Texte intégral
Monsieur le Président,
Cher(e)s Camarades,
Cher(e)s Ami(e)s,
Je suis très heureux dêtre avec vous, à Milan, pour ce quatrième congrès du Parti des socialistes européens. Je salue fraternellement tous les participants et remercie chaleureusement nos hôtes, nos amis Massimo dAlema et Rudolf Scharping, pour leur accueil.
Ce sommet se situe à un moment politique important. Au lendemain du sommet informel de Petersberg, qui -sous la présidence efficace de Gerhard Schröder-sest déroulé positivement et a permis de clarifier -en vue de lindispensable compromis-, les questions délicates de lAgenda 2000, nous nous retrouvons en effet pour donner de lélan à notre commune campagne européenne. Nous le faisons au terme dun travail de réflexion et délaboration politiques remarquable, dont le Manifeste du PSE est laboutissement -et je veux saluer comme ils le méritent Robin Cook et Henri Nallet pour la part décisive quils ont prise à cette entreprise. Je vois dans notre rencontre le signe éclatant de la vitalité et de la richesse de la social-démocratie européenne. Nous sommes bien la principale force politique de ce continent.
Sur le « Vieux Continent « , chers camarades, nous avons su faire naître, puis faire vivre une idée neuve : lunion, librement consentie, de nations qui se sont choisi un destin commun. Pour que ce destin soit fécond, lEurope doit être, selon moi :
une union de nations ;
un espace de croissance ;
un modèle de civilisation ;
une construction cohérente ;
un acteur sur la scène internationale.
1 Une union de nations.
Opposer la Nation -les nations- à lEurope est un exercice vain. Car lEurope est lespace même où, historiquement, sont nées les nations. Elle reste constituée de nations vivantes, riches de leur spécificité, fortes de lattachement de leurs citoyens. La puissance de lEurope se construira donc sur la vitalité de ses nations. Mais lEurope est quelque chose de plus. Elle est devenue une communauté de destin pour 350 millions de citoyens européens. Nos peuples se sont rapprochés et la paix est désormais lair quils respirent. Nos économies sont presque totalement intégrées, construisant un espace économique puissant. Nos monnaies -celles de 11 de nos nations, tout du moins, mais nous attendons les autres ...- se fondent en une monnaie unique.
Nous devons être capables de penser un objectif politique qui embrasse à la fois la Nation et lEurope. Ni négation de la nation, ni repli national, mais une articulation harmonieuse entre chaque pays et notre Europe. Aujourdhui, on se sent Français, Allemand, Italien ou Espagnol, et, dans le même temps, on se sait Européen. Il ny a là aucun antagonisme, aucune contradiction. Cette dualité de référence et dappartenance est ce qui fait loriginalité de notre destin partagé. Nous restons des nations, nous ne pouvons faire naître une « nation européenne « , mais nous bâtissons lunion européenne.
Quant à la forme politique et juridique que prendra cette Europe unie, ne soyons pas nominalistes, ne tombons pas dans une querelle de mots. Ni nostalgie impériale, ni simple coopération entre Etats, ni utopie fédéraliste : lEurope est une construction nouvelle, une entité sui generis. Gardons nos énergies pour faire avancer, chaque fois que cela est possible, lunion de lEurope, pour la rendre plus forte. Et pour cela, consentons - chaque fois que cela est nécessaire-les délégations de souveraineté que cette marche vers lunion implique.
2 Un espace de croissance.
Face au dynamisme américain, face à lémergence de lAsie, lEurope sest trop aisément résignée, ces deux dernières décennies, à être le continent de la croissance faible. LEurope doit redevenir une terre de croissance et de prospérité. Le tournant du siècle doit être loccasion pour nous de cette prise de conscience. LEurope a besoin dune volonté de croissance -la nôtre, celle des socialistes.
