute la communauté internationale - l'Union européenne, en tout cas, et la France, assurément - cherche à trouver les canaux qui permettent de faire parvenir l'aide aux populations qui en ont besoin sans passer par le gouvernement palestinien, tant que celui-ci n'a pas respecté les trois principes.
Il est sans doute possible de le faire en utilisant d'abord l'Autorité palestinienne, qui n'est pas le gouvernement palestinien - et le président Abbas, lui-même, rappelle régulièrement à son gouvernement ces trois principes. Il est possible, aussi, d'utiliser peut-être d'autres mécanismes de financement ou des ONG, ou des canaux qu'il faudra trouver. Mais c'est bien la question qui sera, demain, à l'ordre du jour de l'entretien entre le président et le président de l'Autorité palestinienne.
Q - C'est difficile, voire contradictoire, de sanctionner un gouvernement qui a été démocratiquement élu. Tout le monde convient que les élections palestiniennes du 25 janvier ont été des élections régulières.
R - Personne ne conteste, en effet, que ces élections aient été des élections libres, et que le peuple palestinien s'est exprimé démocratiquement. Néanmoins, on ne peut pas transiger avec le terrorisme. Et donc, il y a des principes à respecter. La position de l'Union européenne consiste aussi à montrer au nouveau gouvernement palestinien le chemin qu'il faut suivre, qui est celui de la paix et en aucun cas celui de la violence.
Q - La situation a l'air grave, en Palestine. C'est-à-dire que toute une économie a l'air asphyxiée. On dit que le système bancaire pourrait très vite connaître de graves problèmes, et que tout cela n'aidera pas à la situation qui est déjà très tendue, là-bas.
R - Il est souhaitable, bien sûr, de trouver les bons canaux permettant de faire parvenir l'aide aux populations. C'est souhaitable parce que personne n'a intérêt au chaos. Et puis, pour de simples raisons morales et humanitaires, il faut que l'aide continue à arriver. C'est ce que nous cherchons.
Q - Il y a 10 jours, maintenant, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, avait évoqué les effets de la colonisation française en Algérie, comme ceux d'un "génocide culturel", avait-il dit. "Nous ne savons plus qui nous sommes, nous, Algériens, Européens". Il a eu des mots très durs, et on a noté le silence de la diplomatie française qui, hormis une déclaration du ministre des Affaires étrangères, dimanche dernier, qui a souhaité qu'on ne galvaude pas le mot de "génocide", n'a pas eu de réaction officielle et a, finalement, très peu réagi à ce qu'a dit Abdelaziz Bouteflika. Pourquoi cette timidité, Catherine Colonna ?
R - Vous savez que j'avais accompagné le président de la République, dans sa visite d'Etat en Algérie, début 2003. Et ce que je crois profondément c'est que ce dont nos deux pays ont besoin, ce qui est leur intérêt, ce qui est l'intérêt des deux peuples, c'est de construire une relation franco-algérienne basée sur la confiance, tournée vers l'avenir, et dans un esprit - je dirais - d'apaisement de la mémoire. Nos relations ont une histoire, qui fut complexe, elles ont un présent, mais elles ont surtout un avenir : c'est cela qui doit être notre guide. Et il faut faire attention, parfois, aux mots.
Q - Mais quand la partie algérienne attaque la France comme elle le fait. "C'est une agression" a même dit Jean-Louis Debré, au Grand Jury, dimanche : pourquoi la diplomatie française ne répond pas ? Les Français ont du mal à comprendre cela.
R - Ce qui doit guider notre action, c'est l'intérêt de nos deux peuples. Je viens de rappeler quel était ce contexte. Par ailleurs, les mots peuvent blesser, oui, dans un sens comme dans l'autre. C'est la raison pour laquelle il faut être très attentif aux mots que l'on choisit quand on se parle, surtout entre amis.
Q - Abdelaziz Bouteflika a-t-il été blessant, pour vous ?
R - Il faut faire très attention aux mots, de part et d'autre.
Q - De part et d'autre ? Mais les Algériens n'y font pas beaucoup attention !
R - La querelle des mots n'est pas utile. Elle a même un aspect peut-être anachronique, parce qu'elle ne correspond pas à l'état de nos relations aujourd'hui, ni à ce qu'il faut pour les relations entre la France et l'Algérie à l'avenir. Je crois profondément que ce qui doit continuer à guider notre action - c'est la volonté des deux présidents - c'est la recherche d'une relation de confiance pour l'avenir.
