Déclaration de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, sur le projet de loi anti-dopage, à l'Assemblée nationale le 3 mars 1999.

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Circonstance : Présentation du projet de loi anti-dopage à l'Assemblée nationale le 3 mars 1999

Texte intégral

PROJET DE LOI ANTI-DOPAGE DERNIÈRE LECTURE
Intervention de Madame Buffet à lAssemblée Nationale, le mercredi 3 mars 1999
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous voici arrivés au terme du travail parlementaire sur le projet de loi que jai eu lhonneur de vous présenter.
Ce travail a été dune très grande qualité. Il sest déroulé dans un esprit constructif, responsable, et a permis denrichir véritablement les propositions du gouvernement.
Je tiens à en remercier tout particulièrement les membres de la commission, son rapporteur et son président.
Je veux également relever comme essentiel, le fait quau-delà de nos différentes sensibilités, un accord profond se soit dégagé autour dun engagement associant étroitement un enjeu de santé publique, et les valeurs que le sport doit porter.
Jai la conviction que lunanimité des deux assemblées, qui sest retrouvée au sein de la commission mixte paritaire, nest pas une unanimité de circonstance, liée à la médiatisation de telle ou telle affaire de dopage.
Ce rassemblement de la représentation nationale est à limage de lattachement des françaises et des français à une certaine idée du sport.
Le sport doit être une source dépanouissement, et non dasservissement. Un moyen de liberté, et non de dépendance. Une porte ouverte sur la citoyenneté, et non une école de la tricherie.
Jajoute que dans le contexte dune lutte contre le dopage qui a pris une nouvelle dimension européenne et internationale, lunanimité du parlement sur des choix dune grande portée, est un atout de premier plan.
Certes, nous nous garderons bien de donner à la nouvelle loi, une valeur de modèle applicable à dautres réalités.
Pour autant, je crois que nous devons bien mesurer à quel point lattitude déterminée de la France, en particulier à travers le vote de cette nouvelle loi, a permis de porter le débat au niveau international sur des bases exigeantes, et daboutir à une position commune des quinze pays de lUnion Européenne.
Cest avec la même détermination que la France entend contribuer au travail engagé en vue daboutir à la mise en place dune Agence Internationale contre le Dopage, indépendante et transparente.
A ce propos, je dois vous dire que les débats auxquels a donné lieu, dans cette assemblée, la création dune haute autorité indépendante, ont été dune grande utilité pour faire prendre en compte une donnée majeure : la lutte contre le dopage doit pouvoir résister à toutes les tentatives de pressions ; quelles émanent de la sphère économique, politique, ou sportive.
Sinspirant de cette démarche, la France a formulé une série de propositions précises sur le statut, les missions, et le fonctionnement de lagence internationale.
Nous proposons, en particulier, que la composition et le financement de cette agence, se traduisent par une implication des Etats, au côté de celle des instances sportives internationales, notamment du Comité International Olympique.
Je le redis ici avec beaucoup de force : la lutte contre le dopage se mènera et se gagnera avec le mouvement sportif.
Elle se mène déjà avec le mouvement sportif.
Je pense, par exemple, et je tiens à leur rendre hommage, aux relayeurs qui ont porté la flamme dun sport sans dopage, de Paris jusquà la Conférence de Lausanne, à linitiative du Comité Français Olympique.
Plus généralement, il faut saluer lengagement sans réserve du CNOSF, dont témoigne, notamment, la campagne pour un sport net.
Je pense également aux centaines dinitiatives, de manifestations sportives, de rencontres, de débats, organisés par des clubs, des collectivités, des fédérations, des associations.
Cette mobilisation qui est nouvelle, est significative de la prise de conscience de la gravité du fléau, et de la nécessité dagir ensemble.
Ensemble, cest-à-dire côte à côte. Sans confondre les rôles et responsabilités de chacun. Ceux du gouvernement et du mouvement sportif sont complémentaires.
Oui, mesdames et messieurs les députés, une dynamique sest créée.
Non, ce mouvement nisole pas la France.
Non, et jy insiste, cette lutte contre le dopage ne se traduit pas par un recul des résultats de la France dans les compétitions internationales.
Cest le refus dun combat éthique qui aurait été pénalisant et nous aurait fait reculer.
Nous avons, vous avez fait un autre choix.
Un choix de société, car le sport est bien un élément constitutif dune culture, dune identité, dun humanisme.
Car, à travers ses principales orientations et innovations, le projet de loi issu de vos travaux sinscrit dans une vision du sport avant tout humaine.
Vous avez fait le choix de la priorité absolue à la prévention. La place de la santé et de la médecine est revalorisée, dans le respect du secret médical, et des rapports de confiance entre un sportif et son médecin.
Vous avez fait le choix dune lutte sans concession contre ceux qui organisent le dopage, qui en tirent profit, et qui sont restés trop longtemps impunis.
Vous avez fait le choix de la transparence, et de lefficacité, en donnant au Conseil National de lutte contre le dopage un statut dautorité indépendante, et de véritables pouvoirs.
Cette loi, nous devons la mettre en oeuvre sans tarder. Cela suppose, en particulier, de donner au Ministère de la Jeunesse et des Sports, des moyens budgétaires supplémentaires, et je ne doute pas de votre soutien dans ce domaine.
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Bien évidemment, si cette nouvelle loi est indispensable, nous savons quelle ne suffira pas.
Les dérives qui guettent léthique du sport ne se résument pas au dopage.
Les menaces qui pèsent sur cette humanité du sport que jévoquais, sont multiples.
Il y a réellement de quoi être inquiet et alarmé quand sorganise un commerce sur des jeunes footballeurs de 10 à 15 ans.
Quand certains clubs, parmi les plus prestigieux du patrimoine sportif, sont à la merci dune opération boursière.
Quand se dessine la perspective dun match entre deux filiales dun même groupe.
Quand les budgets les plus riches du moment espèrent trouver leur salut dans la disparition des clubs moins fortunés.
Ou quand certains transferts atteignent des montants qui ne correspondent à aucune réalité économique, et ont quelque chose dindécent.
Ces menaces sont autant de défis que le gouvernement a la volonté de relever.
Le projet de loi sur le sport que je souhaite vous présenter dans les mois qui viennent portera cette ambition. Cest tout le sens de mon engagement.
Je vous remercie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 10 mars 1999)