Ce que lEurope a su faire dans le passé pour vaincre linflation, elle doit le faire aujourdhui pour combattre le chômage. Faire lEurope de la croissance et de lemploi, tel est lobjectif que nous devons nous fixer pour les années qui viennent, celui que les citoyens attendent de nous, celui que le contexte politique et économique né de lEuro rend désormais possible. A condition den avoir la volonté politique collective. Minscrivant dans la réflexion du groupe de travail animé par notre ami Antonio Guterres, je suggère quatre orientations pour fonder le « pacte européen pour la croissance et lemploi « .
1. Coordonner étroitement nos politiques économiques.
Les politiques macroénonomiques peuvent être efficaces. Entre le dirigisme et labandon libéral de toute politique économique, il y a place en Europe pour des politiques budgétaires et monétaires réalistes, tournées vers la croissance et adaptées à la conjoncture. Ce sera la mission du gouvernement économique -que nous devrons faire naître et dont leuro 11 est lesquisse- que de conduire, en concertation avec la BCE, lindispensable coordination de nos politiques, nécessaire à une plus forte croissance. LEurope peut nous rendre les marges de manoeuvre que la mondialisation a rognées.
2) Redevenir le continent de linnovation.
Innover, investir, développer les nouvelles technologies : voilà comment nous préparerons lavenir, voilà comment nous assurerons une croissance forte et durable. LEurope doit reconquérir une prééminence technologique. Pourquoi ne pas lancer une initiative européenne ambitieuse pour rattraper notre retard par rapport aux Etats-Unis ? Dans cette perspective, la BEI et la Commission pourraient soumettre au Conseil Européen une liste prioritaire de projets garantis par lUnion Il nous faut renouer, en le renouvelant, avec lesprit du programme de « grands travaux « que proposa Jacques Delors il y a dix ans. Si lEurope a toujours besoin de ponts, de routes, de TGV, elle doit aujourdhui se doter de la puissance technologique -je pense à la société de linformation- qui lui permettra de maîtriser son destin. Je rappelle à cet égard que, si nous sommes contraints sur le plan budgétaire, le recours à un emprunt communautaire reste une hypothèse envisageable.
3) Associer les partenaires sociaux au pacte européen de croissance et demploi.
En Europe, la compétitivité ne peut être recherchée sans faire participer les citoyens au progrès et au développement économique. Il faut donc trouver les formes institutionnelles qui permettront dassocier les partenaires sociaux à lélaboration dun pacte européen de croissance et demploi. Ce pourrait être, par exemple, une conférence économique et sociale annuelle réunissant les gouvernements, les partenaires sociaux et la Banque centrale.
4) Avancer dans lharmonisation fiscale et sociale.
Il ne sagit pas duniformiser les systèmes fiscaux, ni dabandonner les principes de souveraineté nationale. Mais nous devons favoriser la coopération. Dans un espace commercial et monétaire unifié, le dumping fiscal ou social nest pas acceptable. Nous devons passer progressivement au vote à la majorité qualifiée dans les domaines -fiscalité de lépargne, impôts sur les sociétés- où la concurrence fiscale peut devenir déloyale. La fiscalité européenne doit par ailleurs prendre en compte les nouvelles exigences de protection de lenvironnement.
3 Un modèle de civilisation.
LEurope est une civilisation. Notre civilisation.
Défendons-la, donnons-lui les moyens de sépanouir.
LEurope est une culture. Cest-à-dire des cultures. Car le propre de la culture européenne est dêtre une rencontre de cultures. Cette diversité est notre patrimoine le plus précieux ; il nous faut le défendre contre la menace de luniformité. LEurope, les cultures européennes, ont besoin de dialoguer avec la culture américaine, mais doivent se garder de linvasion des produits culturels américains. Concilier la marche vers lunité et le respect de sa diversité, proposer ce modèle au monde pour nourrir un autre échange : cest là la vocation de lEurope. La voie de lEurope est celle du dialogue de lidentité et de laltérité.