Q - Des mots, toujours. C'était la phrase de Nicolas Sarkozy, samedi : "Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter". Ce n'est pas très diplomatique, ça non plus. Cela vous convient-il, Catherine Colonna ?
Je ne le dirais pas comme lui, parce que chacun d'entre nous a son style.
Q - Et alors, vous le diriez comment ?
R - Et aussi parce je crois que notre société est une société fragile, aujourd'hui, qui a, à la fois, un immense besoin de repères - et donc il faut donner des repères - mais aussi un immense besoin de fraternité.
Q - Catherine Colonna - avec ses mots - était l'invitée de RTL, ce jeudi. Bonne journée ! source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2006
R - Qu'il faudra que la lumière soit faite. Je n'ai pas d'informations.
Q - Personne n'a d'informations, mais cela fait désordre, quand même !
R - Je souhaite en effet que toute la lumière soit faite, mais les tenants et les aboutissants de cette affaire ne sont pas, aujourd'hui, connus.
Q - Ils sont brumeux pour tout le monde, même pour vous ?
R - Et pour la presse, je le constate !
Q - Ah la presse ! Elle en sait moins que d'autres, c'est évident, dans ce genre d'histoire. L'Union européenne ne veut pas financer le gouvernement de l'Autorité palestinienne que dirige le Hamas, qu'elle tient pour une organisation terroriste. Elle a donc suspendu son aide le 10 avril dernier, et M. Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, sera en France ce soir. Il voit Jacques Chirac demain et lui dit qu'il faut rétablir cette aide parce que le chaos menace dans son pays. Faut-il lui donner satisfaction, Catherine Colonna ?
R - La situation est la suivante : l'Union européenne maintient, aujourd'hui, son aide humanitaire aux Palestiniens, qui représente une grosse moitié de l'aide totale qu'elle donne - et même un très grosse moitié. Mais elle a suspendu son aide budgétaire directe au nouveau gouvernement palestinien dirigé par le Hamas.
Q - Et du coup, 130.000 fonctionnaires ne sont pas payés sur le terrain, mais cela menace l'économie de la Palestine.
R - Pourquoi l'a-t-elle fait ? Parce qu'on ne peut pas financer un gouvernement qui ne reconnaît pas les accords de paix, qui ne reconnaît pas non plus l'Etat d'Israël, et qui n'a pas clairement renoncé à la violence. Alors, il faut, bien sûr, assurer les besoins vitaux des populations. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a maintenu son aide humanitaire et cherche à faire passer le plus d'aide possible, selon des modalités qu'il faudra trouver, de façon à ce que l'aide parvienne à ceux qui en ont besoin, sans passer par le gouvernement. C'est de cela que le président de la République et le président Mahmoud Abbas parleront demain : comment faire passer l'aide à ceux qui en ont besoin, sans passer par le gouvernement ?
Q - En tout cas, tant que le Hamas ne reconnaît pas par exemple l'Etat d'Israël, l'Union européenne ne fera pas de financement de son gouvernement ou par l'intermédiaire du gouvernement. C'est une position maintenue ?
R - Pas de financement direct, c'est la décision qui a été prise le 10 avril, qui est une décision de suspension. Suspension, cela signifie que c'est une mesure qui peut évoluer, qui peut être revue si le gouvernement palestinien évolue lui-même et donne quelques manifestations de sa volonté de respecter les trois principes qui ont été rappelés par la communauté internationale. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Q - Donc, M. Abbas va essuyer un refus, demain, auprès de Jacques Chirac. On ne peut pas faire grand-chose de plus que ce qui se fait actuellement ?
R - Non. Je crois, au contraire, que toute la communauté internationale - l'Union européenne, en tout cas, et la France, assurément - cherche à trouver les canaux qui permettent de faire parvenir l'aide aux populations qui en ont besoin sans passer par le gouvernement palestinien, tant que celui-ci n'a pas respecté les trois principes.
Il est sans doute possible de le faire en utilisant d'abord l'Autorité palestinienne, qui n'est pas le gouvernement palestinien - et le président Abbas, lui-même, rappelle régulièrement à son gouvernement ces trois principes. Il est possible, aussi, d'utiliser peut-être d'autres mécanismes de financement ou des ONG, ou des canaux qu'il faudra trouver. Mais c'est bien la question qui sera, demain, à l'ordre du jour de l'entretien entre le président et le président de l'Autorité palestinienne.
