Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le rôle et les compétences des Réserves Naturelles de France pour la protection de la biodiverté de la faune et de la flore, Longeville-sur-Mer le 28 avril 2006.

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Circonstance : Congrès des Réserves Naturelles de France à Longeville-sur-Mer(Vendée)le 28 avril 2006

Texte intégral

Monsieur le Président des réserves naturelles de France,
Madame la Présidente de l'ADEV,
Monsieur le Président de la LPO,
Monsieur le Directeur général de l'ONCFS
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d'avoir l'occasion d'intervenir en clôture de votre congrès annuel et spécialement de celui où vous fêtez les 25 ans du réseau des réserves naturelles.
Les réserves naturelles, vous le savez, ont aujourd'hui 30 ans, si on prend pour référence la loi de 1976 qui en a défini le régime.
Mais l'idée est plus ancienne.
La loi du 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, avait déjà été utilisée pour donner un statut de protection juridique à des espaces dont le patrimoine naturel présentait un intérêt pour la collectivité.
36 réserves naturelles ont ainsi été créées.
Naturellement, la loi de 1976 s'accompagnait d'une volonté politique nouvelle. Elle donnait un cadre adapté qui a permis un développement considérable du réseau des réserves naturelles.
Cette loi faisait également la place à l'initiative privée en offrant la possibilité de créer des réserves naturelles volontaires, instituées par l'Etat sur la proposition des propriétaires.
Nous avons ainsi à ce jour 156 réserves naturelles nationales, ainsi que 176 réserves naturelles volontaires.
Ce réseau protège environ 240 000 hectares en France métropolitaine et 306 000 hectares Outre-mer.
Il couvre largement la diversité biologique du territoire national ; on y trouve 70% des habitats naturels jugés prioritaires au niveau européen, ainsi que 82% des espèces de mammifères menacés et 79% des espèces d'oiseaux menacés.
S'il s'agissait aujourd'hui de faire un bilan, il est évident qu'il serait positif, aussi bien en terme biologique qu'en terme pédagogique.
Mais la tâche n'est pas finie, loin de là.
La trentaine de réserves naturelles nationales qui sont en cours d'étude ou de création en témoigne.
Les lacunes du réseau sont en particulier identifiées dans le plan d'actions « Patrimoine naturel » de la stratégie nationale pour la biodiversité qui a fixé des priorités :
- une meilleure couverture des espèces menacées et des habitats prioritaires ;
- un effort croissant à consacrer à l'outre-mer et au milieu marin ;
- et une prise en compte du patrimoine géologique.
Le temps est aussi à la prospective et au partenariat car le législateur a souhaité, dans la loi de 2001 sur la démocratie de proximité, donner aux régions la possibilité de créer des réserves naturelles.
Il a également transféré aux régions la responsabilité des réserves naturelles volontaires.
Quelles politiques seront décidées par les régions ?
Quelle articulation entre l'Etat et les régions quand leurs politiques se rencontreront ? Et elles ne manqueront pas de se rencontrer, d'être complémentaires l'une de l'autre.
Il reste du travail à mener et des débats à organiser pour que cette réforme législative prenne du sens sur le terrain et qu'on en lise les performances d'ici 2010.
J'ai demandé à l'inspection générale de l'environnement de faire un audit des réserves naturelles nationales pour disposer d'un état des lieux.
Je sais que les régions prennent en main de leur côté le nouveau champ de compétence qui leur est donné.
Je pense que nous serons bientôt en mesure de confronter nos points de vue et de bâtir une stratégie gagnante pour la nature et valorisant au mieux l'ensemble des moyens que l'Etat et les collectivités consacrent aux réserves naturelles.
Il faut également replacer la réflexion sur les réserves naturelles dans le champ plus vaste de celle sur les aires protégées dont votre baromètre laisse entendre que la France aurait tout juste la moyenne.
Il y a des discours un peu simpliste sur la superposition des statuts de protection et sur la nécessité d'une simplification administrative.
La simplification est certes toujours souhaitable et vous savez tous que le Gouvernement y a contribué dans de nombreux domaines.
Mais nous devons aussi savoir faire face à la diversité et à la complexité des situations que nous rencontrons.
La diversité des outils de protection ne m'apparaît pas excessive et me paraît répondre à des besoins nettement différenciés.
La stratégie nationale pour la biodiversité et les 7 (et bientôt 10) plans d'actions qui la mettent en oeuvre doivent être le cadre qui garantit la cohérence de tous ces outils.