LEurope veut affirmer son modèle social. Cest pourquoi nous devons promouvoir des conventions collectives européennes et une relance du dialogue social européen. La concurrence est nécessaire. Mais elle ne doit pas menacer les services publics ni aller contre lintérêt général. Des services publics forts, modernes, adaptés, sont non seulement indispensables à la cohésion de chacun de nos pays, mais ils sont aussi un élément important de notre compétitivité économique. Nous devrons donner corps aux « services dintérêt général « reconnus par le traité dAmsterdam.
LEurope doit devenir un espace de citoyenneté, où puissent se poser les termes dun « contrat social européen « :
une charte européenne des droits civiques, économiques et sociaux, à la suite dun Traité social européen ;
le contrôle démocratique des citoyens sur les institutions européennes, par lintermédiaire, notamment, du Parlement européen ;
le refus des intolérances religieuses ou nationalistes, fondé sur une conception actuelle de la laïcité ;
un espace judiciaire européen, qui va de pair avec la libre circulation effective des personnes.
4 Une construction cohérente.
Bientôt lEurope va, par lélargissement de lUnion, retrouver son unité. LHistoire le veut, nous le voulons. Si la réforme des institutions communautaires est le préalable indispensable à cet élargissement, cest quil y va de la cohérence même de lUnion, cest aussi lintérêt des pays candidats. Pour bien aborder cette étape, lEurope doit être efficace et plus démocratique.
Tout dabord, nos institutions doivent saffirmer et apprendre à mieux travailler ensemble. Le Conseil européen doit exercer effectivement sa fonction dimpulsion, dorientation et de décision. La Commission et le Conseil auront à améliorer leur travail commun en organisant davantage de débats dorientation sur les initiatives de la Commission. Le Parlement, le Conseil et la Commission devraient élaborer ensemble un véritable programme de travail législatif. Pour rester garante de lintérêt général européen, la Commission doit être plus resserrée en nombre.
Il nous faut ensuite donner à lEurope les moyens institutionnels nécessaires à son développement et à son approfondissement. Le vote à la majorité qualifiée devrait être généralisé. Il faut enfin mettre en oeuvre le principe de subsidiarité par une application pleine et entière du protocole dAmsterdam sur le sujet.
5 Un acteur sur la scène internationale.
Cela simpose dabord dans la vie économique.
Réguler le capitalisme mondial cest, pour notre génération, prolonger presque logiquement la construction européenne à laquelle se sont attachées les générations précédentes. Cest aussi être fidèle à la vocation historique des sociaux-démocrates. Nous devons aborder cette tâche avec pragmatisme et ambition. Pragmatisme, car nous devons viser des progrès concrets et immédiats. Ambition, parce que chacune de ces avancées doit être conçue comme une étape dans lédification dun nouveau système monétaire et financier international, au service dune économie internationale plus équilibrée.
Des orientations sur la réforme de larchitecture financière internationale -régulation des hedge funds, lutte contre les désordres spéculatifs, amélioration de la gouvernance des institutions financières internationales- ont été adoptées lors du Conseil Européen de Vienne. Il nous faut les promouvoir dans les instances internationales. Les paradis bancaires et fiscaux ne doivent plus être tolérés. Un système de coopération renforcée entre la zone Euro, les Etats-Unis et le Japon constitue une étape essentielle vers une meilleure stabilité des changes.
Cela doit saffirmer au service de la paix.
Pour la France, mais aussi pour lensemble de nos nations, lEurope est une médiation avec le monde. Pour compter sur la scène internationale, lEurope doit non seulement parler et financer, mais aussi agir et influer. LEurope doit saffirmer comme une puissance non dominatrice, comme un partenaire désiré. Il ne sagit ni docculter les diplomaties nationales de nos Etats, ni de leur substituer une diplomatie intégrée. La France na pas renoncé, pour elle même, à une politique internationale. Mais elle souhaite, avec lEurope, peser face aux autres puissances, en particulier face à la plus importante dentre elles.
LEurope doit être une communauté de volonté, afin de faire vivre ses valeurs.