Q - C'est difficile, voire contradictoire, de sanctionner un gouvernement qui a été démocratiquement élu. Tout le monde convient que les élections palestiniennes du 25 janvier ont été des élections régulières.
R - Personne ne conteste, en effet, que ces élections aient été des élections libres, et que le peuple palestinien s'est exprimé démocratiquement. Néanmoins, on ne peut pas transiger avec le terrorisme. Et donc, il y a des principes à respecter. La position de l'Union européenne consiste aussi à montrer au nouveau gouvernement palestinien le chemin qu'il faut suivre, qui est celui de la paix et en aucun cas celui de la violence.
Q - La situation a l'air grave, en Palestine. C'est-à-dire que toute une économie a l'air asphyxiée. On dit que le système bancaire pourrait très vite connaître de graves problèmes, et que tout cela n'aidera pas à la situation qui est déjà très tendue, là-bas.
R - Il est souhaitable, bien sûr, de trouver les bons canaux permettant de faire parvenir l'aide aux populations. C'est souhaitable parce que personne n'a intérêt au chaos. Et puis, pour de simples raisons morales et humanitaires, il faut que l'aide continue à arriver. C'est ce que nous cherchons.
Q - Il y a 10 jours, maintenant, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, avait évoqué les effets de la colonisation française en Algérie, comme ceux d'un "génocide culturel", avait-il dit. "Nous ne savons plus qui nous sommes, nous, Algériens, Européens". Il a eu des mots très durs, et on a noté le silence de la diplomatie française qui, hormis une déclaration du ministre des Affaires étrangères, dimanche dernier, qui a souhaité qu'on ne galvaude pas le mot de "génocide", n'a pas eu de réaction officielle et a, finalement, très peu réagi à ce qu'a dit Abdelaziz Bouteflika. Pourquoi cette timidité, Catherine Colonna ?
R - Vous savez que j'avais accompagné le président de la République, dans sa visite d'Etat en Algérie, début 2003. Et ce que je crois profondément c'est que ce dont nos deux pays ont besoin, ce qui est leur intérêt, ce qui est l'intérêt des deux peuples, c'est de construire une relation franco-algérienne basée sur la confiance, tournée vers l'avenir, et dans un esprit - je dirais - d'apaisement de la mémoire. Nos relations ont une histoire, qui fut complexe, elles ont un présent, mais elles ont surtout un avenir : c'est cela qui doit être notre guide. Et il faut faire attention, parfois, aux mots.
Q - Mais quand la partie algérienne attaque la France comme elle le fait. "C'est une agression" a même dit Jean-Louis Debré, au Grand Jury, dimanche : pourquoi la diplomatie française ne répond pas ? Les Français ont du mal à comprendre cela.
R - Ce qui doit guider notre action, c'est l'intérêt de nos deux peuples. Je viens de rappeler quel était ce contexte. Par ailleurs, les mots peuvent blesser, oui, dans un sens comme dans l'autre. C'est la raison pour laquelle il faut être très attentif aux mots que l'on choisit quand on se parle, surtout entre amis.
Q - Abdelaziz Bouteflika a-t-il été blessant, pour vous ?
R - Il faut faire très attention aux mots, de part et d'autre.
Q - De part et d'autre ? Mais les Algériens n'y font pas beaucoup attention !
R - La querelle des mots n'est pas utile. Elle a même un aspect peut-être anachronique, parce qu'elle ne correspond pas à l'état de nos relations aujourd'hui, ni à ce qu'il faut pour les relations entre la France et l'Algérie à l'avenir. Je crois profondément que ce qui doit continuer à guider notre action - c'est la volonté des deux présidents - c'est la recherche d'une relation de confiance pour l'avenir.
Q - Des mots, toujours. C'était la phrase de Nicolas Sarkozy, samedi : "Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter". Ce n'est pas très diplomatique, ça non plus. Cela vous convient-il, Catherine Colonna ?
Je ne le dirais pas comme lui, parce que chacun d'entre nous a son style.
Q - Et alors, vous le diriez comment ?
R - Et aussi parce je crois que notre société est une société fragile, aujourd'hui, qui a, à la fois, un immense besoin de repères - et donc il faut donner des repères - mais aussi un immense besoin de fraternité.
Q - Catherine Colonna - avec ses mots - était l'invitée de RTL, ce jeudi. Bonne journée ! source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2006