Je m'attache plus aux résultats qu'aux outils.
Ainsi en matière de biodiversité, je préfère dire que deux tiers des effectifs d'oiseaux hivernants sont recensés dans les espaces protégés plutôt que de dire que ces espaces ne représentent qu'un quart des aires où on recense des oiseaux hivernants.
Il est souhaitable et légitime que les initiatives de protection puissent être prises à plusieurs niveaux : celui des particuliers, celui des communes et intercommunalités, celui des départements, celui des régions, et celui de l'Etat et qu'en fonction des situations, des contraintes et des buts poursuivis, le dispositif le mieux adapté puisse être choisi : règlement, contrat, acquisition foncière, ou une combinaison de ces approches.
Pour autant, un effort de présentation et de cohérence s'impose.
C'est pourquoi j'ai demandé à la direction de la nature et des paysages de produire, d'ici la fin de l'année, une note de doctrine sur les aires protégées, qui présente le dispositif de façon constructive.
Pour cela, les références internationales peuvent être utiles.
La France a fortement soutenu l'adoption, en 2004, du programme sur les aires protégées de la convention sur la diversité biologique.
C'est donc la référence première.
La première étape consiste à faire un diagnostic du dispositif français au regard des dispositions de ce programme. Le comité français de l'UICN a accepté de prendre en charge ce travail et je l'en remercie.
Je compte beaucoup sur RNF, comme membre du comité et ensuite en appui à la direction de la nature et des paysages, pour contribuer à élaborer une vision claire et positive de la conception française des aires protégées.
Dans ce contexte en pleine évolution, le rôle de Réserves Naturelles de France est primordial.
Je vous remercie en particulier pour le travail d'appui aux services des régions que vous avez conduit pour la mise en oeuvre des réserves naturelles régionales.
De façon générale, RNF est depuis longtemps un partenaire essentiel de toutes les réflexions de fond sur nos politiques de protection.
Votre expérience extrêmement diversifiée et les multiples compétences que vous représentez sont évidemment une aide particulièrement précieuse pour le Ministère.
Votre association a d'ailleurs été désignée, dans le cadre de la mise en oeuvre de la Loi organique sur les lois de finances, comme « opérateur de l'Etat » ; ce qui montre la place toute particulière que vous occupez dans le dispositif de la protection de la nature.
Avec le 25ème anniversaire de RNF, une étape s'achève et une nouvelle, tout aussi prometteuse, s'amorce.
Le cadre dans lequel vous insérez votre action a changé comme nous venons de le voir et il changera encore.
C'est notamment la raison pour laquelle, je souhaite vous faire part, le plus clairement possible, de mes analyses et de mes attentes pour l'importante réforme de statuts que vous avez engagée et qu'il me paraît nécessaire de mener à son terme d'ici à votre prochaine Assemblée générale en 2007.
J'insisterai sur trois points principaux :
1. Premièrement, les organismes gestionnaires de réserves naturelles, quel que soit leur statut, ont besoin et auront de plus en plus besoin d'une assistance technique, d'un lieu de partage des expériences et d'une organisation leur garantissant une visibilité et une valorisation de leurs travaux.
Cette fédération des gestionnaires doit rester en dehors de tout cadre partisan, rester sur le domaine technique, être un lieu neutre, de coopération pratique entre les opérateurs des différents types de réserves, un lieu au sein duquel s'esquisse une approche cohérente et pragmatique.
Le Ministère de l'écologie et du développement durable n'est pas membre de RNF, et je ne pense pas que ce serait une bonne idée que d'élargir l'adhésion aux donneurs d'ordre, ni d'ailleurs à des particuliers sensibilisés à la cause des réserves naturelles.
2. Deuxièmement, RNF a bâti l'efficacité de son action durant la phase qui s'achève sur l'agrégation indifférenciée des organismes gestionnaires et des personnes travaillant directement dans les réserves, dans leurs comités de gestion ou leurs conseils scientifiques.
Il me semble désormais indispensable de clarifier ce mode d'actions en envisageant un travail en deux collèges.
Les donneurs d'ordre ont besoin d'avoir un partenaire représentatif des réserves au sein duquel le collège des organismes gestionnaires est majoritaire.
Pour autant, il doit aussi savoir mobiliser le dynamisme et l'expérience des agents présents dans un second collège.
Ce sont des modes d'actions évidemment légitimes, correspondant à un réel besoin, mais ce n'est pas le positionnement dont le Ministère, les Régions et les organismes gestionnaires de réserves ont prioritairement besoin pour RNF.