Il ny a pas en effet de puissance sans volonté ni détermination à agir effectivement, en en acceptant le coût et les risques. Je suis heureux et fier, de ce point de vue, de voir la part que prend la diplomatie européenne à la tentative de résolution négociée du drame au Kosovo.
Cette volonté politique doit être mise au service des valeurs que partagent le socialistes européens, et qui doivent guider nos politiques étrangères : la paix et la sécurité collective, la promotion des droits de lhomme et de lEtat de droit, le développement des régions et des pays exclus de la mondialisation, le respect de la diversité des cultures et des sociétés.
Chers camarades, cher(e)s ami(e)s,
Nos partis sont divers. Chacun a son histoire, son lien à la société, son expérience du pouvoir, sa stratégie dalliances, sa place dans un système institutionnel particulier. Mais nous savons tous ici que grande est notre proximité. Par-delà les traditions nationales, il existe entre nous une profonde convergence. Cest en nous fondant sur cette convergence quil nous faut désormais travailler plus avant. Rassemblons-nous autour des grandes valeurs -la liberté, les libertés, la justice sociale, la maîtrise collective de notre destinée, la citoyenneté- qui fondent notre identité politique, pour faire faire à lEurope le pas en avant politique que nos concitoyens attendent.
Lorsquils ont été appelés à se prononcer, dans nos élections nationales, ces femmes et ces hommes se sont majoritairement, dans la période récente, portés vers nos idées, vers nos projets, vers nos candidats. Seuls ou en coalition, nos partis gouvernent dans 13 des 15 pays de lUnion. Cest beaucoup -et il sagit là dune situation politique sans précédent. Mais cela ne suffira pas à transformer lEurope, si nous ne la gouvernons pas autrement. Les élections européennes du 13 juin prochain peuvent être une nouvelle occasion de placer lEurope à gauche. Pour cela, nous ferons campagne chacun dans notre pays. Mais nous ferons aussi campagne ensemble, nous aurons à créer une vraie dynamique européenne. A ma place, et à vos côtés, je suis prêt à y contribuer. Je vous souhaite plein succès.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)
Cher(e)s Camarades,
Cher(e)s Ami(e)s,
Je suis très heureux dêtre avec vous, à Milan, pour ce quatrième congrès du Parti des socialistes européens. Je salue fraternellement tous les participants et remercie chaleureusement nos hôtes, nos amis Massimo dAlema et Rudolf Scharping, pour leur accueil.
Ce sommet se situe à un moment politique important. Au lendemain du sommet informel de Petersberg, qui -sous la présidence efficace de Gerhard Schröder-sest déroulé positivement et a permis de clarifier -en vue de lindispensable compromis-, les questions délicates de lAgenda 2000, nous nous retrouvons en effet pour donner de lélan à notre commune campagne européenne. Nous le faisons au terme dun travail de réflexion et délaboration politiques remarquable, dont le Manifeste du PSE est laboutissement -et je veux saluer comme ils le méritent Robin Cook et Henri Nallet pour la part décisive quils ont prise à cette entreprise. Je vois dans notre rencontre le signe éclatant de la vitalité et de la richesse de la social-démocratie européenne. Nous sommes bien la principale force politique de ce continent.
Sur le « Vieux Continent « , chers camarades, nous avons su faire naître, puis faire vivre une idée neuve : lunion, librement consentie, de nations qui se sont choisi un destin commun. Pour que ce destin soit fécond, lEurope doit être, selon moi :
une union de nations ;
un espace de croissance ;
un modèle de civilisation ;
une construction cohérente ;
un acteur sur la scène internationale.
1 Une union de nations.
Opposer la Nation -les nations- à lEurope est un exercice vain. Car lEurope est lespace même où, historiquement, sont nées les nations. Elle reste constituée de nations vivantes, riches de leur spécificité, fortes de lattachement de leurs citoyens. La puissance de lEurope se construira donc sur la vitalité de ses nations. Mais lEurope est quelque chose de plus. Elle est devenue une communauté de destin pour 350 millions de citoyens européens. Nos peuples se sont rapprochés et la paix est désormais lair quils respirent. Nos économies sont presque totalement intégrées, construisant un espace économique puissant. Nos monnaies -celles de 11 de nos nations, tout du moins, mais nous attendons les autres ...- se fondent en une monnaie unique.