3. Troisième et dernier point, l'efficacité technique de RNF doit continuer à se développer autour d'un véritable travail en réseau avec les grandes familles d'organismes gestionnaires de réserves.
Cela passe par des conventionnements particuliers et des discussions bilatérales, mais aussi par une politique globale concertée avec l'ensemble des structures fédératrices auxquelles RNF apporte un vrai savoir-faire et une réelle expertise technique.
Votre association est suffisamment légitime du fait de son dynamisme et de sa compétence pour ne rien avoir à craindre de ce type de positionnement.
En avril 2007 l'obligation de réserve pendant la campagne électorale m'empêchera d'être personnellement avec vous pour constater l'aboutissement de votre travail sur les statuts, mais soyez assurés que j'y serai extrêmement attentive et que je recevrai avec plaisir votre conseil d'administration pour faire le point sur cet important sujet, dès qu'il l'estimera possible.
La question budgétaire est importante et je ne peux pas la passer sous silence.
Globalement le budget des réserves naturelles a augmenté ces dernières années et ceci est dû à l'engagement personnel constant des ministres de l'écologie successifs dans un contexte budgétaire de l'Etat de plus en plus difficile.
C'est une bataille qui n'est jamais gagnée.
Les réserves naturelles sont suffisamment importantes pour faire l'objet dans la présentation du budget de l'Etat au Parlement, d'une sous-action à part entière : l'affichage est clair et le débat peut avoir lieu.
Il est par ailleurs important de rappeler que la réforme budgétaire en cours repose sur une plus grande exigence de justification et d'efficacité de la dépense, à laquelle nous devons nous préparer à répondre.
Vous m'avez alertée sur la situation des emplois dans les organismes gestionnaires de réserves naturelles.
La fin du dispositif des emplois jeunes crée notamment des difficultés qui ne pourront pas être compensées entièrement par des emplois permanents.
Je sais que les DIREN font au mieux, avec les budgets disponibles, pour tenir compte de ces situations.
Mais il faut également rechercher des solutions par la mutualisation des moyens, et les expériences existent parmi vous.
Les réserves naturelles ont un avenir et les états d'âme ne sont pas d'actualité.
Plusieurs sont en cours d'extension et nous apportent la preuve, si elle était nécessaire, de leur intérêt.
L'impatience des élus, que je comprends, devant la lenteur de la procédure en témoigne, un projet de réserve naturelle est un atout pour un territoire et il est valorisant pour ceux qui le portent.
La complémentarité avec d'autres projets, je pense en particulier aux parcs naturels régionaux et aux sites Natura 2000, devrait conduire encore plus à l'avenir à la création de réserves naturelles.
A propos de la désignation des sites Natura 2000, je ne résiste pas au plaisir de vous dire que la France a respecté l'échéance du 30 avril qui lui était donnée pour compléter son réseau de sites qui comportera environ 1700 sites. J'ai été très attentive et déterminée à tenir cet engagement, en particulier pour l'avifaune.
Ainsi, la superficie classée en ZPS au titre de la directive oiseaux passe de 1,5% du territoire à 8,2% rejoignant la moyenne des autres Etats.
Enfin, l'extension du réseau devrait connaître un élan nouveau avec la contribution des régions.
L'Etat, pour sa part, s'est donné pour toute première obligation de poursuivre l'objectif de protection des habitats prioritaires au niveau européen et des espèces protégées et doit lancer une démarche équivalente dans le domaine de la géologie et du patrimoine sous-terrain.
Dans les départements d'Outre-Mer beaucoup de projets de réserves naturelles sont déjà entrepris et pour le milieu marin, la création prochaine d'une agence des aires marines protégées permettra de donner un élan décisif à la constitution d'un réseau à la hauteur du patrimoine maritime de la France, réseau auquel les réserves naturelles auront à contribuer.
Votre bilan, incontestablement positif et votre dynamisme prouvent votre réussite collective.
Les réserves naturelles demeurent des éléments indispensables de notre politique de la nature.
Si la rigueur de la situation budgétaire nous invite tous, dans tous les domaines, à davantage de rigueur et d'efficacité, je ne suis pas inquiète pour votre réseau.
Je sais que vous saurez vous adapter, trouver les solutions économes et innovantes et, bien entendu, poursuivre l'oeuvre de protection entreprise.
Je vous remercie. Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 2 mai 2006