Nous devons être capables de penser un objectif politique qui embrasse à la fois la Nation et lEurope. Ni négation de la nation, ni repli national, mais une articulation harmonieuse entre chaque pays et notre Europe. Aujourdhui, on se sent Français, Allemand, Italien ou Espagnol, et, dans le même temps, on se sait Européen. Il ny a là aucun antagonisme, aucune contradiction. Cette dualité de référence et dappartenance est ce qui fait loriginalité de notre destin partagé. Nous restons des nations, nous ne pouvons faire naître une « nation européenne « , mais nous bâtissons lunion européenne.
Quant à la forme politique et juridique que prendra cette Europe unie, ne soyons pas nominalistes, ne tombons pas dans une querelle de mots. Ni nostalgie impériale, ni simple coopération entre Etats, ni utopie fédéraliste : lEurope est une construction nouvelle, une entité sui generis. Gardons nos énergies pour faire avancer, chaque fois que cela est possible, lunion de lEurope, pour la rendre plus forte. Et pour cela, consentons - chaque fois que cela est nécessaire-les délégations de souveraineté que cette marche vers lunion implique.
2 Un espace de croissance.
Face au dynamisme américain, face à lémergence de lAsie, lEurope sest trop aisément résignée, ces deux dernières décennies, à être le continent de la croissance faible. LEurope doit redevenir une terre de croissance et de prospérité. Le tournant du siècle doit être loccasion pour nous de cette prise de conscience. LEurope a besoin dune volonté de croissance -la nôtre, celle des socialistes.
Ce que lEurope a su faire dans le passé pour vaincre linflation, elle doit le faire aujourdhui pour combattre le chômage. Faire lEurope de la croissance et de lemploi, tel est lobjectif que nous devons nous fixer pour les années qui viennent, celui que les citoyens attendent de nous, celui que le contexte politique et économique né de lEuro rend désormais possible. A condition den avoir la volonté politique collective. Minscrivant dans la réflexion du groupe de travail animé par notre ami Antonio Guterres, je suggère quatre orientations pour fonder le « pacte européen pour la croissance et lemploi « .
1. Coordonner étroitement nos politiques économiques.
Les politiques macroénonomiques peuvent être efficaces. Entre le dirigisme et labandon libéral de toute politique économique, il y a place en Europe pour des politiques budgétaires et monétaires réalistes, tournées vers la croissance et adaptées à la conjoncture. Ce sera la mission du gouvernement économique -que nous devrons faire naître et dont leuro 11 est lesquisse- que de conduire, en concertation avec la BCE, lindispensable coordination de nos politiques, nécessaire à une plus forte croissance. LEurope peut nous rendre les marges de manoeuvre que la mondialisation a rognées.
2) Redevenir le continent de linnovation.
Innover, investir, développer les nouvelles technologies : voilà comment nous préparerons lavenir, voilà comment nous assurerons une croissance forte et durable. LEurope doit reconquérir une prééminence technologique. Pourquoi ne pas lancer une initiative européenne ambitieuse pour rattraper notre retard par rapport aux Etats-Unis ? Dans cette perspective, la BEI et la Commission pourraient soumettre au Conseil Européen une liste prioritaire de projets garantis par lUnion Il nous faut renouer, en le renouvelant, avec lesprit du programme de « grands travaux « que proposa Jacques Delors il y a dix ans. Si lEurope a toujours besoin de ponts, de routes, de TGV, elle doit aujourdhui se doter de la puissance technologique -je pense à la société de linformation- qui lui permettra de maîtriser son destin. Je rappelle à cet égard que, si nous sommes contraints sur le plan budgétaire, le recours à un emprunt communautaire reste une hypothèse envisageable.
3) Associer les partenaires sociaux au pacte européen de croissance et demploi.
En Europe, la compétitivité ne peut être recherchée sans faire participer les citoyens au progrès et au développement économique. Il faut donc trouver les formes institutionnelles qui permettront dassocier les partenaires sociaux à lélaboration dun pacte européen de croissance et demploi. Ce pourrait être, par exemple, une conférence économique et sociale annuelle réunissant les gouvernements, les partenaires sociaux et la Banque centrale.
4) Avancer dans lharmonisation fiscale et sociale.
Il ne sagit pas duniformiser les systèmes fiscaux, ni dabandonner les principes de souveraineté nationale. Mais nous devons favoriser la coopération. Dans un espace commercial et monétaire unifié, le dumping fiscal ou social nest pas acceptable. Nous devons passer progressivement au vote à la majorité qualifiée dans les domaines -fiscalité de lépargne, impôts sur les sociétés- où la concurrence fiscale peut devenir déloyale. La fiscalité européenne doit par ailleurs prendre en compte les nouvelles exigences de protection de lenvironnement.
3 Un modèle de civilisation.
LEurope est une civilisation. Notre civilisation.
Défendons-la, donnons-lui les moyens de sépanouir.
LEurope est une culture. Cest-à-dire des cultures. Car le propre de la culture européenne est dêtre une rencontre de cultures. Cette diversité est notre patrimoine le plus précieux ; il nous faut le défendre contre la menace de luniformité. LEurope, les cultures européennes, ont besoin de dialoguer avec la culture américaine, mais doivent se garder de linvasion des produits culturels américains. Concilier la marche vers lunité et le respect de sa diversité, proposer ce modèle au monde pour nourrir un autre échange : cest là la vocation de lEurope. La voie de lEurope est celle du dialogue de lidentité et de laltérité.
LEurope veut affirmer son modèle social. Cest pourquoi nous devons promouvoir des conventions collectives européennes et une relance du dialogue social européen. La concurrence est nécessaire. Mais elle ne doit pas menacer les services publics ni aller contre lintérêt général. Des services publics forts, modernes, adaptés, sont non seulement indispensables à la cohésion de chacun de nos pays, mais ils sont aussi un élément important de notre compétitivité économique. Nous devrons donner corps aux « services dintérêt général « reconnus par le traité dAmsterdam.
LEurope doit devenir un espace de citoyenneté, où puissent se poser les termes dun « contrat social européen « :
une charte européenne des droits civiques, économiques et sociaux, à la suite dun Traité social européen ;
le contrôle démocratique des citoyens sur les institutions européennes, par lintermédiaire, notamment, du Parlement européen ;
le refus des intolérances religieuses ou nationalistes, fondé sur une conception actuelle de la laïcité ;
un espace judiciaire européen, qui va de pair avec la libre circulation effective des personnes.
4 Une construction cohérente.
Bientôt lEurope va, par lélargissement de lUnion, retrouver son unité. LHistoire le veut, nous le voulons. Si la réforme des institutions communautaires est le préalable indispensable à cet élargissement, cest quil y va de la cohérence même de lUnion, cest aussi lintérêt des pays candidats. Pour bien aborder cette étape, lEurope doit être efficace et plus démocratique.
Tout dabord, nos institutions doivent saffirmer et apprendre à mieux travailler ensemble. Le Conseil européen doit exercer effectivement sa fonction dimpulsion, dorientation et de décision. La Commission et le Conseil auront à améliorer leur travail commun en organisant davantage de débats dorientation sur les initiatives de la Commission. Le Parlement, le Conseil et la Commission devraient élaborer ensemble un véritable programme de travail législatif. Pour rester garante de lintérêt général européen, la Commission doit être plus resserrée en nombre.
Il nous faut ensuite donner à lEurope les moyens institutionnels nécessaires à son développement et à son approfondissement. Le vote à la majorité qualifiée devrait être généralisé. Il faut enfin mettre en oeuvre le principe de subsidiarité par une application pleine et entière du protocole dAmsterdam sur le sujet.
5 Un acteur sur la scène internationale.
Cela simpose dabord dans la vie économique.
Réguler le capitalisme mondial cest, pour notre génération, prolonger presque logiquement la construction européenne à laquelle se sont attachées les générations précédentes. Cest aussi être fidèle à la vocation historique des sociaux-démocrates. Nous devons aborder cette tâche avec pragmatisme et ambition. Pragmatisme, car nous devons viser des progrès concrets et immédiats. Ambition, parce que chacune de ces avancées doit être conçue comme une étape dans lédification dun nouveau système monétaire et financier international, au service dune économie internationale plus équilibrée.
Des orientations sur la réforme de larchitecture financière internationale -régulation des hedge funds, lutte contre les désordres spéculatifs, amélioration de la gouvernance des institutions financières internationales- ont été adoptées lors du Conseil Européen de Vienne. Il nous faut les promouvoir dans les instances internationales. Les paradis bancaires et fiscaux ne doivent plus être tolérés. Un système de coopération renforcée entre la zone Euro, les Etats-Unis et le Japon constitue une étape essentielle vers une meilleure stabilité des changes.
Cela doit saffirmer au service de la paix.
Pour la France, mais aussi pour lensemble de nos nations, lEurope est une médiation avec le monde. Pour compter sur la scène internationale, lEurope doit non seulement parler et financer, mais aussi agir et influer. LEurope doit saffirmer comme une puissance non dominatrice, comme un partenaire désiré. Il ne sagit ni docculter les diplomaties nationales de nos Etats, ni de leur substituer une diplomatie intégrée. La France na pas renoncé, pour elle même, à une politique internationale. Mais elle souhaite, avec lEurope, peser face aux autres puissances, en particulier face à la plus importante dentre elles.
LEurope doit être une communauté de volonté, afin de faire vivre ses valeurs.
Il ny a pas en effet de puissance sans volonté ni détermination à agir effectivement, en en acceptant le coût et les risques. Je suis heureux et fier, de ce point de vue, de voir la part que prend la diplomatie européenne à la tentative de résolution négociée du drame au Kosovo.
Cette volonté politique doit être mise au service des valeurs que partagent le socialistes européens, et qui doivent guider nos politiques étrangères : la paix et la sécurité collective, la promotion des droits de lhomme et de lEtat de droit, le développement des régions et des pays exclus de la mondialisation, le respect de la diversité des cultures et des sociétés.
Chers camarades, cher(e)s ami(e)s,
Nos partis sont divers. Chacun a son histoire, son lien à la société, son expérience du pouvoir, sa stratégie dalliances, sa place dans un système institutionnel particulier. Mais nous savons tous ici que grande est notre proximité. Par-delà les traditions nationales, il existe entre nous une profonde convergence. Cest en nous fondant sur cette convergence quil nous faut désormais travailler plus avant. Rassemblons-nous autour des grandes valeurs -la liberté, les libertés, la justice sociale, la maîtrise collective de notre destinée, la citoyenneté- qui fondent notre identité politique, pour faire faire à lEurope le pas en avant politique que nos concitoyens attendent.
Lorsquils ont été appelés à se prononcer, dans nos élections nationales, ces femmes et ces hommes se sont majoritairement, dans la période récente, portés vers nos idées, vers nos projets, vers nos candidats. Seuls ou en coalition, nos partis gouvernent dans 13 des 15 pays de lUnion. Cest beaucoup -et il sagit là dune situation politique sans précédent. Mais cela ne suffira pas à transformer lEurope, si nous ne la gouvernons pas autrement. Les élections européennes du 13 juin prochain peuvent être une nouvelle occasion de placer lEurope à gauche. Pour cela, nous ferons campagne chacun dans notre pays. Mais nous ferons aussi campagne ensemble, nous aurons à créer une vraie dynamique européenne. A ma place, et à vos côtés, je suis prêt à y contribuer. Je vous souhaite plein succès.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)